CHL - hakuna matata !

La majorité. C'est à cette époque que j'ai rencontré Noam, jeune délinquant sorti tout droit du Bronx. Il était tout aussi paumé que moi. Il enchaînait les histoires sans lendemain, se promettant de ne jamais se poser avec qui que ce soit. Il passait ses soirées en boîte de nuit, ingurgitant toute substance qui pourrait lui faire tourner la tête jusqu'au bout de la nuit. Il a tout d'abord été celui qui me vendait ma drogue quotidienne. Et puis un jour, il m'a invitée à boire un verre dans le bar du coin. Sans même savoir réellement pourquoi, on a parlé de tout, comme de rien. J'ai même parlé de ma mère avec lui, sujet pourtant épineux d'ordinaire. A croire qu'on s'étaient plutôt bien trouvés. Quelques semaines plus tard, il s'est fait attraper avec quelques doses qu'il me devait dans la poche intérieure de son manteau. Il a fait quelques mois de prison et je n'ai cessé de lui rendre visite, me sentant coupable de cette arrestation. A sa sortie, on s'est retrouvés dans le bar qu'on avait l'habitude de fréquenter avant son incarcération. Alors qu'il aurait hésité plus d'une fois avant de le faire autrefois, il n'a pas hésité une seconde. Il m'a embrassé. C'était déjà arrivé auparavant, mais cette fois-ci, je sentais bien que c'était différent. Il avait fait ça avec tact et délicatesse et non pas en m'arrachant maladroitement les cheveux comme ça lui était déjà arrivé certains soirs. Ce jour là, le jour de sa sortie de prison, nous nous sommes promis de devenir des gens biens. Il a donc arrêté de dealer et moi, j'ai finalement repris mes études. Ce fut compliqué, autant pour lui que pour moi, car nous étions loin d'être assidus autrefois. Rapidement, il a obtenu un poste de serveur dans un restaurant gastronomique et j'ai obtenu de quoi devenir journaliste. Qui aurait pu croire que nous, deux jeunes adultes paumés, trouverions finalement notre voie.


Nos jobs respectifs nous ont rapidement permis de trouver de quoi nous loger pour vivre enfin tous les deux. Nous avons emménagé dans un joli petit quartier, quatre fois plus fréquentable que le Bronx. Nous sommes alors devenus les gens biens qu'on s'était promis de devenir à sa sortie de prison. Cela ne nous a pas empêché de continuer à faire des conneries pour autant. Nous allions nous baigner deux fois par mois dans la piscine du voisin. Sans compter toutes les fois où nous avons passé des après-midi entières à nous moquer des passants, assis sur notre banc fétiche dans le parc du coin. Nous avions finalement trouvé un équilibre, notre équilibre. De quoi vivre heureux sans penser à de quelconques contraintes. Bien sûr il y avait ces quelques disputes, qui nous séparaient pour quelques heures mais qui nous réunissait de plus belle en fin de journée. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureuse de toute ma vie. Comme on le dit souvent, la roue finir toujours par tourner. Elle avait bel et bien tourné pour nous.


Mais un jour, tout a basculé. Noam et moi sortions d'une soirée plutôt arrosée. Il était tout aussi saoul que moi et l'idéal aurait été de rentrer à pied. Nous étions toutefois bien trop loin pour que cette éventualité soit réalisable. J'ai alors décidé de prendre le volant, m'en sentant beaucoup plus capable que Noam. Malgré l'alcool qui coulait dans ses veines, il m'a plus d'une fois demandée si j'étais sûre de vouloir rentrer dans cet état. Selon moi, il n'y avait pas d'autre choix. Si seulement j'avais su... Je roulais à une vitesse plutôt déraisonnable. Noam m'avait conseillé mainte et mainte fois de ralentir, pour sa sécurité, mais aussi pour la mienne. J'avais préféré augmenter le volume de l'auto-radio pour ne plus l'entendre, à moitié concentrée sur la route et chantant à tue tête. Il a suffit de quelques secondes pour que la voiture finisse par percuter ce petit garçon. Que faisait-il à une heure si tardive sur la route ? C'est la question qui me torturera durant de longs mois suite à cet accident mortel. Oui, ce soir-là, j'ai renversé et tué un enfant qui avait tout au plus une dizaine d'années. J'ai arrêté net la voiture, et nous sommes sortis, Noam aussi affolé que moi. Il a tenté de lui faire un massage cardiaque, en vain. « Il est mort Noam... Mort ! » Je pleure et crie à la fois, terrassée par la douleur et la culpabilité. « Crys' calme toi on va trouver une solution. On trouvera une solution. » Noam me serra contre lui, alors que j'étais toujours à genoux au milieu de la route, aux côtés de ce petit corps sans vie. « Quelle solution ? Hein ? Je conduisais complètement saoule, chose insensée et j'ai tué ce petit garçon ! Si qui que ce soit vient à le savoir, j'aurais de quoi finir en prison... » Je me retire de l'étreinte de Noam, incapable de me sentir digne d'une quelconque consolation. Ce n'est que quelques minutes plus tard que Noam reprend la parole. « Monte dans la voiture, tout de suite. » Il a finalement été contraint de m'y forcer et c'est après avoir déposé le corps du petit garçon dans un fossé bordant la route qu'il nous a ramené à la maison. Oui, nous avons pris la fuite, conscients de l'erreur que nous avions commise.


« Crystel viens manger, je t'ai préparé le repas. » Noam est dans l'encadrement de la porte de notre chambre, que je ne quitte plus depuis le fameux accident. Depuis deux semaines, je prétends avoir perdu une personne de ma famille pour éviter de me rendre au travail. « J'ai pas faim... » « Chérie, ça fait deux semaines que t'as jamais faim, il faudrait peut-être que... » « J'ai pas faim j'te dit, c'est pourtant pas si compliqué à comprendre, si ?» Ma voix se fait agressive, tandis que je lui lance un regard noir. Il n'y est pour rien. Lui qui aurait pu m'en vouloir à vie d'avoir roulé à une telle vitesse complètement ivre. Lui qui aurait pu me dénoncer ouvertement à la police ce soir de décembre. Il n'a rien fait de tout cela. Au contraire, depuis cet accident, il tente coûte que coûte de me faire remonter la pente et a pris un mois de vacances pour pouvoir être à mes côtés. Le seul problème, c'est que je n'arrive pas à accepter la situation. Nous avons fuis, tels deux voleurs, après avoir commis la plus grosse erreur de toute notre vie. Nous avons laissé ce petit garçon, dans le fossé. Je porte le bracelet qu'il avait au poignet le soir de l'accident. Une gourmette, qui porte son nom. Jonathan. J'ai tué Jonathan. Et je ne m'en remettrais jamais. Noam se dirige alors vers moi, et me soulève afin que je sorte une bonne fois pour toute de notre lit, qui est devenu mon repère. « Lâche moi ! LÂCHE MOI! » Ma réaction ne se fait pas attendre et je tends le couteau que j'ai pris soin de garder dans la poche de mon gilet. « Mais ça va pas ! T'es devenue dingue ou quoi ? »
Ça a été la goutte de trop. Noam a fini par m'envoyer dans un centre, où je serais mieux pris en charge selon lui. Je lui en ai voulu, énormément. J'avais comme l'impression qu'il m'abandonnait, moi et ma "folie". Sans compter que ce séjour dans ce centre m'a rendue plus folle qu'autre chose. Leur but était de savoir ce qui m'avait rendue ainsi. Mais comment ? Comment leur dire que j'étais à l'origine de l'accident mystère du fameux soir de décembre ?

« Je t'en supplie Noam, laisse moi sortir d'ici. Je ferais tout ce que tu voudras, j'te le promets mais s'il te plaît, fais moi sortir de ce centre de dingues... » Il a finalement compris à quel point je souffrais de son absence et à quel point j'étais capable de me reprendre en main une fois de retour dans notre maison. Ma déprime ainsi que les nombreuses marques sur mes poignets l'aidèrent également à comprendre à quel point ce centre était source de détresse pour moi. Je suis donc sortie après six mois d'internement. Six longs mois.
"J'ai essayé de me reprendre en main. Je sais que je te l'avais promis mais... Je n'y arrive pas. Notre lourd secret me hante jour et nuit. Je ne veux plus être un poids pour toi. Je t'aime. Crys'."


Et puis un jour, j'ai décidé finalement de partir en compagnie d'un simple sac contenant quelques affaires ainsi qu'un album photo. Album photo qui contenait tous les bons souvenirs. Ces souvenirs qui dataient d'avant le drame. Ces souvenirs que j'étais certaine de ne plus pouvoir revivre. Je l'aimais. Bien sûr que je l'aimais toujours. Mais c'était bien trop dur. Le voir chaque jour me rappelait ce petit garçon mort au milieu de la route par ma faute. Il avait pourtant été là pour moi et aurait pu me tromper à la première occasion. Car cela faisait des mois que je ne m'approchais plus de lui, ni même de quiconque. J'avais pourtant essayé de relever la tête, pour débuter une nouvelle vie. Mais c'était impossible. Alors j'ai finalement trouvé la solution. Partir. Lui imposer ce départ pour qu'il commence lui aussi une nouvelle vie, loin de moi, et de mon éternelle culpabilité. Ça n'était sûrement pas la meilleure des choses à faire, mais je n'ai rien trouvé d'autre.



La vie sans lui a été plutôt dure les premiers mois. Je ne cessais de penser à lui, à nous. A ce départ que je lui avais fais subir, sans même lui donner d'indications sur ma nouvelle destination. Afin de me persuader de la positivité de mon choix, j'enchaînais les soirées en boîte de nuit, me prouvant qu'il était encore possible de plaire. Pourtant, tout cela me dégoûtait au plus profond de moi, et je refusais à chaque homme une nuit en leur compagnie. Noam était encore bien trop présent dans mon esprit mais surtout dans mon cœur. Lui qui ne m'avait jamais abandonnée, qui m'avait offert tout ce dont j'avais besoin. Comment avais-je osé lui faire une chose pareille ? Il faillit retrouver ma trace une fois, mais je pris soin de changer régulièrement d'endroit pour vivre. J'enchaînais les soirs à l'hôtel.



Londres. Oui, j'ai fini par déposer définitivement mes valises à Londres, il y a maintenant trois ans. Plus qu'un endroit où je dépose mes valises, c'est un endroit où je compte faire de belles rencontres. A vrai dire, ici, personne n'est au courant de mon passé, de mes erreurs, de ma grosse erreur. Je n'ai plus de nouvelles de Noam depuis quelques années, et à vrai dire je suis loin de me douter qu'il a finalement mis fin à ses jours après avoir tenté de me retrouver, en vain. Je me considère donc de nouveau célibataire, et prête à découvrir de nouveaux horizons, munie de mon appareil photo.

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? A vrai dire, je pense que je sauterais sur l'occasion. Ça n'est pas donné à tout le monde d'avoir une telle opportunité ! Après, je ne vous garantis pas d'être digne des grandes actrices. Je suis plutôt habituée à être derrière mon appareil photo, et non devant la caméra. Mais après tout, qui ne tente rien n'a rien ! Alors oui, j'accepte !

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? Je dois avouer que ça me ferait plutôt rire dans un premier temps mais... Je me mettrais rapidement à sa place et j'aurais finalement pitié, évidemment. J'irais peut-être même la conseiller, qui sait !

→ Ton(ta) cousin(e) t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? Je crois que ma main partirait assez vite sur sa joue. De façon plutôt brutale. Après coup, je ne sais pas si j'arriverais à m'excuser, et cela même s'il était sous l'emprise de l'alcool. Faut dire que... Je pars du principe que, même sous l'emprise de l'alcool, nous pensons quelque peu ce que nous disons. Conclusion : ce serait plutôt inquiétant !

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? Je suis restée une grande gamine ainsi qu'un garçon manqué dans l'âme. Donc je vous dirais une bonne partie de jeux vidéos avec mes meilleurs potes. Bah quoi, j'y peux rien si je traîne principalement avec des mecs. J'ai du en être un dans une autre vie.

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? Je lui explique tout à propos de l'accident qui a valu la mort d'un petit garçon par ma faute. Et le fait que je l'ai laissé sur le bord de la route, après m'être enfuie. Ce serait plutôt dur de l'avouer, mais je dois vous avouer que ça me soulagerait énormément.

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Je ne suis pas fière de ma réponse, mais je préfèrerais qu'il s'en prenne à la bague de fiançailles. Parce que révéler mon secret, ce serait me donner une belle opportunité de me retrouver en prison. Je préfère encore faire un crédit pour racheter la même bague à l'ami en question !

→ C'est le mec (la fille) de tes rêves, tu en es persuadé(e) et pourtant, celui(celle)-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résigné(e), stratégique, ou éploré(e) ? On veut les détails ! Stratégique. Disons que je serais plutôt du genre à draguer cet homme subtilement, pour l'amener à moi petit à petit. Après tout, s'il finit par m'embrasser, je serais pas coupable, n'est-ce pas ?

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? Même si j'ai déjà vingt-sept ans, je ne me projette que très rarement dans l'avenir. Il fut un temps où je le faisais, mais ça n'est plus le cas. Je vis au jour le jour, et advienne ce qui adviendra !

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) Truth, même si je dit pas toujours la vérité.

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » Je dirais Oxford. Même si je n'y ai pas étudié, on m'en a dit beaucoup de bien, du coup ça m'arrange pour répondre vous comprenez.

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Cambridge Club ? » Un groupe d'étudiants de Cambridge qui veulent garder la bonne réputation de Cambridge. Ils pensent former l'élite. Ils gardent un œil sur tout et cela leur permet d'établir des listes, du plus au moins populaire.

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» Pas vraiment, non. Eux, ils cherchent à semer le chaos. Faire de la vie des autres un enfer, ça les excite.

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » Je ne pourrais pas te dire, j'ai vécu aux Etats-Unis tu sais et je suis ici que depuis quelques mois. Mais dès que j'en saurais un peu plus, crois moi, tu seras la première à en être informée !

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »