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 Moi, je voulais faire le tour de la terre avant d'arriver jusqu'à toi [Ivory] [Terminé]

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MessageSujet: Moi, je voulais faire le tour de la terre avant d'arriver jusqu'à toi [Ivory] [Terminé]   Moi, je voulais faire le tour de la terre avant d'arriver jusqu'à toi [Ivory] [Terminé] Icon_minitimeLun 17 Sep - 3:08

Le parc du campus était animé ce jour-là. Les étudiants étaient plongés dans des conversations passionnantes, des débats enflammés. L’ambiance était encore à la fête, puisque les cours n’avaient pas encore débuté. Mais les retardataires se pressaient vers le bureau du registraire pour finaliser leur inscription et payer leurs droits de scolarité. Jordan n’avait aucune idée de quoi ils parlaient, leurs paroles lui parvenant comme un mélange confus à ses oreilles, mais il se plaisait à découvrir ce nouvel univers, comme un pays qu’il visitait pour la première fois. Car c’était un peu ça en même temps : il n’avait encore jamais osé rester plus que vingt-quatre heures, - le temps d’une escale, - en territoire britannique. Pourquoi? Bonne question. Peut-être parce qu’il voulait avoir tout vu avant… avant de fouler le même sol qu’Ivoire. Jordan secoua la tête et un petit sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’il sortait sa guitare de son étui.

*N’importe quoi…* pensa-t-il, amusé.

Il gratta les cordes une à une, ajusta l’accordage, puis, satisfait, il commença par une chanson en espagnole dont les paroles avaient été écrites au Pérou. Un vieux mythe inca transposé sur une musique qu’il avait composée avec Ivoire, un soir tard sur le bord d’une plage de la côte est américaine. Une histoire d’amour comme il y en avait tant. Un guerrier amoureux d’une princesse plus belle que la nuit, plus resplendissante que le jour. Elle semblait l’ignorer, inatteignable derrière sa cour. Le guerrier traversa de nombreuses péripéties avant de revenir vers sa princesse. Mais il était trop tard, elle était déjà mariée. Les obstacles qu’avait dû traverser le guerrier n’étaient qu’une tentative du père de la belle pour l’éloigner. Fou de désespoir, trahi et dégouté, il disparut dans la nature et on ne le revit jamais plus. À l’endroit où l’on perdit sa trace pousse une sorte d’orchidée que l’on ne retrouvait nulle part ailleurs. Les incas l’appelaient « larme du guerrier ».

Sans doute qu’il y avait des gens pour l’observer, sans doute qu’il passait inaperçu. Comment savoir? Et au fond, il ne faisait pas ça pour se donner en spectacle. C’était juste pour le plaisir de la chose. Alors qu’il arrivait à une succession d’accords particulièrement complexe, il lui sembla qu’un regard était fixé intensément sur lui. Bon. Il était observé finalement. Son spectateur impromptu allait-il se manifester? Ou juste laisser tomber quelques pence devant lui, le confondant avec un musicien ambulant? Quoiqu’il en soit, il préféra se concentrer sur ses accords, au moins jusqu’à un passage plus facile, - le refrain, -mais il ne s’y rendit jamais, car son spectateur venait de lui adresser la parole.


« La larme du guerrier! Voilà des années que je ne l'avais pas entendue! »

Il arrêta brusquement de jouer, se figeant sous l’effet de la surprise.

Avait-il bien entendu? Il hésitait entre l’hypothèse que son ouïe lui jouait des tours et celle, beaucoup plus farfelue, beaucoup plus insensée, que c’était bel et bien Ivoire. Alors il ne se retourna pas, mais il avait le dos bien droit. Il déglutit avec difficulté.


« Pardon? »

Et pendant ce temps, dans sa tête, les deux hypothèses se bousculaient, s’entrechoquaient : laquelle était vraie, laquelle était fausse? Elle vint s’asseoir à côté de lui, son odeur vint parfumer l’air ambiant. Une odeur de petits fruits rouges qu’il reconnaissait même bien des années plus tard.

« La dernière fois que j'ai entendu cette chanson, c'était à Montréal, il y a des années de cela! »

Eh bien il semblerait que la moins probable des deux hypothèses était la vraie. Jo se retourna brusquement. L’ouïe, l’odorat et maintenant même la vue lui confirmaient que c’était bien elle.

« Ivoire…, » laissa-t-il échapper dans un murmure. Ses doigts serrèrent davantage sa guitare, pour se retenir de tendre la main vers elle et la toucher, ce qui était franchement ridicule parce qu'il se serait empressé de serrer dans ses bras et faire la bise à n'importe laquelle de ses connaissances. Alors pourquoi se retenait-il autant avec Ivoire? Une multitude de questions se bousculaient dans sa tête. Comment allait-elle? Que faisait-elle? Était-elle heureuse? Sa mère, sa sœur… comment allaient-elles? Qu’était-elle devenue? Jouait-elle toujours de la guitare, du piano? Et surtout, une, plus faible que les autres : avait-elle quelqu'un dans sa vie? Alors toutes voulurent sortir en même temps dans un mélange confus de français et d’anglais.

« Com… qu’est-ce… Com… »

Se rendant compte qu’il devait avoir l’air franchement stupide à bégayer ainsi, il referma vivement la bouche et se tut. Mais le rire d’Ivoire était contagieux et il se mit à rire aussi. C’était un son si doux à ses oreilles, comme un tintement de carillon dans le vent. Ça aussi, ça lui avait manqué.

Les rires se calmèrent et la jeune femme répliqua :


« C'est plutôt à moi d'être surprise de te voir ici! »

Jordan fronça alors les sourcils. Qu’y avait-il de si surprenant à cela? Elle lui avait dit qu’elle étudierait à Cambridge. Il avait pris une chance, c’est tout. La chance lui avait souvent souri au cours de son périple autour du monde. Pourquoi pas maintenant? Mais devait-il lui dire cela ainsi : « Je suis venu pour te retrouver »? Non franchement, ça sonnait vieux voyeur… Il allait s’en tirer autrement.

« Eh bien en fait, Cambridge était mon troisième choix, le premier étant l’université de…» Vite! Trouver le nom de fac le plus ridicule possible! « Euh…» Trouvé! « Polynésie! »

Quelle personne sensée préfèrerait une obscure université océanienne à la prestigieuse Cambridge? Il mit sa guitare de côté et tourna le haut de son corps vers la blonde jeune fille. Il pouvait au moins lui demander s’il pouvait lui faire la bise, non? Ce n’était pas une pratique courante en Grande-Bretagne. Il se retint de justesse de lui poser la question.

Mais bon sang! Pourquoi son cœur faisait-il un tel boucan dans sa poitrine?

Jordan n'arrivait pas à quitter Ivoire du regard. Par conséquent, le sourire, puis le tressaillement à la commissure de ses lèvres n’échappèrent pas à l’œil perspicace de Jordan.


« Ravie de savoir que Cambridge fut ton troisième choix, et que tu sois recalé de l'université de... Polynésie et la seconde. »

Elle ne le prenait pas au sérieux. Évidemment qu’elle ne le prenait pas au sérieux. Elle l’avait côtoyé suffisamment longtemps pour déceler la différence entre le Jordan sérieux et celui qui ne l’était pas. Cependant, elle ne lui demanda pas la vérité. Parce qu’elle s’en fichait au fond? Ou parce qu’au fond d’elle, elle avait deviné la véritable raison qui l’avait poussé à choisir Cambridge? Encore une fois, débat interne entre les deux hypothèses, croyant la première parce que c’était la plus crédible des deux, souhaitant ardemment que la deuxième soit vraie… Peut-être aussi qu’elle croyait uniquement aux affres du hasard. Mais le hasard avait le dos vachement large, parfois.

La voix d’Ivoire le tira de ses pensées.


« Est-ce que ce serait mal placée de ma part de te prendre dans mes bras? »

Il la fixa, incrédule, pendant cinq bonnes secondes… avant de finalement l’attirer vers lui et la serrer dans ses bras, fermant les yeux et humant avec bonheur l’odeur de ses cheveux.

« C’est bon de te revoir…, » lui dit-il avec douceur.

« C'est si bon de t'avoir près de moi! Qui aurait pu penser qu'on allait se retrouver à Cambridge! »

Lentement, presque à regret, il se détacha d’Ivoire. Il ne savait plus trop ce qu’il préférait : la sentir contre lui ou la regarder? Il sourit, voulant la taquiner pour le coup.

« Ben tu m’as pas trop laissé le choix. Ça faisait un bail que je n’avais… » Merde. Il marqua un temps d’hésitation. Que venais-tu de dire là, malheureux? Trop tard. Il plongea. « …pas eu de nouvelles de toi. »

Génial. Il s’était trahi. Et en beauté en plus de ça. Il se mordit la langue, geste discret qui ne dévoilait pas (trop) son trouble. Il avait parlé spontanément, sans réfléchir. Et puis, ça ne se faisait pas de lui reprocher cela comme ça, car il avait aussi malheureusement sa part de responsabilité dans leur éloignement. Loin des yeux, loin du cœur, comme le disait l’adage. Il l’avait appris à la dure.

Il protesta faussement d'un « Hé! » lorsqu’elle le poussa, plus pour la forme qu’autre chose.


« Ne me reproche pas ça ! Tu es tout aussi en faute Mr le voyageur qui s'installe en Angleterre! »

Il se flatta le menton, faisant mine de réfléchir à ce qu’elle venait de dire. Mais elle avait tout à fait raison, et il n’avait aucun mal à le reconnaître. Alors il poussa un soupir, capitulant. Après tout, il n'était pas rancunier.

« Ok, ok… On est quittes. Nous avons tous les deux notre part de responsabilités là-dedans. » répondit-il dans un éclat de rire. D’autres qu’eux se seraient probablement engueulés, mais pourquoi gâcher de si douces retrouvailles pour si peu?

« Alors, dis-moi… qu’est-ce que tu deviens? »

Mais en fait, ce qu’il cherchait à savoir, c’était si elle était heureuse. Elle le paraissait. Du moins… elle semblait en pleine forme. C’était comme si toutes ces années passées loin l’un de l’autre s’effaçaient pour ne laisser que l’impression qu’ils s’étaient vus pour la dernière fois la veille. Presque.

« Eh bien... J'entame ma cinquième année de musicologie. Je vis toujours avec Redmund! J'ai comme tu peux le constater de nouveaux tatouages. »

« Ah ouais! Cinquième année! C’est pas rien! » Il prit la main d’Ivoire pour mieux voir le tatouage en question. Il siffla d’admiration. « Joli! Moi, j’en ai un et ça me suffit. » Il l’avait déjà du temps où ils sortaient ensemble. Un symbole celte sur l’omoplate droite, rappelant les origines bretonnes de sa mère. Elle lui retourna la question :

« Et toi alors?! Tu comptes rester vivre à Cambridge ou bien ce n'est qu'un passage éclair? »

Et il sourit. « Attends… je dois te montrer un truc. » Il farfouilla dans son sac longuement, car, toujours égal à lui-même, son sac était un fouillis indescriptible pratiquement. Il s'attendait même à ce qu'Ivoire le charrie à ce sujet. Après tout, c'était un peu sa marque de commerce. Ivoire ne fit aucun commentaire : trop hilare pour dire quoique ce soit, ou trop curieuse de voir ce qu’il avait à montrer? Enfin, il dénicha ce qu’il cherchait : sa carte étudiante de l’université de Cambridge, qu’il était venu chercher plus tôt ce jour-là. Il plaça la carte à côté de son visage en souriant largement cette fois.

« Alors? Qu’est-ce que tu en dis? » Sur la carte, on pouvait lire ‘Jordan Deneriaz Undergraduate student’, étudiant de premier cycle. Bon, la photo était moche et il avait un air un peu ahuri dessus, mais honnêtement, qui pouvait se vanter d'être vraiment à son avantage sur ses pièces d'identité?

Jordan fut soulagé et heureux à la vue de la réaction d'Ivoire. D’abord, elle ne sembla pas en croire ses yeux, lui arrachant la carte des mains pour mieux l’étudier. Jordan ne pouvait la quitter du regard, attendant impatiemment qu’elle dise quelque chose. Il attendait cet instant depuis le moment où il avait pris la décision d’entreprendre des études supérieures à Cambridge, neuf mois plus tôt. Bien sûr, il espérait qu’elle soit heureuse, ravie, soulagée peut-être même… surprise assurément… Mais qu’elle se jette à son cou…? C’était au-delà de ses espérances.

Elle lui rendit sa carte juste avant de le prendre spontanément dans ses bras. Jordan retint un hoquet de surprise, puis il ferma les yeux et serra Ivoire. Ce qu’elle lui murmura fit naître une vague de chaleur quelque part dans le creux de son ventre.


« C'est génial! Je suis si contente de savoir que tu vas rester à Cambridge, et que ce ne soit pas l'une de tes escales passagères. »

Ses lèvres esquissèrent un sourire et il se risqua à effleurer le sommet de son crâne de ses lèvres. Il desserra un peu son étreinte, mais il ne pouvait rien faire contre une partie de son cerveau qui s’amusait à répéter, incrédule, les paroles d’Ivoire.

« Je t’ai manquée à ce point? » fut tout ce qu’il trouva à dire, un peu abasourdi par toute cette joie qui émanait de son amie, mais surtout pour faire taire le perroquet dans son cerveau. La pire crainte qu’il avait eue en arrivant à Cambridge, c’était de découvrir qu’Ivoire l’avait oublié, qu’elle avait continué son bonhomme de chemin, ce qui était tout à fait normal. Se pouvait-il que cette peur ne soit pas fondée…?

Il aurait voulu la retenir, prolonger indéfiniment cette étreinte, mais comme il avait fait un peu plus tôt, elle se dégagea pour adopter une distance plus plausible entre deux amis. Il fut déçu, mais il tâcha de ne rien laisser paraître, car sérieusement, à quoi avait-il pensé? Il tâchait de garder ses attentes au niveau le plus bas, pour ne pas être déçu, pour se protéger peut-être aussi, d’une certaine manière. Il avait peut-être souffert du départ d’Ivoire plus qu’il ne l’avait d’abord cru. Mais ça, il ne l’avouerait jamais. L’orgueil masculin sans doute. Et aussi, pour ne pas faire culpabiliser Ivoire. Ce n’était même pas quelque chose qu’il formulait consciemment dans son esprit.


« Je te mentirai si je te disais non! »

Jordan esquissa un léger sourire, peut-être un peu niais, peut-être un peu rêveur. Le dire, ne pas le dire? Le dire.

« Tu m’as manqué aussi. »

Putaiiiin! Pourquoi ce « aussi », à la fin? C’était lui prêter des mots qu’elle n’avait pas dit, pas clairement, pas concrètement. Il baissa les yeux, se mordit l’intérieur de la joue. Et ne dit plus rien. Ivoire non plus d’ailleurs. Meeerde. Il avait créé un malaise, c’est sûr! Elle lui en voulait, il l’avait blessée, pour sûr. Il releva vivement la tête… il devait dire quelque chose, oui mais quoi?

« Et euh… Tu… euh… composes toujours? »

Wow. Sérieusement? C’était tout ce qu’il avait trouvé à dire? C’était à se taper la tête sur les murs. Elle était en MASTER de MUSICOLOGIE! Elle devait composer autant de musique qu’elle écrivait des dissertations! Franchement, il y avait de quoi faire un facepalm mental. Alors avant même qu’Ivoire ne puisse répondre, il enchaîna aussitôt dans un mélange un peu confus et pas franchement compréhensible de français et d’anglais.

« Désolé. Mais bien sûr qu’tu composes toujours! Mais où j’ai la tête, moi, franchement? Tu fais un master, tu dois composer même en dormant, les doigts dans l’nez. Euh… »

Il se tut à nouveau, parce que franchement, il était ridicule.

« Même en dormant oui... Il m'arrive de réveiller la nuit avec une musique dans la tête, et je m'empresse de la poser sur le papier, ou bien de la jouer sur mon piano, au risque de réveiller Red! »

Au moins, il arrivait encore à la faire rire, comme au premier jour. C’était bon signe non? Mais pas de quoi s’asseoir sur ses lauriers. Oui, leur amitié était peut-être intacte, mais l’amour qui les avait jadis unis n’avait peut-être pas survécu à la distance, aux aléas de la vie. En venant à Cambridge, il avait espéré retrouver avant tout une amie chère, mais une amie pour qui il avait encore des sentiments profonds. Mais il n’y avait pas que la présence d’Ivoire pour expliquer sa décision. À son âge, pour un retour aux études, c’était beaucoup plus facile d’accéder à l’université dans le monde académique anglo-saxon, plutôt que de tenter sa chance en France, avec les prépas et tout. L’Amérique avait aussi été une option envisageable, mais le coût des études pour un étranger était tout simplement astronomique comparé à ce qu’il payait à Cambridge (vive l’Union européenne!). Et puis il y avait Ivoire.

Jordan s’était détendu à l’écoute de sa réponse. Elle n’avait pas relevé sa bévue, ou plutôt, il ne lui avait pas laissé le temps de la relever. Alors qu’il prenait le carnet, il lui répondit, tout en feuilletant les pages.


« Ouais, je comprends. Moi aussi, ça m’arrive. J’avais considéré entrer au conservatoire, mais j’sais pas… ça m’aurait donné l’impression d’entrer dans un moule, de calquer ma pensée sur d’autres compositeurs. Je veux laisser ce que j’ai de talent brut, intact. Et puis y’a trop de trucs qui m’intéressent. Je pourrais jamais me résoudre à ne faire qu’une chose de mes dix doigts pour le reste de ma vie. J’suis peut-être pas aussi passionné, je n’ai peut-être pas le feu sacré… je sais pas. Mais euh… si ça se trouve, je pourrai concilier les deux! J’ai vu qu’il y avait une branche en anthropologie… pour étudier les rapports entre musique et culture. Ça a l’air cool ça… »

Et il parlait, et il parlait, et il parlait, il tournait les pages sans les voir vraiment. Car c’est bien connu, les hommes ne pouvaient pas faire deux choses en même temps. Elle allait lui demander comment il trouvait ses partitions et il ne saurait pas quoi répondre. Il avait à peine relevé qu’elle avait mentionné Red. Bah ouais au fond, il s’en foutait. C’était sans doute son coloc, ou son chien. Peut-être plus son coloc, il s’appelait Red quelque chose… Ah ouais. Redmund. Ivoire l’avait dit tout à l’heure. C’est cool. Pas de quoi être jaloux. Même lui il allait prendre une colocation avec une fille qu’il avait appelée la veille. Lia, qu’elle s’appelait, un truc comme ça. Ça ferait du bien de quitter sa petite chambre de l’auberge de jeunesse et d’avoir un vrai chez-lui. Son chez-lui. Putain. Un concept qu’il avait du mal à s’approprier. Jamais il n’y avait eu une place où il s’était senti chez lui. Même en France, cette France qu’il ne comprenait pas. C’était peut-être ça, être de quelque part. Ne pas voir de quoi il s’agissait. (NDA : petit clin d’œil à Amélie Nothomb et sa Biographie de la faim)

« Je suis d'accord avec toi; c'est pour cela que je ne suis pas allé au conservatoire! Mes études de musicologie m'ont permis d'en apprendre plus sur l'essence et l'évolution de la musique, tout en comprenant leur rapport avec l'être humain et la société. Cela m'a permis de développer une dimension différente de mon approche de ma musique & de mes paroles. »

Il avait cessé de tourner les pages, les mains à plats sur le carnet, le temps d’écouter Ivoire. Il acquiesça doucement à ses propos, car il ne pouvait qu’être d’accord avec elle. Sûrement que s’il s’était concentré sur son carnet plutôt que parler, il aurait pu voir un aperçu de cette dimension nouvelle. Puis elle vint, la question qui tue :

« Tu en penses quoi? »

Gêné, il se passa la main dans les cheveux.

« Eh bien… je dois t’avouer qu’en si peu de temps, je n’ai pas vraiment eu le temps de forger mon opinion… » Il fit une pause, regardant le carnet, puis Ivoire. « Mais… si tu me le laisses… et que je peux le feuilleter à loisir pendant quelques jours… on pourra en discuter plus longuement autour d’un café… » Il laissa sa phrase en suspens, avant d’ajouter précipitamment. « … à mes frais, évidemment. » Avait-il été déplacé en lui proposant de la revoir ainsi? En plus, la priver de son carnet pendant quelques jours comme ça… Bah! Au pire, elle dirait non, et au moins, il serait fixé.

« Quelques jours seulement hin? C'est un peu comme un journal intime... »

Un journal intime. Évidemment. C’était le langage des musiciens, utiliser des paroles et de la musique pour s’exprimer. Mieux que des longs discours, le langage des accords et des mélodies transcendait les barrières des langues et des cultures et permettait infinitésimalement plus de nuances et de variations, d’exactitude et de précision. Elle allait dire non, pour sûr. Elle serait outrée qu’il ose vouloir ainsi s’immiscer dans son in…

« Tu fais très attention, même si je sais que tu le feras, mais c'est comme pour me donner bonne conscience tu vois! » Euh… Quoi? « Avec plaisir pour le café, dans trois jours, car je ne vais pas tenir plus sans mon carnet tu sais ! Mais c'est moi qui choisis l'endroit. » Euh… Oh!

« Eh bien… Soit! »

« Comment je peux te donner l'adresse de l'endroit? Je me doute que tu n'as pas de portable! »

« Eh bien, tu as tort! » fit-il en riant. « T’as un stylo? Je vais te passer mon numéro. » Il attendit qu’elle eut trouvé de quoi écrire, puis dicta : « 01223 555768! »

Sa main se referma sur le papier que lui tendait Ivory, ses doigts effleurant un court instant la peau douce de son amie. Il ne prolongea pas le contact plus que nécessaire, même si l’envie était bien là. Il rangea précautionneusement le papier dans son portefeuille, puis il se leva en même temps qu’Ivory.

« Je vais te laisser, je dois retrouver mon groupe de musiciens en salle de chorale pour préparer les prochains morceaux. »

« Ah oui! Je comprends… Eh bien, j’attends ton appel, ou ton message, ou c’que tu voudras… »

Elle le regardait avec une intensité qui fit augmenter subtilement son rythme cardiaque. Elle s’approcha de lui, il ne bougea pas d’un poil, tâchant de respirer profondément. Il referma ses bras sur le corps d’Ivoire, fermant les yeux et s’enivrant une dernière fois de l’odeur de ses cheveux. Il la laissa s’écarter, presqu’à regrets.

« À très bientôt Jordan. Je suis tellement contente de t'avoir revue! »

Il sourit, que pouvait-il faire de plus?

« Moi de même. Porte-toi bien! »

Il la regarda s’éloigner et ce ne fut que bien longtemps après qu’elle eut disparu de son champ de vision qu’il se décida à ranger sa guitare et à rentrer, le carnet d’Ivoire serré contre son cœur…

THE END


Dernière édition par Jordan A. Dénériaz le Lun 10 Déc - 21:40, édité 18 fois
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MessageSujet: Re: Moi, je voulais faire le tour de la terre avant d'arriver jusqu'à toi [Ivory] [Terminé]   Moi, je voulais faire le tour de la terre avant d'arriver jusqu'à toi [Ivory] [Terminé] Icon_minitimeLun 17 Sep - 23:58

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
✖ Jordan DEneriaz & Ivory Levy ✖
« CAMBRIDGE # University of Cambridge »
Je me suis encore réveillée en pleine nuit, mais cette fois, à cause d’un hurlement. Pourtant, après avoir tendu l’oreille, j’ai constaté que tout était calme dans l'appartement. Et comme à chaque fois que je me réveille en sursaut, je ne parviens pas à me rendormir par la suite. Je suis restée discrète pour ne pas réveiller Red qui dors bien calmement dans la chambre voisine. Impossible de dormir, j'ai préféré me préparer afin de me rendre dans la matinée à Cambridge pour pouvoir me réinscrire dans mes options multidisciplinaires comme l'écriture et la chorale, bien que je n'y chante pas, mais je suis l'une des musiciennes.
Je parcours les allées extérieures de l'université de Cambridge, après avoir enfin effectué mes inscriptions. J'ai la journée de libre devant moi, et je suis vide de toute idée pour remplir cette journée sous le soleil de septembre. Je suis quelqu'un qui aime marcher sans but précis, voguant dans les rues sans savoir où je vais. J'aime me retrouver dans des endroits qui me sont encore inconnus et trouver des lieux qui sont insolites à mes yeux. Je traîne des pieds dans les avenues du parc de Cambridge lorsqu'une chanson familière me sort de mes pensées bien lointaine. Je fronce les sourcils avec une moue surprise, et je m'avance discrètement en direction des accords de guitare. Une silhouette non disctinte se dessine légèrement, assis dans le parc avec sa guitare. Je me retrouve non loin de la personne, seulement, je me cache derrière un arbre, sûrement mon côté adolescente qui est effrayé à l'idée de revoir son premier amour. Je dois m'assurer que ce soit bien lui!
« Ce n'est pas possible! » murmurai-je discrètement.
C'est cette chanson, c'est une évidence: la « larme du guerrier »! Je me mordille la lèvre inférieure, anxieuse à l'idée de le revoir après toutes ces années. Comment l'aborder? Est-ce que je dois réellement aller vers lui? Tant de questions se mêlent dans mes pensées, mais je n'ai aucune réponse. Je dois y aller à mon instinct, sans me poser de questions. J'avance discrètement derrière lui, et je lâche calmement,
« La larme du guerrier! Voilà des années que je ne l'avais pas entendu! »
Je suis pétrifiée par la réaction de Jordan lorsqu'il va reconnaître ma voix, puis se retourner pour me voir...
« Pardon ? »
Je ne m'attendais pas à ce qu'il réagisse ainsi. Il ne se retourne pas pour moi voir, préférant se terrer dans le silence jusqu'à ce que je lui réponde. Je me mordille la lèvre inférieure, et je m'assois à ses côtés. Il ne me regarde toujours pas...
« La dernière fois que j'ai entendu cette chanson, c'était à Montréal, il y a des années de cela! »
J'espère qu'il va comprendre que Montréal était le dernier endroit où l'on s'est vus, puisque j'ai quitté le groupe quelques semaines après notre arrivée dans ce pays pour partir au Japon, et faire mon chemin toute seule. Je rassemble mes jambes contre moi, et je les entoure de mes bras tout en posant la tête sur mes genoux en sa direction. J'esquisse un léger sourire, ravie de le revoir après toutes ces années. Brusquement, Jordan se retourne vers, comme s'il venait d'avoir une révélation sur ma personne. J'étouffe un rire moqueur dû à sa réaction.
« Ivoire..., » dit-il par un murmure.
Voilà encore des années que je n'avais pas entendu quelqu'un m'appeler de cette façon. C'est si bon d'entendre mon prénom avec le son de sa voix. Une voix qui m'avait tant manqué depuis que je suis partie suivre mon chemin il y a six ans de cela. Je détaille son visage de mon regard... toujours la même barbe de quelques jours et la chevelure désordonnée, son regard sombre donné par l'iris de son oeil. Il n'a pas changé après toutes ces années.
« Com… qu’est-ce… Com… »
Je ne parviens pas à étouffer un rire moqueur cette fois-ci, il est adorable dans sa façon de bégayer, sûrement très surpris de me retrouver là. Mon rire est sûrement contagieux, du coup, Jordan se met aussi à rire. Pourtant, c'est moi qui suis surprise! Je savais qu'il venait en Angleterre, puisque j'ai lu son dernier article sur son blog, mais je ne m'attendais pas à le retrouver à Cambridge !
« C'est plutôt à moi d'être surprise de te voir ici! »
Est-ce que je dois le prendre dans mes bras, ravie de le retrouver après tant d'années? Ou dois-je rester modéré dans mon comportement comme je le suis actuellement? Malgré tout, j'ai cette envie de l'avoir auprès de moi, comme si je n'étais jamais partie, mais je suis effrayé d'installer un malaise entre nous. Je le regarde froncer des sourcils assez étonné par ma dernière réplique.
« Eh bien en fait, Cambridge était mon troisième choix, le premier étant l’université de » il semble chercher sa réponse, ce qui me fait sourire « Polynésie! »
Rien que ça?! Je m'empêche de rire à nouveau, je ne veux pas qu'il pense que je me moque de lui! Cambridge son troisième choix, derrière celle de Poynésie? Même si Jordan est un grand globe-trotter, je ne le crois pas un instant. Je me plais à penser qu'il a choisi Cambridge en ayant l'intention de m'y retrouver.
« Ravie de savoir que Cambridge fut ton troisième choix, et que tu sois recalée de l'université de... Polynésie et la seconde. »
Je joue dans son jeu et je ne parviens pas à m'arrêter de sourire en le regardant! Il pose sa guitare sur le côté et se tourne légèrement vers moi. Je relève la tête de mes genoux et je m'approche légèrement. Je le fixe du regard ne rompant pas notre contact visuel.
« Est-ce que se serai mal placée de ma part de te prendre dans mes bras. »
C'est assez délicat de demander cela... mais j'ai cette envie de le prendre dans mes bras et de le sentir contre moi lorsque j'ai entendu les accords de guitare de la larme du guerrier. J'espère seulement que Jordan le prenne bien et qu'il ne se sente pas mal à l'aise avec ma question. Je suis une de ces anglaises qui n'est pas effrayée par le contact humain, et puis, avec mon voyage à travers le monde, j'ai appris à m'ouvrir aux autres et de prendre plaisir au contact des autres. Il reste calme et silencieux durant quelques secondes tout en me fixant... puis m'attire vers lui en me prenant dans ses bras.
« C’est bon de te revoir…, »
Je ferme les yeux en posant ma tête contre son épaule. En me réveillant ce matin, jamais je n'aurais pu imaginer serrer Jordan dans mes bras dans le parc de Cambridge. J'agrippe fermement son t-shirt dans ma main, comme pour m'assurer qu'il est bien contre moi et que ce n'est pas un tour de mon imagination.
« C'est si bon de t'avoir près de moi! Qui aurait pu penser qu'on allait se retrouver à Cambridge! »
Il se détache de moi... j'aurais préféré l'avoir contre moi plus longtemps, le temps d'assimiler parfaitement que je suis avec lui. J'ai envie de garder ce moment en mémoire pendant longtemps, qui sait de quoi l'avenir est fait?! Il pourrait partir demain ou dans un mois... Je le regarde me sourire, toujours avec ce regard espiègle qui m'a fait fondre la première fois que je l'ai vu sur les bords du Kilimandjaro. Je ne connaissais que quelques mots de Français, et j'ai réussi à m'intégrer parfaitement à leur petit groupe de globe-trotter français.
« Ben tu m’as pas trop laissé le choix. Ça faisait un bail que je n’avais… » Je réprime l'envie de sourire, comprenant réellement la raison de sa venue à Camdridge. « …pas eu de nouvelles de toi. »
Je me mordille l'intérieur de ma joue, me sentant fautive. En effet, je n'ai plus donné de nouvelles depuis plus d'une année; mais lui aussi ! Nous sommes tous les deux en cause; la distance n'aide pas à garder le contact, pas après cinq ans. Malgré tout, je suis ravie et flattée de connaître la vérité sur son arrivée à Cambridge, mais j'ai tellement de questions à lui poser! Je veux savoir s'il compte rester là longtemps, s'il a trouvé un endroit où vivre... Je mets peu de temps à réagir après son reproche, même si je sais qu'il s'amuse avec moi sans être méchant. Je le pousse légèrement, afin de le chahuter à mon tour.
« Ne me reproche pas ça ! Tu es tout aussi en faute Mr le voyageur qui s'installe en Angleterre! »
Je ne fais pas référence à sa remarque, ne voulant pas le gêner après avoir révélé par inadvertence la réelle raison de sa venue en Angleterre. Je ne le blâme pas, je ne suis pas ce genre de personne qui reproche les faits alors que je suis aussi en cause. Et puis, je le lui avais dit sous un ton léger.
« Ok, ok… On est quittes. Nous avons tous les deux notre part de responsabilités là-dedans. »
Il lâche un rire tout à fait adorable en s'exprimant, qu'il me transmet rapidement. J'apprécie le fait que tout comme moi, Jordan prend bien le fait d'avoir perdu contact au fil des années. Tout s'essouffle un jour! J'aime voir qu'après toutes ces années, nous avons gardé une complicité toujours intacte. Je retrouve l'homme que j'ai laissé à Montréal pour partir à Tokyo. Nous nous sommes quittés dans de bons termes, et nous nous retrouvons toujours de la même manière.
« Alors, dis-moi… qu’est-ce que tu deviens? »
J'esquisse à nouveau un sourire. Je ne sais même pas par quoi commencer. La dernière fois que je lui ai donné de mes nouvelles, je lui avais parlé du déménagement de ma soeur, puis de l'emménagement de mon meilleur ami Red qui est donc devenu mon nouveau colocataire. Depuis, de nombreuses choses se sont passés; je me refuse de lui parler d'Eden... D'ailleurs, je ne lui en avais pas parler alors que je connais Eden depuis plus de cinq ans comme je l'ai rencontré à Paris lors de la fin de mon voyage à travers le monde.
« Eh bien... J'entame ma cinquième année de musicologie. Je vis toujours avec Redmund! J'ai comme tu peux le constater de nouveaux tatouages. »
Je lui montre le dernier en date, un diamant sur mon poignet. Il attrape ma main afin de voir le dit tatouage. Un parmi tant d'autres; d'ailleurs je ne compte plus le nombre de tatouage que j'ai à mon actif.
« Joli! Moi, j’en ai un et ça me suffit. »
Je lui souris en pensant à son tatouage, qui je sais, est sur l'omoplate. Je pouvais passer des heures à passer mes doigts sur son tatouage pour en faire le contour. Je secoue légèrement la tête pour me sortir le souvenir de l'esprit.
« Et toi alors?! Tu comptes rester vivre à Cambridge ou bien ce n'est qu'un passage éclair? » Il me regarde tout sourire, « Attends… je dois te montrer un truc. »
J'essaye de comprendre où il veut en venir, alors qu'il est en train de fouiller dans son sac. J'étouffe un rire, sachant pertinemment que son sac est pire qu'un sac de fille, et rien n'a changé avec les années. C'est alors qu'il place une carte à côté de son visage, je fronce les sourcils; je me rapproche et je commence à mieux comprendre.
« Alors? Qu’est-ce que tu en dis? »
J'écarquille légèrement les yeux, et j'attrape sa carte dans mes mains pour mieux l'identifier. Je ne suis pas surprise en lisant sur sa carte qu'il est noté comme étudiant en deuxième année de licence en anthropologie sociale. Ce cursus lui va si bien, il est toujours avide de connaissances et c'est une des choses que j'apprécie chez lui. Je lui rends sa carte et instinctivement je le prends dans mes bras, ravie de savoir qu'il va rester un certain temps à Cambridge.
« C'est génial! Je suis si contente de savoir que tu vas rester à Cambridge, et que ce ne soit pas l'une de tes escales passagères. » lui murmurant à l'oreille.
Je n'ai pas pu m'empêcher de le prendre dans mes bras; cela m'est venue tout naturellement comme si toutes ses années ne nous avaient pas séparés. J'ai ce besoin de le prendre contre moi comme pour m'assurer qu'il est bien à mes côtés et qu'il ne va pas fuir comme je l'ai fais quelques années plus tôt. Ma main serre légèrement son t-shirt ayant cette envie de ne pas le laisser partir. Je ferme les yeux un court instant lorsqu'il resserre notre étreinte. J'ouvre les yeux lorsque je sens ses lèvres effleurer mon front. Je sens que Jordan a aussi ce besoin de m'avoir contre lui, je me risque à penser une nouvelle fois qu'il est venu à Cambridge pour moi, et seulement pour moi. Je suis flatté mais aussi effrayé... Je chasse à nouveau ces idées de mes pensées, et je me resaisis lorsque je sens qu'il se retire de notre étreinte.
« Je t’ai manquée à ce point? »
Je me retire de notre enlacement reprenant peu à peu mes esprits. Je pose mes yeux sur lui, avec ce léger sourire que je porte depuis que nous nous sommes retrouvés. Nous devons apprendre à nous apprivoiser à nouveau, de réapprendre à se connaître; même si j'ai suivi sa carrière et sa vie par le biais de son blog. Je veux tout connaître de lui depuis que nous nous sommes séparés durant notre voyage autour du monde.
« Je te mentirai si je te disais non! » Je ne suis pas quelqu'un qui avoue ses sentiments si facilement, alors je joue sur les mots pour dire les choses.
Je sais qu'il ne faut pas que je dévoile toutes les choses qui se sont passés depuis notre séparation... À l'époque, je lui avais vaguement parlé d'une rencontre d'un français à Paris à la fin de mon périple, mais j'avais omis de nombreux détails. Je me vois mal lui apprendre que nous sommes dans une relation compliquée depuis une année... Comment pourrais-je lui expliquer ma relation avec Eden alors que moi-même je ne sais pas où nous en sommes! Je pourrais lui parler de Red, mon meilleur ami qui est aussi mon colocataire... c'est un sujet anodin! C'est étrange, je ne sais même pas par quoi commencer... pourtant nous nous connaissons si bien et je suis à court de conversation -ce qui, en règle générale ne m'arrive jamais!-
« Tu m’as manqué aussi. »
Je grince des dents, silencieusement. Je le regarde qui baisse la tête, remarquant si rapidement la maladresse qu'il vient de dire. Son aussi avait donc insinué que je lui avais avoué qu'il m'avait manqué; dans un sens, c'est vrai, mais il me connaît assez pour savoir que j'exprime mes sentiments qu'à demi-mot! Je ne parviens pas à trouver une réponse à lui dire, assez gêné par sa bévue; d'ailleurs cela nous plonge tous les deux dans un silence, jusqu'à ce qu'il le brise!
« Et euh… Tu… euh… composes toujours? »
Je manque d'éclater de rire. Il a ce côté maladroit qui lui scie si bien, et je ne peux m'empêcher à penser à nos mois passés ensemble où ce côté maladroit m'avait tant charmé. Alors que je m’apprête à lui répondre, sans le froisser, il enchaîne si rapidement, qu'il se mélange entre sa langue natale et la mienne.
« Désolé. Mais bien sûr qu’tu composes toujours! Mais où j’ai la tête, moi, franchement? Tu fais un master, tu dois composer même en dormant, les doigts dans l’nez. Euh… »
Je parviens à contrôler un rire nerveux à nouveau; il s'emmêle tellement les pinceaux qu'il a ce côté charmeur qu'il ne contrôle pas ! Je le regarde alors qu'il semble encore confus par ces dernières paroles. Je ramène mon sac vers moi, où je sors un gros carnet de notes où je pose tous les mots & les paroles qui me passent par la tête... mais aussi des notes et des rythmes de musique qui me vient au gré de la journée. Je le pose sur mes genoux en le gardant précieusement entre mes mains.
« Même en dormant oui... Il m'arrive de réveiller la nuit avec une musique dans la tête, et je m'empresse de la poser sur le papier, ou bien de la jouer sur mon piano, au risque de réveiller Red! »
Je me rend compte que je viens de mentionner le prénom de Red, ou plutôt son surnom, puisqu'il s'appelle Redmund... Rapidement, je lui tends mon carnet afin qu'il pense à autre chose qu'au prénom que je viens de mentionner. Il ne semble pas prêter attention au fait que j'ai parlé de Red, tant mieux... même s'il est au courant de ma colocation avec lui, je ne veux pas qu'il imagine qu'il y a autre chose entre lui et moi. Red est mon meilleur ami, parfois il est mon mari dans certains de mes rêves, mais il n'y a jamais rien eu de plus entre nous. Par contre, il est clair, que je ne vais pas faire référence à Eden, de près ou de loin... il est beaucoup trop tôt pour lui en parler! Je le regarde attraper mon carnet et il se met à le feuilleter, tout en me donnant un monologue dont il a l'art d'avoir.
« Ouais, je comprends. Moi aussi, ça m’arrive. J’avais considéré entrer au conservatoire, mais j’sais pas… ça m’aurait donné l’impression d’entrer dans un moule, de calquer ma pensée sur d’autres compositeurs. Je veux laisser ce que j’ai de talent brut, intact. Et puis y’a trop de trucs qui m’intéressent. Je pourrais jamais me résoudre à ne faire qu’une chose de mes dix doigts pour le reste de ma vie. J’suis peut-être pas aussi passionné, je n’ai peut-être pas le feu sacré… je sais pas. Mais euh… si ça se trouve, je pourrai concilier les deux! J’ai vu qu’il y avait une branche en anthropologie… pour étudier les rapports entre musique et culture. Ça a l’air cool ça… »
J'esquisse un léger sourire, je suis toujours en parfait accord avec lui. Ne pas se conformer, ne pas se sentir obligé à faire quelque chose pour faire plaisir et surtout pour ne pas surprendre. Nous sommes tous deux des artistes avec des préoccupations similaires. Nous sommes ce genre de personne qui ne prête pas attention à l'avis des autres et qui préfère se forger par soi-même. J'aime cela en Jordan, et je suis ravie de voir qu'après toutes ses années de voyages, il n'a pas changé de ce point de vue-là. Je le regarde feuilleter les pages, sans y prendre réellement conscience, puisque, comme tout le monde le sait, les hommes ne sont pas capables de faire deux choses à la fois, et connaissant si bien Jordan, il lui est impossible de se concentrer sur ce qu'il lit et ce qu'il dit à la fois. Je me demande si je dois le piéger ou non... Après tout, voilà bien des années que je ne l'ai pas taquiné, je dois prendre l'occasion quand elle se présente !
« Je suis d'accord avec toi; c'est pour cela que je ne suis pas allé au conservatoire! Mes études de musicologie m'ont permis d'en apprendre plus sur l'essence et l'évolution de la musique, tout en comprenant leur rapport avec l'être humain et la société. Cela m'a permis de développer une dimension différente de mon approche de ma musique & de mes paroles. » Je marque une pause, reprenant rapidement après qu'il pose le regard sur moi, « Tu en penses quoi? » tout en désignant de l'index mon carnet qu'il tient entre ses mains.
Je me pince légèrement la lèvre, je reconnais le Jordan gêné puisqu'il passa sa main dans les cheveux, et qu'il me regarde avec des yeux assez surpris. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Mais même après toutes ces années, il doit savoir que je ne pourrais jamais lui en vouloir. C'est logique qu'en si peu de temps, il ne puisse avoir un avis précis sur mes textes et ma musique.
« Eh bien… je dois t’avouer qu’en si peu de temps, je n’ai pas vraiment eu le temps de forger mon opinion… Mais… si tu me le laisses… et que je peux le feuilleter à loisir pendant quelques jours… on pourra en discuter plus longuement autour d’un café... à mes frais, évidemment. »
Hmm... lui laisser mon carnet pour quelques jours? En sachant qu'il y a des textes qui parlent de lui, mais surtout d'Eden et de mes sentiments pour lui. J'hésite à accepter durant quelques instants, je me laisse le temps de réfléchir tout en fixant mon carnet toujours dans ses mains.
« Quelques jours seulement hin? C'est un peu comme un journal intime... »
Je repense à sa proposition de se revoir autour d'un café, chose que j'ai occultée durant ma réflexion de lui laisser mon carnet.
« Tu fais très attention, même si je sais que tu le feras, mais c'est comme pour me donner bonne conscience tu vois! » Je m'approche doucement, « Avec plaisir pour le café, dans trois jours, car je ne vais pas tenir plus sans mon carnet tu sais ! Mais c'est moi qui choisit l'endroit. » « Eh bien… Soit! »
Je réfléchis un instant... comment le prévenir? Si Jordan n'a pas changé depuis nos années de globe-trotteur, cela veut dire qu'il n'a pas de téléphone, ni d'autres moyens de communication.
« Comment je peux te donner l'adresse de l'endroit? Je me doute que tu n'as pas de portable! »
Discrètement, je regarde l'heure, en voyant que plus nous parlons plus le temps passe. J'ai rendez-vous d'ici vingt minutes dans ma salle de chorale afin de peaufiner les prochaines chansons du groupe.
« Eh bien, tu as tort! » dit-il en riant! Je suis surprise d'apprendre qu'il a décidé d'aller de l'avant et de mettre le pied dans le monde technologique! « T’as un stylo? Je vais te passer mon numéro. »
Un stylo? J'ai mieux qu'un stylo, j'ai un smartphone pour entrer son numéro dans mes contacts, mais pour ne pas le froisser avec cette technologie, qui je sais, le dépasse complètement, je me mets à chercher un papier dans mon sac avec un papier.
« 01223 555768! »
J'émis un léger sourire, et je griffonne à mon tour mon numéro de téléphone qu'il puisse avoir en mémoire. Je lui tends le morceau de papier, et je m'approche de lui.
« Je vais te laisser, je dois retrouver mon groupe de musiciens en salle de chorale pour préparer les prochains morceaux. »
Je le regarde un instant, comme pour garder en mémoire son visage, sûrement de peur de le perdre à nouveau. Puis, je m'approche plus de lui, et je le prends délicatement dans mes bras pour lui dire au revoir. Je ferme les yeux un court instant, puis je m'écarte de lui.
« À très bientôt Jordan. Je suis tellement contente de t'avoir revue! »
J'attrape mon sac et je commence à emboîter le pas vers la salle de chorale. Je me retiens de tourner la tête pour jeter un dernier coup d'oeil sur lui... seulement, un large sourire trône sur mon visage, tellement ravie de pouvoir à nouveau passer du temps à ses côtés.

✖ FIN ✖
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Moi, je voulais faire le tour de la terre avant d'arriver jusqu'à toi [Ivory] [Terminé]
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