family times

Malgré la maladie, et les emplois du temps chargés, la vie de Christopher a fini par s'organiser et lui offrir un peu de répit. Adrian cesse de le repousser, Chris a fait des efforts pour communiquer plus, ce qui a permis au couple de retrouver un peu de calme et de stabilité, du moins tant que faire se peut. Aussi, il a fini par réaliser qu'il s'est fatalement montré très distant avec la famille ces derniers temps. L'intention n'était pas celle-ci, mais force est d'admettre qu'il s'est renfermé, préférant s'occuper de ses enfants et de son mari, boudant ainsi quelques dîners de famille. Pour ne rien arranger, il s'est d'ailleurs particulièrement désagréable avec son frère Aaron à l'occasion du week end organisé par sa mère. Si la famille Grayson a facilement mis cette distance sur le compte de la maladie d'Adrian, le blond sent que son quotidien ne peut pas vraiment retrouver de normalité si il ne se décide pas à faire un pas en avant timide vers les siens. Pas en avant qui n'inclut absolument pas Aaron cela dit. Lui et Gabrielle sont peut être têtus, mais il est bien incapable de se forcer.

Il n'a pas hésité à convier le reste de la famille à déjeuner cela dit, et il s'affaire dans la cuisine en compagnie d'Adrian. Cuisiner avec son mari n'est pas toujours une bonne idée, il est vrai, mais Chris a insisté, supervisant tout de même la chose du mieux qu'il peut. Les enfants sautillent autour d'eux, en dessinant des motifs pas toujours très esthétiques avec le glaçage. « Ils devraient arriver d'ici quelques minutes. » Chris sourit et pose ses mains sur la taille d'Adrian. « Tu t'en sors pas si mal. Je m'attendais à pire. » Il le taquine, un sourire amusé au coin des lèvres.

Ma salade noix-épinards-fraises dans une main et une bouteille de Sauvignon blanc dans l'autre, j'hésite un instant sur le pas de ma nouvelle maison. J'ai beau avoir emménagé il y a plus d'un mois maintenant, je ne me sens pas encore 100% chez moi. Peut-être parce que cela fait beaucoup d'espace juste pour moi et que maintenant que Lizzie et Gaby ne viennent plus squatter tous les quatre matins, je me rends bien plus compte. Peut-être parce que j'ai toujours peur d'oublier de fermer à clé, comme maintenant. La porte de mon immeuble à Brixton était impossible à ouvrir de l'extérieur, pour qui n'avait pas la clé. Je suis donc perpétuellement anxieuse de ne pas penser à fermer la porte. Ce n'est pas comme si j'avais vécu chez mes parents des années ou que je ne m'y rendais pas encore régulièrement. Mais je ne peux pas m'empêcher de vérifier.

Rassurée, je file vers la demeure de mon frère, heureuse qu'il se décide enfin à réunir la famille. Après le fiasco de notre excursion à la campagne - je suis une utopiste, mais même moi je sais reconnaître l'échec - et les soucis qui pèsent sur Chris et Adrian, j'ai préféré lui laisser un peu d'espace pour respirer. Je ne démords pas de l'idée que nous pouvons tous nous réconcilier et qu'il n'est pas judicieux d'entretenir rancoeurs et reproches. Mais ce n'est pas le propos. Aujourd'hui, nous nous retrouvons, nous jouons avec les enfants, nous soutenons Adrian, nous sommes solidaires. Et cela me fera du bien de tous les voir. Rien n'a jamais su me ressourcer autant que les miens et maintenant que je vis seule dans une maison qui ne demande qu'à être remplie de ma famille, encore floue et lointaine, j'en ai plus besoin que jamais.

« Coucouuuu ! » J'enlace mes neveux, qui ont failli me faire dégringoler sur le perron en m'ouvrant la porte, avant de les suivre vers la cuisine. Je pose mes victuailles sur le comptoir, embrasse Adrian et passe une main réconfortante dans son dos. « Hey, comment ça va? » Je serre ensuite mon frère dans mes bras, ne peux m'empêcher de prendre son visage entre mes mains et d'examiner ses traits fatigués. « Et toi alors? »

L'idée de cuisiner ne lui avait pas traversé l'esprit. Ou, si, peut-être cinq minutes mais elle avait été rapidement chassé par l'épineux problème que représentait sa mère dans son esprit depuis ce fameux week-end en famille. Parce que se demander comment gérer sa mère et ses rancunes était bien plus compliqué que de décider si oui ou non il fallait passer une matinée derrière les fourneaux pour passer pour une adulte responsable ─ ce que Gaby n'était pas, there was no point in pretending then. C'était l'excuse qu'elle avait préparé sur le trajet, armée de ses deux bouteilles de rouge et d'un paquet de bonbons pour les garçons ─ histoire que tout le monde, petits et grands, y trouve son compte.

Ses neveux, d'ailleurs, avaient dû s'improviser portiers du jour et leurs sourires l'accueillirent, chassant momentanément toute crainte de voir ce déjeuner tourner ─ encore une fois ─ au vinaigre à cause de son abruti de frère aîné. « Regardez-vous, bientôt vous allez être aussi grands que moi. Qui vous a autorisé à grandir ? Il va falloir que je discute avec vos parents, ça ne va pas du tout cette histoire » les informa-t-elle, leur abandonnant sans le moindre scrupule le paquet de bonbons. Avec un peu de chance, Chris n'en verrait pas la couleur, Adrian non plus et on ne lui ferait pas de remarque sur sa fâcheuse tendance à un peu trop les gâter. Toute sourire, donc, Gabrielle gagna la cuisine et constata que Jane était déjà là ─ mais Jane n'était jamais en retard après tout. « Bonjour, bonjour » lança-t-elle joyeusement, envoyant à ses deux aînés des baisers de sa main libre, aussitôt qu'elle eut déposer l'une de ses bouteilles près de ce qui ressemblait à l'une des fameuses salades de sa sœur. Probablement encore l'une de ces associations un peu foireuses ─ en théorie ─ dont Jane semblait raffoler et qui se révélerait ─ à tous les coups ─ excellente. Elle enlaça son beau-frère, le serrant peut-être un peu plus fort contre elle qu'à l'ordinaire, avant de se poster à ses côtés pour déboutonner sa veste. « Bon, est-ce qu'il y a un pronostic ? Sur une échelle de zéro à Kanye West et Taylor Swift, vous pensez qu'elle nous en veut à quel point ? s'enquit-elle, d'un air faussement solennel. Et par nous, j'entends Chris et moi, tu peux souffler babe » précisa-t-elle à l'intention de sa sœur avec un grand sourire innocent. Quoi, Gaby, rancunière ? Mais pas du tout, quelle idée.