Dessine moi un mouton — Caleb

Elle ouvrit rapidement les yeux, encore collés par le sommeil, avant de les refermer aussitôt. Bien que les volets soient fermés, elle pouvait reconnaître sans grand mal, la lueur du jour, qui indiquait que la matinée était déjà. Alors se lever un peu plus tard… Elle avait joué une bonne partie de la nuit, s’était couchée vers trois/quatre heures de mat’, même si plusieurs fois, elle s’était répétée que ce serait peut être bien d’aller pioncer… A présent, elle en payait les frais ! Elle grommela dans son demi sommeil, avant de se retourner de l’autre côté, et de cacher sa tête sous la couette. Elle ne risquait rien, elle ne pouvait pas mourir étouffée, tant qu’elle gardait un pied à l’air libre, à l’extérieur du lit. La journée qui s’annonçait promettait pourtant d’être géniale, mais s’était toujours un peu compliquée d’émerger…

Elle avait pris rendez vous chez le tatoueur il y avait de ça quelque temps déjà, lorsqu’elle avait enfin déterminé ce qu’elle voulait, et à quel emplacement. Quand le mec qui allait s’occuper d’elle lui avait montré les dessins qu’il avait fait elle s’était montrée admirative – ça avait de la gueule, et elle avait déjà hâte de voir le résultat. C’était le tout premier, donc évidemment, l’impatience commençait à se faire sentir.

Elle finit par s’éjecter de son lit une bonne demie heure plus tard, en clignant plusieurs fois les paupières, la bouche encore  toute pâteuse. Elle se traîna jusque dans la cuisine, se prépara un café, elle n’avait pas très faim, et tira sur le pan de son tee shirt trop grand qu’elle mettait pour dormir, à l’effigie d’une équipe de baseball qu’elle ne connaissait même pas. La maison était silencieuse : tout le monde s’était cassé, et c’était tant mieux, elle avait pas envie de croiser spécialement sa mère, surtout vu où est-ce qu’elle se rendait cet après midi. Ses parents n’étaient pas au courant bien sûr, elle faisait ce qu’elle voulait, elle était bien assez grande. Toutefois comme ils avaient une passion assez prononcée pour la faire chier, elle préférait les mettre devant le fait accompli. A ça c’est clair, ils allaient gueuler, mais dans le vent, puisqu’on pouvait rien y faire, et cette petite pensée la fit sourire. Elle en avait chié pour mettre de l’argent de côté, parce qu’elle était dépensière, et aussi parce que c’était pas le sien, mais celui de ses vieux, donc a force de planquer dix dollars par ci, et dix dollars par là, elle avait fini par se faire une petite cagnotte bien sympa. Ca avait pris des mois, mais aujourd’hui, on y était. Elle fila finir de terminer de se préparer, releva son épaisse tignasse blonde en un chignon désordonné, et attrapa le reste du fric à donner au tatoueur, au fond de son tiroir à soutiens-gorge.

- Salut, souria t-elle en débarquant dans le salon, un peu plus tard. Elle n’était pas spécialement angoissée, mais elle devait bien admettre qu’elle était à la fois excitée et sur les nerfs de voir comment ça allait se passer, puisque c’était tout nouveau pour elle. Euh, ben voilà déjà, elle sortie l’enveloppe qui contenait l’argent, le reste, c’était lui qui l’avait, quand elle lui avait donné l’acompte.

Elle déposa ensuite ses affaires dans un coin un peu plus reculé pour ne pas que les lui tire pendant qu’elle passait sous l’aiguille. Elle avait du mal à se dire qu’elle y était, et que ça allait se passer là, maintenant ! Elle était incapable de savoir si ça allait être douloureux ou pas, pour avoir entendu plusieurs versions, ça dépendait et de l’endroit, et de la personne en question, du coup, c’était un peu aussi du cas par cas.  De toute façon, elle ne comptait pas reculer. Surtout que le tatoueur était plutôt beau gosse, et ça non plus, c’était pas négligeable…

- Ca prend combien de temps en général, un tatouage comme ça ? l’interrogea t-elle, à titre informatif, mais aussi pour savoir comment ça se passait.

Elle allait enfin découvrir l’envers du décor…

But there's a side to you that I never knew, never knew. All the things you'd say... They were never true, never true, and the games you play... You would always win, always win. ADELE - SET FIRE TO RAIN

Je n'étais pas exactement au milieu de ma forme aujourd'hui, pour être tout à fait honnête. J'avais peut-être un peu trop bu hier soir et j'avais eu énormément de mal à me réveiller. J'avais d'ailleurs ouvert le salon uniquement parce que j'avais une cliente qui devait venir aujourd'hui, et que cette dernière m'avait déjà versé un acompte lors de sa première visite. Cette cliente, c'est toi évidemment. Reese, si mes souvenirs sont exacts, mais je n'ai pas un grand talent pour me souvenir des prénoms. Je suis plutôt physionomiste, et je dois mon souvenir de ton prénom uniquement parce que je l'ai inscrit dans mon agenda. "Reese P. tatouage cerisier/printanier, côtes gauche". J'avais eu une visite d'une autre fille entre temps pour prendre rendez-vous et se faire un tatouage, mais j'étais content de pouvoir respirer un peu aujourd'hui. Ma petite soeur adorée dont j'avais la garde était à la crèche, même si je détestais la mettre là-bas. Elle semblait heureuse et tout à la crèche, mais j'avais l'impression que les personnes qui s'occupaient d'elle avaient pitié de moi et de notre situation. Je détestais ça. Oui on avait tous les deux perdu nos parents, mais je crois que c'était mieux comme ça. Enfin, sauf dans le cas de Jade, son père était quelqu'un de bien. Mais passons. Comme souvent lorsque je n'avais pas de tatouages ou de clients avec qui parler, j'étais en train en train de dessiner sur mon cahier. Je faisais en sorte de proposer de nouveaux dessins assez souvent à mes clients, pour ceux qui voulaient un tatouage mais qui n'avaient pas forcément d'idées arrêtées.

J'ai néanmoins pris le temps de préparer la pièce dans laquelle on te fera ton tatouage, et on passer quelques temps. Ce n'est pas exactement le genre de tatouage que j'ai l'habitude de faire ces derniers, les gens semblent avoir une soudaine passion pour les tatouages tribaux. Bon je n'ai pas grand chose à dire là-dessus, puisque j'en ai un aussi. Mais un peu de changement me fait plaisir. Tu finis par arriver, et je te salue en me relevant de ma chaise, comme le garçon poli que je suis. « Salut. Euh, ben voilà déjà » Je te souris et me saisis de l'enveloppe, jetant machinalement un regard à l'intérieur. « Merci » répondis-je simplement tout en te souriant, avant de déposer l'enveloppe dans un tiroir que je ferme à clé. Je ferai le transfert un peu plus tard, tout d'abord je vais m'occuper de la cliente que tu es. Je t'entrainai par la suite dans la fameuse pièce de torture, avant de t'installer le plus confortablement possible dans ton siège. « Ca prend combien de temps en général, un tatouage comme ça ? » Je te souris une nouvelle fois, m'installant sur le tabouret qui se trouve à côté de la chaise. « Cela dépend de la personne, mais en principe on en a pour une bonne heure » Je te souris, sortant mes affaires et le dessin sur lequel se trouve ton futur tatouage. « Tu m'as l'air un peu stressée » Je te souris en coin en te regardant. « Tu as le droit de te rétracter encore si tu en as envie, je te rendrai l'enveloppe que tu m'as donné tout à l'heure » ajoutai-je avec un sourire. La psychologie est une partie du métier dont je ne m'attendais pas vraiment avoir à pratiquer, mais c'est pourtant le cas.

Elle prit le temps de s’installer sur le fauteuil que lui avait indiqué le tatoueur, là où elle allait passer sous les aiguilles. Se faisant, elle regarda tout ce qu’il y avait autour d’elle, le matériel, des objets qu’elle était incapable d’identifier aussi, comme les affiches et dessins qu’on pouvait apercevoir sur les murs. Elle eut une petite expression mutine qui vint s’accrocher sur son visage, parce que c’était à peut près l’idée qu’elle se faisait de l’univers d’un salon de tatouage, le cliché des gros tatoueurs, plein de tatoos, et pas commodes en moins. Les bras sculptés, le gars les avait, mais il était plus attirant aussi. Bon point.

- Cela dépend de la personne, mais en principe on en a pour une bonne heure. Tu m'as l'air un peu stressée. Tu as le droit de te rétracter encore si tu en as envie, je te rendrai l'enveloppe que tu m'as donné tout à l'heure.

Comme toutes les premières fois, il y avait une petite appréhension, mais c’était une bonne adrénaline, la jeune femme pouvait le sentir, comme lorsqu’on monte sur scène pour la première d’une représentation théâtrale. Elle n’était pas facilement impressionnable, et lorsque c’était le cas, ça tombait bien, parce qu’elle ne le montrait pas.

- J’me demande si ça fait mal en fait, j’ai eu tellement de versions différentes, expliqua t-elle, tout sourire, en la tutoyant naturellement elle aussi. Mais je vais survivre à ma future blessure de guerre, t’inquiète, assura t-elle dans un éclat de rire. C’est comment ton prénom, au fait ? C’était quand même plus plaisant de savoir à qui on s’adressait.

Elle poursuivit de se préparer ensuite, en enlevant les vêtements qui pourraient gêner à la conception du tatouage. Elle avait hâte de voir la branche de cerisier se dresser fièrement sur ses côtes, dans quelques temps maintenant !

- T’en as eu beaucoup, des gens qui lâchaient l’affaire au dernier moment, ou pendant que t’étais en train de les tatouer ? interrogea t-elle, pleine de curiosité. Elle avait pensé à demander à un de ses potes de l’accompagner, comme une forme de soutien moral, avant de changer d’avis. C’était quelque chose qu’elle avait envie de faire seule, avec, avec le tatoueur aussi, fatalement, et elle ne voulait pas que les commentaires que celui qui l’accompagnerait fasse l’effet inverse de ce qu’elle désirait : c’est à dire la faire flipper au lieu de la rassurer.

Le jeune homme installa ensuite le calque sur sa peau, afin de lui présenter le dessin, mais aussi poser les contours. Ca promettait d’être une vraie tuerie, et elle ne pouvait plus attendre de voir à quoi cela allait ressembler à la fin ! Elle leva son pouce dans sa direction pour lui montrer que ça lui plaisait déjà vachement, et que ce serait encore à la fin.

- Ca fait longtemps qu’il est ouvert, le salon ? Ils allaient passer tous les deux un moment ensemble, alors autant faire la conversation, pour que ce soit agréable pour tout le monde. Enfin pour elle, parce que c’était Reese qui passait sur le billard. De toutes les façons, elle, c’était plus fort qu’elle, elle était incapable de garder sa langue dans sa bouche bien longtemps.

A interpréter librement.

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J'étais habituée à voir des clients ou des clientes qui étaient stressés de se faire tatouer, spécialement si c'était la première fois. Je me retrouvais donc assez souvent à faire de la psychologie, et à m'assurer qu'ils étaient bien sûrs de vouloir faire leur tatouage. Des gens stressés ne me dérangeaient pas, mais je n'avais pas envie que les gens ressortent d'ici en regrettant d'être passé sous mes aiguilles. Je te proposai donc de repartir si jamais tu en avais envie, histoire de ne pas avoir de problèmes par la suite. C'était donc à la fois pour toi et à la fois pour moi. Comme ça tout le monde était content. « J’me demande si ça fait mal en fait, j’ai eu tellement de versions différentes. Mais je vais survivre à ma future blessure de guerre, t’inquiète. C’est comment ton prénom, au fait ? » Je te souris une nouvelle fois, en te regardant. Tu as l'air d'avoir un sacré caractère et j'aime bien ça chez les filles. J'aime quand il y a du répondant en face et quand on n'hésite pas à me dire les choses. Les femmes qui me disent oui à tout et qui ne proposent pas de choses, ça a tendance à très rapidement me gonfler et me souler. J'aime quand il y a des rebondissements, du mouvement et des surprises. C'est pas le genre de choses possibles avec des filles fades et transparentes. « Je crains que ça aussi, ça dépend des personnes. Bon après si tu es douillette de nature, c'est sur que tu vas avoir mal, mais je crois que c'est supportable » Je t'offre un sourire, avant de te regarder. « Et je m'appelle Caleb » ajoutai-je avec un sourire en coin. Caleb le tatoueur, ou Caleb Ezra Nuno Gomes, pour être tout à fait exact. Vive le nom à rallonge, ma mère était inspirée.

Je te laissai te débrouiller avec tes habits, pensant malicieusement que les filles, je les déshabillai ailleurs habituellement. Mais concentre-toi, Nuno Gomes. « T’en as eu beaucoup, des gens qui lâchaient l’affaire au dernier moment, ou pendant que t’étais en train de les tatouer ? » Je souris et réfléchis quelques instants, durant lesquelles je me saisis du calque et du modèle du dessin. « Quelques-uns oui. Mais en général les gens sont trop fiers pour dire qu'ils souffrent le martyr » répondis-je avec un sourire amusé. « Mais c'est assez souvent que les gens ne viennent pas faire leurs retouches par contre. Par manque d'envie ou par crainte d'avoir mal, je ne sais pas trop... Mais je te déconseille de ne pas revenir » ajoutai-je en te regardant droit dans les yeux, un sourire malicieux toujours affiché sur les lèvres. C'était ça si tu ne voulais pas que ton tatouage ne ressemble plus à grand chose au bout de quelques années. Après chacun faisait ce qu'il voulait de son corps, mais je trouvais nul de faire toutes ces démarches pour finalement laisser tomber. Mais ce n'était que mon avis de tatoueur. « Ca fait longtemps qu’il est ouvert, le salon ? » Je te souris une nouvelle fois, commençant à dessiner sur ta peau. Moment important, puisque c'est dès les premières secondes que tu peux dire si la douleur sera supportable ou non. Mais ton intérêt pour mon salon est vraiment très flatteur. « Environ deux ans je crois. Avant je tatouais chez moi, mais ça ne faisait pas très sérieux » fis-je avant de hausser les épaules et de me remettre à te tatouer. J'étais concentré sur ce que je faisais, mais cela ne m'empêchait pas pour autant de te faire la conversation. Après tout, si ça peut te permettre de te détendre un peu, ce n'est pas plus mal. « Et toi tu fais quoi dans la vie? » demandai-je, histoire de lancer un sujet de conversation assez vaste. « Et pourquoi tu as choisi mon salon pour te tatouer? » Grande question, qui m'intriguait beaucoup.

Passer sur le billard ne l’empêchait pas d’avoir des idées derrière la tête. Ce serait sûrement autre chose d’ici quelques minutes, c’était peut être du coup le moment ou jamais d’en profiter aussi. Caleb ? Ca allait bien avec sa belle gueule. Après tout ça l’aurait nettement moins fait s’il lui avait annoncé qu’il s’appelait Leonard, ou un autre truc vieux jeu du type. Là, ça n’enlevait rien au sex appeal du gars. Déjà qu’être tatoueur, en soi, ça lui accordait tout un tas de points.

- Mais c'est assez souvent que les gens ne viennent pas faire leurs retouches par contre. Par manque d'envie ou par crainte d'avoir mal, je ne sais pas trop... Mais je te déconseille de ne pas revenir, lui expliqua t-il, après ses questions.

Ah ouais ? C’était quand même un peu débile. Elle ôté une fine mèche de cheveux qui s’était échappé de son chignon et qui venait lui chatouiller le bout du nez. Au contraire, elle se disait plutôt qu’elle allait bien assez en chier pour ça pour que son tatouage ait l’air dégueulasse après ça. Surtout avec un dessin et un design comme le sien, elle ne put s’empêcher de penser que ce serait encore pire si elle ne faisait rien.

- Euh ouais, c’est clair c’est con. Non mais t’inquiète pas, puisque tu le demandes si gentiment, je vais revenir, y’a pas de soucis, une fois de plus, elle fit passer sa phrase sous le coup de la plaisanterie. Le garçon restait assez calme malgré tout, ce qui inconsciemment, la rassura. Non, parce que quand même, il avait pas intérêt à la louper !

Il y eut d’ailleurs quelques secondes de silence qui suivirent ensuite, juste avant que l’aiguille ne touche une première fois sa peau. Reese ferma les yeux, une sensation toute chaude la traversa d’abord, et ne quitta pas son corps, pour venir la transpercer. Ca s’arrêtait dès que Caleb levait son geste. Elle fronça légèrement les sourcils, sans pour autant grimacer. La douleur était supportable, est-ce que ce serait encore le cas, une heure plus tard ? Peut être parce qu’elle s’attendait à quelque chose de terrible, la sensation fut moins désagréable que ce qu’elle s’était imaginée. Ca ne l’était pas assez pour l’arrêter de causer !

- Environ deux ans je crois. Avant je tatouais chez moi, mais ça ne faisait pas très sérieux.  Et toi tu fais quoi dans la vie?

Faire chier mes parents. Ce fut à peu près la première chose qui lui vint à l’esprit dans un premier temps, pourtant, elle n’était pas d’accord. C’était sa mère qui se serait pas gênée pour faire ce genre de remarques, c’était à croire que tout l’emmerdait de toute façon. Et après elle s’étonnait de l’ambiance de merde qui régnait à la maison, sérieux !

- Je joue aux jeux vidéos, annonça t-elle, sans la moindre honte, bien au contraire. S’amuser, boire sortir, et dormir, c’était ça à peu près son rythme de vie. Elle adorait ça ! Pour l’instant à part ça, pas grand chose, on verra après, éluda t-elle, parce qu’elle n’avait pas forcément réfléchit à la question, et aussi parce qu’elle s’en foutait un peu.

Caleb enchaîna sur une autre interrogation :

- Et pourquoi tu as choisi mon salon pour te tatouer?

Cette fois ci, la jeune femme mit plus de temps avant de répondre, considérant vraiment la demande. Elle pinça légèrement les lèvres.

- Ben c’est clair que c’est pas facile de faire un choix, parce que bon, t’as pas le droit de te louper, lui rappela t-elle au passage, juste comme ça. Je connais des gens qui m’en ont déjà parlé, c’est marrant d’ailleurs, parce qu’ils savent même pas que je suis ici aujourd’hui ! Des potes de potes, de potes… qui avait dit que le mec se démerdait vraiment bien, et surtout, super important, qu’il était clean. Les salons pas aux normes, y’en avait plus qu’il n’y paraissait. T’as déjà eu des demandes de tatouages chelous ou à des endroits improbables ? Ca doit être chaud à faire quand c’est comme ça, nan ?

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Nous parlions des habitudes de mes clients, et de mes clientes, parce que c'était d'ailleurs souvent les femmes qui ne revenaient jamais pour poursuivre leur tatouage. Ce que je ne comprendrai jamais, et ce dont je te fait part en continuant mon travail. Et j'en profite pour te conseiller de ne pas faire de même, si tu ne veux pas que ton tatouage finisse tout simplement par s'évaporer au fil du temps. Après tout moi je m'en fiche un peu, je suis déjà payé alors c'était ton problèmes dans le fond. « Euh ouais, c’est clair c’est con. Non mais t’inquiète pas, puisque tu le demandes si gentiment, je vais revenir, y’a pas de soucis » Je souris en coin, content d'avoir cette réponse. Va savoir pourquoi, je sentais qu'on pouvait bien s'entendre et qu'il y avait quelque chose de spécial qui pouvait naître entre nous. J'aime beaucoup ton caractère ta spontanéité pour tout t'avouer. Enfin, ça je ne te le dirai sans doute pas, si tu sembles spontanée je ne suis pas du genre à parler et à dire ce que je pense. Mais cela ne m'empêche pas de te questionner en retour, pour savoir ce que tu fais de ta vie notamment. « Je joue aux jeux vidéos. Pour l’instant à part ça, pas grand chose, on verra après » Je ricana doucement, avant de relever mon regard sur le tien pour répondre. « Le rêve de tout le monde je crois. Quel genre de jeux vidéo? » Bah oui, il ne fallait pas me lancer sur le sujet. Même si en général je jouais lorsque ma petite soeur dormait, inutile de la traumatiser avec des jeux genre Call of Duty ou je ne sais quels trucs.

J'étais curieux de savoir ce qui t'avait poussé à venir te faire tatouer dans mon salon, alors je te posai la question. Je ne sais pas si c'était une question qui pouvait te surprendre ou non, mais au pire tant pis. « Ben c’est clair que c’est pas facile de faire un choix, parce que bon, t’as pas le droit de te louper. Je connais des gens qui m’en ont déjà parlé, c’est marrant d’ailleurs, parce qu’ils savent même pas que je suis ici aujourd’hui ! » Je souris malicieusement, continuant encore et toujours mon travail. « T'inquiète pas, va. Je vais te rendre encore plus jolie que ce que tu étais avant d'entrer dans mon salon » répondis-je avec un sourire en coin. « Donc c'est un tatouage secret? C'est dans le but de surprendre quelqu'un ou avant tout pour te faire plaisir? » J'entendais beaucoup de personnes qui venaient ici faire un tatouage pour une personne avant de le faire pour soi-même. Même si le geste était particulièrement attachant, ce n'était peut-être pas la bonne solution. Mais même si tu me répondrais oui, je ne te jugerais pas. Question d'éthique. « T’as déjà eu des demandes de tatouages chelous ou à des endroits improbables ? Ca doit être chaud à faire quand c’est comme ça, nan ?  » Je rigolai doucement en me souvenant de certaines demandes bien particulières. J'avais le pouvoir de refuser quelque chose quand on me demandait quelque chose qui ne me convenait pas, pour mon plus grand plaisir. « Un mec m'avait demandé de tatouer le prénom de sa soeur sur sa fesse une fois. Et je crois que le tatouage le plus étrange qu'on m'ait demandé, ça a été de tatouer le visage d'une célébrité sur son coeur. Je trouve ça particulièrement glauque pour tout t'avouer. Mais cela n'a rien à voir avec les demandes contre éthiques que ce que je peux avoir. Genre des croix gammées, des trucs de ce genre là. Je refuse, en principe » ajoutai-je en me concentrant sur le dessin que j'étais en train de former sur ta peau. « La douleur est supportable? »

Le garçon ne répondit pas à sa perche tendue. Dommage. Cela ne découragea pas pour autant Reese, qui ne pouvait de toute façon voir le petit sourire qui avait pris naissance sur ses lèvres, lorsqu’elle lui avait fait la remarque. Cela ne lui donnait que plus l’envie de remporter le challenge qui était en train de prendre forme sous le nom de Caleb. Après tout, puisqu’il n’avait rien dit, elle pouvait l’interpréter de deux manières : soit effectivement il ne voulait pas relever pour ne pas se foutre dans une position qu’il jugerait indélicate par la suite, soit c’était pour lancer le jeu et lui faire comprendre qu’elle devait persévérer. Ouais ça devait être ça.. ! Elle n’allait pas s’avouer vaincue si vite, alors que la conversation était en train de basculer vers un autre sujet.

- Le rêve de tout le monde je crois. Quel genre de jeux vidéo?

Caleb ne paraissait pas avoir pris au sérieux ses déclarations, et pourtant elle ne plaisantait pas en affirmant qu’elle se voulait pro dans le domaine des jeux vidéos. Il y en avait bien qui y parvenaient, alors pourquoi pas elle ? Okay, c’était clair que ça sortait du commun, comme elle finalement hein !  Alors, on savait jamais, ça pouvait marcher ! Comme le tatoueur le disait, ce serait le véritable pied.

- De tout. Ca peut passer des jeux en ligne à la console de salon ou portable, de League of Legend à Pokemon à Uncharted. Faut que j’économise pour le dernier Batman, c’est une tuerie y paraît. Dès qu’on la lançait sur son thème préféré, elle ne savait plus s’arrêter. Tatoueur, amateur de jeux vidéos… Mais dis donc, tu es parfait, tu sais ?! Encore un petit compliment, glissé au passage, de rien, c’est gratuit.  Et intéressé aussi.

- T'inquiète pas, va. Je vais te rendre encore plus jolie que ce que tu étais avant d'entrer dans mon salon.

Voilà ce qu’elle attendait… message caché ou non, c’était le moment de sauter sur l’occasion, et Reese n’était pas du genre à laisser passer sa chance, mais au contraire, à la saisir en plein vol.

- Ca tombe bien, le but c’est de faire tourner les têtes, elle eut un petit haussement de sourcils significatifs dans sa direction, avant de la tourner quelques instants de l’autre côté pour se détendre les muscles.

Elle ne savait pas si ça allait la mener quelque part, mais c’était un jeu qu’elle trouvait toujours assez amusant, et avec le temps, elle avait appris à en tirer les ficelles. Alors peut être que ça ne marchait pas toujours, mais ça avait aussi fait ses preuves.

- Donc c'est un tatouage secret? C'est dans le but de surprendre quelqu'un ou avant tout pour te faire plaisir?

Elle avait réfléchis à deux fois, avant de se pointer au salon pour demander son tatouage. Elle était peut être inconsciente sur tout un tas de trucs, mais pas pour ça, après tout, elle allait se le trimbaler sur sa peau toute sa vie ensuite ! Alors si c’était pas avant tout pour elle… Les autres sur ce coup, ils pouvaient bien aller voir ailleurs ! C’était également pour ça qu’elle n’avait voulu en parler à personne et garder le secret pour elle le plus longtemps possible. Elle ne voulait pas s’entendre dire que son idée était merdique, ou alors tout un tas d’autre discours super relous comme certains savaient si bien le faire. Dans quel but ? A part pour faire chier, franchement, elle ne savait pas trop.

- Pour surprendre ma mère, ça c’est clair, commenta t-elle avec une amertume non feinte dans la voix. J’avais surtout pas envie qu’on me soule avec ce que je dois faire et ce que je dois pas faire, est-ce que j’fais chier les gens qui se tatouent « Maman je t’aime » sur le torse ? J’crois pas. C’est vraiment chiant d’avoir toujours des comptes à rendre.

Il y aurait bien sûr l’après tatouage, mais elle préférait ne pas y penser pour l’instant, alors qu’il n’était même pas terminé ! Du coup, la discussion se lança sur les demandes bizarres des clients de Caleb, qui confirma qu’ils y en avaient vraiment qui étaient pas très nets dans leur tête, sérieux quoi…

- Heu ouais nan t’inquiète, t’es pas le seul, non mais je me demande tellement comment tu peux avoir envie de te faire tatouer la Reine Mère quoi ! Elle eut un instant de silence, avant de reprendre. Ne me dis pas qu’il y en a qui sont allés jusqu’à avoir la Reine Mère sur le corps !!! C’était autant improbable que ça lui paraissait envisageable maintenant qu’elle l’avait évoqué clairement et à haute voix. Weeeeeird ! Et puis ouais normal, là non plus ça me viendrait pas trop à l’esprit de faire des trucs connotés comme ça… Les gens sont vraiment cons, constata t-elle tout à coup, comme si on ne pouvait plus rien y faire de toute façon.

On disait qu’il fallait de tout pour faire un monde, mais sérieux, ceux là on pouvait tellement s’en passer !

- La douleur est supportable?

Reese eut un léger haussement d’épaules, profitant que Caleb ait retiré l’aiguille de sa peau, pour avoir le droit de faire un mouvement.

- Ca va ça passe. En fait ça dépend d’où exactement, quand tu repasses à certains endroits, c’est plus sensible qu’à d’autres, et quand ça touche directement les os ensuite. Heureusement que papoter, ça fait passer le temps, rigola t-elle, avant de réajuster son dos pour prendre une position un peu plus confortable. Si c’était moins pire que ce qu’elle avait imaginé, il ne fallait pas que ça dure trop longtemps non plus, mais elle était incapable de déterminer la durée qu’il faudrait à Caleb pour réaliser l’intégralité de son œuvre. Et alors du coup, pourquoi est-ce que t’as décidé de devenir tatoueur ?

Non parce que tout le monde ne se réveillait pas tous les quatre matins avec cette envie soudaine, même si c’était une envie qui était super cool, il fallait bien l’avouer. Après chacun avait sa propre définition de ce qui était cool, et ce qui ne l’était pas, mais lorsque ça ne rentrait pas dans ses critères, généralement, Reese évitait de se mêler à eux. Clairement, elle préférait être cool, à sa façon.