In war, truth is the first casualty ◊ Jaya

« Tu attends quelqu’un ? » alors, en pleine partie de jambes en l’air, théoriquement certainement pas. « Non. » Mais comme la nana qu’Edward était en train de peloter, il n’avait pas trop pu faire l’impasse sur le bruit de pas des escaliers qui menaient jusqu’au perron de sa porte. En même temps avec les à peu près vingt mètres carrés qui constituaient son appart, c’était un peu comme si tous les bruits extérieurs faisaient partie intégrante de l’unique pièce dans laquelle il créchait. Il espéra qu’il ne s’agisse que des voisins d’à côté, qui rentraient de leur journée de boulot où je ne sais quoi, mais ça lui paraissait peu probable, puisque leurs mioches n’étaient pas en train de brailler, comme ils s’adonnaient à le faire habituellement. Genre comme un code à respecter dès qu’ils sortaient ou rentraient chez eux. C’est sûr, ça faisait rêver comme vie.

Edward poussa un long soufflement en réajustant ses fringues, ce qui laissa largement le temps à Jaya de débarquer dans l’appartement, puisqu’elle avait la fâcheuse de tendance à faire des petites visites improvisées, sans avoir la politesse de prévenir. Oui, bon, c’était peut-être parce que c’était comme ça quand on était en couple avec quelqu’un, mais c’était toujours plus sympa de prévenir, histoire d’accorder leurs violons, ou un truc du genre. La blonde qu’il avait dans les bras juste avant sauta du canapé lit comme si elle avait été sur un siège éjectable, attrapa son sac à la volée, ses pompes dans l’autre main. « Désolée » fut ses dernières paroles, avant de s’évaporer. C’était elle qui avait le beau rôle – ce n’était pas elle qui allait se taper le cataclysme Jaya en pleine gueule. Ils se dévisagèrent un moment pendant lequel Edward espéra qu’elle s’en tienne là, tourne les talons et déguerpisse, ce qui lui laisserait le temps d’aller s’excuser… plus tard. La petite engueulade, là maintenant tout de suite, c’était pas trop dans ses projets, mais en même temps comme celui qu’il avait sur le feu venait de déguerpir, ça ne laissait plus vraiment la place à beaucoup d’options. Il se redressa un peu, toujours avec une lueur de défi dans les yeux, comme pour faire comprendre à Jaya qu’elle ne lui faisait pas peur. Et puis quoi encore. Ca aurait été lui donner raison, et il n’en était pas question. « Elle est venue te ramener des cours » prétexta t-il, réalisant trop tard que cette excuse était probablement un aller simple pour l’enfer. C’était ça d’avoir le goût du risque et s’il avait eu le maigre espoir de passer à côté d’une prise de bec, clairement maintenant c’était raté.

Mieux ne valait-il pas préciser la nature des cours en question.

Elle avait fini les cours plus tôt que prévu. L’un de ses profs ayant une conférence à donner dans une université française le soir même, il n’avait pu être présent qu’une petite heure avant de laisser ses étudiants rentrer chez eux. Jaya avait donc récupéré ses affaires avant de rejoindre le logement qu’elle partageait avec Gabrielle. C’était parfois encore difficile de ne pas voir sa mère en rentrant de cours, mais heureusement la blonde était là pour lui rappeler un peu la maison. Elle déposa ses livres sur son bureau, annonçant à son amie qu’elle ressortait pour aller voir Edward, avant de s’éclipser. Elle s’arrêta en chemin pour prendre deux cafés et deux cupcakes avant de rejoindre l’appartement miteux de son petit-ami. Quelques marches qui grincèrent sous ses pas, puis elle s’apprêta à pousser la porte d’entrée de l’appartement. Elle s’arrêta quelques secondes en entendant du mouvement derrière cette dernière. Et avant même de voir ce qu’il se passait de l’autre côté, elle avait déjà sa petite idée. Des bruits curieux, une odeur plutôt féminie qui flottait dans l’air et ce sentiment que Edward avait encore fait une connerie. Elle poussa la porte d’une main, tenant dans l’autre sa commande starbucks, et resta plantée là, sur le perron. Une blonde encore décoiffée et mal rhabillée, s’empressait de ramasser ses affaires, avant de lâcher un petit ‘désolée’ en lui passant devant pour quitter le studio. Son parfum embaumait encore la pièce alors que Jaya observait Edward qui renfilait maladroitement son pantalon. Elle resta silencieuse. La pilule avait du mal à passer. Jusque-là elle le savait infidèle mais ne l’avait jamais pris sur le fait. Alors ils s’engueulaient quand elle trouvait du rouge à lèvre sur ces vêtements, quand il puait le parfum d’une autre en venant la voir, ou lorsqu’elle retrouvait une culotte qui n’était pas la sienne au pied de son lit. Mais là c’était encore autre chose. Elle l’avait clairement interrompu en pleine partie de jambes en l’air. Il se redressa avant d’enfin briser le silence avec le pire mensonge au monde. « Tu te rends compte que ça tiens pas la route ce que tu racontes ? » lâcha t-elle froidement, refermant enfin la porte derrière elle pour s’avancer dans ce salon/chambre/cuisine. « En plus d’être un mauvais petit-ami t’es aussi un mauvais menteur. » Elle posa le sac starbucks sur la table basse, en sortant un café pour en prendre une gorgée tout en dévisageant le salop qui lui servait de petit ami. « Tu me dégoutes. » conclu a-t-elle entre deux gorgée de son latte. « Je l’ai littéralement vu se rhabiller et partir. Et t’oses me dire qu’elle venait me ramener des cours. T’es vraiment con.» Elle restait pour le moment étrangement calme, mais elle n’en était pas moins terriblement blessée.

La solution la plus simple - mais la plus sage aussi – aurait sans doute été celle de plaquer Jaya pour qu’Edward puisse poursuivre sa petite vie de tombeur bien tranquillement, au lieu de se retrouver dans des positions comme celles-ci. Il n’aimait pas trop faire dans les explications et les excuses, ni rendre des comptes. Ca compliquait un peu les choses fatalement quand on était en couple. Les détails à régler, tout ça tout ça. En même temps, il y avait une stabilité à laquelle il n’était pas contre ou en tout cas ce confort duquel il pouvait s’éloigner quand il en avait envie, mais qui n’était jamais très loin lorsqu’il en avait besoin. Et puis s’enfermer dans un schéma à vingt ans, bonjour l’ambiance, surtout lorsqu’on savait toutes les filles qui n’attendaient qu’une chose : qu’on prenne soin d’elles. Il rendait service à tout le monde, voilà. Jaya elle, était intéressante, intelligente, et il y avait toujours une certaine forme de fierté lorsque Ed la présentait à ses potes, parce qu’il savait qu’ils crevaient d’envie d’être à sa place. Du coup, difficile de la céder aussi facilement, et on en revenait, comme là, à tourner dans ce cercle vicieux. Parfois Edward se demandait combien de temps ce manège allait durer, s’ils n’allaient pas péter les plombs tous les deux à force, mais bon, la passion, on sait ce que c’est. Ca avait un petit goût de reviens-y qui faisait qu’ils se retrouvaient précisément dans cette position. Il préféra ne pas répliquer tout de suite. Moins il en disait, moins il avait de chance de s’enfoncer. Il la laissa ensuite l’accuser pendant qu’il la rejoignait, ce qui fut assez rapide, vu la grandeur de la pièce pour piocher l’autre gobelet qui lui était destiné. Elle avait eu une bonne idée tiens, on ne pouvait pas lui reprocher. « Qui te dit qu’elle l’a pas fait ? » ce n’était sûrement pas le moment d’aller dans la méchante provocation, mais entre les tu me dégoutes, t’es con et compagnie, ça commençait à bien faire aussi. Il chopa son regard un instant, et se demanda si elle n’allait pas en profiter pour se venger à coups de latte. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise de toute façon ? » non mais c’est vrai, de toute façon, il n’allait pas batailler contre l’évidence. C’était cool que Jaya réfléchisse, parce que ça la rendait moins lisse que la plupart des nanas qu’il emballait, mais le problème justement, c’était lorsqu’elle réfléchissait trop. « Je la reverrai pas, c’est réglé de toute façon. » Piètre promesse, mais qui avait un fond de vérité puisque la fille en question n’était pas prête à prendre de nouveau ce risque. Se sachant sur la corde raide, Edward préféra couper court, pendant qu’il en était encore temps. « Mais allez Jaya on s’en fout de cette fille. C’est personne. » il attrapa sa main pour y entremêler leurs doigts ensemble. « Reste pas là, viens » il l’attira un peu plus à l’intérieur de l’appartement, pour être sûre qu’elle ne s’échappe pas, même si ce n’était sûrement pas l’envie qui lui en manquait. Elle restait jolie en toutes circonstances, même quand elle était triste.

Edward la rejoignit et n’hésita pas une seconde avant de prendre le second latte qui se trouvait dans le sac. Jaya le regarda faire, silencieusement, alors qu’il en rajoutait une couche, tentant de rendre son mensonge crédible mais sans succès. « Qu’est ce que je veux que tu me dises ? » répéta-t-elle choquée. Elle lui arracha son latte des mains, commençant petit à petit à perdre son calme. Reposant d’un coup sec les deux gobelets sur la table basse elle le fusilla du regard. « Je sais pas, peut-être que tu t’excuses ? Que tu me prouves que ça ne voulait rien dire, que tu m’aimes, que c’était une erreur ? Enfin le genre de chose qu’on dit quand on se fait prendre entrain de tromper sa petite amie ! » Plus ça allait et plus le ton montait. Il lui promettait qu’il ne reverrait pas cette blonde, mais Jaya n’était pas dupe. Si ce n’était pas celle-là, c’en sera une autre. Il n’avait visiblement pas prévu de se remettre en question. Puis naïvement il attrapa la main de l’indienne pour la tirer un peu plus dans l’appartement. Il prenait sa voix de gentil, et ses mots sonnaient comme des excuses même s’ils n’en étaient rien. Elle souffla un coup. Puis refusant de craquer aussi vite elle libera sa main de la sienne, avant de passer nerveusement une main dans ses longues mèches brunes et de faire les cents pas dans ce ridicule appartement. « Comment tu veux que je m’en foute ? Tu me trompe avec toutes les poufs que tu croises ! Et je suis supposée ne rien dire ? te pardonner à chaque fois ? Tu penses que c’est normal ? Que tous les autres mecs font ça ? Que je vais voir ailleurs aussi ? » Elle avait bien fait de reposer les deux cafés, sans quoi elle lui aurait déjà lancé dessus.

Le calme avant la tempête, le dicton caractérisait très bien Jaya, puisque sitôt qu’il eu mit le feu aux poudres, elle sauta sur l’occasion pour l’incendier. Edward ne savait pas trop s’il se sentait plus con d’avoir été pris la main dans le sac ou alors d’être en absence de justifications, tandis qu’elle était en train de les lui servir sur un plateau d’argent. Il s’accouda contre ce putain de buffet qui prenait trop de place dans ce salon en croisant les bras – puisqu’il n’avait pas le droit d’étancher sa soif visiblement – en attendant que l’orage passe. Il n’allait pas trop pouvoir faire l’impasse dessus c’était clair. Non mais en plus, si on commençait à parler d’amour, on était pas rendus, bonjour l’angoisse. « C’est vrai que ça va changer quelque chose » marmonna t-il incapable de savoir ou pas si elle l’avait entendu. Non mais elle n’allait pas lui faire croire que si Ed faisait le petit topo qu’elle lui demandait, la pilule allait mieux passer ? En tout cas moins bien que la première, deuxième, troisième fois. C’était pas de sa faute, s’il n’avait pas d’explications logiques et qu’il ne voulait pas que ça change. Jaya ne voudrait sûrement pas l’entendre puisque comme elle le disait si bien, les bonnes mœurs prêchaient la loyauté, et la tentation, c’était comme le diable incarné. Il fronça les sourcils, partagé entre l’idée de lui dire qu’elle pouvait toujours se laisser tenter si elle en avait envie – est-ce qu’elle l’avait déjà fait ? – histoire de faire une petite balade et revenir ensuite, mais cette idée lui déplut, sitôt émergée. Cela ne l’empêcha pas, sous le coup de l’énervement, de se laisser dépasser par ses pensées. « Mais va voir ailleurs, écoute, tu attends quoi, le top départ ? Super, go, vas y ! » il écarta sa main en direction de la porte, elle connaissait la sortie hein. Il avait presque l’envie sournoise de lui donner une bonne raison de s’emporter, de pleurer, qu’importe. « De toute façon, c’est pas ça qui manque, t’as tout le choix que tu veux dans ta collection de potes parfaits et bien élevés, ils attendent que ça j’t’assure. » Quand Jaya était dans cet état là, elle lui faisait penser à sa mère. Un ou deux mecs étaient passés dans sa vie depuis que son père s’était barré, mais elle s’était toujours chargée de son éducation toute seule, essayant toutes les méthodes. Les menaces, les cris, les punitions, le chantage affectif, les pleurs aussi, et puis la résignation. On était un peu dans le même cas de figure, puisqu’il lui avait à chaque fois assuré qu’il allait arrêter de cogner les gars dont la gueule ne lui revenait pas, ou cesser d’insulter les profs, sans succès. C’était pour ça aussi qu’il avait fait des pieds et des mains pour aller dans cette université à la con, à coup de mensonges, falsifications de documents et compagnie, argent obtenu dans la toute illégalité, et ensuite la tchatche avait fait le reste. Comment elle avait fait pour croire qu’il était capable d’avoir un avenir à Oxford c’était une autre histoire, mais vu comme elle avait l’air absente ces derniers temps, ça avait été plus facile que prévu de l’embobiner.  Jaya avait à peu près la même expression qu’elle dans le regard, ce qui lui fit finalement ressentir le malaise et la culpabilité, même s’il n’était pas encore forcément prêt à l’avouer. « C’était pour passer le temps, et t’es un meilleur coup, voilà, t’es contente ? » ce n’était pas le genre d’excuses qu’elle voulait entendre, mais c’était ce qu’il avait de mieux à lui offrir.

Il marmonna un truc que Jaya ne parvint pas à décrypter (et heureusement pour lui) avant de reprendre la parole. Insolant comme jamais, il n’hésitait pas à inviter sa petite-amie à aller voir ailleurs. Elle serrait les points, arrêtant ses cent pas pour le fusiller du regard. Est-ce qu’il la mettait au défi ? Est ce qu’il fallait qu’elle tente de le relever ? Qu’elle s’envoie elle aussi en l’air avec le premier venu ? Oui Jaya y avait déjà pensé, sous le coup de la colère, elle c’était déjà dit que lui faire la même chose serait la meilleure des punitions. Mais elle n’avait jamais mis cette menace à exécution. Simplement parce que rien que la pensé de le tromper la faisait culpabiliser. Parce qu’aussi con soit-il, elle l’aimait vraiment et ne se le pardonnerait pas si elle venait à lui être infidèle. Edward par contre n’avait visiblement pas de problème de culpabilité et parfois Jaya se demandait s’il ressentait vraiment quelques choses pour elle ou s’il faisait simplement semblant. Plus elle y réfléchissait et plus son regard s’adoucissait pour venir se teinter de tristesse. Elle était la seule à faire un effort. Elle sortait avec une sorte de pyromane qui prenait un malin plaisir à réduire en cendre tout ce qu’elle construisait. Et même si elle arrivait parfois à éteindre l’incendie, elle savait pertinemment qu’il recommencerait. Est-ce que c’était dans sa nature ? est ce qu’il n’était comme ça qu’avec elle ? Elle ne pouvait pas le savoir et il était certainement incapable de lui donner une réponse. « Passer le temps… » répéta-t-elle. Elle prit quelques secondes pour réfléchir : ils avaient passé la soirée ensemble, pas de sexe puisqu’elle était rentrée chez elle vers les coups de 22 heures. Elle était partie en cours le matin, avait passer la journée à la fac et il était à présent 17 heure. Edward était donc, littéralement, resté loin d’elle un pendant 14 heures. 14 heures auxquels l’on pouvait déduire potentiellement 8 heures de sommeil. Ce qui nous faisait un magnifique totale de 6 heures. 6 heures durant lesquels il n’avait pas trouver mieux pour passer le temps que de s’envoyer une inconnue « Y’a plein d’autre façon de passer le temps Edward. Tu peux jouer à des jeux vidéo, cuisiner, lire, regarder un film, sortir, aller en cours… Et si vraiment tu peux pas la garder dans ton slip tu peux toujours te regarder un porno, bordel ! » Une fois de plus le ton montait. Il était décidemment le pire pour trouver des excuses. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, il était, de toute façon, en tort. Et oui elle lui pardonnerait, parce qu’elle le faisait toujours, mais elle n’oublierait pas. « T’as vraiment un problème de libido. » Concluait-elle.

Il fut à la fois étonné et soulagé de voir que Jaya ne le prenait pas au mot et elle se garda bien de relever sa remarque. Constatation qu’il allait bien soigneusement éviter de révéler aussi, parce que sinon, ça voulait dire que ça comptait, et ça, il n’était pas question de le lui laisser croire. Edward se demanda malgré tout jusqu’où ils étaient tous les deux capables d’aller comme ça, le plus loin possible, jusqu’à se jeter sciemment dans le vide. C’était lui qui avait ouvert la voie, d’accord, et si d’un côté il était curieux de voir si elle était capable de plonger ou pas, ça risquait de mal se finir, ce qui était plutôt bien parti. « Et genre toi, ça te dit pas d’arrêter d’être chiante ? » Pousser le vice de ce jeu de plus en plus malsain, c’était son domaine et elle ne risquait pas de le battre là dessus, même s’il risquait de s’en mordre les doigts plus tard. Il n’avait pas envie d’entendre son raisonnement, dans une réaction complètement puérile de contradiction, parce qu’il savait qu’il était face à un cul de sac et que la seule façon de faire dans ces situations là, c’était d’envoyer bouler Jaya.  « Non parce qu’on peut pas dire que ça te pose toujours problème, mais visiblement t’as la mémoire plutôt courte. » Sitôt ces mots franchis, Edward entendit l’alerte de point non retour qui résonnait dans un coin de sa tête, quitta d’un coup son perchoir et décida de la rejoindre, avant que Jaya n’ait la bonne idée de se barrer pour de bon. C’était peut-être trop tard pour ça, mais ça valait toujours le coup d’essayer. « On va pas rester sur ces histoires de morales pendant quinze ans, de toute façon, c’est fait. » Il commençait à en avoir ras le bol qu’elle lui rabâche les oreilles avec ça. De nouveau il attrapa ses mains pour les serrer dans les siennes, ce qui était aussi une tactique pour qu’elle évite de lui en coller une, maintenant qu’ils étaient si proches. Il déposa un baiser sur le sommet de son crâne, en espérant que cela suffise et qu’il n’ait pas à expliquer qu’à vingt ans, être coincé dans une relation c’était inenvisageable, mais qu’il était bien trop égoïste pour la laisser filer. Que c’était injuste pour elle, et qu’elle méritait mieux, mais que ça non plus, il ne voulait pas l’envisager.

Il l’incita à s’asseoir sur le canapé, attrapa ensuite un des deux cafés, ignorant lequel était à elle, avant de revenir s’accroupir devant Jaya, après le lui avoir collé dans les mains. « C’est n’importe quoi tout ça. Je sais pas quoi te dire, parce que y’a rien à dire. » expliqua t-il plus doucement, tandis que son pouce caressait le dos de sa main. Elle avait raison, comme il lui admettait plus ou moins pour lui faire plaisir. « Arrête d’être triste, d’accord ? » Au fond il n’avait aucune satisfaction à la mettre dans cet état. Ce qu’il lui restait à faire c’était lui prouver qu’il n’y avait pas que les mots pour se faire pardonner.

Jaya soupirait alors que Edward revenait à l’attaque. Il devait certainement savoir qu’il avait tort puisqu’il évitait un peu le sujet. Préférant soulever un point que Jaya avait vu venir. Evidemment quand il couchait avec elle ça ne la dérangeait pas, mais quand d’autre en profitait là, c’était plus embêtant. « J’ai pas la mémoire courte. J’ai simplement pas envie de te partager. » fit-elle remarquer d’un air ronchon, avant d’ajouter un peu plus froidement : « Puis tu sais pas où ces filles ont trainé. J’veux pas finir avec une maladie à la con à cause de toi. » Ouais, parce que ne pas savoir où son petit-ami trainait été aussi un peu flippant de ce point de vue là. Mais Edward ne pensait pas à ce genre de chose, déjà qu’il ne semblait même pas comprendre que son comportement puisse blesser Jaya.
Il fuyait le sujet, évitait les excuses, tout en se rapprochant d’elle. Partant du principe que de toute façon c’était fait et qu’il était trop tard pour revenir en arrière. Il n’avait pas totalement tort en soit, même si ça agaçait Jaya qu’il veuille oublier ce qui c’était passé comme si ce n’était qu’un banal incident. Comme s’il venait simplement de casser un verre et que ce n’était rien. Il lui prit les mains, les serrant dans les siennes, avant de venir déposer sur le sommet de son crâne. C’était presque assez pour lui faire déposer les armes. Il l’entraina jusqu’au canapé, la forçant un peu à s’y assoir, avant de lui refiler l’un des deux lattes et de venir s’accroupir devant elle. Selon lui il n’y avait rien à dire. Et une fois de plus il jouait avec le feu, surtout maintenant qu’il était accroupi là, et qu’elle avait un café encore bien chaud entre les mains. Le lui vider sur la tête n’aurait jamais été aussi simple quand cet instant. Mais Jaya n’en fit rien. Elle observa le gobelet blanc, détaillant le logo vert de la chaine de magasin, sans dire un mot, alors qu’un Edward tendre refaisait son apparition. Il caressait sa main gentiment et ne la quittait pas des yeux. Elle lui accorda tout de même un regard, certainement plus triste qu’elle ne l’aurait voulu avant de hocher lentement la tête et de prendre une gorgée de son café. « Y’a des cupcakes dans le sac. » fit-elle remarquer en indiquant le sac un papier d’un léger mouvement de la tête. C’était sa façon à elle d’accepter de passer à autre chose. Enfin… jusqu’à ce que Ed ne fasse une autre boulette évidemment.

Tout aurait été bien plus simple si dès le début, ils avaient trouvé un commun accord. Le problème, c’était évidemment Jaya qui était allée bien trop loin dans ses sentiments pour faire marche arrière. Inévitablement pourtant, cela aurait pu leur éviter des confrontations comme celle qu’ils venaient d’essuyer. Parce que la faire tourner en bourrique était un de ses sports favoris d’accord, mais quand il était spectateur des traits de son visage affaissé par la tristesse, il n’en tirait aucune fierté. Malheureusement, c’était toujours lorsqu’il la poussait à bout et qu’elle se comportait ensuite ainsi qu’il se mettait à prendre un peu plus les états d’âmes de sa meuf, ce qu’elle lui reprochait constamment. Bref, vous voyez le délire. La tempête semblait plus ou moins se calmer en tout cas, parce que si Jaya y allait toujours sur les remarques, elle n’était plus dans la même dynamique, c’était sans doute le bon moment pour faire profil bas. Preuve de sa bonne volonté, il ravala toutes ses blagues qui lui venaient à l’esprit lorsqu’elle évoqua les gâteaux, preuve de sa grande volonté. Mais oh non , ça par contre, elle n’allait pas le notifier, hein. Il s’exécuta néanmoins face à cette demande informulée et attrapa son propre café par la même occasion doutant qu’il soit encore très digeste, s’il avait refroidi entre temps. Il se creusait clairement les méninges pour essayer de détendre l’atmosphère, tandis qu’il gobait son cupcake. Bon, il fallait qu’elle retrouve le sourire. Edward l’embrassa sur la joue pour la faire réagir, avant de l’attraper par la taille pour la faire basculer sur le canapé, et comme ça, avoir une meilleure prise pour lui chatouiller les côtes. Naturellement, il retrouva très vite les lèvres de Jaya contre les siennes, pour signer définitivement la trêve. « C’est bon, t’as le droit de choisir le film de ce soir. » dit-il après avoir reprit son souffle, tout en l’aidant à se redresser. Une façon comme une autre d’essayer de demander le pardon. Le tout était de savoir si elle allait faire l’effort de lire entre les lignes ?

L’orage était passé. Jaya ravalait sa fierté, se laissant une fois de plus charmer et acceptait de passer à autre chose. Evidemment la tromperie restait dans un petit coin de son esprit et elle se sentait trahis, mais elle ferait l’effort de ne pas trop lui en vouloir. Un silence presque pesant s’installa alors qu’Edward attrapait l’un des deux cupcakes pour le dévorer. Jaya restait le regard dans le vide, buvant son latte tout en se faisant à l’idée qu’elle allait devoir faire comme si rien ne c’était passé. Soudain Ed, qui avait visiblement terminer son gâteau, vint déposer un rapide baiser sur sa joue. Juste assez pour la sortir de ses pensées, avant qu’il ne l’attrape par la taille pour la faire basculer et la chatouiller. Jaya se tortilla un peu tout en gloussant sous les attaques d’Edward, avant de s’immobiliser pour lui rendre son baiser. Comment est-ce que salop qui venait de la tromper pouvait aussi être le plus adorable des petits copains ? « C’est bon, t’as le droit de choisir le film de ce soir. » lui lâcha t-il dès que leur lèvre se séparaient. Evidemment la première remarque qui traversait l’esprit de Jaya était quelque chose du genre : ‘Heureusement que j’ai le droit de choisir le film tien ! c’est la moindre des choses !’ mais elle garda son sarcasme pour elle, ne voulant pas ruiner le moment en relançant les hostilités. Elle se contenta d’esquisser un sourire presque narquois avant d’annoncer : « Love Actually. » Ce choix était plus pour emmerder Edward qu’autre chose. Une sorte de petite vengeance si l’on veut. Et puis qui sait, peut-être qu’à force de regarder des comédie-romantiques il finirait par se comporter en gentleman. Elle vint déposer un rapide baiser sur les lèvres du jeune homme avant d'ajouter sans lui laisser le choix : « Et on mange chinois. »