Trouble, trouble

Hébétée, je fixe le mur blanc devant moi. J'ai encore un mal de crâne violent et je me sens faible. Trop faible. Mon téléphone a été réquisitionnée par les forces de l'ordre la nuit dernière, apparemment. Et c'est un agent pas franchement sexy qui m'a tiré de mon lit d'hôpital ce matin. On a connu des matins plus chantants. Vêtue d'un simple jean slim, d'un sobre pull en laine écru et de bottes cavalières - c'est mon look campagne chic - pas maquillée et coiffée d'un chignon incertain, j'ai également la sensation d'être étrangement mise à nue. Peut-être est-ce cette vitre teintée qui rappelle les films policiers que mes parents regardent le dimanche. Je ne suis pas à l'aise. Du tout. Je n'ai rien à faire ici, ce n'est pas ma place, ma mère était furieuse au téléphone et mon avocat a surgi de nulle part. Il n'a de cesse de me répéter que tout ira bien, que je n'ai qu'à dire la vérité. Mais j'ai la désagréable impression qu'il ne me croit pas. Pourtant, je ne me souviens d'absolument rien post 22h. La danse stupide, l'arrivée tardive de mes amis, oui. Mais le trou noir est béant. On m'a retrouvée dans la forêt. Je ne sais pas comment j'ai atterri là. Une oxfordienne a fait une overdose et une des newbies du JCC était attachée à un arbre. L'arbre où on m'a retrouvée. Je sais qu'on va m'accuser de l'y avoir ligotée. Mais je suis à peu près certaine de n'y être pour rien. Et voilà dix minutes que je poireaute là avec Tristan Faure, entre tous les hommes. Apparemment, ils veulent nous interroger ensemble maintenant. Moi je veux partir. Je pianote sur la table en fer, me mord anxieusement le pouce. Que tout ça s'arrête, que tout ça s'arrête. Je lance un regard oblique et assassin à mon compagnon d'infortune avant de soupire et de siffler entre mes dents « J'espère que tu vas t'expliquer, parce que moi aussi j'aimerai bien savoir ce qui est passé par ta tête pleine d'air ! »