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| Just relax [Blondie & Gabriel] | |
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| Sujet: Just relax [Blondie & Gabriel] Mar 10 Mai - 15:56 | |
| Jamais Gabriel n'aurait pensé se trouver ici. Non pas qu'il n'aimait pas le théâtre, c'était même le contraire, mais il avait toujours privilégié le genre de la comédie musicale. Mélanger le chant, la danse et la comédie c'était avec cet art qu'il était tombé amoureux, c'était ce pourquoi il avait travaillé dur et ce qui le faisait se lever chaque matin, ce qu'il savait faire de mieux. Et pourtant, il était là, dans ce théâtre à un peu moins d'une heure du lever de rideau, de cette nouvelle représentation, de cette nouvelle expérience qu'il n'aurait pas imaginé vivre.
C'était, en fait, le résultat de tout un concours de circonstance. Un mois en arrière, Gabriel jouait encore dans Sweeney Todd. Il avait passé une année entière à jouer Anthony Hope, ce jeune premier qui débarquait à Londres avec ce barbier si mystérieux qui sombrerait bientôt dans la folie. Cette expérience avait été enrichissante, car elle avait été réalisée dans un théâtre plus petit, loin des usuels lieux magnifiques et gigantesques que l'on pouvait trouver dans le West End; rien à voir avec ceux que Gabriel avait déjà pu fréquenter par le passé. Ce n'était pas un problème, loin de là, le jeune trentenaire avait aimé changer d'environnement et travailler différemment.
Quelques jours plus tard, alors qu'il venait de terminer son contrat avec Sweeney Todd et qu'il attendait de commencer dans Les Misérables, deux mois plus tard, il avait reçu un coup de téléphone inattendu. Un ami metteur en scène avec qui il avait déjà travaillé auparavant. Il s'occupait de The Book Thief, une pièce tiré directement d'un livre lui avait-il dit, et l'un de ses acteurs venait de se fouler la cheville, l'immobilisant pour un bon mois : il lui fallait un remplaçant pour pallier à cette absence et avait pensé au rouquin. Le rôle était important mais secondaire. Gabriel n'était pas sûr, il s'agissait de théâtre pur et il avait justement prévu de profiter des deux prochains mois pour s'occuper de sa femme, sa Lily, qui était enceinte. Mais après tout, l'expérience se tentait et il y avait des jours de relâche en plus du dimanche. Après en avoir parlé avec sa femme, il décida d'accepter et s'était montrer le lendemain aux premières afin de commencer des répétitions accélérés.
C'est donc ainsi qu'il se trouvait à présent dans les coulisses de ce théâtre, terminant d'appliquer son maquillage. Il n'avait besoin que des bases pour ce rôle et s'en occupait seul. Il était prêt, bien que son personnage n’apparaisse que plus tard dans la pièce. Cela faisait déjà deux semaines qu’il jouait les doublures d’urgence et il trouvait que tout passait vite. Il s’était fait rapidement à la troupe, surtout à la petite Blenda, qui avait le rôle principal et avec laquelle il partageait le plus de scènes, leurs deux personnages développant une relation touchante au fil de l’histoire. C’était drôle comme il s’était attaché rapidement à elle. Il n’aurait su dire précisément d’où ce sentiment venait. Il se disait que le fait de devenir père d’une petite fille très bientôt commençait à réveiller en lui certains instincts paternels qu’il n’aurait pas soupçonnés. D’autres fois, il se demandait s’il ne faisait tout simplement pas une sorte de déformation professionnelle en poursuivant cette affection que son personnage ressentait pour le sien. Et puis il y avait des fois, plus rares, plus parsemées, où il semblait voir Adele en elle. Adele. Son premier grand amour. Leur relation avait été marquée par la passion, dans les bons comme les mauvais moments. Gabriel avait fini par partir, par la quitter après des excès de trop, des cris de trop, des flirts de trop. Et la petite Blenda, en dehors des planches, était souvent dans l’excès. Tous mettaient ça sur le compte du trac conjugué à son âge et l’explication était plus que convaincante. Il n’empêche qu’à certains moments, Gabriel se retrouvait à penser à Adele. Souvent, dès que la pensée lui traversait l’esprit il secouait la tête, comme pour chasser cette pensée. Il n’était plus ce jeune fougueux. Il était toujours insouciant et exubérant, à souvent se pavaner dans les coulisses à la recherche de la nouvelle farce, à attirer les regards et la lumière sur lui. Mais sa vie amoureuse n’était plus la même. Il avait rencontré Lily quatre ans plus tôt, une jeune fleuriste, et n’avait pu penser à personne d’autre qu’à elle depuis. Elle était calme, timide, sensible et raisonnable, tout ce qu’il n’était pas, mais leur couple se balançait parfaitement et elle savait le ramener sur terre quand il le fallait, tout comme il savait la faire sortir de sa zone de confort quand il le pensait nécessaire. Ils étaient mariés depuis deux ans maintenant et attendaient leur premier enfant, une fille. Sa vie amoureuse était rangée et il préférait refouler les souvenirs de sa première histoire qui avait compté au fin fond de son esprit.
Revenant à la réalité, il inspecta son visage avec le miroir, à la recherche de la moindre retouche à effectuer à son maquillage. Quand il fut satisfait de voir que tout était parfait, il ajusta son costume une dernière fois avant d’aller déambuler dans les coulisses. Le trac ? Cela faisait longtemps qu’il ne savait plus ce que c’était. Gabriel savait qu’il avait du talent, savait qu’il était bon dans ce qu’il se faisait et même s’il n’avait joué dans une pièce professionnelle, ce n’était pas ça qui allait le faire trembler et suer de terreur. Depuis le temps qu’il montait sur scène, il avait de l’expérience, il le savait et savait qu’il ferait son job, qu’il serait tout aussi bon que le milieu le disait, peut-être même meilleur. Oh oui, on pouvait le targuer d'être arrogant ou trop sûr de lui, mais il savait qu’il avait raison. Pourquoi douter quand cela n’était pas nécessaire ? Gabriel n’en avait pas le temps.
Alors qu’il arpentait les couloirs, dont le silence n’était perturbé que par les bruits sourds des acteurs qui terminaient de se préparer dans leur loges, il était un bruit plus prononcé. Il suivit la piste de ce qu’il entendait avant qu’il ne parvienne devant la loge de Blenda. La porte n’était pas fermée, c’est pourquoi il l’avait entendu plus distinctement. Il frappa à la porte, appelant le nom de la fillette. Quand il n’obtint aucune réponse, il se décida à entrer. La gamine semblait être en crise, elle avait l’air paniquée. Gabriel s’inquiéta immédiatement et vint à la rencontre de Blenda, s’accroupissant pour se mettre à sa hauteur.
« Hey Blenda, are you alright ? » Demanda-t-il sur un ton inquiet. « Blenda, can you hear me ? »
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| Sujet: Re: Just relax [Blondie & Gabriel] Mar 24 Mai - 4:18 | |
| Pour Blenda, le monde est en désordre. À l’envers même, sans dessus dessous. Les gens paient pour la voir sur une scène, des inconnus. Ils l’observent, la jugent et la critiquent, l’admirent parfois, trop souvent même, retiennent son nom, puis partent. La plus part d’entre eux ne la reverront plus jamais en face. Pourtant, cette soirée-là, ils étaient là, à l’aduler, à la décrire, à la voir. Pendant ce temps, ces parents sont ailleurs. Son père signe des contrats, sa mère inventorie. Blenda monte sur scène, se dévoile, se dénude devant des adultes dont les regards lui pèsent. Puis, elle rentre à leur penthouse de Westminster. Et ses parents lui demandent si elle a eu du plaisir aujourd’hui. Si seulement ils savaient.
Blenda aimerait leur dire que son cœur se rompt en deux chaque soir, tel un volcan à l’approche de l’éruption. Que la fumée la fait déglutir, mais surtout l’étouffe, avant chaque représentation. Les comédiens, les éclairagistes, les décorateurs, le metteur en scène l’ont diagnostiqué, bien qu’erronément. Ce n’est pas le trac qui la trouble avant chaque spectacle. C’est un monstre. Un monstre profond, impitoyable, tenace et glauque... Son malheur.
Son mal se prénomme la solitude. Et la douleur qui l’accompagne. Blenda a été catapulté dans un monde d’adultes, auquel elle n’appartient pas. Même l’histoire de la pièce la secoue tous les jours. Alors qu’elle avait éprouvé beaucoup de plaisir à jouer le rôle d’une fillette perdue dans un long-métrage indépendant canadien, l’ambiance, la promiscuité du théâtre ne lui sied pas. Blenda n’a jamais été douée avec les gens. Ceux-ci lui ont toujours parus incompréhensifs, lui reprochant ses moindres gestes, voulant l’édifier à leur image. Lorsqu’elle pleurait à chaudes larmes la perte de ses peluches, il lui fut dicté de cesser de pleurnicher, lui fut dit qu’elle manquait de maturité et d’application pour son âge et que cela devait cesser. Lorsqu’elle s’enthousiasmait devant la volupté des papillons lors de randonnées en forêts, son inattention fut punie, il lui fut dit qu’elle était étourdie et que cela devait cesser. Lorsqu’elle questionnait les décisions de l’institutrice, avec une sincère curiosité, il lui fut dit qu’elle était insolente et que cela devait cesser. Surtout, lorsque ces parents venaient la chercher en retard à l’école, que les surveillantes restaient après leurs heures de travail et pestaient contre elle, la blâmaient pour le manque de ponctualité de ses parents, il lui fut dit que cela était de sa faute et que cela devait cesser.
Toute sa vie, Blenda dût cesser d’agir comme elle le faisait. Encore ce soir, alors que la panique l’assaille, qu’elle se remémore le départ de ses parents du théâtre, la fillette refoule sa tristesse, sa déception. Elle cesse de se sentir de la manière dont elle se sent. Dans sa loge, la maquilleuse applique contre sa peau des produits de beauté nauséabonds et épais, lesquels l’irritent. Au début, Blenda tentait de se gratter afin d’atténuer le picotement, mais les maquilleurs lui dirent de cesser. Alors elle cessa et endura le picotement, afin que ces gens ne soient pas méchants avec elle. Une fois la toile poudreuse appliquée contre son visage, la maquilleuse file rapidement hors de sa loge. Blenda s’approche de la porte, qu’elle entrebâille. La maquilleuse discute avec un jeune acteur, une costumière et un éclairagiste. Des mots qu’elle ignore sont fusés, des jurons aussi. Lorsqu’ils l’aperçoivent, ils s’éloignent. Le message est passé.
Comme elle le fait souvent avant le début de chaque représentation, Blenda s’enferme dans son garde-robe. Dans le noir, elle est la maitresse des images. Ses yeux se ferment, même si cela n’est pas nécessaire. Elle s’imagine ailleurs, avec des garçons et des filles de son âge. Le groupe vit une aventure. Ensemble, ils campent dans les bois. Ils mènent une quête, sont à la recherche de fées. Lorsqu’ils les trouveront, les créatures magiques leur accorderont des pouvoirs. Blenda réfléchit au don qu’elle convoite. Des ailes probablement. Afin de s’envoler à sa guise. Son imagination est son havre. Chacun de ses camarades d’aventures possèdent des noms, des personnalités très élaborées. N’ayant pas d’amis, voilà ceux qui la font sentir chérie, heureuse.
Quelques minutes plus tard, Blenda ressort de la penderie, incertaine. Sa tignasse blonde resplendit dans le miroir, coiffé méticuleusement plus tôt. Son visage, derrière les couches de fonds de teint, souffre affreusement. La fillette se met à verser quelques larmes et à respirer très fort. Ce qu’elle donnerait pour pouvoir s’enfermer à jamais dans cette armoire. Rapidement, elle sèche ses pleurs, mais le mal est déjà fait : son maquillage est bousillé. La dernière fois, la maquilleuse lui avait semblé réellement frustrée de devoir réappliquer le maquillage à quelques minutes de l’ouverture du rideau. Le résultat désastreux est suffisant pour que Blenda éclate à nouveau.
Oubliant qu’elle n’avait pas refermé la porte, la surprise de Blenda est grande quand elle entend la voix tendre de Gabriel. Son inquiétude la touche. La fillette lui sourit à travers ses larmes. Bien qu’il soit à sa hauteur, elle n’ose pas se réfugier dans ses bras, malgré sa détresse évidente et urgente. La gentillesse de l’acteur à son égard l’a étonné au cours des dernières semaines. Celui-ci s’est intéressé à Blenda, malgré sa sensibilité, malgré sa jeunesse, malgré sa différence. Il n’a pas cherché à lui reprocher quoi que ce soit. Néanmoins, la jeune actrice sait qu’il ne restera pas parmi eux longtemps. Gabriel remplace, puis partira. Cette idée terrifie la jeune fille, à un tel point que l’idée de s’attacher à cet adulte la comble d’effroi, refroidit et redresse sa colonne. Elle se contente de sécher à nouveau ses pleurs, puis de lui demander de l’aide.
« I’m sorry, I’m so sorry I cried. I shouldn’t have... Please can you help me with my make-up, the make-up artist is gonna be mad and she already doesn’t like me at all... »
La fillette ne peut se retenir, son être entier cri, désire la chaleur d’un autre corps afin de la réconforter. Les personnages de l’armoire ne peuvent la suivre hors de ce monde imaginaire, la laissant seule et essoufflée, mais surtout apeurée. Alors, elle se jette dans les bras de Gabriel, oubliant que sa présence parmi la troupe est éphémère, sachant simplement qu’il est là pour elle et que, pour l’instant, cela seul compte. |
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| Sujet: Re: Just relax [Blondie & Gabriel] Mer 15 Juin - 16:44 | |
| Depuis ses débuts dans le monde de la scène, toute les personnes qui avaient côtoyées Gabriel l'avait de suite catalogué comme ce garçon un peu fou, parfois excentrique et même un peu arrogant, un peu trop sûr de lui : le portrait typique que tout regard qui ne s'attardait pas plus sur lui pourrait faire d'un homme au métier qui était le sien. Pourtant, il y avait plus chez ce rouquin de l'Île de Wight que ce que l’œil nu seul pouvait entrevoir.
Gabriel était, profondément, un gentil garçon. Ses parents lui avaient toujours éduqué le respect, la politesse, la serviabilité et la valeur du travail. Sa personnalité exubérante il se l'était forgé un peu par la force des choses, à cause des multiples déménagements que lui et ses parents avaient fait avant son adolescence. Ne pas rester au même endroit longtemps, ça n'aidait pour se faire des copains à l'école, ni pour les garder. Du coup, pour ne pas être seul, il s'était dit qu'il devait faire impression sur ses nouveaux camarades. C'est pourquoi il était devenu le clown de la classe très rapidement. Il n'était pas mauvais élève, loin de là, il était relativement assidu dans son travail, surtout avec une maman institutrice qui veillait à ce que son fils fasse les efforts nécessaire dans sa scolarité. Elle n'attendait pas de lui qu'il soit le meilleur, simplement qu'il fasse de son mieux et qu'il obtienne ses diplômes sans pression. Avec l'arrivée de la famille au Pays de Galles, le dernier déménagement, où Gabriel passa son adolescence, il avait gardé son côté exubérant mais ne l'utilisait plus seulement pour être le clown. Il avait découvert le théâtre, les comédies musicales, un endroit où il pouvait s'exprimer comme il le souhaitait. Il avait également découvert l'univers du motocross, un autre moyen pour se créer un groupe d'amis avec lequel il était toujours en contact et qu'il revoyait lorsqu'il rentrait au Pays de Galles voir ses parents. Mais au-delà de ce côté un peu fantasque, le jeune homme avait le cœur sur la main. Si un de ses amis avait besoin de lui, il répondait toujours présent, il était toujours là, toujours prêt à donner de sa personne pour les personnes qu'il aimait et appréciait. Et aujourd'hui ne ferait pas exception à la règle.
La petite Blenda était touchante et l'acteur regardait parfois d'un mauvais œil les regards exaspérés de certains membres de la troupe quand ils croisaient la jeune fille. Il n'était jamais facile de travailler avec des enfants, et Blenda pouvait se montrer difficile, mais Gabriel n'appréciait guère les commentaires amers ou dédaigneux concernant la jeune fille. Elle était très bonne actrice sur scène, elle avait du talent, et c'était ce qu'on lui demandait en premier lieu. En coulisses, la fillette avait besoin de soutien et d'aide plutôt que de soupirs agacés et de yeux levés au ciel.
« Ssssh it's okay to cry, don't you worry. Everything's gonna be fine. »
Il avait essuyé quelques larmes avec son pouce et posé une main sur l'épaule de Blenda afin de la rassurer. Il ne savait trop comment s'y prendre, il n'avait jamais vraiment dû réconforter un enfant auparavant, sauf une ou deux fois avec les enfants de ses amis, mais il n'avait pas été seul, quelqu'un avait toujours été là pour l'aider à calmer nourrissons ou jeunes enfants. La situation était différente ici, et il espérait faire ce qu'il fallait. Il essayait de se souvenir comment sa mère le réconfortait quand il était petit, comment elle réconfortait ses élèves à l'école lorsqu'ils se faisaient mal ou se disputaient avec leurs camarades.
« Of course I'll help you Blenda. The make-up artist won't even notice we did it again. » Il lui offrit un léger sourire d'encouragement.
Gabriel fut prit de court quand la fillette se jeta dans ses bras. C'était une première pour lui, qu'un enfant lui témoigne autant d'affection. Il n'avait pas côtoyé beaucoup d'enfants dans sa vie d'adulte bien sûr, mais le sentiment était malgré tout surprenant. Etait-ce donc ça que de s'occuper d'un enfant ? De s'inquiéter pour lui ? De vouloir le voir heureux ? Chaque instant qui rapprochait l'acteur de sa paternité, il se découvrait de nouveaux sentiments, de nouvelles questions, auxquels il n'avait jamais pensé auparavant, et Blenda semblait être également un facteur dans la découverte de ces nouveaux instincts. Passé l'étonnement, Gabriel rendit la pareille à Blenda et enroula ses bras autour d'elle. Un geste qu'il voulait rassurant, comme pour lui dire et lui répéter qu'il était là, qu'il n'irait nul part ailleurs. Bien sûr, dans deux semaines il ne serait plus dans la troupe, mais en attendant, il serait présent pour cette gamine qu'il appréciait chaque jour un peu plus.
« That's it, Blenda. Just breathe, relax. Everything is going to be alright. »
Après un moment, combien de temps il n'aurait su le dire, il se recula et regarda Blenda avec un sourire sincère. La fillette semblait être un peu plus calme que lorsqu'il était rentré dans sa loge. Gabriel se releva et regarda autour de lui afin de repérer pinceaux et maquillages dont il aurait besoin pour aider la petite fille à se remettre dans la peau de son personnage. Après quoi, il tendit la main à la gamine et lui parla le plus doucement possible :
« Come, let's get started. »
Il trouva un gobelet en plastique, il y en avait toujours au moins un dans les loges, le remplit d'eau du robinet puis le tandis à Blenda. Il fallait que la petite s'hydrate et se tranquillise avant le levé de rideau. En pleurant, ses yeux étaient devenus rouges et devaient sans doute commencer à s'assécher maintenant que les larmes ne coulaient plus à flot, sans compter sa gorge qui devait être sèche. Monter sur scène dans un tel état ne ferait du bien à personne. Bien sûr, être stressé et avoir le trac, c'était commun et ça pouvait même donner de l'énergie supplémentaire à un acteur une fois qu'il était lancé. Mais monter sur scène, à un jeune âge, et en ayant pleuré peu de temps après, c'était très compliqué. Et Gabriel ne voulait pas que Blenda passe une mauvaise soirée, ni qu'elle garde une mauvaise expérience de son passage au théâtre.
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| Sujet: Re: Just relax [Blondie & Gabriel] Jeu 1 Sep - 5:06 | |
| Blenda se sent profondément triste. Tout ce qui se déroule autour d'elle l'angoisse, la vélocité de l'action la dépasse. Si les ateliers d'art dramatique qu'elle suivait avec ces amies à Victoria lui plaisaient, c'était qu'elle s'y permettait d'être heureuse et lousse. Il n'y avait pas de règles, ni de regards. Puis, un réalisateur l'avait remarqué et Blenda, excité, juste assez nerveuse, avait accepté de participer à son film indépendant. La reconnaissance avait été éblouissante et la Suédoise avait adoré performer sur les lieux même de l'action, de capturer un instant présent et précieux... Mais performer sur une scène... devant plus d'une centaine de voyeurs. Lire des articles sur sa qualité d'artiste, qu'elle méprend trop souvent pour sa qualité en tant qu'être humain.
Sa gorge s'assèche, comme Gabriel lui tend le verre d'eau. Elle le remercie doucement, sa voix tremblant, vibrant, résonnant ses pleurs d'il y a un moment. C'est en se rasseyant sur la chaise qu'elle croise sa réflexion dans le miroir. Son maquillage démoli, hideux et humide, ses cheveux blonds décousus et revêches, ses yeux égarés. Elle se demande si la fillette qu'elle aperçoit est plus heureuse qu'elle, dans cette autre réalité. Blenda tente de l'imaginer dans une infinité d'allégresse. Elle songe aux plages de la côte ouest et y imagine ce fantôme s'y baigner dans l'absence de tous soucis. Elle se souvient des forêts à perte de vue de sa province, visualise son double y courir entre les arbres géants. Elle songe aux soirées passées sur la terrasse de leur chalet près de Tofino, l'odeur du feu qui crépite, le goût des bouteilles de champagne, toujours meilleures sous la nitescence de la Lune. Oui, déjà, Blenda a été ivre quelques fois, remplissant son verre de vin effervescent, profitant du regard inattentif de ses parents. Avec les enfants des amis de ceux-ci, il s'agissait d'un jeu. Une fois, ils avaient réussi à usurper une bière. Incapables de l'ouvrir, ils avaient décidé de la cogner avec une roche afin de briser la capsule. Finalement, aucun d'entre eux n'avaient apprécié la boisson. Un autre soir, ils avaient déniché une bouteille de Cosmopolitain, qu'ils avaient tous adorés. Blenda avait vomi ce soir-là.
Voilà peut-être les soirées que passaient cette réflexion d'elle, alors qu'elle se penne à divertir des dizaines de spectateurs presque chaque soir. Elle ne se comprend pas toujours, Blenda. Où trouve-t-elle l'aplomb de voler de l'alcool à ses parents, de jouer à cache-cache dans les couloirs de son école avec ses amis, alors que l'idée de monter sur scène la terrorise? Où réside la différence? Est-ce le sérieux de la chose? Le professionnalisme requis?
« Why do you do it? I mean, why are you an actor? »
Blenda ajoute, curieuse.
« Did your parents force you too? »
Après tout ce n’est pas impossible. Peut-être est-ce là le tragique sort de tous les enfants poussés dans le domaine des arts par leurs parents trop fiers. Peut-être, certains y découvrent une passion incroyable, un engouement unique, après plusieurs expériences? Peut-être est-ce là ce qui est arrivé à Gabriel? De toute manière, Blenda veut le savoir. Est-elle le problème? Inutile de se mentir, depuis toujours, elle s’était trouvée différente, s’était identifiée comme étant étrange, hors du commun plutôt. Sa manière de ressentir les choses, de les voir. Une expérience l’avait marquée, alors qu’elle venait de faire sa rentrée au jardin d’enfants à Victoria. Elle s’amusait avec deux peluches de chiens qu’elles trouvaient énormément mignonnes, les traitant comme si elles étaient de vrais animaux. Un groupe de fillette préférant jouer à la poupée s’étaient approchées, lui avaient usurpé le bac dans lequel les peluches se reposaient, sans demander leur reste. Drôlement, elle se remémore mal sa crise. Elle retient davantage avoir fait le plaidoyer des peluches. Après tout, le bac et le coussin qui s’y trouvaient étaient sans l’ombre d’un doute destiné aux peluches canines. Des berceaux étaient désignés pour les poupées. À ce moment, elle trouvait injustice, non pas en son sort, mais bien en le sort des chiots dépourvus de lit. L’institutrice avait pris sa position, à son étonnement. Rarement les adultes prenaient sa défense, ou même l’écoutaient. Elle était Blenda, la fillette bizarre. Celle qui prétendait boire des boissons pour adultes, qui s’attachait beaucoup trop aux peluches, qui pleurait lorsque les gamins l’insultaient. Les adultes l’accusaient de mentir sur tout, alors que la fillette ne comptait que rarement des mensonges.
La fillette écoute la réponse de Gabriel avec intérêt, puis le supplie de préciser un point.
« But... How do you do it? » demande-t-elle, appuyant sur le mot how.
À nouveau, les paroles de Gabriel s’imprime dans sa tête, mais sa réponse de semble pas pouvoir se calquer chez elle. Après tout, peut-être est-elle vraiment bizarre? Tant de gens semblent le songer. Seuls ses parents possédaient un avis contraire, mais elle devine dans leurs yeux que cette opinion est biaisée, aveuglée par l’image d’une fillette blonde, curieuse, imaginative, intelligente et pleine de vie. Si elle est toutes ces choses, c’est qu’elle est aussi beaucoup d’autres. À l’école, sa curiosité est punie, déclarée nocive, même maladive. Son imagination est proscrite, est jugée paranoïaque et envahissante. Quant à son intelligence, elle cache un délire, une arrogance, un entêtement. One day, she will drown in her own madness, a un jour énoncé une de ses enseignantes. Si elle n’avait pas compris ces mots à cette époque, ceux-ci s’étaient gravés quelque part en elle. Depuis, Blenda craint toujours cette noyade à venir, se questionnant trop souvent sur son caractère inéluctable.
« Why can't I do it? Why can't I do anything? »
Sa voix, son ton ne sont pas tristes, mais bien interrogatifs. Après tout, Blenda est une guerrière, une défenderesse, une bourrelle aussi. Et elle porte son nom. Mais... mis à part cela, rien ne semble les unir. Sauf, peut-être, leur vaillance, leur courage commun. Enfin, c’est ce que Blenda ose croire. Toutefois, la voilà, incapable de ne pas se morfondre avant un spectacle, routine qu’elle a pourtant enchaîné des dizaines de fois auparavant... Peut-être est-ce là ce dont parlait l’enseignante. Peut-être se noie-t-elle? Chose certaine, l’asphyxie la tient de plus en plus avant chaque représentation. |
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| Sujet: Re: Just relax [Blondie & Gabriel] | |
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