Septembre 2012, Billie a 22 ans.
La porte sonna un vendredi soir, 19h. La mère de Billie, Isabel Meyer, semblait euphorique. Toute la journée elle avait fait le ménage partout dans la maison. Cuisiner jusqu'à 18h et se préparer pendant une heure, juste avant que ses invités arrivent. Tout avait été organisé comme elle l'avait souhaité, comme d'habitude en somme. Réglé comme il fallait pour que tout ses plans soient exécutés convenablement et parfaitement comme elle l'avait prévu. Un vrai maniaque du contrôle. Le père de Billie, Dereck Meyer, laissait faire. De toute façon il ne fallait pas aller à l'encontre des envies de Isabel sinon il déclencherait tout les tourments du monde. Billie regarda sa chère mère se recoiffer de nouveau avant d'ouvrir la porte, d'ailleurs son regard dur se posta devant les yeux timides de la jeune femme.
« Billie, debout et soit prête à accueillir nos invités. » Billie s’exécuta immédiatement. Se relevant du canapé puis frottant légèrement le bas de sa robe pour que les plis disparaissent. Isabel ouvrit et fit entrer la famille Rey.
Cela faisait tout juste trois ans que la famille Meyer connaissait leur tout nouveau voisin, les Rey. Ils étaient parfaits, comme eux à dire vrai. Isabel avait tout de suite craqué sur cette image de bonne famille qu'ils renvoyaient et c'était bien sûr sans l'ombre d'un doute qu'elle s'était liée d'amitié avec eux. Les vendredis soirs étaient maintenant ancrés dans leur tradition. Dîner chez les Meyer. Dans la petite tête de Madame Meyer, il y avait le fait est que le fils, David, était un parfait gendre idéal pour sa fille. Tout jeun avocat, il était prometteur d'avenir. Rien que pour cela, Isabel avait tout concocté pour que Billie et lui se lient d'amitié aussi. Vraiment. Maniaque du contrôle.
Le dîner se passait merveilleusement bien, parlant de tout et de rien. Rosy Rey qui ne lésait pas de compliments sur le repas et Marc Rey qui discutaient de golfs avec Dereck. Billie quand à elle essayait d'écouter David comme elle le pouvait sans vraiment comprendre de quoi il parlait. Ah si ! Combien il était fort dans son domaine alors qu'il venait tout juste d'intégrer son cabinet d'avocat à 27 ans, comme il était intelligent et qu'il n'allait pas tarder à monter en grade s'il continuait ainsi et bla bla bla. Bref, ce n'était pas ce qui intéressait le plus la jeune femme. Cependant la voix de sa mère la tira de ses songes, portant un toast. Tien, étrange pourquoi elle faisait cela ? C'était bien la première fois qu'elle voulait avoir l'attention de tout le monde à table.
« Je vous demande toute votre attention s'il vous plaît. Je voulais vous dire combien ma famille est contente d'être amie avec la votre. Vous êtes devenus en quelque sorte notre famille aussi ! Ces trois années ont été tellement chargées en joie et surtout d'émotions je dois dire. » finit-elle un instant. Ses yeux étaient embrumés mais très légèrement.Comme si tout ça l'émouvait réellement. La mère de Billie jouait très bien la comédie.
« En émotion parce que l'on s'est tellement rapproché nous tous que j'ai hâte de vous annoncer une nouvelle qui rapprochera encore plus nos deux familles déjà très unies. » Qu'est-ce qu'elle allait dire ? Bizarrement Billie se sentait de plus en plus effrayée sans en connaître la raison de ce sentiment d'angoisse grandissant. Elle sentit la main de David qui vint serrer les siennes comme s'il savait ce qui allait se passer. Elle fronça légèrement les sourcils mais ne put retirer ses mains de l'étreinte de ce dernier qui les tenait bien.
« David m'a demandé la main de Billie hier soir et j'ai accepté ! » Un choc. Billie sentit son corps s'engouffrer dans la terre, tombant dans les enfers. Elle n'avait même pas eu le temps d'assimiler la chose que David prit son visage entre ses mains et l'embrassa devant toute la famille. Quoi ? Qu'est-ce que c'était ce bordel ?!? Elle ne l'aimait même pas et ce n'était pas parce qu'ils passaient du temps ensemble, comme sa mère lui avait demandé, que cela signifiait quelque chose pour elle ! Tout le monde avait l'air heureux, le regard de la jeune femme s'arrêta sur ceux d'Isabel qui sourit du coin de ses lèvres en la fixant. Sa mère avait tout planifié, comme d'habitude.
Janvier 2015, Billie a 24 ans.
« C'était qui cet homme qui t'a parlé pendant un long moment à la librairie ? » demanda David avant de boire son verre de vin. Billie finit à peine sa bouchée qu'elle eut un raté lorsqu'elle essaya d'avaler son morceau de viande. David était un jaloux et pourtant il couchait avec toutes les stagiaires qui venaient et allaient dans son cabinet. Mais ça bien sûr, elle ne pouvait pas lui en vouloir parce que Monsieur avait besoin de ça pour être complètement épanoui dans son mariage. De toute façon Billie s'en foutait, elle n'était pas amoureuse de lui. C'était juste question de respect et ça, elle l'encaissait mal à vraie dire. Pourtant elle savait aussi qu'il ne fallait pas qu'elle l'énerve trop... David était un impulsif et des fois il allait trop loin. Elle s'éclaircit la gorge avant de lui répondre.
« C'... c'est un client régulier qui vient tout le temps dans la librairie... C'est rien du tout. » bégaya-t-elle. Elle savait combien David n'aimait pas qu'on la regarde ou qu'un autre homme s'approche-t-elle. Elle était sa femme et personne d'autre que lui devait la toucher même si ça la dégoûtait. Dire qu'il se comportait comme un vrai gentleman avant lorsqu'ils étaient voisins.
David la toisa du regard, pas très convaincu par ce qu'elle venait de lui dire alors que ce n'était que pure vérité. Il se leva de table, silencieux puis s'approcha de Billie posant une de ses mains sur le coin de la table tandis que l'autre agrippa soudainement les cheveux de la jeune femme.
« ARRETE DE ME MENTIR ! » gronda-t-il violemment. Billie commençait à angoisser, cela faisait un moment qu'il n'avait pas été comme ça, du moins ça faisait un bon mois.
« Non... s'...s'il te plaît... je te dis la vérité... mon amour... » Elle essayait de le calmer comme elle pouvait pour ne pas que sa colère prenne des proportions plus grandes. Cependant, David voyait rouge, ravagé par son manque de confiance envers sa femme -qui n'aimait même pas les hommes en réalité- et dévoré par sa jalousie.
Un trou noir. Billie ouvrit ses paupières difficilement. Étendue par terre elle entendit vaguement la voix de David qui la prit dans ses bras. Lui disant combien il était désolé de lui avoir causé du tort et qu'il ne recommencera plus. Elle sentit du sang couler le long de son nez, c'était pour ça. Il l'avait frappé à la tête et elle s'était évanouie un instant à cause du choc. Il avait beau se plier en quatre pour lui demander pardon, jamais elle ne le lui accordera. Elle était coincée avec une personne qui ne la respectait pas et elle devait se conformer à cette vie là. Il n'y avait pas de sortie et elle avait trop peur de fuir. Merde, elle avait tout planifié, sauf peut-être le fait que son mari la battait. Billie n'avait pas d'autre choix que de survivre en espérant de ne pas trop s'en prendre sur la gueule. Posant sa main sur la joue de David, elle le rassura d'un sourire. Autant faire semblant de toute façon elle savait de qui elle tenait.
Février 2016, Billie a 25 ans.
Cette journée devait bien se passer, sans péripéties, cependant Billie avait tendance à attirer les ennuies malgré elle. Tranquillement dans sa librairie, c'était la fin de journée il restait deux personnes qui erraient dans les rayons. L'une de ses personnes était une femme métisse aux cheveux ébènes, Billie avait vite remarqué son charisme et son charme évident lorsqu'elle apparut dans la librairie. L'autre personne était un jeune homme d'une vingtaine d'année, capuche sur la tête plutôt renfermé et angoissé qui n'arrêtait pas de faire les cents pas dans les rayons mais rien d'alarmant, il devait être juste indécis. Enfin, c'était ce que pensait Billie.
Le regard rivé sur la jeune femme qui scrutait le résumé d'un livre, Billie ne faisait pas attention au jeune qui arriva vers elle, d'un pas déterminé. Soudain, il sortit un couteau, menaçant Billie.
« Ouvre ta caisse et donne moi tout le fric !!! Dépêche !! » Billie ne savait pas quoi faire et la peur envahissait tout son être, ce qui la tétanisa. Jamais auparavant, on avait essayé de braquer sa librairie. Jamais elle n'aurait pensé que quelqu'un penserait à braquer sa librairie d'ailleurs. C'était juste une boutique tranquille, conviviale et sans histoire, du moins ce n'était pas un magasin mondialement connu. Elle ne savait pas comment réagir face à l'individu qui commençait à s'impatienter et à agiter le couteau devant elle, lui ordonnant de nouveau d'ouvrir la caisse.
La jeune femme métisse apparut subitement à côté de Billie et qui essaya de temporiser la situation, remarquant que le braqueur était quelqu'un d'instable.
« On va vous l'ouvrir et vous donner tout l'argent, pas besoin de s'énerver. » L'inconnue posa une de ses mains sur l'épaule de Billie qui tourna enfin son regard sur elle. La bienveillance de la jeune femme rassura Billie, elle était tellement calme face à ce contexte là. Ce qui avait permis à Billie de se reprendre et d'exécuter, comme un bon soldat, ce que demandait le voleur qui partit après avoir eu son dû.
La pression relâchée, Billie lâcha un soupir d'apaisement et machinalement remercia la jeune femme qui se tenait toujours à ses côtés. Elle prit ensuite son téléphone et appela la police puis décida d'appeler aussi sa patronne. Au bout de quelques minutes de conversation, Billie s'assit car elle sentait ses jambes encore tremblotante. L'inconnue lui servit un verre d'eau et s'assit en face d'elle, toujours pour la rassurer.
« Moi c'est Annabel au faite. » lâcha-t-elle avec un sourire. Billie se présenta de même.
« Heureusement que vous étiez là... Merci encore. » Annabel posa sa main sur une des siennes. D'habitude, Billie était mal à l'aise lorsque l'on était tactile avec elle, elle n'aimait pas trop qu'on la touche. Cependant, avec Annabel, cela ne la dérangeait pas plus que ça. Elle sentait que c'était une personne attentionnée et bienveillante, rien que ce qu'elle avait fait là, c'était signe que Billie pouvait lui faire un minimum confiance. La jeune femme attendit avec la libraire l'arrivée de la police et de sa patronne, tout en essayant de faire plus ample connaissance afin d'égayer un peu la fin de la journée et essayer d'oublier légèrement ce qui venait de se passer ou du moins penser à autre chose. Comme quoi, dans les situations difficiles comme celle-là on pouvait rencontrer des bonnes personnes au bon moment.