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 Les anges n'ont jamais été plus beaux

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MessageSujet: Les anges n'ont jamais été plus beaux   Les anges n'ont jamais été plus beaux Icon_minitimeMar 9 Avr - 17:30


Morgana est vraiment partie. Bien sûr, je le savais déjà. Je l'ai compris, instinctivement, en voyant le regard des gens une fois la panique de la découverte passée. J'ai regardé Grégory, j'ai couru. Je l'ai vue. Evidemment que j'ai compris. Mais les choses gardaient une touche irréelle. Il y avait quelque chose d'absurde à l'idée qu'elle soit morte, précisément ce soir là. Le jour de la fête de l'amour. Cet Amour, cet Idéal qu'elle pourchassait sans relâche, aveuglément. Le jour où nous nous sommes disputées, pour une broutille, où nous avons échangé des mots si durs. Je devais déjeuner avec elle. Le 15. J'aurais dû frapper à sa porter en voyant qu'elle ne venait pas. Car bien sûr, elle ne serait pas venue. Je me serais excusée. Elle aurait fait une scène. J'aurais pris sur moi, expliqué. Elle aurait cédé. Mais je n'ai jamais pu faire le premier pas. Elle n'a pas pu jouer les âmes généreuses en me pardonnant. Elle est morte. Affreusement. Irraisonnablement. La mort, surtout dans la fleur de l'âge, est toujours absurde. Mais celle de Morgana est particulièrement tragique et ridicule. Ca n'a aucun sens. Comment a-t-elle pu mourir? Mourir comme ça?

Vêtue d'une robe noire lui ayant appartenu, je contemple mon visage blafard dans la glace et essaie d'imaginer ce qu'elle dirait. J'applique donc soigneusement fond de teint, poudre, blush, mascara, crayon et rouge à lèvres. Elle ne voudrait pas que j'ai l'air maladif ou que je ne sois pas sur mon 31. Elle n'aurait sans doute pas supporté que je ne fasse pas d'efforts. Je vais donc jusqu'à mettre un petit chapeau noir et un trench, ayant l'air de sortir tout droit d'un film noir. Douce ironie. Je serre les dents pour ravaler les larmes qui menacent. Pas aujourd'hui. Pas devant tous ces gens. Ce n'est pas comme à l'enterrement, chez nous, en Italie. Là bas, c'était pour nous. Pour que Mamma et Papa puissent la voir une dernière fois, puissent lui dire adieu. Pour qu'elle puisse être enterrée dignement, dans la maison de Dieu où elle a été baptisée. Pour que je puisse commencer à accepter l'idée que non, nous n'irons pas déjeuner. Je n'aurais plus l'occasion de m'inquiéter pour elle et de remettre à plus tard la conversation que nous aurions dû avoir il y a longtemps. Je ne peux définitivement plus l'aider/

Mais ici, c'est une cérémonie d'hommage. Pour elle. Juste pour elle. Pour que les gens viennent la voir, qu'elle puisse briller encore. Juste une fois. Sa photo, rayonnante, superbe, domine l'assemblée. Son sourire fulgurant a presque l'air de me narguer. Je souris tendrement en retour, demande au garçon des pompes funèbres s'il a bien eu le montage. Une séries de vidéos et photos de Morgana depuis l'enfance, en pleine lumière, dansant, chantant, riant, jouant la comédie, s'apprêtant pour une fête d'anniversaire, recevant son diplôme. Une belle rétrospective. Je suis sûre qu'elle aurait approuvé. Je m'assois sur une chaise, déjà lasse et terrassée. Les gens vont venir, me présenter leurs condoléances. Des gens que je connais pas. Qu'elle ne connaissait pas. Qui ne savaient rien d'elle, de nous. Et nos cousines seront là sans doute. Je n'ai guère eu l'occasion de discuter avec Annabella, mais j'ose espérer que nous pourrons le faire à l'avenir, qu'elle n'aura pas envers moi je ne sais quel ressentiment.

Luttant contre les larmes en contemplant le portrait de ma soeur, je prends une profonde inspiration. Pour Morgana. Je pourrais ensuite retourner à mon deuil, essayer de sortir de la torpeur qui m'habite depuis quelques semaines, Essayer de comprendre. Comprendre comment je peux continuer à vivre normalement maintenant. Tout a si peu d'importance désormais. Je marie les gens pour vivre. Quoi de plus trivial une fois face à la mort? Quoi de plus radicalement et stupidement optimiste? Quelle est cette défiance de la vie, à vouloir absolument construire son bonheur pour mieux qu'il s'effondre? Comment pourrais-je revenir à une telle occupation? Des tourbillons de robe blanche, des indigestions de pièces montées, des guerres de contrat nuptiaux. Pourquoi? Comment? Mais, heureusement ou non, la porte de la chapelle s'ouvre et les premiers invités arrivent. Finalement, ce n'est qu'une cérémonie comme les autres.
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MessageSujet: Re: Les anges n'ont jamais été plus beaux   Les anges n'ont jamais été plus beaux Icon_minitimeMar 9 Avr - 22:36

La vie nous réserve son lot de surprises et ce à bien des niveaux. La majorité d’entre nous sait s’en accommoder, car elles ne bouleversent pas réellement leur quotidien - mais pour d’autres, la pilule est bien plus difficile à avaler. Le choc est dans une certaine mesure proportionnel à la surprise en elle-même et c’est ce qui explique, à mon sens, pourquoi on a tant de mal à se remettre d’une perte. Parce qu’on peut bien prétendre s’y être préparé, la mort finit toujours par nous prendre de court et à la fin de l’histoire, il nous est impossible de faire quoi que ce soit, si ce n’est peut-être vaciller sous le poids de notre chagrin. Parce que la perte d’un parent, d’un amant ou encore même d’un voisin peut très bien passer inaperçue aux yeux du monde, mais détruire la vie d’un être spécifique. La perte n’est pas anodine. C’est une épreuve, un combat de tous les jours, une injustice avec laquelle il faut concilier pour continuer à vivre. La mort est une fatalité, elle marque réellement une fin en soi. Au risque de passer pour un réactionnaire borné (ce que je suis probablement), je n’ai jamais cru et je ne croirai jamais à ces idées futiles d’éternel recommencement ou de réincarnation - tout comme je n’apporterai jamais aucun crédit aux balivernes dont nous affuble les prêtres lors des enterrements. Pour moi, la mort est simplement tragique, douloureuse et accablante. La mort nous arrache nos proches, elle les conduit loin de nous et nous laisse sans repères. La mort, enfin, provoque l’absence qui reste à mon avis, le poids le plus difficile qu’un homme puisse porter sur ses épaules. L’absence est quelque chose qui sans réellement s’expliquer, se ressent constamment. L’absence est quasiment impossible à supporter et tellement dérangeante. A moins d’avoir soi-même perdu un être cher, il vous est probablement impossible de comprendre ce que ces gens, à l’instar de ma douce Calypso, peuvent ressentir en de pareilles circonstances.

Elle applique une dernière couche de rouge sur ses lèvres et se résout à quitter notre suite. Ses lèvres, restées closes depuis que nous sommes rentrés d’Italie ne semblent pas enclines à lâcher le moindre mot, mais je saurais me contenter de ce silence. Si c’est ce dont elle a besoin, je m’effacerai et ne poserai pas de questions. Je serais là, attentif au moindre de ses désirs, prêt à me plier en quatre pour lui redonner le sourire, même si je sais que cela prendra probablement un certain temps avant qu’elle ne retrouve goût à la vie. Car même si leur relation n’était pas au beau fixe, Calypso aimait sincèrement sa sœur. N’ayant jamais traversé ce type d’épreuve, je ne peux qu’imaginer la profondeur de sa tristesse, totalement impuissant.

Nous sommes les premiers à pénétrer dans la chapelle. Sans même un regard, Cally se détache de moi pour aller s’assurer que tout est bien en place. Elle s’est donnée beaucoup de mal pour rendre hommage à Morgana. Montage vidéo, portrait et fleurs de toutes parts, le lieu n’a jamais été aussi beau. Desserrant légèrement ma cravate, je passe une main sur mon visage histoire de me redonner un semblant de contenance. Je ne connaissais pas vraiment la défunte, mais voir la femme que j’aime dans cet état me fait atrocement mal. J’aimerais pouvoir l’aider à surmonter tout ça ou au moins lui dire quelque chose à même de la réconforter, mais tous les mots d’amour ne seront pas suffisants. Je me sens loin d’elle depuis quelques temps. Je ne l’en blâme pas, au contraire, mais j’ai un peu de mal à me situer au milieu de tout ça. Que suis-je censé faire? La forcer à se confier ou m’effacer? Lui laisser du temps ou la forcer à réagir pour lui éviter de sombrer?

Je prends place à ses côtés et presse doucement sa main. « Je t’aime… Ça va aller… » je lui glisse à l’oreille avant de l’embrasser sur le front, conscient que mes paroles n'auront pas l'effet escompté. L’heure n’est pas aux effusions, les premiers « invités » pénètrent déjà dans l'antre de la chapelle.
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