Jared + Carry on my wayward son

La tension dans la pièce était palpable. En vingt-et-un ans, Jared n'avait jamais élevé d'opposition contre son père. Pas une seule fois. A quoi bon? Il finissait toujours par se ranger, incapable de faire durer la bataille plus de quelques semaines. Jared avait toujours vécu dans une famille de militaires. Même sa mère, retraitée maintenant, avait été médecin en Afghanistan. Il ne fallait même pas parler de ses frères qui eux, avaient pris la route tracée par leur père sans poser de réelles questions. Mais Jared, il était un peu comme le vilain petit canard, celui qui ne veut pas faire comme tout le monde. Jared, il faisait de la guitare, il allait à l'université, et il ne s'était jamais dit qu'il finirait soldat. Il voulait une vie normale, ne pas être marqué comme l'était son père. On pouvait se dire qu'il le haïssait de ne pas comprendre ça, qu'il pourrait bien lui laisser vivre sa vie, mais quiconque avait un peu d'esprit se rendait bien compte que le problème ne résidait pas là. Jared avait peur. De ne pas être à la hauteur, de décevoir. Au fond, il avait les mêmes valeurs que le reste de sa famille, il voulait la même chose. Mais il avait accepté la vie de citoyen lambda tout simplement parce qu'il était lâche et avait bien trop peur de se planter et de les couvrir de honte. Enfin ... Il ne s'en rendait pas encore compte, mais ça ne devrait plus tarder maintenant.

Pour ce qui était de la situation actuelle, il continuait à croire que vivre à faire de grandes études était ce qu'il avait toujours voulu, quand bien même il détestait ça. Il ne changerait pas d'avis, malheureusement, et c'était ce qu'il voulait faire comprendre à son père, qui se retenait fortement de lui remettre les idées en place avec son poing. Il ne faudrait pas gâcher le dialogue. Le père Peterson était un être aimant. Un peu trop dur avec ses enfants, sévère, et parfois un peu violent, mais il ne pensait jamais à mal et les avait toujours couvé et protégé, du moins lorsqu'il était là et non pas en poste. Les Peterson étaient loin d'être malheureux, à vrai dire. Il leur manquait sans doute une seule chose. Le dialogue. Ils ne l'admettraient sans doute jamais, mais ils n'arrivaient pas à parler. Soit ils criaient, soit ils ne disaient rien, mais les conflits ne se résolvaient jamais par la parole simple. Ainsi, ils avaient commencé la discussion par : " Tu t'engageras, parce que c'est la seule bonne chose à faire de ta vie." qui fut suivi par un "Non." catégorique et sans équivoque. Depuis, plus personne ne disait rien, Alaric et Simon, en permission ce jour là, se contentant de débarrasser la table sans un mot, secrètement pour éviter que quelqu'un ne balance les assiettes par terre, mais aussi pour éviter de prendre part à la conversation. Pour eux, c'était plutôt simple, leur petit frère faisait une crise d'adolescence tardive et reviendrait bien assez tôt à la raison, études ou pas.

Ils auraient pu avoir totalement tort. Le fait est qu'ils avaient raison.