Bon. Je regarde l’heure et me mords la lèvre inférieure. Si je pars dans moins de dix minutes, je peux essayer d’arriver à l’hôpital à 14h et peut-être attraper James pour un déjeuner. Depuis qu’on s’est vus au Mcdo, dans des circonstances qui n’étaient pas les meilleures, je ne peux plus l’éviter. Il a essayé de me joindre plusieurs fois cet été, mais je n’ai pas vraiment répondu, l’évitant. Je soupire et passe par la salle de bain. Il est temps que j’arrête de le faire. Mais aller le voir signifie qu’il voudra des explications et je ne peux rien lui raconter. Je me mords une nouvelle fois la lèvre et attrape ma brosse. On verra quand je serai avec lui. Je me brosse les cheveux et les attache en une queue de cheval. J’enfile des bottines et une veste, trop grande pour moi, mais qui me tient chaud. Je ramasse mon sac et son contenu, qui trainent sur la table basse. Je rassemble tout et quitte l’appartement. Je fais quelques pas dans la rue, hésitant entre le métro ou un taxi. Mais je ne suis qu’une pauvre étudiante, donc ça sera le métro. J’accélère et attrape un métro rapidement. Quinze minutes plus tard, je me retrouve de nouveau dans la rue. Je fais quelques mètres et aperçois l’hôpital. Je m’arrête devant. Je prends mon téléphone et compose son numéro. «
James ? C’est Georgia. Tu es libre pour déjeuner avec moi aujourd’hui ? Je suis déjà à l’hôpital. » «
T’as de la chance, je viens de terminer mon service. J’allais rentrer, mais on peut aller à la cafét’?! » Je souris et acquiesce. «
Je te retrouve directement là-bas. » Je raccroche et pénètre dans le bâtiment, en prenant la direction de la cafétéria. Je prends une salade et une bouteille d’eau puis m’installe à une table, un peu en retrait. Je n’ai pas envie qu’on nous entende. J’ouvre ma bouteille et bois une gorgée avant de l’apercevoir. Je lui souris et lui fais signe. Il me répond et récupère de quoi manger avant de me rejoindre. «
Je suis contente qu’on puisse déjeuner ensembles aujourd’hui. » «
Et moi donc! » Je me lève pour l’enlacer et me rassois. «
Tu vas bien ? » «
C’est plutôt à toi qu’il faut poser la question, tu ne crois pas? » Je me mords la lèvre inférieure et baisse les yeux. «
Ce que je veux dire, c’est que ça ne te ressemble pas d'ignorer mes appels. J’ai comme l’impression que tu m’évites. Je voulais t’en parler l’autre jour au McDo, mais compte tenu de tout ce qui s’est passé ce jour-là... Bref. Il s’est passé quelque chose? Tu m’en veux peut-être? » Je secoue la tête et souris. «
Non, non, pas du tout, non. C’est moi. J’ai eu quelques problèmes que je voulais régler et c’est vrai que j’ai évité quelques personnes. Mais on va dire que c’est réglé donc tout va bien. Je suis vraiment, vraiment désolée d’avoir fait ça. Mais je n’étais pas vraiment d’humeur à voir du monde. » Et surtout pas en état. Entre les bleus, les marques de coups sur mon corps et mon visage, je n’osais plus sortir de peur qu’on me demande comment je me suis fait ça. Et je ne pouvais surtout pas voir James qui se serait inquiété plus que les autres.
Il fronce les sourcils et je me mords la lèvre inférieure. S’il me demande ce qu’il s’est passé, je vais avoir du mal à lui répondre et je ne veux pas lui mentir encore plus. C’est déjà assez difficile comme ça d’avoir eu à me cacher pendant quelques mois. «
Tu pourras sourire autant que tu voudras, ça ne changera rien au fait que tu vas mal. Je ne suis pas dupe Georgia, je te connais et je vois bien quand ça ne va pas. Alors, tu n’as peut-être pas envie de me dire ce qu’étaient ces problèmes, mais de toute évidence tu es loin de les avoir résolu alors, saches simplement que je suis là » Je détourne le regard, honteuse, bien consciente qu’un jour, il découvrira la vérité. Il attrape ma main et la serre gentiment, avec un sourire. Je relève les yeux et me maudis de devoir lui cacher cette partie de ma vie pourtant, je suis incapable de lui expliquer pourquoi je fais ça. Il ne comprendrait pas. Personne ne comprend. Il reprend sur un ton plus joyeux. «
Quoi qu’il en soit, ça me fait VRAIMENT plaisir que tu sois venue! Je te jure, j’ai l’impression de ne plus voir personne en ce moment, c’est incroyable ! » J’éclate de rire, soulagée de voir qu’il n’insiste pas aujourd’hui, et ouvre ma salade. «
Je suis vraiment contente d’être là avec toi. Tu as beaucoup de boulot en ce moment ? Et avec Sally ça se passe bien ? » «
J’ai du travail par-dessus la tête » Ça ne m’étonne pas. Je ne pourrai jamais faire ce métier, trop de pression de la part des autres médecins, des patients, de la famille des patients, toutes ces personnes à gérer pendant que l’on essaie de soigner une personne. Je frissonne et commence à piocher dans ma salade tandis qu’il continue. «
Mon chef de service est un enfoiré de première et je suis complètement HS, mais bon… c’est ça la vie d’un interne! » Il éclate de rire et je suis rassurée de voir qu’il va bien. «
Sinon, les choses vont à merveille. Sally est formidable. Ça faisait longtemps que je m’étais pas senti aussi bien avec une femme » J’acquiesce et souris de nouveau. Depuis cette histoire avec l’américaine et puis avec son emploi du temps, ce ne doit pas être simple de faire des rencontres. Mais Sally est apparue dans sa vie. Elle comprend son mode de vie et ils sont tellement mignons ensembles. Parfois, je me dis que j’aimerai avoir la même chose. Machinalement, je touche ma croix et songe que ça m’arrivera bien un jour. «
Mais… » Je fronce les sourcils tandis qu’il détourne le regard. Je n’aime pas beaucoup ça. «
Mais ? » Il réfléchit tout en jouant avec sa bouteille. Ca m’inquiète vraiment d’un coup et je m’attends à entendre une mauvaise nouvelle, un truc qui va remettre en question son bonheur et donc ma vision du bonheur. J’attrape de nouveau ma croix et retiens ma respiration. «
Elle est ici. Heather est ici. Enfin, elle vit à Cambridge, mais… » Je soupire de soulagement et cherche un instant qui est Heather, avant de me souvenir de cette jolie rousse qui lui a fait beaucoup d’effet quand il est parti à New-York, il y a quelques années. «
Vous vous êtes revus ? C’est toi qui l’as retrouvée ? » Je me tais quelques secondes puis enchaine avec une nouvelle slave de questions. «
Mais ? James, que se passe-t-il ? »
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