chris's sixteen birthday !!!!

D'un geste de main, je fais signe à nos parents qui s'en vont joyeusement vers de nouvelles aventures très loin de la maison, ce qui est assez arrangeant pour ce que j'ai prévu de faire ce vendredi soir. Mon anniversaire, j'ai prévenu ma mère qu'Adrian le passerait ici avec moi et Gaby qui a sans doute paru un brin suspecte en refusant de les accompagner en vacances pour la première fois. Mais qu'importe. Je jette un coup d'oeil à Adrian et lui sourit avec tendresse. « Que la fête commence ! » Je suis conscient, que le pauvre a hérité d'un meilleur ami un peu trop sauvage, qui n'hésite pas vraiment à désobéir et à organiser des fêtes interdites pendant que ses parents ne sont pas là, mais avec le temps, je crois qu'il a compris que j'aimais vivre dangereusement et qu'il serait difficile de me changer. Avec cette histoire de bulletin, il ne m'aurait jamais laissé organiser les choses comme je l'entends. « Qu’est-ce qu’on doit faire ? » Je lui fais signe de me suivre et tire de dessous mon lit, trois bouteilles de vodka et une de rum. Je lui en met deux dans les mains, m'empare des deux autres. « Il faut les descendre, j'ai vraiment galéré, t'imagines pas. J'ai du demander à un mec de dernière année. » Et je n'ai pas vraiment envie de parler de ce qu'il m'a demandé un échange.
Adrian a l'air sceptique, ce qui ne m'étonne pas vraiment. Il n'est pas un grand habitué de ces choses là. L'idée de la soirée doit très certainement l'angoisser un peu. « C’est pas un peu trop ? » Me répond Adrian toujours hésitant. « C'est pas assez, Imogen ramène des bières aussi. » Je descends et dépose ma cargaison sur la table du salon. « Gaby est partie acheter du jus du fruit en face, je vais installer les enceintes de papa. »
Une bouffée de bonheur m'envahit soudainement, et je me jette dans les bras de mon meilleur ami que je serre fort contre mon coeur, tant que ça ne paraît louche pour personne. « Merci merci, de m'aider Adrian. » 
Mon cœur s'agite en revanche et je me presse, sortant tout ce que j'ai préparé à l'avance et dissimulé un peu partout dans la maison, ne serait-ce que pour oublier les battements un peu trop précipités de mon coeur. Lorsque je reviens près d'Adrian, il me questionne bizarrement.  « Est-ce que ton mystérieux petit-ami va venir ? » Mon sang se glace, je n'ai pas envie que qui que ce soit d'autre sache à propos de moi. Pas le soir de mon anniversaire. « Non. Je n'ai pas vraiment de petit ami, et puis je suis pas prêt à le dire aux autres. » Ce que j'ai dit à Adrian est d'ailleurs assez récent et il est loin d'en savoir la moitié. « Peut être cette année, mais je dois être sûr tu comprends ? » J'en ai parlé à mes sœurs et ma mère, à Adrian, mais je ne suis sûr de rien, et il est difficile de vraiment savoir, quand c'est lui que je suis sûr d'aimer sans qu'il ne le sache. « Je voulais pas avoir l’air pressant, je ne dirai rien, tu sais, je voulais juste savoir » Je hoche la tête, je sais qu'il ne pense pas à mal, Adrian n'est pas comme ça et ne l'a jamais été. La peine qu'il inflige parfois à mon coeur n'est pas vraiment de son fait, c'est moi qui l'aime un peu trop.  « A quelle heure arrivent les gens ? » Je regarde ma montre. « Maintenant ? » On avait dit dix neuf heures trente.

Nous sommes en train de dire au revoir aux Grayson qui s’en vont tous en week-end, tous à l’exception de Gaby et Christopher, puisqu’ils ont une idée derrière la tête. Une idée qui a nécessité que je dissimule une partie de la vérité à ma mère, puisqu’informée de ce qui se préparait dans la maison, elle aurait tout raconté à Vivian, ce qui aurait vraisemblablement ruiné la soirée de mon meilleur ami – même s’ils ne l’auraient pas interdite, je pense, mais disons qu’elle aurait été nettement moins… au goût de Chris. « Que la fête commence ! » il lance joyeusement en se tournant vers moi comme si j’étais le plus joyeux luron du monde. J’ai autant envie de vivre cette fête que de rester quinze jours entiers enfermé à l’école avec mes chers camarades de classe. La seule raison qui motive ma présence ici est celle de Chris, qui semble heureux à l’idée de faire cette fête, et le bonheur de Chris est ma seule raison de vivre en ce moment, de toute façon. Je souris quand il sourit et hoche la tête tout en sautant du petit mur sur lequel je m’étais assis pour voir disparaître la famille Grayson. « Super », je lance en tentant d’imiter son ton joyeux. « Qu’est-ce qu’on doit faire ? » je demande en tentant de nous parer d’un peu d’entrain. Il m’entraine dans sa chambre et tire de sous son lit des trésors insoupçonnés. « Il faut les descendre, j'ai vraiment galéré, t'imagine pas. J'ai dû demander à un mec de dernière année. » Je fronce le nez en regardant les bouteilles que je porte et ne peux réprimer une moue sceptique. « Tout ça ? » je demande en penchant un peu la tête. Je n’ai jamais vraiment bu et je ne pense par ailleurs pas commencé ce soir, mais c’est sans doute parce que je suis un garçon vraiment pénible – c’est sûrement la raison pour laquelle mes camarades de classe me détestent. « C’est pas un peu trop ? » Loin s’en faut, apparemment.  « C'est pas assez, Imogen ramène des bières aussi. » Je grimace un peu et hoche vaguement la tête. Tout ça semble terriblement bien organisé, et je prie pour que ma mère ne m’interroge pas sur le programme de ce soir par message – ou pire, demain ? Je serais obligé de lui mentir. Je déteste mentir, non pire encore : je ne sais pas mentir. Comment je vais faire ? « Gaby est partie acheter du jus du fruit en face, je vais installer les enceintes de papa. » J’acquiesce, vaguement perdu dans mon débat interne sur la meilleure façon de mentir sans trop mentir, mais Chris se jette soudainement dans mes bras et me serre contre lui. Un peu surpris, je reste un instant statique avant de lui rendre son étreinte, non sans ignorer que mon cœur s’emballe d’une drôle de façon. Je veux bégayer quelque chose mais n’y parviens pas, ne sortant qu’un vague soupir de protestation quand il s’éloigne déjà, non sans m’avoir remercié. Je reste planté là et le regarde courir partout pour préparer, un peu sceptique à l’idée du déroulement de la soirée. « Est-ce que ton mystérieux petit-ami va venir ? » je demande non sans une pointe de jalousie dans la voix, que je porte naturellement sur le compte d’une amitié trop fusionnelle. Soudainement, cela dit, le ton change et je fais un peu la moue. « Non. Je n'ai pas vraiment de petit ami, et puis je suis pas prêt à le dire aux autres. » J’acquiesce, j’imagine que je comprends et je ne voulais pas sous entendre que je risquais de révéler son secret à qui que ce soit, il est mon meilleur ami, il sait qu’il peut compter sur mon silence. Toujours. « Peut être cette année, mais je dois être sûr tu comprends ? » Je hoche la tête de nouveau. « Je voulais pas avoir l’air pressant, je ne dirai rien, tu sais, je voulais juste savoir » je bafouille un peu en réarrangeant les bouteilles. Il a l’air d’avoir un petit ami, pourtant, ou peut être plusieurs. Pourquoi est-ce que je n’ai pas le droit de savoir ? Mon cœur cogne de nouveau, partagé entre la jalousie et une autre sensation étrange. « A quelle heure arrivent les gens ? » je demande pour changer de sujet en tirant un peu sur la nappe pour qu’elle tombe de la même longueur sur tous les côtés. « Maintenant ? » Je relève les yeux vers lui, mais j’ai à peine le temps de répondre que la sonnette de la porte retentit déjà. Je ressens soudainement un pic de stress et décide de rester dans le salon pendant qu’il va ouvrir la porte.

La demi-mesure n'était que la façon des lâches d'admettre qu'ils faisaient mal les choses. La demi-mesure n'avait rien à faire dans la vie d'une gamine de quinze ans en pleine forme. Et la demi-mesure n'était pas un mot qui faisait partie du vocabulaire d'Imogen. D'autant moins quand il s'agissait de l'anniversaire de l'autre dingue. L'autre dingue qui l'avait invité et qui avait alors le droit à une Imogen trop enthousiaste lui sautant au coup avant de s'enfuir pour son cours de chant auquel elle était déjà en retard. Elle faisait confiance pour que ce soit un anniversaire digne de ce nom. Seize ans, ce n'était pas rien. Majorité sexuelle et droit d'acheter ses propres chocolats à la liqueur. Sûrement une étape majeure dans la vie de tout adolescent. Qui ne rêvait pas d'enfin pouvoir acheter ses propres monchéri? Bon, personne, certainement. Mais cela ne diminuait pas l'importance de cet anniversaire, et Imogen avait décidé de bien faire les choses. Alors elle avait convaincu sa mère de lui accorder au moins ça. Après tout, c'était l'argent qu'elle avait gagné elle-même en gardant ses cousins et elle pouvait bien en faire ce qu'elle voulait. Maman Kennedy n'était pas du genre à empêcher sa fille de vivre. Sachant que de toute façon elle ferait des conneries bien pire que ça si jamais elle essayait de la brider. Sachant que de toute façon elle irait voir un adulte bien pire si jamais elle décidait de dire non. Punir la plus âgée de ses filles n'avait jamais mené rien. La raisonner marchait un peu mieux même si ce1 n'était pas toujours concluant. Et puis de toute façon, Maman Kennedy avait été jeune. Elle savait. Elle savait qu'une punition pour une occasion tant attendue ne pouvait que mener sa fille à faire le mur. Et Imogen était ravie d'avoir une mère si compréhensive. Et surtout si réaliste.

Transporter la réserve de bière qu'elle avait achetée pour l'occasion avait sûrement été la question la plus ennuyante. Question qu'elle ne s'était posé que peu de temps avant de partir. Mais, Imogen était encore assez jeune pour se préparer en avance aux fêtes. Assez jeune pour avoir peur d'être en retard. La règle du quart de politesse n'était pas encore son truc. Elle le transformerait bien assez tôt en une heure de politesse une fois qu'elle en aurait entendu parlé. Elle avait déjà mis son plus beau baggie, une ceinture à tartan, un débardeur noir pour être à l'aise. Alors elle n'avait pas mis trop de temps à trouver un caddie de sa mère, un peu moche et qui lui donnerait sûrement une allure de petite mamie... Mais il fallait bien faire des sacrifices dans la vie. Que n'aurait-elle pas fait pour Chris? Mais ce n'était pas par totale altruisme qu'elle se trouver à caser tant bien que mal plusieurs packs de bières dans le trop petit caddie. Trop petit au goût de la jeune fille. Mais il finit par y caser ses réserves. Gardant un petit pack dans les bras. Finalement, elle ne s'en sortait pas si mal que ça. Et elle s'était presque habituée au caddie ridicule qu'elle tirait derrière elle. Et elle sonne à la porte sagement. Elle vérifie l'heure sur la montre flik-flak à son poignet qu'elle a décidé de remettre à la mode. Ça va, elle est dans les temps. Et quand la porte s'ouvre enfin, elle offre son plus beau sourire à Chris et secoue le pack qu'elle a tenu dans ses bras tout ce temps devant le nez de son ami. « DRINKS!! » S'inquiéter du fait que les parents ne soient peut-être pas encore partis? Non, c'est pas vraiment son genre. Elle n'a pas vu de voiture devant la maison. Et surtout, ce n'est pas dans ses habitudes de réfléchir à ce genre de "détail". Elle perd soudainement son sourire et prend un air choqué, comme si la pire catastrophe du monde venait de leur tomber dessus. « Chris! Je... Je crois que je vois un cheveux blanc là! » L'air choquée, le ton plein de détresse. Une vraie actrice dans le sang. Elle reste sérieuse deux seconde de plus avant de lui offrir son sourire le plus moqueur. Après tout, elle peut bien se moquer. Elle a encore quelques mois de jeunesse devant elle. De jeunesse et d'innocence, loin des chocolats à la liqueur. Et pour se faire pardonner de cette remarque un peu trop moqueuse, elle tire son caddie devant elle. « J'espère que tu as de la place au frigo. » Et sans demander son reste et sans vraiment lui laisser le temps d'en placer une, comme elle sait si bien le faire, elle colle un bisou sur une joue de son hôte avant de partir en quête dudit frigo. Elle a des réserves à mettre au frais.

Elle avait sincèrement commencé à croire qu'ils ne partiraient jamais. Pourtant, ces vacances, leurs parents avaient mis des mois à les organiser mais non, il avait fallu qu'ils s'attardent, qu'ils vérifient une dernière fois que les placards étaient suffisamment remplis et qu'elle ne voulait pas venir. Gaby leur avait pourtant dit à plusieurs reprises qu'elle n'avait pas envie de passer une semaine avec eux et le reste de la tribu. Pas forcément en ces termes mais le résultat était le même. En vérité, elle avait surtout mieux à faire.

Ils avaient finalement déguerpi, pour le plus grand bonheur de Chris dont c'était l'anniversaire. Gaby attendait ça avec presque autant d'impatience que Noël et, une fois n'est pas coutume, elle avait accepté sans rechigner d'aller faire les dernières courses nécessaires. Après tout, ce n'était pas avec la brique de jus d'orange achetée par leur mère qu'ils allaient pouvoir diluer tout l'alcool que s'était procuré son frère. La caissière lui adressa un coup d’œil suspicieux lorsqu'elle déposa les six litres de jus de fruits divers et variés sur le comptoir. Gaby se sentit rougir légèrement et s'empressa de déverser le contenu de son porte-monnaie pour filer au plus vite. Heureusement pour elle ─ et pour ses bras ─ la route n'était pas longue et elle traversa la rue aussi vite que possible, maudissant vaguement son frère, ce traître, d'avoir préféré rester à la maison pour accueillir Adrian et passer un moment seul avec lui plutôt que l'aider à transporter la cargaison. Il aurait tout à fait pu lui donner rendez-vous au Tesco d'en face après tout ─ mais elle comprenait, d'une certaine façon. En d'autres circonstances, elle ne se serait pas plainte mais bloody hell, tout ce jus de fruits n'était pas vraiment léger et elle n'avait rien d'une haltérophile. « C'est moiii ! lança-t-elle en refermant la porte du pied. Et ces bouteilles ne vont pas aller se mettre toutes seules au frigo, alors si vous pouviez me donner un coup de main, franchement, j'apprécierais ! » Non, elle ne pousserait pas l'effort jusqu'à se traîner jusqu'à la cuisine, pas alors que son bras gauche risquait la dislocation par jus d'orange. « C'est moiii ! lança-t-elle en refermant la porte du pied. Et ces bouteilles ne vont pas aller se mettre toutes seules au frigo, alors si vous pouviez me donner un coup de main, franchement, j'apprécierais ! » Hors de question de pousser l'effort jusqu'à se traîner à la cuisine toute seule. « T'es sûr d'avoir donné la bonne adresse à tout le monde ? » s'inquiéta-t-elle avec un coup d’œil pour l'horloge qui affichait déjà dix-neuf heures trente passées. La sonnette retentit au même moment, comme une réponse du destin. Avec un peu de chance, c'était bien l'un des invités de son frère et non la voisine un peu cinglée d'à côté venue s'inquiéter de leur bien-être en voyant leurs parents charger la voiture et partir. Elle avait beau apprécier Adrian, la perspective de passer la soirée à regarder son frère se contenir de peur de paraître suspect ne l'enchantait guère. Fort heureusement, l'une des amies de Chris fit son apparition, bières en main et sourire aux lèvres. « Hey, salut, Imogen, c'est ça ? Tu veux peut-être mettre tout ça au frigo ? On a encore de la place, en poussant deux ou trois trucs. Quoique, je suis pas sûre que ce soit bien utile de mettre tout le jus de fruits au frais. Sur la fenêtre, peut-être » marmonna-t-elle, indécise. Détails, détails. De toute manière, si tout se passait bien, ils ne feraient pas longtemps la différence entre frais et température ambiante.

Chris organise un anniversaire clandestin. Je me répète cette information, tiraillée entre amusement et agacement. Je comprends. J'ai fait pareil. Enfin, j'étais plus du genre à édulcorer la vérité ou mentir par omission que clairement faire une fête sans autorisation, au nez et à la barbe de mes parents en vacances. Mais Chris a toujours plus aventureux que moi et c'est une démarche adolescente classique, je suppose. Il m'a évidemment parlé de son projet - ne pas inviter sa grande soeur chérie pour ses 16 ans, ce serait grossier, même pour lui - me mettant dans l'impasse. Je ne vais pas le dénoncer, je ne suis pas comme ça. Mais je ne vais pas non plus le laisser transformer la maison en dépotoir ou autoriser Gaby à descendre une demi bouteille de vodka. J'aurais été plus rassurée si elle était partie avec Papa et Maman mais bon, je préfère encore qu'elle boive dans la sécurité de la demeure familiale et sous ma surveillance. J'ai tenu suffisamment de cheveux pour savoir que l'interdiction pure et simple n'est jamais la bonne solution.

Je me présente donc sur le pas de la porte un peu avant vingt heures, ricanant intérieurement de l'horaire à laquelle commence la fête. La porte s'ouvre sur ma pimpante petite soeur - pas si petite d'ailleurs, elle doit me dépasser - et je lui fais un large sourire, brandissant un grand panier en osier. « C'est ici le goûter d'anniversaire du petit Christopher? Vous devriez mettre des ballons sur la porte, c'est pas si facile à trouver hein. » J'entre sans plus de cérémonie - c'est chez moi après tout - et salue une jolie brune qu'il me semble avoir déjà vu quelque part. Cette maison est un moulin et j'ai déjà du mal à me souvenir de tous les gens que je rencontre, entre la fac et les assos. Je lui fais donc un sourire chaleureux et me présente, tout en me dirigeant vers la cuisine. « Hi, I'm Jane, the big sister. Please don't have sex in my parents bed. » Je fais un clin d'oeil, signe évident que je plaisante. Mais pas vraiment. Je vide mon panier de victuailles sur le comptoir, trouvant un coin dans le frigo pour caler l'imposant gâteau d'anniversaire et vidant chips et cacahuètes dans les bols. Je fouille dans les placards et trouve rapidement des pots de guacamole et de salsa. Mes parents ont l'avantage d'être prévoyants et toujours enclins à recevoir.

J'aperçois bientôt mon frère et son meilleur ami, à qui j'adresse un franc sourire. Je suis vraiment contente qu'il soit là. Adrian inspire confiance, c'est comme ça. J'enlace Chris, ce que je ne manquerai pas de refaire une fois le reste des invités arrivés, histoire de l'embarrasser un peu. « Happy birthdaaaaaaay ! » J'étudie alors les alentours, voyant de nombreux facteurs de risque. « Okay kids, we need to teenage proof this house. Adrian, Chris, faites un tour du bas pour ranger les bibelots qui ont l'air fragiles ou chers. Gaby, tu vas m'aider à ranger les tapis. And then we need to barriccade mum and dad's room, I seriously don't want anyone to throw up in there, dead give away. » Je me rends compte que je m'impose un peu dans l'organisation, ce que mon petit frère ne va certainement pas apprécier. Mais il faut bien que quelqu'un pense à ce genre de détails et en ma qualité d'aînée, cette responsabilité me revient. J'ébouriffe les cheveux de Chris, essayant de l'attendrir pour qu'il ne m'oppose pas de résistance et que la fête puisse commencer sous de bons augures. « I'm only doing this because I love you and I don't want you to be grounded until you pass your A levels. »

Sans lui laisser le temps de vraiment riposter, je passe mon bras sous celui de ma petite soeur et me dirige vers le tapis persan du salon. Fort heureusement, nos parents ne collectionnent pas ce genre de choses, mais il fallait habiller le parquet. Mother's words. J'entreprends de rouler la chose, pas encore certaine d'où je pourrais ranger un objet de cette taille. « And I'll have my eye on you missie. In a very cool big sister way. » Je crois que pour le côté cool, on repassera mais ça ira mieux quand j'aurais pris une bière et que je constaterai, à mon plus grand soulagement, que les amis de Christopher sont des adolescents bien élevés, qui savent tenir l'alcool et ont de la conversation. Cause that's totally gonna happen. Je me demande si, finalement, je n'aurais pas mieux fait d'aller à la soirée du AV club. Un marathon Tarentino semble plus drôle que de chaperonner mes frères et soeurs contre leur gré. Mais ce n'est pas mon genre de fuir les responsabilités que personne ne m'a demandé d'endosser.

« TERRY, UNE LIVRAISON POUR NOTTING HILL ! » J'avance sur le comptoir où m'attend une dizaine boîte de pizza à livraison sous 30 minutes. Notting Hill n'est pas la porte à côté mais je dois faire au plus vite. J'attrape les pizzas qui se trouvent sur le comptoir et les apportent à mon scooter afin de les ranger dans le porte-bagages arrière. C'est un fait, il fait froid dans les rues londoniennes et je dois encore les parcourir en long et en large sur mon scooter. J'enfile ma paire de gants, mon bonnet, mon écharpe puis mon casque ; même emmitouflé de la sorte, je sens que je vais arriver gelé à mon adresse de livraison. D'ailleurs, un coup d’œil à l'adresse et j'essaye de la mémoriser pour ne pas me perdre dans les rues de Londres. Je veux éviter de devoir m'arrêter pour revoir l'adresse sur le ticket de caisse, j'ai déjà eu un blâme la semaine passée pour avoir livré des pizzas en retard. Mon manager me regarde à travers la vitrine et pointe de son index sa montre afin de me faire comprendre que je suis déjà en retard. Si je pouvais, je le jetterais par la vitrine mais j'ai besoin de ce travail pour aider Papa. Personne ne veut employer une adolescente de 16 ans, surtout si elle se trouve être violente et vulgaire. Je soupire et enfourne mon scooter en direction de Notting Hill.

Mes yeux sont grands ouverts à travers la vitre de mon casque à la recherche de la maison pour ma livraison. Étant donné le nombre de pizza, j'imagine que c'est pour une soirée donc il devrait y avoir du monde à l'extérieur et à l'intérieur de la maison, ce qui m'aidera forcément à repérer la maison à livrer. J'ai froid mais depuis quelques années j'ai développé une résistance au froid, cela aide à vivre dans sa voiture et de dormir avec quatre couvertures. Je vois plusieurs personnes entrer dans une grande maison et j'aperçois alors le numéro de la maison. Bingo, j'y suis. Je gare mon scooter dans l'allée en prenant bien soin de ne pas rouler sur la pelouse, du moins, cette fois-ci ! Je retire mon casque et le froid s'empare de mon visage. Je frissonne à nouveau après avoir retiré mes gants puis je regarde à nouveau mon ticket de caisse, « Grayson », je fronce les sourcils puisque je connais un Grayson au lycée. Faite que ce soit quelqu'un d'autre !!!! J'attrape les boîtes de pizza en essayant de n'en faire tomber aucune, ce serait bien ma veine d'en lâcher une ! J'avance dans l'allée et sonne à la porte. Pas de réponse. J'ai envie de m'énerver juste parce que personne ne me répond. Je n'ai pas envie de revenir à la pizzeria avec ma dizaine de pizza et sans l'encaissement. De la musique résonne dans la maison, je peux le sentir en posant ma main contre la porte d'entrée ; je sonne à nouveau en frappant fort contre la porte. « C'EST LES PIZZAS !!! » Bordel, mais que quelqu'un m'ouvre ou j'ouvre la porte moi-même ; mais je ne suis pas certaine que ce soit vu d'un bon œil !

Le problème de place dans le frigo réglé, un autre se posa immédiatement, au grand dam de Gaby qui n'avait pas imaginé un seul instant que Jane débarquerait. N'avait-elle pas autre chose à faire ? Même si c'était l'anniversaire de Chris et, yes, techniquement, elle était chez elle aussi. Elle n'avait rien à faire là, si ? Paniquée, Gaby chercha son frère du regard, trouvant celui d'Adrian à la place. « Il t'avait dit qu'elle viendrait ? » lui souffla-t-elle alors que, déjà, Jane s'improvisait cheftaine de groupe. Ugh. Ça partait certainement d'une bonne intention, oui, oui mais de toute évidence, elle ne leur faisait pas confiance. Comme si ses dix-huit ans lui conféraient la moindre autorité sur la soirée. Elle n'était probablement même pas invitée. « Si je ne suis pas revenue dans cinq minutes, venez me sauver » lança-t-elle aux deux garçons, tandis que Jane l'entraînait au salon, manifestement inquiète pour le bien du tapis. A juste titre, probablement mais ils auraient bien fini par s'en souvenir d'eux-mêmes. Peut-être. « Que ferait-on sans toi » marmonna Gaby en levant les yeux au ciel, agacée par la démonstration d'amour sororal de son aînée. Elle avait quinze ans, for God's sake, et elle était parfaitement capable de s'occuper d'elle-même. Pas du tapis, évidemment, et certainement pas toute seule mais ce n'était pas le sujet. « Pourquoi est-ce que Papa et Maman ont acheté cette horreur ? Ça doit peser une tonne en plus. On le roule et on le met dans leur chambre ? » Question idiote, certainement mais ça valait mieux que de proposer que Jane se roule dedans pour les ranger, elle et l'immonde tapis, dans un placard.

A genoux et retenant un juron devant l'effort, Gaby se mit à la tâche au moment même où la sonnette retentissait à nouveau. La voix de l'agaçante meilleure amie de Chris se fit entendre et la jeune fille n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que Tamsin s'était probablement jetée sur son frère pour lui dire bonjour. A croire qu'elle ne pouvait pas se contenter d'un sourire comme tout le monde. « Here comes the queen » murmura-t-elle à l'intention de Jane, que Tamsin salua. Bien sûr. Le tapis roulé, Gaby se redressa et lui dédia un sourire hypocrite. « Oh tiens, Tamsin, tu es là et moi aussi, t'as vu, c'est formidable » fit-elle, non sans un coup d’œil pour le bras de Chris que l'autre serrait toujours contre elle. Vaguement pathétique, quand même. Elle n'était peut-être pas au courant. Ou elle nageait en plein déni mais c'était son problème, après tout. « Bon, on a un tapis à ranger. Et vous aviez pas des trucs à mettre de côté aussi, les garçons ? » reprit-elle à l'intention de Chris et Adrian. Le pauvre avait eu droit à un accueil des plus froids par la reine du red carpet. L'en éloigner ne pouvait être que bénéfique. « Tu sais où est la cuisine, si tu as besoin d'aller déposer des trucs au frigo » ajouta-t-elle à l'intention de Tamsin, avec le même sourire crispé. Et tant pis pour l'ambiance, la fête n'avait pas encore vraiment commencé de toute façon.

Elle s'est dirigé vers la cuisine avec son instinct habituel, et finit par y rencontrer les deux canons de la famille Grayson. A commencer par la blondinette qui lui servait de petite... ou grande..? Bref, de soeur. Gaby avait l'air d'avoir à peu près leur âge, et s'il avait fallu qu'elle retienne les âges des membres des familles de toutes ses connaissances, elle aurait bien vite fait une overdose. Surtout avec la famille Grayson qui ressemblait plus à un petit clan, trop aimant, et trop impressionnant. Elle était d'ailleurs ravie que toute la smala ne soit en principe pas présente pour cette soirée prometteuse. Gaby était la bienvenue, bien sûr. Déjà parce que Imo n'avait absolument pas son mot à dire sur les invités de Chris, et ensuite parce qu'avec une bouille comme la sienne, elle était forcément toujours la bienvenue. Et elle lui répondit donc avec son air le plus aimable « Hello Gaby! T'inquiètes, je vais gérer le frigo, je suis une pro du tetris. » Ce n'était pas forcément vrai, mais elle aimait à le croire. Et puis, ce n'était pas si dur que ça de caser le maximum de choses possibles dans un frigo, les repas avec toute la famille chez les Kennedy lui avait donner l'habitude de gérer ce genre de détail. Aussi, quand la grande sœur Grayson passa à son tour dans la cuisine, elle était trop concentrée pour laisser apparaitre une grimace ennuyée. Pas qu'elle n'aime pas Jane. Elle appréciait toute la famille Grayson, elle ne les connaissait pas assez pour avoir quoi que ce soit contre eux de toute façon. Mais une adulte, à leur mémorable soirée... Bof. Elle se contenta de répondre poliment, par son nom, et un rire amusé à la remarque. Se retenant tout de même de remarquer qu'elle pouvait donc coucher dans n'importe quel autre lit.

Et une fois qu'elle eu casé un nombre suffisant de bière dans le frigo, fière de son manque de mesure, elle en attrapa huit pour les ramener avec elle dans le salon où elle supposait que se passait la soirée. Et elle fit la distribution. Elle commença par Chris et la blonde qui s'était accrochée à son bras, et dont le visage lui disait quelque chose mais qu'elle n'arrivait pas à replacer. Elle ne faisait définitivement pas partie de leur classe. Et elle avait pourtant cette étrange impression de la reconnaitre, comme si elle lui avait déjà parlé... Tant pis, ça lui reviendrait. « Salut Mam'zelle! Moi c'est Imogen! » Et elle leur tendit une bière chacun avec son sourire le plus aimable. Et elle tourna aussi vite son attention vers Chris. « Dis donc, t'as des invitées canons toi. » Elle envoya un clin d'oeil à la blonde qui semblait avoir décidé de monopoliser le chef de la soirée. Si elle se lançait quelques roses aussi à l'occasion? Sûrement, mais ça ne faisait pas de mal après tout. « Et tes frangines... » Elle leva les yeux au ciel comme si c'était indécent d'être aussi jolies. « Mais bon, j'en parlerais pas, c'est les gènes ça. » Et elle offrit à Chris son jeu de sourcil le plus charmeur, et celui qui se prenait certainement le moins au sérieux. « Anyway, faudrait que tu bouges ton postérieur Grayson, ya quelqu'un qui tabasse ta porte, et j'ai cru entendre le mot "pizza" dans ce qu'elle disait. » Et elle l'abandonna là, elle avait d'autres bières à distribuer. Une pour chaque sœur Grayson. Elle en posa deux sur la table, pour les prochains qui arriveraient. Ouvrit la sienne et la dernière qu'il lui restait. Le meilleur pour la fin. Elle se planta devant Fletcher avec son sourire le plus encourageant aux lèvres. « Hey Fletcher, ça va? Tiens, une bière. » Et elle la lui colla entre les mains sans vraiment lui laisser l'occasion de dire non. Il n'avait pas vraiment le droit de dire non. C'était l'anniversaire de Chris, et ça l'aiderait à se mettre dans l'ambiance.

Je ne suis pas adepte des soirées, en réalité, il faut bien que Chris me force un peu la main pour que j’en fréquente quelques unes avec lui. Je serais sans doute resté chez moi ce soir s’il n’avait pas un peu insisté pour que je sois là, avec lui, et après tout c’est l’anniversaire de mon meilleur ami j’imagine donc qu’il est assez naturel que je sois présent moi aussi. En plus de tous ses autres amis qui ne peuvent habituellement pas me voir et qui feront l’effort surhumain de me supporter pour avoir accès à la gigantesque maison Grayson et à toutes les perspectives amusantes qu’elle offre pour une soirée. Je détonne, ne peux m’empêcher de songer à ma pauvre mère qui serait morte d’inquiétude si elle me savait perdu au milieu d’une soirée en préparation avec plein d’alcools de toutes sortes. Je ne compte pas boire, je ne fais pas partie de ces gens « fun » qui s’amusent en buvant et contrôlent leurs limites – au contraire. Je n’ai jamais bu, jamais été bourré. Je ne crois même jamais être sorti au delà de minuit, ce qui est sans doute très ennuyeux pour n’importe qui d’autre, et j’imagine que personne ne comprend. Certains mettraient ça sur le compte de l’autorité parentale, mais pas du tout. Ma mère me laisse vivre ma vie, j’aime ma mère, nous avons une relation qui me convient parfaitement. Quant à mon père… Well, il n’est jamais là, Chris en sait quelque chose, il serait bien malvenu de me demander de respecter un couvre feu quand lui ne parvient même pas à prendre un avion pour rentrer un week end sur deux. Mais peu importe, si je ne sors pas, c’est essentiellement un choix personnel que personne ne m’a imposé.

C’est avec un soulagement non dissimulé que je vois Jane apparaître dans la maison pour mettre de l’ordre dans tout ce qui s’annonce comme une beuverie désordonnée. Je lui offre un sourire reconnaissant tandis qu’elle nous conseil déjà de mettre de l’ordre et de planquer les objets fragiles qui pourraient ne pas survivre. Alors que nous commençons à nous exécuter, Gaby fait son apparition et semble légèrement paniquée. « No ? » je réponds en haussant une épaule. « Mais bon, c’est peut être aussi bien, un adulte dans la soirée… » je réponds d’une voix timide, en sachant très bien que cette réponse va me valoir d’être catalogué encore plus comme un gamin ennuyeux par l’assemblée des gens présents. Alors que nous nous activons tous et avançons dans la préparation de la place, c’est Imogen qui soudainement se plante devant moi, m’apostrophant par mon nom de famille – une très mauvaise habitude prise par certaines personnes pour je ne sais quelle raison. Mais son sourire plutôt bienveillant m’indique que je n’ai pas franchement besoin d’être sur mes gardes – jusqu’à ce qu’elle me colle une bouteille de bière entre les mains. « Euh… Merci », je réponds en balbutiant un peu. « Mais je n’ai jamais goûté, je sais pas… » Je fronce les sourcils et observe Chris qui semble tellement plus à l’aise que moi. Quelque part, je pense que je ne le mérite pas. Il pourrait s’entourer de gens tellement plus cool que moi sans le moindre problème, et pourtant il se traine le meilleur ami coincé sans pouvoir s’en débarrasser. Alors je fais un effort, souris à Imogen et avale une gorgée de la bière – retenant une grimace. « Merci, c’est gentil. »

Clairement, ma petite soeur est ravie de mon intervention. Je lui souris de toute mes dents, de la manière la plus surfaite et théâtre qui soit quand elle annonce le plan de sauvetage aux garçons. Elle peut se croire mâture et responsable tant qu'elle veut, je sais pertinemment qu'aucune de ces chères têtes blondes n'auraient pensé à protéger les biens parentaux. D'abord, parce que nous sommes très riches et, par conséquent, nous songeons rarement aux conséquences matérielles, si aisément réparées. Ensuite, parce qu'ils n'ont aucune expérience en la matière. Ce qui est plutôt bon signe, tout bien réfléchi. Adrian aurait peut-être percuté qu'un vase Ming ne s'achète pas au magasin d'antiquités du coin, mais je ne suis pas certaine qu'il aurait eu le courage et la motivation de convaincre les autres de le mettre à l'abri. Et présentement, il est certainement le seul à être heureux de me voir. Le soulagement était presque lisible sur son visage quand j'ai débarqué avec mes gros sabots. Tant mieux, au moins un de ces sales gosses sera reconnaissant des efforts que personne ne m'a demandé de fournir. C'est une déformation professionnelle, seuls les gens avec des petits frères et soeur peuvent comprendre, comme je m'évertue à l'expliquer régulièrement au reste de ma fratrie. Heureusement, ils ne protestent que verbalement et s'activent pour tout ranger. Je ris un peu en entendant Gaby réfléchir à voix haute, comme elle en a l'habitude. « Je crois que maman l'a acheté en Turquie, c'est authentique. Mais ouais, comme leur chambre est la seule pièce officiellement hors limites, je dirais que c'est une bonne idée Sherlock. » Je lui tire la langue, taquine et m'apprête à lancer le déménagement, mais nous sommes interrompues par l'arrivée, bien entendu remarquée, de Tasmin. Je fais les gros yeux à ma petite soeur, mais me dois de retenir un ricanement pour répondre poliment au salut de notre invitée. Je l'aime bien, dans le fond, notre diva locale. Mais il est vrai que je ne comprendrais jamais ce qui a poussé Chris à en faire sa BFF. Je suppose qu'il aime surprendre, s'entourant d'un côté du garçon le plus mignon et innocent de la terre et de l'autre d'une enfant star grande gueule. Ca le représente bien, tout compte fait.

Gaby prend finalement les devants, non sans une dernière remarque plus fraîche que la bière que nous servons pour Tamsin. Nous montons péniblement les escaliers et une fois la monstruosité persane sous le lit parental, je me permets une petite remarque. « Gaby, s'il te plaît, sois sympa avec Tamsin ce soir. Ou évite la, je sais pas, mais c'est la meilleure amie de Chris et c'est son anniversaire, évitons les drames inutiles. » Histoire qu'elle ne se sente pas vexée, j'ajoute avec un clin d'oeil. « En échange, je te montrerai comment faire des jello shots. Et j'ai jamais partagé ma recette, même pas avec Chris. » C'est une basse technique de manipulation qui insulte l'intellect de ma brillante petite soeur. Mais ce soir, c'est une ado de quatorze ans à une fête, la corruption via alcool ne peut que marcher. Et, spoiler alert, mes jello shots contiennent très peu d'alcool et sont délicieux. J'improvise un panneau DO NOT DISTURB avec le papier à dessin de maman et nous quittons l'antre parental.

Nous regagnons le salon, où la jolie brune - dont je n'arrive vraiment pas à me souvenir du prénom, ça devient embarrassant - semble s'être mise à l'aise et nous informe que des pizzas semblent attendre derrière la porte. Evidemment. « J'y vaaaais. » dis-je sans prendre le temps de m'asseoir ou de remarquer que Adrian Fletcher vient de boire la première gorgée d'alcool de sa vie. Je fouille le tiroir de l'entrée, où s'entasse des menus, mais aussi de la monnaie, précisément pour ce genre d'éventualité. J'ouvre la porte et sers mon sourire le plus étincelant à la livreuse, sans doute agacée. « Je suis vraiment désolée, j'étais à l'étage et puis, avec la musique, tout ça. » Je lui tend quelques billets, dont un généreux pourboire. Je ne peux pas m'empêcher d'ajouter quelque chose, me devant d'être sympathique avec cette livreuse, qui vient sans doute de voir des mineurs picoler à travers la porte entre-ouverte ou la fenêtre du salon. « C'est l'anniversaire de mon frère, repasse après le travail, je te garderai une bière, histoire de nous faire pardonner ! » Décidément, je graisse la patte de tout le monde ce soir.

Je tente de donner une assurance à l’expression qui se reflète dans le miroir : la mienne. Jouer un rôle. C’est un peu l’histoire de ma vie, ça ne devrait pas être si compliqué. Cette fête d’anniversaire, à laquelle je n’ai pas été vraiment invitée, m’enchante, et pourtant, je ne peux pas ignorer le nœud d’angoisse qui s’est formé au fon de mon estomac. Des gens que je connais, il y en aura sûrement, j’ai un emploi du temps particulier, par rapport aux autre élèves de mon âge, mais ça ne m’empêche pas de savoir les gens qui se trouvent dans ma classe. Ce n’est pas le cas du Christopher, dont c’est la soirée. Eux aussi, vont me reconnaître, de toute façon, mais pas pour les mêmes raisons. J’essaye de ne pas laisser mes penser s’y attarder, et passe le bout de mes doigts sur des parties stratégiques de mon visage. Le front. La bouche. Le menton. Sur les plateaux de tournage, c’est tellement facile, avec l’armée de maquilleurs qui est à ma disposition, de masquer l’acné, sous un apparent teint de pêche ! Je reste persuadée que les corrections que j’ai effectué ça et là, pour faire cache misère, ne tiendront pas toute la soirée, et je déteste ma tronche pleine de spots tout rouges. Ok. Bon. On dit que ça ira.

Tamsin requiert ma présence à ses côtés, et quelque part ça me rassure. Pas question de le lui avouer, c’est elle qui a besoin de soutien, comme l’a explicité son message ! Ma mission, et je l’ai accepté c’est de gérer toute personne/obstacle/âne/mutantetjenpasse, susceptibles de se mettre en elle et Chris, et je suis la mieux placée pour savoir qu’il y en a plus d’un, vous pensez bien ! A part, c’est pas comme si j’ai vraiment beaucoup d’amis. A l’école, on me regarde un peu comme un alien, et on me parle un peu comme si parle couramment le mandarin. Cette espèce de curiosité qu’on ose pas trop toucher, mais qu’on approche quand même. Toute façon, on me parle jamais pour savoir si je vais bien, ni comment j’ai trouvé le dernier épisode de Lizzie Mcguire qui repasse inlassablement en boucle à la télé et que tout le monde connaît par cœur. Ben non voyons, pourquoi est-ce-ce que j’aurais des sentiments, c’est moi qui suit derrière l’écran, aussi lisse que les personnages qu’on me fait incarner ! Et après on me reproche d’être silencieuse, susceptible et grincheuse. Voilà, maintenant, j’suis énervée ! J’attrape en coup de vent la veste que je place sur mon épaule, sans me soucier d’un éventuel adulte capable de m’arrêter dans ma course. T’as pas des devoirs ? T’as pas l’âge, c’est quoi ce rouge à lèvres ? J’ai dit 23h, pas plus ! Avec papa qui travaille encore plus que d’habitude, il n’y a personne pour se mettre en travers de ma route. Plus maintenant. En général je fais en sorte d’occulter que Jodie a fait partie de ma vie, et qu’elle a eu le chic de se suicider dans ma maison, par dessus le marché.

J’arrive en même temps que les pizza, great ! Je salue d’un vague bonsoir la livreuse ainsi que la blonde en train de payer, c’est une des sœurs Grayson, et me faufile à l’intérieur de la maisonnée. Acte 1, terminé ! Opération repérer Tamsin, et prendre la température ; en cours. Ca ne devrait pas être trop compliqué, je trouve Christopher, je trouve Tam, rien de plus facile.

- Heu, salut. J’accoste quelqu’un, un peu au hasard. Tu sais si Tamsin est arrivée ? C’est génial, c’est bon, je l’ai trouvé ! Merci ! Je ne lui laisse même pas le temps de répondre ou de réagir, et débarque aux côtés de ma meilleure amie. Agent Gallagher au rapport ! Des pertes à déplorer, ou j’arrive au bon moment ?

En quelques minutes seulement, la grande maison familiale se remplit et mes invités se dispersent à la fois excités par le caractère clandestin de la soirée et le nombre de bouteilles qui s'entassent désormais sur la table de la cuisine. Parmi eux ma sœur Jane, qui vient de faire une entrée des plus remarquées. Je ne suis pas vraiment surpris de l'intervention. Un élan de culpabilité m'a poussé à la prévenir de la soirée, ce qu'elle a tout naturellement pris pour une invitation de son petit frère préféré. Mais vraiment, quand je la vois se prendre pour maman, j'envisage de l'enfermer dans la salle de bain à double tour et sans l'once de remords à cette idée qui me paraît un peu trop séduisante pour le coup. Elle n'oserait pas détruire la porte si je m'y risquais, si ? Je ferme les yeux une seconde en l'imaginant me menacer de me dénoncer, puis m'active, je pourrais toujours la faire boire plus tard elle aussi. Jane aime se considérer comme l'adulte de la fratrie, mais elle vient à peine d'avoir dix huit ans, et ça ne fait pas d'elle quelqu'un de raisonnable avec l'alcool. Maman a bien plus de dix huit ans elle aussi et ça ne l'empêche pas de fumer de la chicha en buvant du champagne avec papa non plus. Les Graysons ne sont pas raisonnables, à l'exception d'Aaron le rabat joie. Mais Aaron n'est pas invité, et ça arrange tout le monde ici. Bon dans le fond elle n'a pas tort, et mettre à l'abri le tapis de famille n'est sûrement pas une mauvaise idée non plus tout bien réfléchi, alors j'aide comme je peux tout en essayant de saluer tout le monde ce qui n'a rien de franchement facile en période de pointe.

Imogen quant à elle, a assuré, on ne peut pas lui enlever ça. J'ai d'ailleurs à peine le temps de lui dire bonjour qu'elle est alpaguée par Gaby qui revient des courses d'appoint au petit tesco du quartier. Tamsin fait elle aussi son apparition et m'enlace après m'avoir souhaité un joyeux anniversaire affectueux, Tamsin qui fait elle aussi dans les entrées remarquées à en juger par les regards presque instantanément tournés vers elle. « Merci Tam » Pour ma part je cherche Adrian du regard de façon aussi inconsciente qu'inquiète. Je sais que tous ces gens ne sont pas forcément ses amis. Au lycée, il est un peu l'intellectuel coincé que personne n'a tellement envie d'inviter en soirée, alors ils ont tous tendance à l'ignorer, ce qui me fait de la peine pour mon meilleur ami qui est surtout là pour me faire plaisir alors que j'aimerais tellement qu'ils fassent tous un effort et qu'il puisse s'amuser lui aussi le jour de mon anniversaire. Mais il y a autre chose aussi. J'ai du mal à ne pas le regarder tout court ce qui est un problème. Un jour il finiront tous par s'en apercevoir et je n'aurais rien à répliquer. D'ailleurs, lorsque je l'aperçois, il a déjà une bière à la main. Je hausse un sourcil, me demandant pourquoi mon meilleur ami qui ne boit pas est le premier servi, mais dans le fond ça m'arrange assez bien, boire avec un Adrian sobre, c'est toujours très dangereux. En l'absence temporaire de Jane dans mon champ de vision, je m'empare d'une bouteille de champagne que je débouche dans un bruit particulièrement sonore. Un sourire se dessine ensuite sur mes lèvres et je m'exclame alors : « QUE LA FETE COMMENCE !!! » Je sers le champagne dans des coupes et en distribue à tout le monde avec l'empressement de l'ado qui veut être bourré avant vingt heures. Le champagne montre très vite au cerveau, c'est très stratégique finalement. J'avale plusieurs gorgées et m'approche de Gaby. « Il faut faire boire Jane, ou jamais elle te laissera toucher à la Vodka. »

Si Adrian avait l'air rassuré par la présence de Jane, pour Gaby, c'était plutôt la panique intérieurement. Non pas que voir sa sœur débarquer était annonciateur de mauvaises nouvelles – sauf que c'était tout à fait le cas. A tous les coups, elle allait lui faire des sermons sur l'alcool et le fait qu'elle n'avait pas encore quinze ans, blablabla. Boring shit, même si elle n'avait pas tout à fait tort à propos de cet immonde tapis. Qu'est-ce qu'elle faisait là de toute manière ? Chris ne l'avait tout de même pas prévenue ou, pire, invitée ? God, probablement que si. Il faudrait tirer ça au clair avec lui, plus tard. Que Tamsin soit là, en revanche, n'avait rien de surprenant. Enfin, à la place de son frère, Gaby l'aurait faite sortir de sa vie depuis longtemps. Ce n'était pas sain, de passer son temps coller à Chris comme ça. Même s'il ne lui avait rien dit. S'il était possible de s'enrouler autour de lui, elle l'aurait certainement fait. Mais puisque Jane voulait qu'elle soit gentille, Gaby serait gentille ─ et si par hasard elle renversait le moindre verre sur l'exubérante blonde, well, blame it on the alcohol. « Je vais être sympa, ne serait-ce que pour narguer Chris plus tard avec tes talents de barmaid. Enfin, mes talents du coup, répondit-elle une fois qu'elles eurent sauver le tapis, mais si elle se met à déclamer du Shakespeare ou à remercier ses fans après une bière ou deux, je promets pas de garder mon sérieux » Non, elle ricanerait, c'était certain.

Le tapis et les précautions d'usages réglés ─ il faudrait garder ce panneau improvisé en souvenir, tiens ─ elles rejoignirent les autres au salon. Curieusement, Adrian avait déjà une bière à la main, fait suffisamment étonnant pour être relevé. Cute. Gaby ne put retenir un éclat de rire amusé devant sa gêne évidente. Avec un peu de chance, il finirait par se sentir un peu à l'aise. La bière aiderait peut-être, ou le champagne que Chris s'était décidé à ouvrir, tout sourire. Les exploits de la cousine Linda aux baptêmes, mariages et autres rassemblements familiaux leur avaient appris combien il était aisé de se lâcher après quelques coupes. Chris finit par lui en apporter une, qu'elle porta presque immédiatement à ses lèvres. Autant en profiter avant que Jane ne revienne et ne l'empêche de toucher au moindre verre. Heureusement, son frère semblait tout à fait conscient de la situation et si son plan était simpliste, Gaby était à peu près certaine qu'il fonctionnerait. Elle n'avait pas du tout l'intention d'être la seule gourde sobre ce soir et tous les moyens étaient bons pour arriver à ses fins. Elle acquiesça donc avec un sourire, ravie. « Je vais m'assurer que son verre ne soit jamais trop vide. De toute façon elle ne va pas me lâcher tout de suite. Elle est où d'ailleurs, elle les fait, ces pizzas, ou quoi ? » ajouta-t-elle en jetant un coup d’œil derrière elle. Pas qu'elle se plaigne que leur mère de substitution du soir ait disparu mais presque et pour que le plan fonctionne, il fallait bien que Jane réapparaisse. A moins qu'elle ne se soit enfuie avec le livreur à pizzas, le problème serait réglé ─ mais elle finirait par leur manquer, à la longue.

« Mais je suis déjà allée chez eux cent fois. » Ce nombre était peut-être un petit exagéré mais l’idée était là – et puis elle était trop nouvelle pour savoir si je mentais ou non, j’étais donc à peu près sûre qu’elle ferait confiance à ce que je dis, tant que ça restait plausible. « Pas de nuit. » répliqua l’étudiante. Je secouai la tête, sachant qu’il était vain de poursuivre cette conversation. Elle ne lâcherait pas l’affaire, on pouvait le lire sur son visage. Il ne me restait plus qu’une solution : prier pour que personne ne se trouve devant la maison lorsque j’arriverai, et à plus long terme, reprendre la discussion avec mon père sur le fait que j’étais assez grande pour rester seule à la maison quand il s’absentait deux-trois jours pour affaire.

Mais mes prières ne furent apparemment pas suffisantes, puisque lorsqu’on arrivait chez les Grayson, Jade était en train de réceptionner une montagne de pizzas. Voyant les sourcils froncés de mon accompagnatrice forcée, je pris de cours toute question en commentant : «  Grande famille, je t’ai dit. », auquel j’ajoutai un sourire. « Il faut que je file, en retard. On se voit demain ! » je lançai en me dirigeant vers la demeure, espérant qu’elle ne pose pas plus de questions sur ma prétendue soirée pyjama avec Gaby – ou pire demande à voir les parents Grayson. Toutefois, le fait que ce soit Jade et non un préadolescent qui soit à l’entrée sembla la rassurer suffisamment pour qu’elle acquiesce et fasse demi-tour.  

Un sourire, tout à fait sincère cette fois-ci, se dessina sur mon visage alors que j’approchai de la maison, accompagné d’un petit frisson d’excitation et d’appréhension. J’adorais cet endroit, où tout le monde semblait le bienvenu et où régnait toujours une certaine agitation, je n’avais menti en disant que c’était une grande famille. Pourtant, si agitation il y avait ce soir, ce n’était pas dû à la smala Grayson dont la plupart des membres s’étaient absentés, mais aux 16 ans de Christopher Grayson, l’adorable – et très mignon - grand frère de Gaby. Certes, c’était cette dernière qui m’avait invitée, mais je me retrouvais quand même à la soirée d’anniversaire de Chris. Ma première véritable soirée. Je n’avais absolument aucune idée d’où je mettais les pieds, pour être honnête. Je savais juste que ça allait être une soirée mémorable. Dans le bon sens du terme, j’espérais.

« Bonsoir. » je saluai poliment, avec un sourire timide, l’aînée des Grayson, avant de profiter de la porte grande ouverte pour pénétrer discrètement à l’intérieur. Un certain nombre d'invités étaient déjà là, dont je reconnaissais la plupart, qui fréquentaient Holland Park – bien que je doutais qu’eux me reconnaissent. Avant que quelqu'un se demande qui j'étais et ce que je pouvais bien faire là - je ne me sentais tellement pas à ma place que j'étais à peu près sûre que c'était inscrit sur ma peau -, je partis en quête de Gaby.  

22h, tout le monde est bourrré, normal quand on commence a 19h30 (Je fais une petite ellipse, pour que Terry et Esther qui ont été invitées après le service de Terry par Jane, puissent débarquer et jauger de l'étendue des dégats ! Comme ça on passe directement à ce qui est intéréssant plutôt que de rester coincés au début de la soirée ! Ceux qui n'ont pas eu l'occasion de poster avant, peuvent dire qu'ils sont déja là, pas de soucis, si on rp ça en parralèle avec l'intrigue en cours ça peut être drôle ! )

La soirée se passe un peu trop bien. Je n'ai aucune idée du nombre de verres que j'ai bu, mais tout ce que je sais, c'est que j'ai arrêté de compter en perdant la capacité à le faire en parallèle. Un sourire béât s'affiche d'ailleurs sur mes lèvres, alors que je pense à la façon dont j'ai honteusement échappé à ma punition. Jane a aussi perdu tout sens des responsabilités, et je crois que le joint qu'elle s'est fait, et ce qu'on a mis dans son jus d'orange, ne fait pas bon ménage, tragiquement. Pendant que tout le monde est bien trop occupé à remplir son propre verre et à décapsuler des bières à la chaîne (car Imo en ramené une demi tonne), ma grande soeur responsable qui avait précédemment roulé les tapis et barricadé la chambre de mes parents, se déhanche toute seule sur les pussycat dolls, un peu trop fière d'avoir viré mon Linkin Park par extension. Je proteste un peu, fais la moue, puis décide que c'est mieux comme ça finalement.

Je rajoute un peu de Rhum dans son verre au passage et donne un coup de coude à Gabrielle, accompagné d'un clin d'oeil entendu. « Mission accomplie, si elle continue comme ça, c'est toi qui va lui tenir les cheveux! » J'éclate de rire et avale une gorgée bien corsée d'un punch contenant sans doute à peu de tous les alcools qui ont été ramenés ce soir. J'ai seize ans, il y a de grandes chances que je ne me souvienne de rien du tout demain matin, but it feels so goood, alors aucune raison de se priver ! Adrian non plus n'est pas en reste, et je ne peux pas m'empêcher d'aller le voir pour l'enlacer sans raison particulière alors qu'il se tient là complètement stone, son verre vide à la main. Le câlin en question n'a d'ailleurs rien d'anodin quand on sait ce que je ressens pour lui, mais par chance, personne ne le sait justement, alors je fais durer un peu les choses pour satisfaire mon drunk!self super affectif. « Je t'aaaime Adriaan. » je chuchote à son oreille avec une voix d'enfant et sur le ton de la confidence un peu, et puis je ris. Je ne m'imaginais pas qu'il serait aussi facile de le dire finalement. A croire que je me faisais du soucis pour pas grand chose. Je m'éloigne cependant ensuite oubliant ma déclaration d'amour alcoolisée pour en faire une autre après m'être jeté sur le canapé juste à côté d'Imogen. « Et toi aussi je t'aime, en fait je vous aime tous. » J'embrasse sa joue et ouvre une bière. « Je suggère qu'on fasse un jeu à boire. Tu viens Fletch ? » J'appelle mon meilleur ami, en lui faisant une petite place d'honneur près de moi sur le canapé, en espérant inconsciemment le tripoter un peu. Si jeu à boire il y a, il doit en être. « Reste à savoir lequel... » Je me tourne vers Imogen qui est une nana avec pas mal de suite dans les idées, ce qui explique d'ailleurs qu'on s'entende aussi bien. Et puis elle aussi elle est douée à la sarbacane.

chris's sixteen birthday
I came with you to escape my realtionship drama, not to get front row seat to yours

Esther était allongée sur son lit, elle regardait avec insistance l’horloge qui était fixé au mur d’en face d’elle. Ce soir, le temps avait le don de passer plus que lentement. En même temps, Esther n’avait pas la chance de faire partie de ces personnes populaires qui ont la possibilité de faire la fête à n’importe quelle occasion. Et puis, cela n’a jamais était vraiment son truc. Elle ne les comprendra sûrement jamais. Ses fins de journée se déroulaient, à chaque fois de la même façon : elle rentrait du lycée, faisait directement ses devoirs, mangeait en compagnie de ses parents, lisait dans son lit jusqu’à ressentir l’appel du sommeil.

«Esther! Téléphone pour toi. C’est Terry» La voix de son père la fit sursauter. Il fait cela à chaque fois avec une voix grave et assez dure. Elle posa son livre sur la table de chevet à sa gauche pour pouvoir se lever et sortir de la petite pièce qui lui servait de chambre. Elle se dépêcha pour connaître le sujet de l’appel. «Oui ?» dit-elle avec une voix remplie d’enthousiasme. Même si elle était toujours habituée par sa petite routine quotidienne, la jeune brune aimait parfois que son amie la bouscule un peu. « Une soirée? » lui répondit tout en se tournant vers ses parents. En lisant dans leurs regards, Esther avait deviné qu’elle en avait l’autorisation. Elle avait beau être une adolescente, elle avait tout de même des comptes à rendre à ses parents. Enfin, elle reste assez libre puisqu’elle devait simplement dire où elle partait et à quelle heure elle pensait rentrer. «D’accord. Alors à tout à l’heure». A ce moment précis, elle reposa le téléphone.

Un peu avant dix heures du soir, Esther se trouvait en compagnie de Terry sur le scooter de cette dernière. N’ayant pas tant l’habitude de se rendre en soirée, la jeune anglaise avait revêtit ce qu’elle avait trouvé de mieux dans son armoire et comme elle n’avait pas beaucoup de moyens financiers, cela se résumait à une chemise blanche, une jupe bleue marine et des collants aux rayures noires et jaunes. Inutile de préciser qu’on ne pouvait pas la rater et qu’elle faisait un peu tâche parmi les londoniens de sortie. Ce n’est pas ce soir qu’elle aurait l’occasion de sortir la belle robe digne des reines de beauté du lycée. Avant de rentrer dans la maison et de suivre Terry à l’intérieur, Esther hésita un bon moment. Son hésitation pris fin quand elle se dit que finalement cela ne pouvait pas lui faire tant de mal. Enfin, elle l’espérait parce que vu leurs états respectifs à dix heures à peine, cela lui faisait un peu peur. «Euh… C’est normal? Ils sont comme ça d’habitude en soirée? » dit-elle en interrogeant son amie du regard.

ACIDBRAIN

Spoiler:

Peut-être qu'il était un peu tôt, peut-être qu'il était un peu tard mais Gaby avait perdu toute notion du temps après sa deuxième bière ─ à moins que ce ne fut la troisième, allez savoir. Elle avait fini par attacher ses cheveux at some point, preuve s'il en fallait que la température du salon avait grimpé, tant littéralement que métaphoriquement, et bullait présentement contre le manteau de la cheminée, à observer Jane se dandiner au rythme de la voix de Nicole Schwerzinger. C'était vraiment, vraiment drôle. Ou alors elle avait vraiment, vraiment trop bu. Jane. Pas Gaby. Enfin, si. Whatever, c'était drôle et Gabrielle n'avait qu'à se préoccuper de ne pas s'étaler maladroitement sur le parquet, dénudé de son tapis habituel. La chute n'en serait que plus terrible mais au moins, si par malheur elle finissait par tomber, le tapis ne risquait rien. Il suffirait d'éponger le fond de son verre et voilà.

Chris s'approcha, certainement attiré par les gesticulations de leur aînée. « Mission accomplie, si elle continue comme ça, c'est toi qui va lui tenir les cheveux! » fit-il avec un coup de coude relativement mou. Gaby pouffa de rire, ravie. Au moins, le problème Jane était réglé. Elle ne les noierait pas sous les sermons et ils auraient un moyen de pression à l'avenir. Peut-être faudrait-il prendre une photo, tiens. « On devrait la filmer » proposa-t-il à son frère et sans attendre de confirmation, elle tourna les talons pour se mettre en quête d'une quelconque caméra. Le gros appareil photo de papa devait être quelque part, peut-être dans la chambre parentale, avec le reste des quelques objets de valeur suffisamment précieux pour risquer de mal finir la soirée ? Oui, certainement.

Elle allait s'engager dans les escaliers lorsqu'elle croisa Paloma. Shit, elle l'avait complètement délaissée du début à l'autre de la soirée. « Paloooooooo ! » s'écria-t-elle en la rejoignant. Elle passa un bras autour de ses épaules en souriant mollement. « Ça vaaa, tu as bu déjà ? Tu es là depuis longtemps ? Je crois que je t'ai vu arriver, je sais plus » expliqua-t-elle en ricanant bêtement. En parlant de ça, il lui semblait bien avoir entendu la porte s'ouvrir puis se refermer, malgré le vacarme des Pussycat Dolls dans la pièce d'à côté. Elle entraîna son amie jusqu'à l'entrée, pour saluer les nouveaux arrivants. « Bonjouuur, enfin bonsoiiiir. Moi c'est Gaby, elle c'est Palo et vous êtes chez moi. C'est l'anniversaire de mon frère, il est seize ans et il a au salon. Non, attendez, c'est l'inverse. Enfin on s'en fout. Vous voulez boire un coup ? » proposa-t-elle aux deux filles avec un grand sourire. Oui, franchement, cette soirée valait le coup. Alors autant en boire un. Ou cinq.

J’avais l’impression que ça faisait cinq minutes que j’étais là, et en même temps, des heures. Ma raideur du début de soirée avait laissé la place à une attitude beaucoup plus cool et détendu, même c’était impossible de se détendre complètement, faute à Tamsin. Je l’avais abandonné, le temps d’aller chercher quelque chose à boire, j’avais la gorge sèche à cause de la bière, mais au fur et à mesure que cette soirée avançait, mon sentiment que cette maison était de plus en plus grande et labyrinthique, devenait lui aussi immense. Les têtes blondes se ressemblaient toutes, et entre temps, j’avais rendu son sourire au garçon qui m’avait accosté, comme si c’était je plus beau jour de sa vie.

- Je sais pas. Je sais pas, répondis-je un peu béatement à chacune de ses questions, mais j’acceptais volontiers de trinquer en sa compagnie, m’empressant de remplir mon gosier d’une nouvelle gorgée. Les barrières s’étaient levées, il n’y avait plus e règles, et l’envie de repousser mes limites encore plus loin étaient tentantes.

Toutefois, des exclamations et des rires plus tonitruants que les autres me tirèrent de façon inopportune de mes rêveries. Forcément, Imogen était en train de faire sa petite comédie auprès de Christopher, puisqu’elle ne savait faire que ça, et qui m’irritait, par principe. C’est bon, on avait compris qu’ils étaient les personnes les plus soudées de la terre et de l’univers, pas besoin d’en étaler une couche supplémentaire. Et puis Tamsin et moi, franchement, nous aussi on se défendait bien. Chris allait finir par comprendre les desseins vicieux d’Imogen, ou il allait falloir lui faire un dessin ? S’ils étaient dans le secteur, Tam ne devait pas être loin, et je finis en effet par la déniche, plus en retrait qu’elle ne l’était, en début de soirée. Je me glissai non sans mal entre les invités, refusant une danse avec un type follement éméché, pour arriver à sa hauteur.

- Qu’est-ce que tu prépares ? voulus-je m’enquérir, parce que nous avions un plan. Nous avions toujours un plan. Son expression livide ne manqua pas de finalement m’alarma. Ca va ? Dans un geste d’amitié, je pris son poignet avec ma main libre, comme si je cherchais à la consoler du prochain drame à venir.

Spoiler:

Après de longues minutes à m'égosiller derrière la porte, j'hésite à nouveau entre : rentrer à la pizzeria sans faire la livraison, attendre en criant jusqu'à ce que l'on m'ouvre ou entrer dans la maison en exigeant un paiement. Agacée, terriblement agacée, je décide finalement d'attendre que l'on m'ouvre la porte ce qu'il se passe après de longues minutes d'impatience. Je ne parviens pas à reconnaître la jeune femme qui m'ouvre, mais sa blondeur me fait penser que la grande soeur Grayson. Déchargé de ma dizaine de boîte à pizza et renfloué de l'encaissement, je m'apprête à partir avant que certains de mes camarades de lycée me voient à la porte, affublé de cet uniforme de travail. Je les entends déjà crier "Terryfiante, alors, à quand ta prochaine bagarre ? Fais vite, j'ai parié !" Je regarde la belle blonde et je hausse les épaules. « J'y penserai à la fin de mon service, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir eu l'invitation de la part du Grayson. » J'esquisse un léger sourire et je tourne les talons pour retourner à mon scooter pour quitter ce quartier sur -le-champ.

Mon service enfin terminé, j'ai pu réfléchir à la proposition de la Grayson... C'est tout de même assez tentant que de m'incruster à cette soirée où tout le petit gratin populaire d'Holland Park se trouve. Dans un sens, j'ai été invité alors je n'ai aucun remords quant à l'idée de m'y rendre. Je demande à mon chef si je peux utiliser le téléphone de la pizzeria pour un appel personnel afin de joindre Esther. Je n'ai pas envie d'y aller seule, j'ai besoin d'elle pour m'y accompagner et puis cela va l'aider à changer de ses habitudes !

Peu avant dix heures, je passe chercher Esther en scooter qui avait l'accord de ses parents pour sortir. De mon côté, je n'ai pas vraiment de compte à rendre à qui que ce soit ; papa sait que je bosse ce soir et il se trouve chez un de ses amis pour profiter de son canapé pour la nuit.

Esther et moi sommes devant la grande maison Grayson de Notting Hill. Je vois une hésitation chez mon amie lorsqu'elle marque une pause dans sa marche. J'attrape son bras pour l'entraîner et lui montrer qu'elle n'est pas toute seule. On entre dans la maison et là... c'est le drame. Je fronce les sourcils en lâchant un petit rire en les voyant tous dans un piteux état. Je regarde Esther tout aussi surprise et déconcertée que moi. « Ils ont touché le fond... ou bien cela va arriver !  » Très rapidement, deux filles arrivent vers nous, je reconnais Gaby mais je n'arrive pas à reconnaître la petite brune. Lorsque Gaby nous parle, j'ai envie d'exploser de rire, elle est alcoolisée et est incapable de me reconnaître. « Boire un coup, pour une fois on parle la même langue ! Mais tu devrais arrêter le champomy Gaby, ça ne te réussit réellement pas ! Quoique, pour une fois, tu as l'air intéressante ! » dis-je avec un léger sourire. Je peux dire ce que je veux à Gaby et à son amie, je sais qu'elle ne va pas s'en souvenir le lendemain ! Finalement, cette soirée s'annonce merveilleuse et très intéressante !

La bière que Imogen avait ramenée avec beaucoup d'enthousiasme avait diminué de moitié. Et le reste de l'alcool, elle n'en savait pas grand chose. Parce qu'elle ne connaissait pas les stocks de bases. La bière à elle seule suffisait à expliquer l'état général, alors avec les boissons plus forte... Elle se demandait comment ils faisaient pour encore tous tenir debout. La réponse la plus évidente était surement dans le fait que certains ne s'étaient pas levés depuis un moment. La façon la plus sûre de ne pas tomber, mais aussi de ne jamais réussir à se remettre sur ses jambes. Alors Imo avait bien pris soin de ne pas faire la bourde, et elle se levait régulièrement pour faire le plein de bières. Verifier qu'elle tenait toujours debout, éviter que tout ça lui monte à la tête d'un coup quand elle voudrait se lever plus tard. Eviter qu'elle finisse la soirée avec la tête dans les toilettes.

Mais sa plus grande fierté n'est pas vraiment de pouvoir marcher droit jusqu'au frigo avec l'air faussement net. Non. Sa plus grande fierté, son oeuvre, c'est Adrian. A qui elle a bien vite repris la bière pour lui faire goûter au champagne, et ne lui a pas franchement laissé le temps d'avoir un verre vide. Non. Adrian, c'est ce petit mec toujours trop sage et silencieux. Trop doué en cours. Ce petit mec dont elle ignore beaucoup de chose parce que, franchement, à cette soirée, la seule personne qu'elle fréquente vraiment, c'est Chris. Alors elle ne peut pas laisser l'occasion se perdre. Adrian, c'est son expérience. Comment ces modèles de sérieux qu'elle ne fréquente que trop peu peuvent bien réagir à l'alcool. Et de toute évidence, Chris n'est pas déçu qu'elle expérimente. Elle le regarde lui faire un calin avec un sourire en coin, avant qu'il ne se jette à côté d'elle. « Et toi aussi je t'aime, en fait je vous aime tous. » Elle glousse un peu bêtement alors qu'il lui pose un léger baiser sur la joue. Oui, elle peut marcher droit jusqu'au frigo où sont stockée les réserves, mais elle n'est pas très nette non plus. Et un rien la fait glousser. « Je suggère qu'on fasse un jeu à boire. Tu viens Fletch ? Reste à savoir lequel... » Et un sourire plus qu'amusé étire les lèvres d'Imogen alors que Chris lui lance un regard, comme si c'était à elle que revenait la décision. Oh, Monsieur propose ce genre de choses indécente, et voilà qu'il veut rejeter la responsabilité de toute idée débile sur elle. Et bien. C'est bien parce que c'est sa soirée, son anniversaire, qu'elle se prête au jeu. Ou juste parce qu'elle adore ce genre d'idée stupide. Ce genre d'idée qui va mal tourner. Elle joue du bout des doigts avec une bouteille vide. « Fais pas genre, Chris, tout le monde sait que tu n'attend que de faire un action/vérité avec cette foutue bouteille. » Et elle lui offre son air le moins innocent du monde. Parce que ces foutus jeux ne sont jamais innocent. Et du bout du doigt, elle fait tomber la bouteille. D'un geste à Chris, elle lui laisse l'honneur de se lancer. Après tout, c'est lui le maître de soirée. Et ce qu'il se passait autour, au delà de ce canapé et des quelques personnes à portée de voix, en fait, elle n'en savait trop rien. C'était ses invités, Chris n'avait qu'à rameuter ceux qu'il voulait.

Cette soirée a pris un tournant plutôt brutal et très rapide. Je ne suis pourtant pas de celles qui finissent la tête dans toilettes à 23h30. J'ai une assez bonne endurance, proportionnellement à ma taille et passe généralement la soirée à danser et donc élimine plutôt bien l'alcool. Mais aujourd'hui, je ne suis pas un bon exemple. Mon rôle de grande soeur responsable n'est plus franchement rempli, mais il faut admettre qu'enflammer la piste de danse est bien plus drôle que de garder un oeil sur mon frère et ma soeur. Le rhum-coca c'est rigolo. Surtout après deux verres. Ou plus. J'ai un peu arrêté de compter. Mais j'ai quand même réussi à prendre le contrôle de la chaîne-hifi et me débarrasser de la musique d'ado en crise de Chris. La transition est un peu rude mais Nicole est la compagne idéale pour se déhancher avec entrain. Les Pussycat Dolls résonnent donc à travers la pièce et je me lance dans un petit solo au milieu du salon, ignorant le regard un peu interloqué de certains invités. Je secoue mes seins joyeusement et fais tournoyer mes cheveux dans un mouvement qui me semble bien plus classieux qu'il ne l'est en réalité.

J'ai tout de même suffisamment conscience de ce qui se passe autour de moi pour entendre le birthday boy suggérer un jeu à boire et une fille très avisée  proposer de faire un action/vérité. Son histoire de bouteille me laisse perplexe un instant et je les rejoins donc avec un sourire joyeux. « Tu joues bizarrement toi hein. Mais moi aussi je veux en être! » Je tape des mains avec une joie enfantine et enjoins mon frère à lancer la partie.? « Allez commence Chris et triche pas hein! » Je ne sais pas vraiment ce qui constituerai de la triche dans un jeu comme celui-ci, à part peut-être ne pas boire. Mais à bien y réfléchir, ce n'est pas franchement un jeu à boire. Ou alors, on peut refuser le défi ou ne pas répondre si on boit? Je n'ai pas le souvenir que les règles soient si complexes. Je dodeline un peu de la tête, perdu dans mes pensées et observe la scène qui se déroule, un air content et sans doute un peu stupide sur le visage. Je devrais m'inquiéter de mon état d'ébriété et du reste de ma famille, mais je préfère absorber l'atmosphère et ne pas trop me faire de soucis. Les objets de valeur sont en sécurité, rien de dramatique ne peut se passer dans le confort de notre maison. Alors buvons, jouons et écoutons les Pussycat Dolls à plein volume en ignorant les paroles empreintes de sexisme. Voilà le vrai signe de mon lâché prise, tout bien considéré.