CEH - Boy I want to be with you

Elle est bien loin l’époque où on passait inaperçu en boite. Les tendances ont changé, on ne se plie plus en quatre pour draguouiller : on se fait draguer. Plus aucune logique, plus de valeurs vielles comme le monde qui oblige l’homme à faire le premier pas. C’est marrant comme avec un minimum de notoriété on parait soudainement plus beau, plus charmant et plus intelligent qu’un individu lambda. Ce n’est pas ce que je voulais. Plus maintenant en tout cas. Y a quelques années ça m’aurait plus que fait rêver ce genre de situation. Mais plus maintenant, ce n’est plus moi, ce n’est qu’un jeu, une façade, une « obligation professionnelle ». Je suis peut-être un peu hypocrite en disant ça, il ne me dérange pas tellement ce rôle qu’on endosse pour la presse et pour les fans. Mais ce serait plus simple si on était autorisé à vivre simplement la vérité sans se faire passer pour des coureurs de jupon invétérés. Mais j’ai absorbé un petit peu trop d’alcool pour faire une distinction entre la vraie vie et la fausse qui doit paraitre vraie. Et puis c’est un peu trop compliqué et je tiens une jolie blonde par la taille donc autant dire que la réalité est pour l'instant juste devant moi et a passé ses bras autour mon cou. Une autre réalité ne se gêne pas pour intervenir et me tapote violement l’épaule. « Y a pas de problèmes hein, reste avec ta pute, j’me casse, on se reverra un jour, peut-être, si tu te souviens que j’existe, connard ! » Et merde. « Clem t’es con, c’est toujours comme ça, quel est le problème ? » Je m’écarte de la blonde au nom inconnu pour prouver à mon petit copain caché que je m’intéresse un minimum à sa bouille d’ange même dans les cas les plus critiques. Il cherche ses mots, je le connais un minimum pour pouvoir affirmer ça. Son attaque surprise m’a un légèrement remis les idées en place mais tout est encore flou dans ma tête alcoolisée. « Tu déconnes complètement tu joues plus là la meuf tu l’aurais ken t’es un un connard je te hais tu t’en fous de moi je me casse je te dis JE. ME. CASSE. » Mon cerveau ralenti a eu du mal à suivre la phrase fusée que Clément m’a balancé à toute vitesse en pleine tronche avant de tourner les talons. Dans ma tête je réponds du tac au tac mais les mots ne parviennent pas jusqu’à ma bouche et je garde un air stupide et béat, seul au milieu de la piste de danse. Je cours après Clément et l’attrape par l’épaule pour le faire se retourner et le plaque contre le mur sur lequel il était un peu en train de foncer tête baissée. « T’en ken pas des meufs toi peut-être ? Te fous pas de moi non plus, c’est bien mignonde te réveiller pour me faire chier, j’aurais pu faire la même chose la semaine dernière quand tu violais cette bimbo contre un mur. Et puis non tu te casses pas, j’ai pas envie que tu te casses. » Je me rends souvent compte que je réfléchis en même temps que je parle. J’ai beau l’engueuler, je n’ai pas envie de continuer la soirée sans lui. Et je sais qu’il s’en rend compte.  « Ok, j’en ai peut-être une d’avance mais je sais pas j’en ai marre j’en peux plus j’aime pas et puis de toutes les manières même quand je finis avec elles c’est de la merde parce que c’est toi que je veux, je l’ai dit une fois je le répèterai pas et si, je me casse, retourne la voir. » Je souris. On pense la même chose en fin de compte. Je suis tout aussi jaloux que lui et on est tous les deux très très cons, c’est un point non négligeable de notre relation ; tout serait beaucoup plus simple si on était un peu moins bêtes. Je ne réponds rien parce que je ne sais pas vraiment quoi répondre. Devant le silence pesant qui s’installe, il tourne les talons et fait quelque pas. Je suis sur le point de le rattraper quand il se retourne et se jette sur moi pour m’embrasser. Je le sers dans mes bras et lui rends son baiser. « Tu sais quoi ? Je sure qu’elle embrassait pas aussi bien que toi la salope ! »

« C’est pas bientôt terminé ces histoires ? » Je regarde Juliet l’air un peu inquiet. « Comment ça ? » Elle soupire et marche de plus en plus vite malgré ses talons qui claquent nerveusement contre le trottoir humide. « Tu sais bien Clément, vos concerts deux fois par semaines, un week-end sur deux hors de Brighton. Vos concerts de minets et vos rêves de gloire, tu comptes y mettre fin un jour ? »  J’attrape sa main pour qu’elle arrête d’avancer comme une furie. « Tu t’y attendais pas à une réaction comme ça hein Clément. Pour toi tout va parfaitement bien, y a pas de problème. » Non, bah non, je ne m’attendais pas à une réaction comme ça venant de ma petite amie avec qui je tente de passer un bon moment après un week-end musical plutôt réussi auquel elle a refusé de participer. « Je sais que tu t’en fiche probablement Ju mais le concert de samedi soir s’est bien passé. On est arrivé deuxième. Et les premiers étaient des gars de la ville venu avec tout leur fanclub sous le bras. » Je n’avais pas compris pourquoi Juliet avait refusé de venir nous voir jouer mais je commence à avoir une vague idée.  « Tu as raison Clément, je m’en badigeonne les testicules avec le pinceau de l’indifférence. » Réponse du tac au tac sur un ton pète sec digne de Miss Monde. Moi aussi je peux jouer au con quand je veux. « Je veux pas te vexer Juliet mais je suis particulièrement bien placé pour te faire remarquer que tu n’as de testicules. » Miss Monde, plus connue comme étant ma petite amie actuellement très en colère me lance un regard noir et rétorque : « Plus que toi en tout cas. » Juliet et Clément, en couple depuis 6 mois, 3 ans et demi d’âge mental, bonjouuuuuuuuur. « Tu penses plus à nous Clément… Enfin si mais « nous » pour toi ça signifie Clems and the Bitches. C’est plus toi et moi. Y a plus rien entre nous, on se voit à peine, tu es ailleurs… » Je baisse les yeux comme si la réponse appropriée se trouvait au bout de mes chaussures. Tiens se sont les chaussures de Clément d’ailleurs il faudra peut-être que je pense à lui rendre ! « Mais je suis avec toi maintenant… » Et hop, une gifle au gout de rancœur et d’amertume s’abat sur ma joue avant même que je termine ma phrase. Une gifle que je n’ai pas vu venir. « T’es con. Puis tu ne m’écoute pas en plus. » Je porte une main à ma joue pour me donner un peu de prestance et ne pas rester inerte comme une poupée gonflable. Quoi que j’étais presque sur le point de me dégonfler, ça m’éviterai une discussion que je n’ai pas tellement envie d’avoir. Courage. « Je t’écoute Juliet, bien sûr que je t’écoute mais je ne sais pas quoi te dire. On se pète le cul avec le groupe pour trouver des petites salles à faire un peu partout et on cartonne franchement ! On plait, je te jure, tu refuses de nous voir en concert mais on est pas mauvais. Depuis que Sasha est sorti d’X-Factor on voit des portes s’ouvrir… Pas des portes d’Alice au pays des Merveilles qu’on aperçoit vaguement en rêvant après une cuite. Des vraies… » Elle s’en fiche, je le sais, mon discours ne change rien et elle s’empresse de me couper. « Arrête… J’en peux plus de cette vie utopique d’adolescent attardé Clément. T’es plus avec moi. T’es avec tes potes, avec ta guitare, ta musique, tes rêves de célébrités et compagnie. Y a plus de place pour moi. Ou alors une trop petite place et j’en ai marre d’être rangée à l’étroit dans un tiroir avec écrit en gros « Quand j’ai du temps » ou « Quand je ne sais pas quoi faire » dessus. » […] J’entre dans la chambre de Clément sans toquer, sa maison c’est un peu ma deuxième maison après tout. Je m’affale sur le lit à côté de lui. « Elle m’a joyeusement largué. »


Je ne sais pas vraiment pourquoi on a décidé que je savais potentiellement chanter. Je suis meilleur sous la douche il me semble mais dans la cave de Clément j’arrête de faire des manières et je tente de hausser ma voix un tout petit peu au-dessus de la musique. Ça passe je crois. Je ne sais pas pourquoi on a commencé à jouer tous les quatre avec Clément, Sasha et David, mais on commence à avoir une bonne harmonie de groupe. Disons qu’on est passé du brouhaha à ce que pourrait qualifier de musique. Personne ne dit rien mais c’est pour tous une grande fierté. Après la répétition habituelle du dimanche Clément s’est senti obligé d’en dire quelque chose. Son trop long silence m’étonnait un peu à vrai dire. « On devrait faire un groupe au lieu de rester dans notre coin les gars… On s’appellerait Clém & The Bitches parce que je suis trop swag et que je suis évidemment le leader »   Je prends le briquet rose fluo qu’il tient fermement en main et lui frappe amicalement l’épaule en retenant un rire enthousiaste : « Cléms & The Bitches mon brave, à une lettre près, tu m’as dans ton camp ! » Il acquiesce : « Deal ! » J’avoue que j’ai un peu dit ça au hasard, par narcissisme peut-être, parce que ça me plait bien ce nom de groupe, je sais pas pourquoi mais ça sonne particulièrement bien. « On est assez bons pour ça... » Je suis surpris par la réplique de Sasha et laisse Clément exprimer son etonnement à ma place : « T’es sérieux Sash ?  J’ai moyen envie qu’on se foute de notre gueule slash qu’on nous envoie des tomates dans la gueule. Cela dit… Cela dit… Si… Si on le fait, obligé on s’appelle… Clems and the… bitches… hahhahaha CE SERAIT SUPER DROLE » Je rigole également, c’est étonnant qu’on n’ait pas pensé à ce nom plus tôt ! Sasha prend un air sérieux pour expliquer son plan : « J'veux dire... Clem2 a une bonne voix, faudrait la bosser mais elle tient la route. Toi t'es un dieu derrière tes caisses, t'as juste pas les couilles de l'avouer. Et David a un doigté hallucinant. Me remercie pas pour le jeu de mots, Dave. » » Je tilte sur un point et réponds avec humour: « Go fuck yourself, mes shampoings trouvent que je chante parfaitement bien, ils ne s’en plaignent pas en tout cas, c’est ce que j’en déduis ! » » Clément reprend : «   Ok vous chantez bien mais laisse tomber ça marchera jamais tu sais combien de jeunes reprennent des chansons classiques dans leur cave ? C’est absurde on arrivera nulle part… Cela dit, je me répète, mais ça reste super marrant moi je suis chaud ! Et Dave est chaud depuis qu’il a entendu parler de doigté, hein chouchou ?  Sasha, franchement, si on s’appelle Clems & The Bitches, je me mets sérieusement à la batterie ». Dave ne bronche pas mais je sais qu’il n’en pense pas moins. « On va défoncer, les potos. Et Clem, si tu dis "des culs" je te fais avaler tes baguettes. » » J’explose de rire et laisse évidemment Clément se tourner innocemment vers moi avec un air de jeune fille prude offusquée : «  T’entends chou ? Pas de blagues sur des culs. Donc vous êtes d’accord pour faire partie d’un groupe nul qui s’appellerait Clems and The Bitches ? Ce sera la chose la plus absurde qu’on aura faite, et dieu sait qu’on en a fait ! » Et on l’a fait.

LONDRES :
Nous entrons tous les quatre à la file indienne dans l'appartement. Après quelques coups d'épaules à droite et à gauche nous nous précipitons dans le salon et après un bref coup d'œil nous nous jetons littéralement chacun vers une porte. J'évite de peu Clément qui a, comme moi, eu une préférence pour la chambre avec balcon. « Merde, raté » Un virage à gauche, j'entre dans mon deuxième choix et claque la porte sur un Sasha dépité. Je reprends mon souffle le dos contre la porte pour reprendre mes esprits. Très bon choix Clément, pas de balcon, mais clairement la plus grande et la plus éclairé. Est-ce vraiment important? Après l'agitation de la répartition des chambres l'appartement est maintenant silencieux. Je sors de ma nouvelle chambre et vais toquer à la porte de Clément. « Ça va, ça va, pas de commentaire, tu as été plus rapide mais tu avais de l'avance !  » Il sourit très fier de lui et je grimace en retour. Je garde un air très digne, très fier de ma chambre à moi sans balcon. « Je suis le meilleuuuuuuuuuuuur ! » Je lève les yeux au ciel mi exaspéré mi amusé « ça va on a dit  » Sans plus tarder, Clément ouvre la porte fenêtre qui donne sur le balcon, une clope au bec, prêt à inaugurer son nouveau chez lui. «  Je te préviens c’est MA chambre, tu viens que quand t’es invité !  » Je passe un bras autour de ses épaules et sort un briquet de ma poche pour allumer sa cigarette. « Quand Madame la marquise acceptera ma présence en ces lieux elle pourra m'envoyer un pigeon voyageur. Mais je préviens tout de suite, je suis tatillon sur la qualité du papier.  » Je souffle toute ma fumée sur son visage. « Mais est ce que madame la marquise pourra se passer longtemps de ma compagnie? » Je ne fais pas mes yeux de chaton mais il serait faux de prétendre que je n'essaye pas de l’attendrir. «   Madame la marquise aime avoir son chez soi. Madame la marquise a du papier de qualité, ne t’inquiète pas ! » Je rigole faiblement. C'est pas tellement la chambre que je voulais mais plutôt le roommate qui va avec. « Cela dit … Madame la marquise apprécie ta compagnie. » Il me caresse la joue et j'ai du mal à dissimuler le sourire qui se dessine sur mes lèvres ; j'ai une vague idée de ce qu'il va dire. « C’est bon, tu peux bouger tes affaires. Mais quand tu commenceras à faire ta drama queen, je rappelle que c’est MA chambre et que c’est pas moi qui bouge !  » Je laisse exploser ma joie et l'embrasse fougueusement. « Yes!! Je t'aime je t'aime je t'aime!! Je vais chercher ma valise et narguer Sash et Dav qui auraient vraiment été des concurrents pitoyables aux Hunger Games! T'y crois ça? On a quand même réussi à avoir les deux meilleurs chambres et maintenant on a un deuxième salon! »

→ Mais je t'en prie, assieds-toi donc... Tu tombes bien, je reprendrais bien un... un verre. Tu me l'offres ? Je suis pas vraiment du genre à offrir des verres poupées, la demande est bien supérieur à l'offre!  

→ Une triple vodka pour moi, de façon au point où j'en suis tu sais, je suis plus tellement à ça près. Et puis de toute façon, ça aide à voir les choses plus belles, tu crois pas ? ça aide à ne plus rien voir du tout, généralement un hystérique jaloux me ramène sauvagement à la réalité!  

→ Je bois souvent, moi, il faut croire que les choses ne sont pas si belles dans ma vie de tous les jours... Je crois que c'est à cause de l'amour, quelque chose comme ça. T'as déjà été amoureux, toi ? Carrément, tu ne vas pas me croire mais je crois bien que je l'aime l'hystérique en question.

→ Moi je suis amoureuse de mon professeur de psycho qui n'est plus mon professeur mais entre nous, c'est impossible. Un peu comme Romeo & Juliet, d'ailleurs, ce qui est assez drôle mine de rien. Tu fais quoi dans la vie, sinon ? Pas grand chose grand chose. J'ai eu mon bac et pfiou je suis parti, Londres ça promet tu vois, y a de l'avenir pour notre musique ici.

→ Oh c'est drôle ça. Enfin non, d'ailleurs, pas tellement. Moi je suis actrice, ça c'est drôle tu trouves pas ? Tu veux un autographe ? Non merci mais un jour tu regrettera de ne pas m'avoir retourné la question!

→ Je crois que je vais t'embrasser maintenant, j'en ai vraiment trop envie. Non en fait, j'en suis sûre, tiens. T'embrasses bien, ça va. Tu viens souvent ici ? Parce que j'ai l'impression que c'est la première fois que je te vois, et pourtant je suis une habituée. Ouais euh non... Je suis désolé mais mon mec n'aime pas trop que des inconnues introduisent leur langue dans ma bouche comme ça. Je viens de débarquer à Londres sinon, avec mon copain et le reste du groupe.

→ Je vois. Mais, tu es venu tout seul ou tes amis sont dans le coin ? T'as des amis, pas vrai ? J'ai même un secret boyfriend jaloux qui traine dans les environs. Mais t'écoutes pas tellement ce que je te raconte hein?

→ Et en dehors de tes amis, tu es célibataire ou pas ? Tu m'écoutes pas hein... C'est compliqué en fait, tu veux dire officiellement ou officieusement?

→ D'accord. Et tu vis chez tes parents ou tu as ton propre appartement ? Je suis loin de mes parents mais tout doux bijou...

→ Super, on peut aller chez toi alors ?C'est comme pour le verre, désolé mais je partage déjà le lit de quelqu'un.