◤ contexte ◢

LONDON, HOMETOWN GLORY
« You find no man, at all intellectual, who is willing to leave London. No, Sir, when a man is tired of London, he is tired of life; for there is in London all that life can afford. »

Londres. Il est 9h47 du matin et la journée promet d'être légèrement ensoleillé et les températures sont relativement douces. Enfin, ça c'est maintenant, il pourrait tout à fait pleuvoir ce soir alors que vous aviez prévu de passer une soirée en compagnie de cette charmante personne sur qui vous avez des vues, dans un bar branché de Leicester Square. Pour l'heure, vous êtes acculés contre la porte d'un métro bondé, entre un jeune hipster qui écoute de la musique inconnue beaucoup trop fort et une dame d'un certain âge dont le parfum musqué vous donne mal au crâne. Vous savez que vous n'auriez pas dû prendre la Discrit, vous êtes aguerris, vous savez qu'elle a tendance à vous jouer des tours. Mais non, il a fallu que vous soyez téméraire et vous voilà avec déjà 20 minutes de retard et la promesse de vous faire salement engueuler par votre patron. C'est une sacrée journée qui démarre et voilà qu'on vous marche sur les pieds. Et ce n'est même pas Tom Hiddleston, à croire que rencontrer des célébrités dans le métro londonien est une légende urbaine.

Il est 15h12, vous n'avez pas une minute à perdre et vous avez dû travaillé trois fois plus vite que d'habitude. Pas le temps d'écouter votre collègue vous raconter l'achat de sa maison avec jardin à Hampstead, ni l'achat improbable qu'une autre a fait à Camden ce weekend. Non, vous devez profiter de votre pause pour faire un crochet par Notting Hill et récupérer votre nièce, qui fréquente un lycée huppé là-bas. Cet établissement vous fait flipper pour être honnête, ces gamins pédants et riches qui semblent vivre dans un épisode permanent de Gossip Girl. Et votre nièce n'est pas mieux, cette sale gosse vous prend de haut et votre soeur - mariée à plus haut placé qu'elle et n'hésitant pas à le crier sur tous les toits - a tendance à vous confondre avec un larbin.

Et ce n'est pas comme si vous n'aviez pas vos propres préoccupations. Avec votre petite dernière qui veut absolument auditionner pour cette nouvelle école, la London School of Arts. Vous n'êtes déjà pas particulièrement emballé à l'idée qu'elle se lance dans une carrière artistique mais vous aimeriez au moins qu'elle dans une institution un peu plus établie. Mais elle n'a de cesse de vous répéter que les profs sont extraordinaires, qu'on y apprend des bases en chant, en danse et en théâtre et que c'est parfait pour elle qui veut faire des comédies musicales. Ce n'est pas franchement donné, mais vous, personne n'a soutenu vos rêves, alors vous songez à la laisser tenter sa chance. Peut-être que ça lui passera et qu'elle fera quelque chose de plus raisonnable, de la médecine à King's College, c'est un établissement mondialement réputé surtout dans les sciences. Ou alors de la communication ou des arts à Westminster, qui est bien côté dans ces domaines, si elle veut laisser parler sa fibre artistique. Enfin, vous avez encore le temps de voir venir, elle n'a que 17 ans. Il ne faut juste pas qu'elle se laisse monter la tête par sa prétentieuse cousine ou ses copines du lycée de Kensington, dont les frais d'admission vous coûte un bras et une jambe.

23h14, vous avez passé une excellente soirée, vous vous sentez comme sur un nuage et vous sortez à votre arrêt de Clapham South le coeur léger, quand vous vous apercevez que votre fils aîné a essayé de vous contacter durant votre trajet en métro. Vous le rappelle et affolé, il vous explique que votre imbécile d'ex mari a passé sa soirée dans le nouveau casino dans le centre et qu'il s'est évidemment enivré de cocktails hors de prix et a flambé la moitié de son plan de retrait au Black Jack, jeu qu'il est persuadé de maîtriser à merveille. Encore heureux pour vous et pour lui, vous ignorez tout de la face cachée du lieu, qui propose des services tout différents. Nominativement, des prostituées de luxe et de la drogue de premier choix. Connaissant cet idiot, il aurait été capable de vendre ses boutons de manchette pour s'offrir toute cette luxure tant la crise de la cinquantaine le taraude. Mais vous vous en lavez les mains et n'avez pas le coeur à traverser la moitié de la ville pour le ramasser, comme vous le faisiez il y a bien des années.

Quand votre réveil sonne, c'est une nouvelle journée trépidante qui vous attend dans cette grande et belle métropole, qui vous a vu grandir, aimer, haïr, où sont nés vos précieux bambins et vous effectuez ce travail qui vous bouffe mais que vous adorez. Pour rien au monde vous ne voudriez la quitter, même si vous la circulation y est infernale, même les énergumènes les plus étranges hantent les couloirs du métro, que vous avez failli mourir - au moins - quand vous vous êtes essayé au vélo et que les touristes bouchent les trottoirs en toute saison. Mais vous avez les plus beaux monuments du monde, une population singulière, des échoppes merveilleuses par millier, des fiertés nationales comme Doctor Who, le thé, le talent pour faire la queue et des acteurs fantastiques. Alors même si on vous a piqué la dernière place assise, vous souriez discrètement et vous adossez à la porte vitrée, sans aucun regret pour votre brève vie parisienne, sale et bruyante. Comme on dit ici, home is where the heart is.

OXFORD UNIVERSITY
« Everybody, professors and students and Proctors the same, knew that if the sign said 'do not walk on the grass', one hopped. Anybody who didn't had failed to understand what Oxford was. »

Oxford. Il n’en faut pas plus pour vous faire rêver et angoisser en même temps. C’est synonyme de prestige, d’investissement aussi. Cela peut être significatif d’un très bon départ dans la vie comme d’un échec coûteux et ce, à plus d’un titre. Oui, oui, vous les avez lues les brochures, vous avez visité l’endroit, vous avez tout fait pour y entrer et vous n’êtes pas stupide. Vous y avez réussi et vous savez c’est du sérieux. Du moins, ce qu’on vous enseigne en classe, parce que pour le reste… Eh bien, vous vous souvenez des histoires que racontait votre cousine, n’est-ce pas ? Mais si, vous vous en souvenez très bien. Vous n’avez pas oublié le récit détaillé de ce fameux premier avril qu’elle a passé à éviter à tout prix une bande d’abrutis armés de pistolets à eau ou encore de cet examen interrompu par une sympathique douche au bleu de méthylène sournoisement injecté dans le système de lutte contre les incendies. Vous vous souvenez et curieusement, le nom des Troublemakers vous impressionne presque autant que celui de la prestigieuse université que vous avez réussi à intégrer. Certains prétendent que nul n’est à l’abri des joyeux plaisantins que personne n’a encore réussi à démasquer. Qui sait, votre colocataire pourrait bien en être. Il ne vous reste plus qu’à espérer pouvoir passer entre les gouttes jusqu’à l’obtention de votre diplôme.