i crossed all the line and I broke all the rules w/ Sully

Je soupire en regardant mon reflet dans la vitre noire de mon téléphone portable. Il est 6h du matin, et je me suis couchée il y a à peine trois heures, après avoir passé une grosse partie de la soirée avec un nouveau client américain que Bart a insisté pour me confier. Un type assez charmant, au demeurant, ce n'est pas vraiment là le problème. La seule chose, c'est que je dois être à la London dans quelques minutes pour une journée intensive d'entrainement - dans toutes les matières d'ailleurs - car les examens approchent. Je ricane en voyant les cernes qui occupent la majeure partie de mon visage et grimace. La journée promet d'être aussi intensive que difficile. Les professeurs nous avaient prévenu pourtant. Les semaines précédent les examens devaient être consacrées à retrouver un mode de vie exemplaire et surtout, à dormir le plus possible pour supporter les journées intensives. Mais je suis têtue, et surtout un peu coincée ; je ne peux pas vraiment dire à Irene que je refuse de travailler pendant 15 jours alors qu'elle me loge, et qu'elle paye pour mes études. Je me promets néanmoins de passer voir Hastings-Bass pour tenter de négocier quelques jours de congé supplémentaires, et me redresse pour descendre du bus. Mon corps me fait mal de la journée d'entrainement de la veille, ce qui n'est pas franchement un bon signe pour la suite.

Un coup d'oeil rapide m'indique que je commence par le théâtre ce matin. Tant mieux, ce devrait être déjà moins épuisant qu'un cours de danse - et c'est sans doute là que j'ai besoin de m'affirmer encore un peu, malgré un cursus spécialisé en danse que je suis actuellement. Je remonte mon sac sur mon épaule et passe acheter un triple café à la petite boutique qui s'est installée non loin de l'école. Le propriétaire, un vieil homme qui se vante sans arrêt de ses origines africaines et de son café "du pays", est devenu un complice dans mes trop longues journée. J'ai cet avantage énorme de ne pas être trop difficile à apprivoiser et c'est donc avec un grand sourire que je paye les 4 livres qu'il me demande - c'est honteusement cher, mais il a un monopole assez intéressant. « Merci Alfie », je lâche en lui adressant un petit signe de la main alors que je m'éloigne déjà pour rejoindre les grilles de l'entrée de l'école.

La London School est une très belle école. Tom aurait adoré venir ici, et suivre les cours comme cela aurait dû être le cas selon nos plans si parfaits. Je secoue la tête - dès que je suis fatiguée, j'ai une tendance maladive à ressasser de vieilles informations pourtant digérées de longue date. Ma mère, l'absence de figure paternelle, Tom... Je me presse pour atteindre la salle indiquée sur mon emploi du temps - même exténuée, je ne suis jamais en retard - abandonne mes affaires inutiles dans mon casier, m'empare d'un pull, de mon café et d'une bouteille d'eau avant de rejoindre le grand amphithéâtre mis à notre disposition pour les cours de théâtre. J'essaye de me faire discrète, mais en effet, l'entrainement promet d'être intense. C'est Sully Fawkes, un acteur de théâtre et de cinéma, qui nous fait la séance d'entrainement. Ce n'est pas la première fois, c'est un type très sympa et ,j'apprécie ses entrainements et ses conseils depuis l'année passée, mais il est aussi très doué et à fortiori très exigent.

**
*

Je sursaute en entendant claquer la porte de l'amphithéâtre et réalise que je suis seule. Enfin, presque seule. Les élèves sont tous sortis, et moi, je me suis endormie sur le siège. Le cours a duré quatre heures, sans pause, et je dois admettre que c'était très fatiguant, contrairement à ce que j'aurais pu penser. Je grimace en réalisant que Fawkes se tient en face de moi - impossible qu'il n'ait pas remarqué. « Excusez-moi, j'étais distraite », je lâche non sans grimacer tellement mon excuse est pitoyable. « Merci beaucoup pour cet entrainement, il était précieux, comme toujours », j'ajoute aussi pour changer de sujet.

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vera / sullivan

Lorsque la LSOA m’avait demandé mon aide pour participer aux cessions de formation de la nouvelle promotion de l’école, après le succès du premier film et les petites réussites de nos pièces au théâtre, je dois avouer que mon orgueil avait été flatté. Il n’avait déjà pas besoin de ça le pauvre, mes chevilles souffraient déjà assez dès que je lisais une bonne critique dans la presse. Non plus sérieusement, je n’étais pas le genre d’acteur, de comédien qui finissait par prendre la grosse tête. J’avais été honoré et surpris qu’on me demande de prendre sous mon aille une promotion, leur servir de mentor, assurer quelques master class. J’avais vraiment été surpris, bien qu’ancien élève diplômé de la LSOA je n’étais pas pour autant « une star », mes modestes succès ne justifiaient pas cet honneur à mes yeux. Pas encore. Mais j’avais accepté d’assurer quelques cessions, de participer à l’instruction de ces jeunes en partageant mon expérience et surtout ma passion pour le théâtre. J’étais le genre de « professeur » cool mais exigeant. J’étais intransigeant avec moi-même, je n’étais jamais satisfait de ma prestation, toujours à douter. J’exigeais d’eux une certaine implication et une rigueur de travail, la même que je m’imposais sur le tournage et au théâtre. J’avais finis par apprendre que ma décontraction fonctionnait hors du boulot et pour ne pas être stressé mais sur un plateau, une scène, il fallait assurer et mettre de côté la philosophie « baba cool » pour se donner à 200%. C’était peut-être la deuxième fois que j’assurais une master class entre ses murs qui avaient accueilli mon apprentissage du métier. C’était toujours aussi étrange d’être « maître » et non plus élève. Mais j’essayais de les former aux différents aspects de ce métier dont on ne m’avait que peu parler à l’école. Je commençais toujours par une séance de « relaxation », de respiration. Le stress était un facteur décisif lors d’un casting, être « tendu » était une bonne chose mais il ne fallait pas que cela leur fasse perdre leur moyen. Trop de pression était mauvais pour une performance. Alors comme je l’avais appris auprès de mes parents, je leur enseignais en tout début de classe le pouvoir de la respiration ventrale. Le « contenu » plus substantiel viendrait ensuite.

(...)

« Excusez-moi, j'étais distraite. » Je l’avais déjà remarqué durant les cessions précédentes. Déjà alors elle semblait épuisée. Elle me rappelait Aisling lors de sa première année, lorsque nous cumulions les petits boulots pour payer l’école dans son cas, la vie en général dans le mien. Elle baillait et buvait beaucoup de café alors et il n’était pas rare que des cernes assombrissent notre regard. Elle me rappelait Ais’ à l’aube de notre rencontre. Peut-être était-ce pour cela que je m’étais attardé ? « Merci beaucoup pour cet entrainement, il était précieux, comme toujours » Je lui souris doucement. « Tu peux me tutoyer tu sais, après tout, je suis « votre » mentor, non ? Tu ne dors pas beaucoup, einh. J’ai connus ça durant mes années ici. Combien de petits boulots en dehors de l’école ? »

« Tu peux me tutoyer tu sais, après tout, je suis « votre » mentor, non ? Tu ne dors pas beaucoup, einh. J’ai connus ça durant mes années ici. Combien de petits boulots en dehors de l’école ? » Je souris un peu, mais en réalité, j’ai plutôt envie d’exploser de rire. Il ne comprendrait pas et me prendrait sans doute pour une folle si je faisais ça parce qu’il n’y a vraiment rien de drôle ni à la question qu’il vient de me poser, ni à la situation en général. Je serre les poings et me mords l’intérieur de la joue pour revenir à plus de sérieux. « Merci », je lâche en hochant la tête. Si je dors beaucoup ? Disons, en moyenne trois heures par nuit, et de manière assez évidente ce rythme ne me convient pas le moins du monde. Si j’avais le choix, je dormirais plus, mais je ne l’ai pas. Je ne peux pas faire la fine bouche, et c’est ça ou me retrouver à la rue, sans rien pour payer mes études. Oh je pourrais prendre un boulot de serveuse mais ne serait-il pas aussi fatiguant ? Au moins, au Casino, quand j’ai terminé, je peux regagner ma chambre directement. Le petit déjeuner m’est apporté à l’heure que je veux dans ma chambre, qui est toujours tenue propre. Je suis choyée et en sécurité. Fatiguée, ce n’est qu’un détail sur lequel je ferai vraiment mieux de ne pas m’attarder.

« Je travaille, oui, mais un seul boulot. Disons qu’il me prend énormément de temps », je soupire en me frottant les yeux légèrement. Je suis serveuse – voilà la vérité balancée au monde pour couvrir mes adorables fesses de la triste vérité. J’ai toujours eu peur de rencontrer malencontreusement un professeur ou une personne susceptible de me remettre au Casino, mais je crois que le bon vieux Bart veille au grain, du haut de son bureau. Et Irene aussi. Je leur suis énormément reconnaissante à tous les deux d’ailleurs, pas comme certaines des filles qui travaillent avec moi. « Mais ça va, disons que ça devient compliqué en période d’examen ». Ce qui est vrai, je gère beaucoup mieux ma vie quand je ne dois que suivre des cours, ce sont les examens qui compliquent tout. Pas certaine d’avoir envie de m’attarder ou d’entrer dans les détails cela dit, je tousse un peu et fais mine de m’étirer. « Mais c’était vraiment très bien. Un très bon entrainement, et promis, je n’ai pas raté une miette de tous les conseils que tu as donné ». Le tutoyer soudainement est un peu particulier mais j’ai l’avantage énorme d’être très sociable et pas du tout embarrassée par quoi que ce soit, ce qui me permet d’autant plus de me sentir à l’aise dans tous les types de situations, même parfois les plus compliquées. Je me promets de suivre tous les entraînements avec le plus de concentration possible et de ne jamais reproduire cet épisode gênant, il faudrait peut être que je double ma consommation de café, ou que j’achète des compléments alimentaires. Je songe que les vacances arrivent bientôt, aussi, et que ma vie à ce moment là va devenir nettement plus simple. Vivement la fin de toute cette course.

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vera / sullivan

Elle semble particulièrement épuisée pour une fille de son âge. Mais je me souviens que lorsque j’étudiais ici entre les petits boulots, les cours, les répétitions et la troupe que je fréquentais à côté, je dormais peu, bossais trop et j’avais plus souvent qu’à mon tour des cernes de trois pieds de long sous les yeux. Quoi qu’il ne m’avait jamais fallu beaucoup de sommeil. Je me contentais de peu et était un adepte des « micros siestes » je pouvais m’endormir n’importe où pour des petits temps de repos. Ce qui m’était particulièrement utile sur le tournage des Maraudeurs ces derniers temps, le planning étant très chargé pour « récupérer » le retard pris sur le plateau. Tournage sur lequel je devrais revenir dans quelques heures, mon emploi du temps étant minuté très serré depuis quelques semaines. Cependant, j’avais pris cet engagement à la LSOA, engagement que je ne prenais pas à la légère. Quand j’étais encore étudiant, j’appréciais ces grandes sessions de « master class », le contact avec les professionnels, leurs petites astuces, leurs conseils. Je ne m’estimais pas encore à la hauteur des légendes qui hantaient parfois ces murs mais j’essayais de faire de mon mieux. Notamment en les préparant à la « lutte » pour les rôles qui faisait rage à Londres depuis quelques années. J’avais la chance de pouvoir vivre de ma passion du théâtre, grâce à mon rôle dans une superproduction, tout le monde n’avait pas cette chance et il fallait se battre pour vivre de ce métier.

« Je travaille, oui, mais un seul boulot. Disons qu’il me prend énormément de temps » elle semblait particulièrement éreintée mais surtout, élusive sur ce mystérieux travail qui était le sien. Non pas que certains métiers soient honteux. Il n’avait rien de dégradant à devoir travailler pour financer ses études dans son secteur privilégié. Cette école n’était pas donnée, si j’avais pu la terminer c’était grâce à l’aide de mes parents et à un travail acharné, y compris lors des vacances. Aisling n’avait pas eu les moyens de finir son cursus ici. A la fin de sa première année, elle avait quitté l’école à mon bras, pour se forger une expérience de terrain plutôt que scolaire et ainsi éviter de ruiner ses pères. « Mais ça va, disons que ça devient compliqué en période d’examen. Mais c’était vraiment très bien. Un très bon entrainement, et promis, je n’ai pas raté une miette de tous les conseils que tu as donné . » Je souris parce que mine de rien je la trouve sympathique, même si j’ai le sentiment qu’elle préférait ne pas s’attarder avec moi et mes questions. « Je sais, je t’ai vu t’endormir à la fin quand les autres rangeaient leurs affaires. Je crois que l’art dramatique n’est pas ton « cursus » de base, non ? » Je m’adosse au plateau de la rangée devant la sienne, posant une fesse sur le bord du bureau. « Pourquoi avoir pris l’option art dramatique ? »

Devoir justifier mon cursus à la London School of Arts ne m’arrange pas tellement. J’ai pris danse, j’ai toujours su que je voulais faire de la danse et que ce serait pour ça que je suivrais des cours supérieurs, mais quand c’est posé la question du choix des options, moi qui n’avais jamais vraiment eu le choix de quoi que ce soit, je me suis retrouvée un peu perdue dans une masse compacte d’informations. J’aime chanter, c’est sûr, mais disons que je le fais plutôt pour un public réduit – moi seule – sous la douche ou dans mon salon, ou au pire des cas lors d’un karaoké avec des amis. Le chant professionnel n’est pas vraiment mon truc. Alors l’art dramatique s’est un peu imposé comme un choix par défaut, je dois bien l’admettre, mais ça ne veut pas dire que je n’aime pas ça. C’est même plutôt l’inverse. D’ailleurs, si vous voulez mon avis, le métier de prostitué réclame une bonne dose de talent d’actrice. « C’est l’option qui me plaisait le plus. Je t’assure, ce n’était pas un manque d’intérêt », je soupire doucement en secouant la tête. « Ca n’avait rien à voir avec ça, je suis juste fatiguée. Bosser et gérer la période des examens et des préparations est assez compliqué, et je suis épuisée. Mais ça va aller, je ferai attention, c’est promis ». Je ne veux pas que les professeurs pensent que je ne m’intéresse pas à ce que je fais ici parce que ce n’est absolument pas le problème, bien au contraire. Si je fais tout ça, c’est uniquement pour pouvoir continuer mes études ici, sinon je serai déjà partie pour aller chercher un boulot moins étrange.

Je soupire un peu et remets une mèche de mes cheveux en place, avant de tripoter mon sac, presque nerveuse. « Je suis serveuse, je travaille la nuit », j’explique pour éviter toute question possiblement embarrassante sur mon emploi réel. J’ai dû m’occuper la nuit derière d’un client particulièrement exigeant et demandeur, qui a pour habitude de laisser des pourboires très généreux et de faire passer des nuits assez agréables, et je n’ai pas dormi mais ça valait le coup. Sauf bien sûr si je dois me faire sanctionner pour m’être endormie en cours – et l’espace d’un instant je me demande si c’est possible. Mais nous ne sommes qu’en entrainement après tout, non ? J’ai un peu honte, mais je préfère ne rien ajouter plutôt que de me mettre encore plus dans une situation délicate. Cependant, avant de retourner à ma liberté, je tente une question hasardeuse et périlleuse – plutôt déguisée, d’ailleurs. « J’espère juste que mon boulot ne m’empêchera pas de passer en troisième année, il serait temps que je commence à bosser pour de vrai ».

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C’est étrange de repenser à mes années à la LSOA, ce n’est pourtant pas si vieux et pourtant cela me semble parfois à des décennies de celui que je suis aujourd’hui. Il semble s’être écoulé une décennie entre le moment où j’ai joué Cyrano sur les planches du théâtre dans l’enceinte de l’école et le jour où je me suis découverts sur grand écran à l’affiche du superproduction. Deux mondes différents, le théâtre et le cinéma. Mais je sais que je suis destiné à l’un plus qu’à l’autre. J’ai toujours été chez moi sur une scène mais le cinéma paye agréablement les factures et pour une fois, c’est sympa de n’avoir à se consacrer que quelques mois à un « job » pour ensuite vivre confortablement le reste de l’année de ma passion le théâtre, avec l’argent amassé sur un tournage. Une éternité s’est écoulé entre ma sortie de l’école et mon retour comme mentor. Je me demande parfois si j’ai amassé l’expérience nécessaire pour conseiller de « jeune » nouveau élève. « C’est l’option qui me plaisait le plus. Je t’assure, ce n’était pas un manque d’intérêt. Ca n’avait rien à voir avec ça, je suis juste fatiguée. Bosser et gérer la période des examens et des préparations est assez compliqué, et je suis épuisée. Mais ça va aller, je ferai attention, c’est promis ». Je m’interroge soudainement sur la façon dont j’ai posé ma question. Est-ce moi ou bien est-elle naturellement sur la défensive depuis que je l’ai approché à la fin de la cession. Comme si elle avait quelque chose à cacher sous sa fatigue. Quelque chose de plus « qu’un boulot épuisant ». « Oh ce n’était pas ce que je voulais sous-entendre. On a tous eu un coup de barre à l’approche des examens de fin d’année. Et puis il y a le gala d’été à préparer dans quelques semaines. Je dois dire que les années LSOA ne me manquent pas ... La vie de comédien ou de danseur est tout aussi épuisante mais on s’y fait plus facilement. » Elle semble peu à l’aise avec ma présence. Est-ce que l’intimide ? Je ne pense pas, elle n’a pas hésité à me tutoyer lorsque je le lui ai proposé. « Je suis serveuse, je travaille la nuit » L’explication tiendrait la route bien sûr, pourtant à la façon dont elle le dit, je sens que ce n’est pas totalement la vérité. En quelque sorte elle se voit comme une serveuse mais il n’y a pas que cela. Les années dans la comédie m’ont permis de lire très facilement les gens, leur langage corporel parle pour eux. La façon dont elle évite mon regard, tripote ses affaires est très révélateur. Mais je la connais à peine et ce n’est pas à moi de la cuisiner sur quelque chose qu’elle ne voudrait pas avouer à un quasi inconnu. « J’espère juste que mon boulot ne m’empêchera pas de passer en troisième année, il serait temps que je commence à bosser pour de vrai ». Je connais aussi cette angoisse pour l’avoir expérimenté malgré mon tempérament « cool ». On se saigne aux quatre veines pour payer cette école, l’idée d’échouer est angoissante, une année de plus aurait un effet désastreux sur nos finances et aussi notre carrière. Sortir d’ici diplômé était un gage de « qualité » et de sérieux. « Je ferai probablement partie du jury pour l’épreuve d’art dramatique. Ils demandent régulièrement notre présence à ce genre de petite session d’évaluation. Pour ce que j’en ai vu aujourd’hui, avec un peu de sommeil et si tu travailles les quelques points d’expressivité que nous avons vu. Tu devrais t’en sortir... » Je tentais de la rassurer. « Peut-être que ce n’est rien mais ... si tu veux essayer de te faire un peu d’argent en bossant dans le milieu, le studio cherche régulièrement des figurants pour des prises. Ça te permettrait de mettre un peu le holà sur le service de nuit ? »

Il a la gentillesse de vouloir me rassurer sur mon niveau et quelque part, c’est vrai que ça m’enlève un poids. Que le prof lui-même sous-entende que mon examen peut tout à fait bien se passer me permet de souffler un coup et de me détendre. D’un coup, d’ailleurs, mes épaules se font plus décontractées, et je pousse un soupir de soulagement. Mais je ne dois tout de même pas me reposer sur mes acquis, il n’est pas le seul professeur qui me notera à la fin de cette année, et réussir le théâtre – ou en tout cas m’en sortir – ne signifie pas que tout est joué, loin de là. Le pire viendra sans doute de la danse, même si c’est évidemment la discipline dans laquelle je suis la plus douée. La danse requiert de la rigueur, de l’énergie, et d’avoir la tête sur les épaules, des qualités dont je manque un peu pour l’instant, il faut bien l’admettre. Je soupire, en tournant la tête sur la gauche pour détendre ma nuque, aussi, et prends une longue inspiration en me redressant pour lui faire face dans une meilleure posture. « C’est gentil de me rassurer. J’ai toujours fait de mon mieux, et je continuerai cette fois-ci également ». Je lui offre un sourire et acquiesce pour appuyer mes propos. C’est la vérité, je ne compte pas décevoir qui que ce soit, et même si je fais des choses peu recommandables à côté, je considère la London School comme une partie très importante de ma vie que je serai tout bonnement incapable de négliger quoi qu’il arrive. Par contre, même si son conseil sur les horaires de travail et les figurants est un bon conseil, je ne suis pas sûre de pouvoir lui trouver ou lui donner une réponse satisfaisante, malheureusement. Comment dire que Bart n’apprécierait pas franchement, alors qu’il me loge, me nourrit, et paye pour mes études, que je baisse mon nombre d’heures travaillées au Casino ? Je grimace un peu et hausse une épaule. « Je ne suis pas sûre de pouvoir échapper au service de nuit », je réponds dans un premier temps en soupirant un peu. « Mon patron me virerait sans doute, et je ne peux pas prendre le risque de n’accepter que des boulots de figurante. Si jamais je ne trouve rien, après, il faudrait que je trouve rapidement une solution pour payer un logement et autant dire que je n’ai pas besoin de ce genre de stress en ce moment… » Je grimace et hausse une épaule lasse. « Mais c’est gentil de tenter de trouver une solution. Ca va, cela dit, je t’assure, c’est largement faisable pour moi. Je suis fatiguée, mais ce n’est que temporaire. » J’acquiesce vivement en notant d’aller acheter des vitamines dès que je sortirai d’ici pour éviter que ça se reproduise de sitôt, je n’ai pas l’intention d’avoir ce genre de conversation de nouveau avec un autre professeur. Je suis douée au jeu de la double vie, bien entendu, mais il n’empêche que c’est gênant de devoir mentir à un professeur bien intentionné qui essaye de proposer des solutions qui de toute façon ne seront jamais les bonnes – puisque la solution est précisément trouvée.

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Je ne sais pas ce qui me pousse à autant insister pour l'aider. Elle semble ne pas avoir besoin de mon aide et être plutôt embarassée par les questions que je pose ou par les solutions que j'essaye de lui proposer pour minimiser sont travail de nuit. Je n'ai pas réellement réfléchit avant de lui proposer de parler d'elle au studio. Après tout c'est une carrière de danseuse qu'elle désire entreprendre, pas une de comédienne. Je me rappelle seulement quelle galère c'était à l'époque de trouver du travail compatible avec mes heures de cours et qui payait suffisamment pour ne pas cumuler plusieurs petits jobs dans la semaine. Certains auraient pu penser que mon intérêt était purement « sexuel », après tout elle était mignonne, jeune et brune, j'avais toujours eu un faible pour les brunes. Néanmoins ce n'était pas pour m'attirer ses faveurs que je tentais d'en savoir plus et de l'aider, simplement … Elle avait l'air si épuisé et pourtant si décidée à cumuler tout de front. Elle me faisait penser à Aisling. Et j'avais toujours été là pour Aisling lors de sa première année ici. « C’est gentil de me rassurer. J’ai toujours fait de mon mieux, et je continuerai cette fois-ci également ». Je n'en doute pas. Elle a de toute évidence la volonté d'y arriver et de bien faire. Elle finira par atteindre son objectif, j'en suis persuadé. Je lui ai proposé mon aide et je sais qu'elle ne l'oubliera pas si jamais elle change d'avis concernant ma proposition. « Je ne suis pas sûre de pouvoir échapper au service de nuit. Mon patron me virerait sans doute, et je ne peux pas prendre le risque de n’accepter que des boulots de figurante. Si jamais je ne trouve rien, après, il faudrait que je trouve rapidement une solution pour payer un logement et autant dire que je n’ai pas besoin de ce genre de stress en ce moment… Mais c’est gentil de tenter de trouver une solution. Ca va, cela dit, je t’assure, c’est largement faisable pour moi. Je suis fatiguée, mais ce n’est que temporaire. » J'acquiesse, j'espère pour elle que ce n'est que temporaire et qu'après les examens elle pourra souffler un peu. Je songe aussi à la pression que représente cette vie et je me dis qu'elle sera prête à la fin de son cursus à affronter tout cela. Largement prête. Je sens aussi qu'il est temps que je stoppe mon interrogatoire et que je la laisse partir se reposer. Je sors de mon sac une carte de visite que mon agent m'a fait faire lorsque j'ai commencé à donner des interviews et des cours ici. « Si tu changes d'avis, n'hésites pas à m'appeller... Ou si tu as besoin de répéter un peu avant l'examen final, je trouverai un peu de temps. Je vais te laisser aller dormir maintenant … Il faut que je retourne au studio moi aussi. »

Il me congédie finalement, je crois que c’est encore la meilleure chose qui puisse m’arriver. Je dois rentrer chez moi, me reposer un peu, faire le vide. Tant pis pour les répétitions de cet après midi, même si cette décision risque fortement de me retomber sur le dos. Je n’ai qu’une envie, rejoindre mon lit, me blottir sous la couette et dormir. Dormir avant que la soirée ne revienne avec son lot de clients, d’occupations, puis cette nuit si courte avant de nouvelles répétitions qui s’enchaineront jusqu’au jour des examens, où si je ne suis pas en forme, je le payerais de ma réussite. D’une nouvelle année à enchainer sur le même rythme. Je ne peux pas faire ça, je le sais. Non pas que je tienne particulièrement à quitter le Casino, ça n’est pas le problème. Je pourrais rester ici, travailler ici encore un certain temps sans m’en trouver embarrassée ou dérangée. C’est juste qu’en commençant cette école, je me suis quelque part engagée à la terminer. Et maintenant, je dois aller au bout, peu importe ce que je fais de ma vie plus tard. Donc il est hors de question que j’échoue, pourtant si proche du but. « Merci Sully », je murmure alors finalement en lui offrant un sourire que j’accompagne d’un léger hochement de tête. Je ne vais pas le retenir, ni même m’étaler. Je préfère qu’il en sache le moins possible, parce que si quelqu’un ici en venait à découvrir ce que je fais pour le Casino, toute possibilité de finir mes études ou d’avoir une carrière s’en trouverait immédiatement réduite à néant. Je ne peux pas vraiment laisser faire ça, je tiens à ce que je fais ici. Je suis beaucoup plus investie qu’il n’y parait, que ce soit physiquement ou intellectuellement, d’ailleurs. Je lui fais un petit signe de la main, donc, et me dirige vers la porte de l’amphithéâtre pour sortir et rejoindre le métro. Même cet effort me semble insurmontable cela dit, alors, pour une fois, je m’offre le luxe de composer le numéro des chauffeurs du Casino auquel Bart m’a donné accès. J’attends quelqu’un sur le bord du trottoir pendant une petite dizaine de minutes puis m’engouffre dans une grande limousine noire, tombant littéralement de fatigue aussitôt assise à l’intérieur.

» keep your friends close and the people whose flat your broke into closer when hungover w/ Paloma
» I've got a broken smile, an arrogant line, I'm really no one special
» (f) BENSON - Cambridge rules this place