take me to the other side (riley)

C'était bien l'une des rares choses qui la faisait se sentir bien : courir, courir, courir. Et le St Jame's Park était vraiment un endroit agréable pour ça. D'abord, personne ne la regardait bizarrement parce qu'elle n'était pas la seule joggeuse, même à cinq heures du matin, même le dimanche. Ensuite, elle croisait généralement très peu de personne de sa connaissance - voire personne du tout, la plupart du temps. D'ailleurs, si elle se tapait la route depuis Oxford, ce n'était pas pour rien. Elle voulait s'aérer l'esprit.
Elle arriva enfin à sa première étape : un banc placé au bord du chemin, dans un virage. Elle s'arrêta, respirant le plus régulièrement possible et se dirigea vers le robinet d'eau public. Elle but tout ce qu'elle put et cracha les trois quarts de ses poumons puis s'affala dans l'herbe. Une bonne joggeuse aurait très certainement fait quelques étirements mais elle n'était pas une bonne joggeuse.

Le petit rayon de soleil qui la réchauffait disparut. « Ça va aller ? » Elle sursauta et se redressa. « Louhan ?! Non, je rêve… » Louhan cligna des paupières à plusieurs reprises et plusieurs secondes avant de reconnaitre le jeune homme. Lorsque ce fut enfin fait, un immense sourire illumina son visage. « Riley ? Riley Fitzpatrick ? J'en crois pas mes yeux ! » Elle essaya de se relever mais ses jambes flageolèrent sous elle et elle dû se rasseoir. « Ça fait combien de temps, bon Dieu ? Une éternité, presque ! » C'était une surprise, une réelle surprise. Elle n'avait plus repensé à Riley depuis tellement longtemps. Il était associé à une période assez négative de sa vie mais, malgré tout, elle était très heureuse de le revoir. Et curieuse de savoir ce qu'il était devenu... « J'dois t'avouer que je pensais pas te revoir un jour... » Elle le regarda avec plus d'attention, essayant de lire un changement en lui. « Moi non plus. » Deuxième tentative pour se relever et une réussite. Elle voulut l'embrasser, comme lorsqu'ils se disaient bonjour, le matin, à cette époque mais se ravisa. « Comment tu vas ? Qu’est-ce que tu deviens ? J’ai tellement de questions à te poser que je ne sais même pas par où commencer ! » Elle rit franchement, comme elle n'avait pas rit depuis bien longtemps. « Si je n'étais pas aussi fatiguée, tu serais déjà assailli de questions aussi ! Je veux tout savoir, absolument tout ! » Finalement, les bonnes vieilles habitudes prirent le dessus et sans même se rendre compte de ce qu'elle faisait, Louhan attrapa Riley par le bras et l'entraina sur le chemin. Elle avait vu un camion ambulant, un peu plus loin. « Je vais pas trop mal. Stop. Médecine à Oxford. Stop. A vous ! » dit-elle en riant. Et Riley rit à son tour, ce qui fit plaisir à la jeune femme. Leur relation avait toujours été étrange, pour Louhan... Elle avait toujours agit avec lui comme elle ne le faisait jamais avec ses proches ou ses amis. Il lui donnait envie d'être meilleure, de faire les choses bien pour qu'il soit content. Elle n'arrivait pas trop à l'expliquer... et c'était comme si rien n'avait vraiment changer. « T'es en médecine?! » Louhan sourit de son étonnement. Elle ne pouvait que le comprendre, elle-même s'étonnant parfois d'avoir fait tout ce chemin depuis le décès de son père. « Ça pour une surprise! Le prend pas mal, mais jamais j'aurais pu imaginer que tu choisirais cette voie! Enfin, de mon côté, je m'suis spécialisé en psychologie! Par contre, en ce qui me concerne, j'ai migré à Cambridge, ce qui fait de nous des rivaux... » Elle leva les yeux au ciel, signifiant par là qu'elle se fichait bien de ce jeu de compétition avec les autres universités. En fait, elle trouvait ça assez drôle et divertissant, mais uniquement en tant que spectatrice. Elle ne voulait pas en faire partie. Ils arrivèrent devant le camion ambulant. « Tu comptes faire quoi? De la médecine générale? » Elle réfléchit quelques secondes à la question. « Je suppose... J'hésite encore avec la pédiatrie. Tu veux quelque chose ? » ajouta-t-elle en désignant l'ardoise listant les boissons disponibles. Elle se décida elle-même pour un chocolat chaud au caramel. « Mais on parle que de moi, là ! C'est nul ! Et toi ? Tu fais durer le suspens ! Dis-moi ! » La sensation était étrange : elle avait besoin de savoir, plus qu'envie. Elle se demandait s'il s'en était aussi mal sorti qu'elle et elle espérait que non - enfin, supposait-elle. Parce qu'elle avait beau être en école de médecine et semblait en bonne santé, elle savait bien qu'elle s'était arrêtée au milieu du chemin... Et au fond, elle avait encore le sentiment que tout allait de travers... Peut-être n'y croyait-elle tout simplement pas assez... Et peut-être allait-il la faire changer d'avis. « Ma vie n'a rien de bien passionnant tu sais... Je suis des études de psycho, dans le but de devenir psychologue. Tu sais que j'adore ça écouter... Je bosse à mi-temps dans un petit café à deux pas de la fac et je suis aussi bénévole dans un refuge... » Tout en écoutant avec attention, elle porte le gobelet à ses lèvres. Oui, bon, autant dire qu'il avait tout fait péter. « Wow, quand même ! Tu m'as largement devancé ! » s'exclama-t-elle, réellement enthousiaste, alors qu'ils s'éloignaient du camion ambulant. Elle n'avait pas réussi à en faire autant et elle en fut un peu jalouse. « Je peux pas dire que j'ai fais aussi bien. J'arrive juste à suivre les cours... J'ai pensé à chercher un truc en tant que serveuse mais j'ai peur de pas être assez docile ! » dit-elle en riant. Et c'était vrai. Elle se serait bien proposée dans un petit restaurant mais elle avait vraiment peur de faire des conneries... du genre, insulter un client un peu trop misogyne... « En tout cas, je te vois bien en psychologue, maintenant que tu me dis ça ! C'est un bon choix ! Mais, fais gaffe, tu risques de devoir me supporter... »

uc

Une fois par mois, Riley se rendait à Londres pour passer un peu de temps en famille. Anaïs, sa petite-sœur, était toujours ravie de le retrouver et avait insisté pour qu’il continue ce petit rituel. Comme il ne pouvait rien refuser à sa petite princesse, le jeune homme se débrouillait toujours pour se libérer. Ce matin-là, la petite dormait encore à point fermé quand il sortit de son lit. Conscient que c’était le moment ou jamais d’en profiter, il décida de s’octroyer un moment rien qu’à lui et se dirigea vers le St James’ Park, où il comptait bien faire une petite ballade. En chemin, il rencontra de nombreux joggeurs, ce qui lui donna envie de se remettre au sport. S’il avait pris de l’embonpoint ? Non, pas spécialement –mais ça faisait un certain temps qu’il n’avait pas mis les pieds dans une salle de sport et il comptait bien y remédier. Ce serait quand même dommage d’avoir une bedaine disgracieuse à tout juste vingt-deux ans, songea-t-il, avant de se laisser tomber sur un banc.

A sa droite, une femme était en train de cracher ses poumons. En bon gentleman, Riley s’enquit de son état. « Ça va aller ? » Quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’elle leva les yeux vers lui. « Louhan ?! Non, je rêve… » Cela devait faire cinq ans qu’il n’avait pas vu la jeune femme. Alors, même s’il était content de la retrouver, il avait du mal à cacher sa surprise. « Riley ? Riley Fitzpatrick ? J'en crois pas mes yeux ! » Louhan essaya de se relever, mais se rassit presqu’aussitôt, épuisée par les efforts qu’elle avait dû fournir. « Ça fait combien de temps, bon Dieu ? Une éternité, presque ! » Riley opina. Quand ils s’étaient rencontrés, ils traversaient tous deux une phase difficile. Riley n’avait toujours pas réussi à surmonter le suicide de Morgan et enchaînait connerie sur connerie. Grâce à l’aide de son beau-père, il parvenait toujours à passer entre les mailles du filet, jusqu’à ce fameux jour où il eut la mauvaise idée de vandaliser un petit commerce. « J'dois t'avouer que je pensais pas te revoir un jour... » Tim n’avait rien pu faire pour lui éviter les TIG, mais le jeune homme s’estimait déjà heureux d’avoir évité la préventive. « Moi non plus » finit-il par répliquer, pensif. Riley et Louhan avaient été très proches à l’époque. Ils s’étaient mutuellement soutenus, ils avaient même eu une bonne influence l’un sur l’autre. Puis les TIG s’étaient terminés et ils avaient chacun repris le cours de leur vie. « Comment tu vas ? Qu’est-ce que tu deviens ? J’ai tellement de questions à te poser que je ne sais même pas par où commencer ! » La jeune femme éclata de rire. « Si je n'étais pas aussi fatiguée, tu serais déjà assailli de questions aussi ! Je veux tout savoir, absolument tout ! » dit-elle en l'attrapant par le bras. Encore sous le choc de ces retrouvailles, Riley se laissa tout de même entraîner sur la promenade, ravi de renouer avec une "vieille amie" « Je vais pas trop mal. Stop. Médecine à Oxford. Stop. A vous ! » Il ne put s'empêcher de rire avec elle. Malgré toutes les épreuves qu'elle avait pu traverser par le passé, Louhan avait toujours été un véritable rayon de soleil pour Riley. Quand il allait mal, c'était elle qui lui remontait le moral -et vice-versa. Ils passaient même des heures à discuter et à s'amuser d'un rien. « T'es en médecine?! s'étonna-t-il. Ça pour une surprise! Le prend pas mal, mais jamais j'aurais pu imaginer que tu choisirais cette voie! Enfin, de mon côté, je m'suis spécialisé en psychologie! Par contre, en ce qui me concerne, j'ai migré à Cambridge, ce qui fait de nous des rivaux... » La vérité, c'est qu'il n'en avait strictement rien à faire de la rivalité qui opposait les deux établissements. Il ne s'y était même jamais intéressé. « Tu comptes faire quoi? De la médecine générale? » Elle prit quelques secondes pour réfléchir à sa réponse, puis déclara : « Je suppose... J'hésite encore avec la pédiatrie. Tu veux quelque chose ? » Riley acquiesça et lui sourit lorsqu'elle commanda un café au caramel - sa boisson préférée. Ça faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus qu'il en avait presque oublié ce petit détail. Il prit donc la même chose et insista pour régler leur commande. Quoi qu'il en dise, Riley était un peu vieux jeu sur les bords et surtout très galant. « Mais on parle que de moi, là ! C'est nul ! Et toi ? Tu fais durer le suspens ! Dis-moi ! » Le jeune homme éclata de rire. « Ma vie n'a rien de bien passionnant tu sais... Je suis des études de psycho, dans le but de devenir psychologue. Tu sais que j'adore ça écouter... Je bosse à mi-temps dans un petit café à deux pas de la fac et je suis aussi bénévole dans un refuge... »

Riley était vraiment content de la retrouver et de savoir qu'elle allait bien. « Wow, quand même ! Tu m'as largement devancé ! » s'exclama-t-elle ce qui ne manqua pas de le faire sourciller. En quoi aurait-il pu la devancer? « Je peux pas dire que j'ai fais aussi bien. J'arrive juste à suivre les cours... J'ai pensé à chercher un truc en tant que serveuse mais j'ai peur de pas être assez docile ! » Elle se mit à rire et Riley ne put faire autrement que l'accompagner. C'est vrai qu'elle avait toujours eu un caractère bien trempé! « En tout cas, je te vois bien en psychologue, maintenant que tu me dis ça ! C'est un bon choix ! Mais, fais gaffe, tu risques de devoir me supporter... » Cette fois-ci, il éclata de rire. « C'est pas bien grave... j'ai toujours adoré discuter avec toi et puis... réflexion faite, tu pourrais très bien me servir de cobaye! Tu me confierais tes problèmes et je ferais semblant de griffoner deux trois trucs sur un carnet... A la fin du rendez-vous, ni toi ni moi ne serions parvenus à résoudre ton problème, mais je t'extorquerais quand bien même des sommes d'argent faramineuses! Ça te plairait? Parce que je pense que ça pourrait être pas mal... » Bien sûr, Riley ne pensait pas un traître mot de ce qu'il venait de dire, mais il aimait tourner son futur métier en dérision. De toute manière, il ne s'était jamais vraiment pris au sérieux alors pourquoi commencer aujourd'hui?
uc.