JAW - always forgive your enemies - nothing annoys them so much.

« Alors dites-moi les enfants, vous voulez faire quoi quand vous serez plus grands ? » Astronaute, médecin, avocat, super-héros, les réponses fusent tandis que les mains se lèvent par dizaine dans la classe de primaire. Tout le monde est très enthousiaste, ils évoquent leur avenir avec un large sourire aux lèvres et une voix pleine de rêves qui ne se réaliseront pas, pour la plupart. Je suis le seul à ne pas bouger, je reste dans mon coin et mon regard vagabonde par-delà la fenêtre pour imaginer ce que sera ma vie dans quelques années. Il est inutile que j’en discute avec eux, comme à chaque fois, on me regardera bizarrement et on se moquera de moi. Maman le fait très souvent, elle dit que ce n’est pas un métier de voyager à travers le monde et qu’il me faudra un emploi stable et sérieux si je veux avoir une situation correcte. Mais c’est quoi une situation correcte ? Avoir de l’argent à dépenser dans des voitures de luxe, des amis qui n’attendent que la première occasion pour vous planter un couteau dans le dos ? Je sais ce que ça vaut tout ça, j’ai grandi dans un milieu aristocrate où l’on prêtait plus d’attention à nos costumes impeccables qu’à notre bien-être. Ça ne m’intéresse pas moi, d’avoir une grande compagnie pétrolière ou une banque riche à milliards. L’institutrice se tourne vers moi, probablement intriguée par mon silence. « Et toi Julian ? » Je soupire longuement, je sais déjà quelle sera sa réaction et je n’ai aucune envie que l’on me répète que je suis un môme sans ambition qui n’ira pas bien loin dans la vie avec ce genre de projets farfelus. Mais maintenant que tous mes petits camarades se sont tournés vers moi avec leurs yeux hagards, je n’ai plus le choix. « J’voudrai voyager, faire le tour du monde. » Elle reste interdite un instant, surprise, et s’approche de moi avec un sourire énigmatique. « C’est un beau rêve ça. J’te souhaite d’y arriver. » C’est à mon tour d’être désarçonné, elle est la première à m’encourager dans la voie que j’espère suivre. Ma propre mère me désapprouve en me donnant l’exemple de James qui est bien parti pour devenir le digne successeur de mon père. Je hoche la tête, un peu perdu, et elle m’adresse un sourire rassurant que je n’oublierai sans doute jamais.

Le quartier où je vis depuis toujours regorge d’images resplendissantes qui ne demandent qu’à être dévoilées. Il suffit de savoir où poser les yeux pour s’émerveiller d’un rien, un ciel dégagé, une route pavée où ruisselle un petit cours d’eau, un musicien aux mains sales qui s’accroche à sa guitare comme si elle était sa seule amie. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours adoré la photographie. Pour mon huitième anniversaire, j’avais reçu un appareil qui devait sans doute valoir une fortune et j’avais tout de suite mis à profit ce cadeau pour me mettre à explorer le monde. Cela me vaut encore des remarques désagréables de mes parents mais je les ignore pour me consacrer pleinement à mon art. En cette belle après-midi de juin, je parcours l’immense jardin dans lequel j’ai pris l’habitude de me réfugier pour y trouver quelconque splendeur méritant un intérêt particulier. James est probablement encore enfermé dans sa chambre à dormir, paraît-il qu’il est fatigué en ce moment. Alors que je m’apprête à immortaliser une souris qui nourrit ses petits dans un coin reculé près du cabanon, j’entends la voix stridente de ma mère qui m’appelle. Je soupire, légèrement agacé, mais range mes affaires pour accourir sur la terrasse où elle prend son thé l’air soucieux. Elle me dit d’aller chercher mes frères et ma sœur, je hausse un sourcil interrogateur mais je sens bien que je n’ai aucun droit de protester. Je passe donc une dizaine de minutes à rassembler tout le monde et nous la rejoignons sur la petite table en fonte. Elle prend un visage sérieux, grave et je comprends alors qu’elle a quelque chose à nous annoncer. « Les enfants… Il faut qu’on parle. C’est à propos de James. Vous avez sans doute remarqué qu’il n’était pas bien en ce moment. Il… Il est malade. » Sa voix s’étrangle dans sa gorge mais elle se force à continuer alors que mon cœur bat douloureusement dans ma poitrine. « C’est une maladie grave. Et on ne peut pas le soigner. » A ces mots, j’étouffe un sanglot et incapable d’en écouter plus, je me mets à courir à en perdre haleine jusque dans la chambre de mon jumeau. Il dort encore mais peu m’importe, et je m’allonge à côté de lui en prenant garde à ne pas le réveiller pour passer un bras par-dessus son ventre et poser ma tête contre son épaule. Mais alors il glisse sa main sous ma nuque pour m’attirer à lui et me serre aussi fort qu’il le peut tandis que je ferme les yeux en espérant oublier ce cauchemar dans lequel je viens de tomber malgré moi.

« T’es sérieux là ? » « Ben… Ouais. » Je ferme les yeux et inspire profondément en me pinçant l’arête du nez. « J’m’attendais quand même à un ‘félicitations’. » Un rire nerveux s’échappe d’entre mes lèvres tandis que je fouille dans ma poche pour en sortir mon paquet de cigarettes. Un long silence s’installe entre nous, brisé par le bruit métallique du briquet. « J’vais pas te féliciter d’faire la plus grosse connerie de ta vie James. » Mes mots sont francs, durs, trop peut-être. Mais je ne peux pas cautionner cette vaste plaisanterie qu’est ce mariage ridicule. Cette pimbêche blonde s’est entichée de mon frère et il n’y a rien que je ne puisse faire contre ça. Seulement il est hors de question que j’approuve l’idée de s’unir à lui pour la vie, car je sais très bien l’espoir qu’elle représente à ses yeux. Il n’avait plus peur de la mort, mais désormais il se prend à imaginer qu’on parvienne à le guérir. Ensemble, nous avons tout fait. Nous avons construit un monde, nous avons monté notre propre journal. Il m’a donné le goût de l’écriture, je lui ai appris à tenir tête à ses détracteurs. J’ai cependant oublié de le mettre en garde contre les dangers d’un amour trop intense, et je suis persuadé que cela finira par causer sa perte. Je plante mon regard sombre dans le sien pour lui asséner le coup de grâce. « T’as tout réussi. T’es à la tête d’un journal qui prend de l’ampleur jour après jour, t’es craint par tous tes concurrents, t’as une fortune colossale. Pourquoi tu veux absolument tout gâcher ? » Mais bien sûr, la réponse ne se fait pas attendre. « Va t’faire foutre. J’veux épouser Cameron parce que je l’aime, et t’as pas ton mot à dire là-dessus. Ni Maman, ni toi, ni Lavinia ne m’empêcheront d’me marier. » Il tourne les talons, furieux, et quitte le café dans lequel nous nous sommes retrouvés un peu plus tôt. Je secoue la tête en soupirant longuement. En d’autres circonstances, j’aurai sans doute été beaucoup moins désagréable. Mais Cameron le rend dingue, ses yeux pétillent chaque fois qu’il prononce son prénom et toute la famille est parfaitement consciente que cette histoire ne mènera nulle part.

Aujourd’hui, je n’ai plus rien. Mon frère est parti en laissant derrière lui un sentiment de vide que rien ne comblera jamais. Je n’ai jamais été très sentimental, mais enterrer ma moitié m’a simplement achevé. L’appel téléphonique de l’hôpital pour m’annoncer que tout était terminé restera gravé dans ma mémoire jusqu’à la fin de mes jours. L’alcool est un réconfort, de même que les femmes qui partagent mes draps chaque soir. Mais il y en a une… Une. Elle hante mes pensées chaque nuit, elle trouble mon sommeil déjà agité, elle accélère les battements de mon cœur d’une façon plus que désagréable. Cameron m’a tout pris. Elle m’a tout volé. James et moi avons monté un journal, nous nous sommes donné un mal fou mais le succès a été au rendez-vous. Il m’a offert une perspective d’avenir, à l’époque, cela m’avait même rapproché de ma mère puisque celle-ci n’avait jamais réellement approuvé mes choix de carrière. Et cette blondasse écervelée a récolté les fruits d’un travail acharné, pour la simple raison que son nom était inscrit sur un bout de papier sans valeur que mon frère a dû signer sous l’emprise d’une drogue quelconque. Alors oui, elle occupe mon esprit et je sais que d’une certaine manière, j’occupe le sien. Roxon-Kennedy finira par me le payer, elle regrettera d’avoir croisé ma route. Encore une fois, le physique avantageux des jumeaux Wagner fera des ravages.

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? Je le toise d’un air mauvais et lui répond que s’il en vient à chercher le casting de son film en arpentant les rues pavées de clochards, il est bien loin de devenir le prochain producteur en vogue d’Hollywood. De toute façon, même s’il est vrai que je suis un acteur de talent, et Cameron pourra vous le dire, le cinéma ne m’a jamais vraiment intéressé.

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? Je rigole doucement et m'approche d'elle pour faire mine de m'intéresser à elle, à son chagrin. Bien sûr je me fiche pas mal de cette inconnue mais dans la mesure où elle est plutôt mignonne et que les gamines malheureuses sont des proies faciles..

→ Ton(ta) cousin(e) t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? Si la cousine est sexy, je la plaque contre le mur et la saute sans me poser de question. Peut-être qu’à froid j’y repenserai en me disant que cette idée pourrait fortement déplaire à ma mère qui je crois n’a jamais prôné l’inceste mais après tout, pas vu pas pris hm ?

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? J’ai toujours eu un faible pour le théâtre, mais je dois admettre que la soirée arrosée est plutôt tentante. Si whisky il y a, Julian Wagner il y aura !

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? Difficile de croire que j’vais foutre un pied dans un confessionnal mais admettons. Je crois que je parlerai de cette fois où j’avais volontairement fait prendre quelques drogues à la sœur de ma petite-amie du moment pour me la faire. Ce n’était sans doute pas vraiment nécessaire mais tellement plus drôle !

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Va pour la bague de fiançailles, de toute façon je suis contre le mariage, ce ne serait que lui rendre un fier service même si j’admets que voir certains secrets de famille révélés pourrait être particulièrement amusant à partir du moment où ça ne m’atteint pas.

→ C'est le mec (la fille) de tes rêves, tu en es persuadé(e) et pourtant, celui(celle)-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résigné(e), stratégique, ou éploré(e) ? On veut les détails ! Résigné ? Sérieusement ? Je suis un homme plutôt têtu dans mon genre, et je n’hésiterai pas à briser mon adversaire pour obtenir ce que je désire même s’il y a fort à parier que la demoiselle perde franchement de son intérêt une fois qu’elle me sera acquise.

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? Dans dix ans, je me vois à la tête du journal que James et moi avons fondé. Pour l’instant, je me contente de voir Cameron le diriger d’une façon plus que douteuse mais bientôt je récupèrerai ce qui me revient de droit, quitte à la détruire. Il est probable que j’ai quelques enfants non reconnus d’une conquête ou d’une autre mais ne croyez pas que je me rangerai pour devenir le parfait père de famille, on ne peut pas dire que j’ai eu un bon modèle pour ça et je suppose que je serais un bien piètre exemple pour des gosses.

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) Dare, parce que je n’ai jamais eu peur de me mettre en danger quand le jeu en vaut la chandelle.

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » T'as de l'ambition gamine, c'est bien tu iras loin.Cambridge est la meilleure pour apprendre à devenir Reine. Ils forment l'élite, et sont très à cheval sur les notes et le paraître. Bien sûr, Oxford est une faculté prestigieuse aussi alors je suppose que les deux se valent mais ton comportement compte bien plus pour le JCC que pour les TroubleMakers et c'est indispensable si tu veux t'asseoir sur le trône.

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Cambridge Club ? » C'est un groupe qui veille à la bonne réputation de leur école et font en sorte que les éléments perturbateurs se rangent dans le droit chemin. Ils peuvent détruire ta réputation sans problème si tu ne corresponds pas à leurs critères d'excellence. Mais il paraît que ces derniers temps, ils s'intéressent plus à ta popularité qu'à tes notes, et ça ne doit pas franchement plaire à certains. Enfin, ils restent les meilleurs des meilleurs et imposent le respect quand même, et si tu parviens à entrer au club, tu mérites ta place auprès des plus grands.

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» Les TroubleMakers s'amusent à détruire la vie des gens, ils les pourrissent jusqu'à ce qu'ils craquent. Ils sont capables des pires choses, et j'espère vraiment que tu n'auras jamais à te mesurer à eux. On ne sait pas vraiment qui ils sont, et pour quelle raison ils font tout ça. Je crois qu'ils tiennent un blog où ils diffusent les dernières rumeurs, enfin bien souvent elles sont vraies. Mais leur première passion reste la méchanceté gratuite, je te conseille de ne pas essayer de leur tenir tête, tu ne feras pas le poids.

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » J'en doute fort. Il y a trop de rivalités entre les deux facs, je doute que l'une t'accepte en sachant que tu viens de l'autre. Veille a bien choisir donc, c'est ton avenir qui est en jeu.

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »