SJ * Dr Jones, Dr Jones, Wake up now...

L’enfance de Sarah Jones fut marquée par les ecchymoses et les écorchures. Quand elle était petite, sa mère lui disait que le croque mitaine allait venir lui arracher le cœur si elle ne voulait pas aller se coucher ou si elle n’était pas sage. Ça avait marqué son imaginaire. Aujourd’hui, il subsiste encore la crainte insensée qu’une ombre malfaisante se cachait sous son lit… Stupide pensée que Sarah tâchait de cacher honteusement à tous, bien évidemment.

À 3 ans, Sarah jeta ses poupées dans le feu. À 5 ans, elle réussit à convaincre sa mère que la pousser à porter des robes était une entreprise vouée à l’échec et n’entraînerait que griffures et morsures. Mrs Jones avait dû monter au grenier pour ressortir les habits de son frère aîné. À 7 ans, Sarah était passée maître dans l’art de grimper aux arbres, aussi agile qu’un félin. Ce fut aussi à cet âge-là que la fillette comprit que pleurer, c’était pour les faibles. À 9 ans, Sarah se tapa la pneumonie du siècle en plongeant dans la mer glacée au bord de laquelle elle vivait suite à un pari perdu avec son cousin. À 11 ans, elle prétendait à qui voulait l’entendre qu’Indiana Jones était son oncle et qu’elle deviendrait comme lui plus tard. À 14 ans, Mrs Jones lava la bouche de sa cadette avec du savon car elle était horrifiée par le nombre astronomique de « putain » que l’adolescente pouvait sortir à la minute.

Sarah n’avait pas peur d’affirmer ce qu’elle pensait. On lui disait souvent qu’elle avait une grande gueule. C’était vrai. Elle n’hésitait pas à dire tout haut ce que d’autres pensaient tout bas. Elle n’hésitait pas non plus à user de ses poings si on la cherchait. En fait, elle n’hésitait jamais, fonçant tête baissée dans la mêlée, se fiant à son instinct plus qu’à sa raison. Farouche et indomptable, elle n’en faisait qu’à sa tête, que ce soit dans son parcours académique, dans sa vie professionnelle ou personnelle.

Quand vint le temps de choisir un cursus universitaire, le choix s’imposa de lui-même : elle ferait de l’anthropologie. Elle irait se perdre dans les coins les plus reculés de la terre à côtoyer des peuples cannibales et sauvages. Elle parcourrait le monde à pieds, à cheval, en vélo, en jeep… Elle arpenterait terre et mer seule ou accompagnée. Elle avait cru trouver son âme sœur en la personne de son directeur de thèse. Ils étaient allés étudier les Yanomamis en Amazonie. Ils s’étaient mariés à la mode des amérindiens. Quelques mois plus tard, un enfant était né. Un petit garçon. Quelques années plus tard, ils rentrèrent en Angleterre. Sarah passa ses examens de synthèse, soutenu sa thèse et la déposa. Elle fut diplômée. Elle fit deux post doctorats avant qu’on finisse par lui offrir une chaire de recherche à Oxford. Ses recherches audacieuses avaient fini de convaincre le rectorat de l’embaucher. Aux meilleurs jours succédèrent les pires. Son mari mourut des suites d’un accident de chasse. C’était en Afrique avec les Pygmées. Faute de soins adéquats, l’homme dépérit et mourut. Sarah ne s’en est jamais complètement remis, mais elle a appris à composer avec le manque et à continuer sa vie comme elle le voulait. Lui faisant l’école à la maison, Sarah emmenait partout son garçon. Tant et si bien qu’une fois le moment de choisir son collège, le gamin insista pour aller au pensionnat. Trop d’aventures pour ce pauvre petit être dépassé. À ce niveau, le fils de Sarah ne tenait ni de son père, ni de sa mère…

Son deuxième mari était une erreur. C’était un de ses étudiants. Un pari perdu avec elle-même. Elle s’était jurée de ne pas se laisser séduire. Il avait des couilles et un franc-parler qui rappelait à Sarah ses jeunes années. Mais au final, ils étaient trop semblables. Dans une tempête de cris, ils divorcèrent avec éclats. Les murs du bureau de Sarah résonnaient encore de leurs cris et de leurs disputes. Et de tant d’autres choses encore… Elle avait échoué et il l’avait épousée. Le divorce survint quatre ans plus tard, quand Sarah comprit que cet homme ne l’avait épousée que pour son argent. Ou plutôt, pour le montant moins élevé de frais de scolarité que celui lui donnait. Pour se venger, l’anthropologue souffla dans l’idée d’un groupe d’étudiants de lui faire des sales coups. De là était né les Troublemakers.

Son troisième mariage dura un éclair et le processus de divorce était encore en cours à l’heure qu’il était, car son ex-mari et elle convoitaient tous deux la charmante petite maison à Oxford qui était si bien entourée par des arbres qu’on se serait cru en pleine forêt. Sarah adorait cette maison… Et elle tenait mordicus à mettre la main dessus.

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? Je n’accepte que les remakes d’Indiana Jones ou de Lara Croft. Et je tiens à faire mes propres cascades.

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? Je me marre et je me tire. Genre. J’ai pas juste ça à faire, moi.

→ Ton(ta) cousin(e) t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? À chaud? Je lui roule la pelle du siècle. À froid? Je lui roule la pelle du siècle, puis je me tire. Genre. J’vais pas coucher avec mon cousin (ou ma cousine), quand même…

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? La soirée arrosée au Carling. J’y suis même pilier du bar, vous saviez pas?

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? Je suis tellement franche que je n’ai rien à cacher. Mes pires fautes ont fait le tour de la terre trois fois déjà, alors j’ai rien à te dire, mec, sorry.

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Qu’il le révèle. M’en fiche.

→ C'est le mec (la fille) de tes rêves, tu en es persuadé(e) et pourtant, celui(celle)-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résigné(e), stratégique, ou éploré(e) ? On veut les détails ! Une flèche de curare dans la gorge du salaud/de la salope. Puis j’me tire. Je ne veux plus perdre mon temps avec des histoires de cœur.

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? Dans dix ans ? HA ! On verra bien si je suis encore vivante !

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) Dare.

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » Devenir reine? C’que c’est barbant… Vise plus haut, ne dépends de personne. Et choisis de faire anthropologie à Oxford. Rien de moins.

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Cambridge Club ? » Une bande de cul-terreux à la tête et aux chevilles si enflées qu’on s’étonne encore qu’ils puissent passer les cadres de portes.

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» Hell no. Je t’interdis de confondre Troublemakers et JCC. C’est un sacrilège. Après notre petite conversation, tu iras te laver la bouche avec du savon. Les TroubleMakers, c’est le bien absolu (et, je dois l’avouer, un peu mon bébé). C’est une bande d’étudiants qui s’éclatent, profitent de leurs années à la fac à fond et se paient du bon temps, c’est tout.

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » Dans ce cas, oui. Dans le cas inverse, non. Car franchement, quelle personne censée choisirait Cambridge au détriment d’Oxford, hmm ?

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »