mow ~ i wanna be your lost boy, your last chance, a better reality

« Aie, aie, aie James, attention ! » Trop tard. Mon petit frère choute dans le ballon, qui dérive complètement et… fonce droit dans la fenêtre d’un des salons de la propriété de grand-père. Je grimace, me mordant la lèvre, alors que James fixe la fenêtre d’un air horrifié. Zut de zut. Trois fois en deux semaines, je suis presque certain que ça ne va pas passer cette fois. « MAXIME OLIVER WINDSOR ! QU’EST-CE QUE TOI ET TON FRERE AVEZ FAIT, ENCORE ?! » j’entends notre gouvernant, Miss Patterson, s’écrier depuis l’intérieure du bâtiment. C’est bien ce que je pensais, cette fois, ça va être plus dur de s’en sortir avec un simple « désolé » et un regard innocent. « Max, qu’est-ce qu’on va faire ? » mon frère de quatre-ans-presque-cinq, comme il aime le préciser, me demande, l’air plus terrifié que jamais. Je n’en mène pas large non plus. On adore notre gouvernante, mais il faut dire qu’elle peut être… intimidante, quand elle est en colère. Et à en juger par la tête qu’elle fait à présent, alors qu’elle s’avance à grand pas vers nous, elle n’est clairement pas dans la meilleure des humeurs possible. « Maxime ! James ! C’est la troisième fois depuis que vous êtes arrivés ! Oh mon Dieu, vous avez de la chance que votre grand-père se soit absenté pour trois jours ! Qu’est-ce que Monsieur le Duc dirait s’il voyait ça ! » Le Duc, c’est mon grand-père. Edward de Kent, cousin de la reine d’Angleterre, et fier descendant de George V, comme il ne cesse de le répéter à qui veut bien l’entendre. Oui je sais, je fais parti de la famille royale d'Angleterre, let's move on please. « C’est fini, les jeux de ballons ! Terminé ! » Penaud, nous baissons tous deux la tête. Mais en tant qu’ainé, je prends quand même la responsabilité de nous défendre. « Mais on s’ennuie Miss ! Grand-père est jamais là, et on a pas le droit de monter les poneys en son absence ! Y’a rien d’autre à faire ! » Ma voix est celle d’un petit garçon de six ans, mais elle est ferme, et il n’en faut pas plus pour me faire relever la tête et regarder ma gouvernante dans les yeux, un air effronté sur le visage. Son masque de colère se dissous devant moi, pour laisser place à une expression qu’à l’époque, du haut de mes six ans, je suis bien trop jeune pour interpréter, mais qui maintenant, prend tout son sens : de la tristesse, mélangée à de la pitié. Elle soupire, et s’agenouille devant moi, posant sa main sur mon épaule. « Tu es un brave garçon, Maxime. Et tu dois comprendre que ton grand-père, et ton père aussi, ont beaucoup de responsabilités. Ils adoreraient passer plus de temps avec vous deux, mais malheureusement, ce n’est pas possible, et… » Je baisse la tête, sentant les larmes me monter aux yeux. Je sais tout ça. J’ai bien compris que papa avait mieux à faire que de s’occuper de ses fils. Surtout depuis que maman est partie. Mais c’est pas une raison. « C’est pas juste » je murmure, et je sens le regard déconcerté de James se poser sur moi aux tremblements dans ma voix. Miss Patterson me sourit tristement avant de déposer un baiser sur le haut de mon crâne et de se relever, nous tendant la main à tout deux. « Que diriez-vous d’aller jusqu’au village pour acheter une bonne glace ? Et ne vous inquiétez pas, la fenêtre sera notre petit secret » dit-elle avec un clin d’œil complice. Mon petit frère attrape immédiatement sa main, chantonnant « glace glace glace » à tue-tête. J’ai un moment d’hésitation, mais fini éventuellement par saisir son autre main, alors que James nous entraîne à sa suite vers l’entrée du manoir.

J’ouvre doucement la porte de ma maison, étouffant un juron quand mes clés viennent frapper bruyamment sur le métal de la poignée – je ne tiens pas plus que ça à réveiller James et Miss – et commence l’exercice compliqué d’enlever mes converses sans me casser la figure, ce qui, quand on vient de se fumer pour plus de 30 livres de heu… let’s say, herbe, à huit, n’est pas forcément la chose la plus simple au monde (surtout que je suis vraiment un pas doué à la base, donc). Après avoir manqué de trébucher sur mon lacet défait, et avoir enfin réussi à me déchausser, je me dirige vers la cuisine – je crève la dalle. Sans prendre la peine d’allumer, j’ouvre la porte du frigo, fixant son contenu d’un œil hagard. « Je peux savoir ce que tu faisais dehors à une heure pareille, Maxime ? » Je sursaute brusquement, fermant violement le frigo, alors que la lumière s’allume, révélant mon père, dans son éternel costume sur mesure Peter Tailor. « Papa ?! Qu’est-ce que tu fou… fais là ?! T’es pas censé être en voyage d’affaire à New-York ?! » La dernière fois que je l’ai vu à la maison, ça remonte à octobre de l’année dernière, il y a presque six mois. Et c’était juste le temps d’apporter des cadeaux pour les quatorze ans de James. « Surveille ton langage, je te prie. Et je crois t’avoir posé une question, Maxime. » Son ton est calme, mais je peux sentir l’agacement dissimulé derrière cette façade. Son attitude, accumulée avec des années de rancœur, a tôt fait de me faire monter la moutarde au nez. « Qu’est-ce que tu peux bien en avoir à foutre, de là où j’étais ? C’est pas comme si t’avais ne serait-ce que prétendu t’intéresser à moi ces treize dernières années » je rétorque, serrant des poings. J’avais deux ans quand ma mère nous a abandonné, et depuis, c’est à peine si j’ai vu mon père plus de vingt-quatre heure de suite. Il est un peu trop tard pour commencer à prétendre agir comme une figure d’autorité avec moi. Et j’en ai rien à faire que ma remarque l’ai blessé au point que ça se voit sur son visage. Il le mérite. Il mérite pire qu’une simple remarque, d’ailleurs. « C’est plus compliqué que ça, Maxime » répond-t-il en secouant la tête. Un ricanement mauvais m’échappe. « Tu me prends pour un abruti ou quoi ? C’est pas compliqué, pas au point de nous abandonner, James et moi ! Vous êtes des lâches, toi et maman, des lâches ! C’est tout ce que vous êtes ! Et je ne réponds pas à un lâche ! » Il relève la tête, et me fixe d’un regard furieux. « Ça suffit Maxime ! Je suis ton père, que tu le veuilles ou non ! Et en tant que membre de la famille ro… » Je ne le laisse même pas finir. Je sais ce qu’il va me dire. Je l’ai déjà entendu des millions de fois. « Arrête ! Arrête d’utiliser ça comme excuse ! Arrête d’utiliser ça pour m’ordonner d’être responsable, de me comporter en adulte ! Si être un adulte et responsable, c’est être comme toi et grand-père, et ne jamais être présent pour voir grandir ses enfants, pour s’occuper d’eux, alors je préfère continuer à faire le plus de conneries possible et ne jamais grandir ! » Je fulmine. Il n’a pas le droit. Il n’a pas le droit de débarquer et de m’apprendre à vivre. Je fais ce que je veux. Il n’a jamais fait l’effort de m’éduquer, de m’aimer, il n’a aucun ordre à me donner. « Assieds-toi » me dit-il d’un air las. Je reste immobile un instant, fou de rage, jusqu’à ce que je croise son regard, suppliant. Je me mords la langue, hésitant, avant de m’exécuter avec un grognement. Il s’assied en face de moi, et soupire à la vue de mon visage fermé. « Je suis désolé, Maxxie. » J’écarquille les yeux. C’est la première fois de ma vie qu’il m’appelle par mon surnom, et surtout, qu’il s’excuse. « J’ai merdé. Quand ta mère est partie… Ça m’a détruit. Et… je me suis distancié de toi et ton frère, je me suis plongé dans le boulot, parce que je ne savais pas comment gérer la douleur. » Il ricane. « Trente ans, richissime de par sa famille et son travail, et incapable de gérer un cœur brisé, voilà ce que j’étais. Ce que je suis encore. » Il commence à jouer avec ses mains, un signe de nervosité. Je ne pensais pas que je verrais ça chez lui. « Mais je vais… je vais réparer ça. J’ai… j’ai décidé de travailler moins, et seulement à partir de la maison. J’ai décidé… d’être là pour toi et ton frère. S’il n’est pas trop tard. » Il relève la tête, me fixant d’un air grave. Son ton est hésitant, comme s’il avait besoin de mon accord. Je reste silencieux. « Je suis désolé, Maxxie. Je promets que je vais tout faire pour me rattraper. » Je détourne le regard un instant, la rancœur encore bien présente dans mon cœur. Une part de moi a toujours rêvé de ce moment, d’avoir une chance de connaitre mon père. Mais une autre est en colère au point de vouloir l’envoyer bouler dans l’instant. Finalement, je soupire de fatigue. « Tu vas avoir du boulot, papa. T’as treize ans de retard. » Il sourit, soulagé. « Je sais, mon grand. Je sais. Mais je suis prêt à relever le challenge. »

J’inspire un grand coup, et tourne la clé dans la serrure. Je ferme les yeux, trop excité et anxieux pour regarder. « Heu, tu vas rester planté sur le seuil comme un abruti longtemps ? » Je sursaute, et ouvre les yeux, rougissant comme une tomate, me retrouvant face à face avec un jeune garçon de mon âge, qui me regarde comme si j’avais un sérieux problème. « Heu, je, heu… » je balbutie, comme le parfait idiot que je suis, avant de pénétrer maladroitement dans ma nouvelle chambre, manquant de me casser la figure sur ma propre valise. Le garçon lève les yeux au ciel, et je me donne une baffe mentalement. Tu parles d’une bonne première impression. « Désolé. Je sais que j’ai l’air complètement débile mais c’est juste que… ça fait un bout de temps que j’attendais de pouvoir vivre par moi-même, sans parents ou figure d’autorité… » et dans une chambre trop petite pour avoir un semblant d’espace personnel, pas une immense maison constamment vide je pense, sans le dire à voix haute toutefois. Inutile d’exposer ma vie de gosse de riche – et accessoirement arrière-arrière-petit-fils de George V – à un parfait inconnu. « Anyway. Je m’appelle Maxime, mais tu peux m’appeler Maxxie ou Max » j’enchaine avec un sourire embarrassé. Il hoche la tête, un petit sourire amusé sur les lèvres. « Alex. » Je dépose avec difficulté mon énorme valise au centre de la chambre. Believe it or not, à peine un quart de cette valise contient des fringues. Elle est composée majoritairement de DVD, livres, de mon carnet à dessin, et de mon immense mallette à dessin, ustensiles qui ne me quittent jamais. « Tu heu… préfère quel côté ? » Il est assis au bureau de gauche, mais on sait jamais. « Comme tu veux. J’ai pris le gauche par habitude, mais ça me dérange pas de changer. » Sans attendre, je pause mon sac à dos sur le lit de droite. « T’inquiète, ça me va. Tu partageais ta chambre avec un frère ? » J’aurai adoré ça. Pouvoir partager ma chambre, peut-être pas quand j’étais ado, mais quand j’avais six ou sept ans. Mais bon, ce n’était pas les chambres qui manquaient, chez moi. « Trois. Trois frères. Ma sœur a eu de la chance, elle a eu une chambre pour elle toute seule » il répond, un air de vague nostalgie dans les yeux. Sans le vouloir, j’écarquille des yeux. « Oh » je murmure sans y prendre garde, pris par surprise. Il éclate de rire, et je rougis, embarrassé. « Désolé. C’est juste que… » « que c’est surprenant qu’un mec qui vivait à quatre dans une chambre se retrouve à Cambridge. Je sais. » Je baisse la tête, mal à l’aise. « Fais pas cette tête. Au moins je peux affirmer être entré uniquement grâce à mes capacités intellectuelles, contrairement à tous ces gosses richissimes qui se sont fait pistonnés et qui vivent probablement dans un immense appartement quelque part dans le centre-ville. » Je fronce les sourcils, piqué au vif. Je suis un gosse de riche, mais je n’aime pas les stéréotypes, particulièrement quand on insinue quelque chose comme ça. J’ai clairement fait comprendre à mon père et mon grand-père que s’ils ne levaient ne serait-ce qu’un pouce dans mon projet d’entrer à Cambridge, je trouverai un moyen de leur faire payer. Je voulais bien qu’ils m’aident avec mes frais de scolarité, parce que soyons honnêtes, je n’ai pas les moyens de payer ça, mais je voulais réussir à entrer par moi-même, sans avoir à utiliser des « contacts ». Sans compter que j’avais largement le niveau pour entrer. C’était juste l’interview qu’il ne fallait pas rater. « Tous ne se font pas pistonner, tu sais. Evidemment, papa maman leur paient un appartement, mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont aucun mérite. » Il fait une petite moue désabusée, avant de faire une grimace, comme s’il repensait à un souvenir pas particulièrement agréable. « Crois-moi, ils sont tous pareils. Je peux pas les supporter. Je vais essayer de les éviter de mon mieux, d’ailleurs. J’ai pas besoin d’être constamment rappelé que je suis boursier. C’est du poison, ces gens. Tous les mêmes. » Je déglutis. Moi qui rêvais de la belle et grande amitié avec le colocataire, on est mal barré. Mes années universitaires commencent bien.

→ Ugh j’ai soif, mon verre est viiiiiiiiide ! Vous croyez qu’on peut considérer la menthe comme un fruit ? Seriously, ça pousse dans l’herbe comme n’importe quelle plante, ça devrait être considérée comme un fruit et quand je vous demanderai si je dois boire un mojito ou une bière cerise, je n’aurai pas à privilégier l’un par rapport à l’autre pour avoir ces foutus cinq fruits et légumes. Je mange de la salade tous les jours à cause de ça, mais je. Ne. Suis. Pas. Un. laaaaaapin. D’ailleurs tu mets quoi dans une salade de fruits rouges ? Heu... je... Hum... des fruits... rouges? Ou noir. Parce que des fois je mets des myrtilles ou des mûres, tu sais. Et même de temps en temps, mais c'est plus rare, je rajoute de la pomme parmi tous les fruits rouges. Je sais, c'est pas forcément rouge, la pomme, mais c'est bon.

→ Pff, c’est ce que je n’arrête pas répéter à Francine qui habite à côté de chez moi mais elle ne m’écoute pas. Et elle n’arrête pas de gueuler quand j’appelle mes amies à deux heures du matin. Ca te dérangerait que je t’appelle ? A deux heures du matin? Probablement, oui.

→ On parle, on parle mais on n’a même pas commandé. Alors mojitoooo ou bière cerise ? Je suis plutôt bière blanche moi. Quoi que, un mojito de temps en temps, ça fait de mal à personne.

→ Tu as des gouts bizarres mais j’ai soif ! Ouh ouh barman ! Coucouuuuuuuuu j’ai un billet pour toi ! Je peux le mettre dans votre caleçon ? Vous avez la tête d’un strip-teaseur ! Je ne serai pas contre une petite danse langoureuse… Finalement ça sera tequila pour tout le monde et vous savez ce qui va avec la tequila ? Le guacamole ? Oh qu’est-ce qui riiiiiiime avec guacamole ? Je... heu... je sais pas... bol?

→ Troooooooooll/guacamole, you’re right ! Damn quelle heure est-il ? Je dois appeler la cousine de l’oncle de la meilleure amie de ma tante qui habite à Sydney, parce qu’elle est géniale. Tu connais Sydney ? L’autre jour, j’ai appris qu’Ewan Mcgregor avait tourné à poil là-bas. MEC EWAN A POIL CA NE TE FAIT RIEN ? Si, un peu quand même. Même si je t'avoue que je suis plus bruns, en général.

→ J’ai des bouffées de chaleur rien que d’y penser. Ouh il reste un apérifrais sur la table, tu le mange ou pas ? Naaaaah, j'te l'offre, enjoy.

→ Tant mieux, parler de guacamole, ça donne faim. C’est une bonne situation ça scribe ?? Tu crois que si je mets plein de points d'interrogation à la fin de ma question, est-ce que le pouvoir interrogatif de cette question devient plus grand ??? C'est une bonne question. T'en penses quoi?

→ Je ne sais pas, je demande. Tu porte une chemise alors qu’il fait 15 mille degrés. Aïe caramba la tequila est arrivée ! Cheers ! Omg c’est moi ou j’entends la sublime voix de Paul. SHE’S GOOOOOT A TICKET TO RIDE BUT SHEEEEE DON’T CAAAARE ! Non tu ne rêves pas, le talent c’est de famille. C’est quoi la première chanson des beatles qui te vient à la tête et pas de triche ! Tu ne regardes pas le jukebox parce que si on doit vivre une grande histoire d’amour ou juste une minuscule histoire de sexe, la taille ne compte pas, je dois savoir si tu es digne d’intérêt. Quoi que non, ça ne compte qu’à moitié. Jouons à j’épouse, je tue, je couche avec Ewan Mcgregor, Colin Firth et Pippa Middleton ! Attends tu veux que je te dise le nom de la chanson des beatles qui me vient en tête avant ou pas? Parce que si ça t'intéresse, ben c'est Octopus Garden. Sinon, j'épouse Colin, je me tape Pippa, et c'est pas que j'aime pas Ewan, mais bon, voilà quoi.

→ Ew, je ne suis pas d’accord. Tu as de la chance d’avoir un beau petit cul. Tu dois vraiment être apprécié de la gente masculine. Pour combien tu te baladerais dans la rue en string ? Parce que je suis prête à mettre le prix qu’il faut. Enfin pour ça il faudrait que je sois payée. On est le combien ? Ah oui, j’ai trouvé ! Ca me fait penser tu sais pourquoi septembre est le neuvième mois et non le septième, octobre le dixième et non le huitième, novembre le onzième et non le neuvième et décembre le douzième et non le dixième ? Heu... Tu es consciente que je suis un mec, pas vrai? I mean, je suis bi, mais c'est pas ça qui va me faire porter des strings ! Anyway, oui je le sais, c'est à cause de Jules César et des romains, un truc du genre.

→ Ah merde on m’appelle ! J’arriiiiiiiiiiiiive ! C’est Sam ! Tu connais Sam ? Sam qui?

→ Dommage. Hop cul sec et on se revoit vite pour manger du guacamole. Surtout n’oublie pas de venir en string. Byyyyye !