J’ai la main levée, et Monsieur Blake me fixe avec un air suppliant. J’ai onze ans presque douze, et dans ma classe, la moyenne d’âge est de quinze ans. Je suis ce qu’on appelle un surdoué. Je viens d’une famille modeste. Mes parents sont de simples ouvriers, ma sœur une fille normale, mais moi non. Et si Blake est aussi peu sûr de lui, c’est qu’il sait qu’une fois de plus, je risque de le mettre très mal à l’aise. Ce n’est pas de ma faute. Il y a de ça quatre ans maintenant, les médecins me diagnostiquaient un Déficit d’Inhibition Latente. En fait, mon cerveau fonctionne… mais trop vite. Il gère mal le flux d’informations, ne sait pas ce qui est de trop, ou ce qui ne l’est pas. Ainsi, en vieillissant, soit mon cerveau finissait par se surcharger d’infos. Soit il évoluait. Soit je devenais une sorte de barjot, soit je devenais un intello. C’est la deuxième option qui a primé. J’ai de la chance. Et Blake aujourd’hui n’en a pas.
Tout a commencé par des migraines répétées. Problèmes de sinus ont-il d’abord pensé avant de m’opérer des végétations. Ensuite… suspicion de tumeur. Mais l’IRM ne montrait rien. Ne restait que la cause mentale et par chance, le psy avait tout remarqué. Ma pathologie n’est pas vraiment une maladie en fait. Pour vous la décrire… disons que rien ne me semble être une information parasite. Par exemple, mon cerveau s’attarde sur toutes les conversations qui m’entourent, le vôtre ferra le tri, la conversation à laquelle vous participez sera considérée comme privilégiée, et les autres ne seront qu’un bruit de fond. Pas chez moi. Imaginez les migraines…
L’avantage, c’est que ça n’a fait que faire évoluer ma mémoire, et mon sens logique. Je ne suis qu’un gosse, préado, plongé dans une classe de préadulte. Je n’ai pas d’amis. Je suis trop jeune pour participer à leurs soirées, je ne suis pas assez fort en sport pour adhérer aux groupes de mon âge. Je ne suis pas la victime non plus. Je suis… le protégé de la classe même. C’est lourd. Et puis, il faut un surnom affectueux. Mon premier prénom est Daryl. Tout l’monde m’appelait comme ça au début. Mais ils ont découvert que le second est Parker. Alors, comme j’ai des lunettes, que j’aime les trucs louches… ils m’appellent Peter Parker du matin au soir. Ce n’est pas méchant. Et puis c’est une idée de Bradley.
Bradley… un de mes camarades de classe qui veut sortir avec ma sœur ne me parle que par intérêt. Ma sœur ne l’aime pas. Parce que ma sœur est une fille un peu matérialiste qui ne s’attardera jamais sur un ado boutonneux comme Brad.
« Oui, McPherson ? » « Monsieur, vous avez fait une erreur […] ce qui m’amène à déduire que le GAP est tout aussi important que la cellule elle même ! »Le prof balbutie, et je crois qu’il doit penser que je suis un putain de monstre. Il faut dire qu’il n’aurait pas tort. Je connais plus de choses que ce type, et je n’ai qu'onze ans. On ne peut pas me faire passer une autre classe parce que je serais beaucoup trop jeune. Règle idiote, j’ai autant mes chances que les autres ! Tant pis si j’ai un train de retard à cause de mon âge en sport. De ce que j’ai pu lire, dans toutes les cultures guerrières, les plus jeunes sont éduqués par la rudesse des plus âgés. Quelques bleus ne me feront pas de mal, et durciront mon esprit !
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« Hey Peter Parker ! T’es encore en train de dessiner des trucs glauques ? » Tonne la voix de Brad. Nous passons nos gros examens d’ici quelques jours, et nous révisons… et vous savez ce qui est le pire ? C’est que c’est sa mère, qui me donne de l’argent à moi, pour lui donner des cours de soutien à lui… plus âgé que moi. Je ne suis pas inquiet, j’aurais cette prépa’ sans problèmes, mais lui pour ses partiels, c’est pas gagné. Il est con, pas méchant, mais vraiment con. Nous avons rendez-vous dans un bar, il a dix-huit ans, j’en ai quatorze, bientôt quinze. D’un geste rapide, il m’arrache mon papier des mains, et s’étonne de ce qu’il y trouve. Il point le tout du doigt.
« Dis-moi… c’est le numéro de ton psy ? » J’esquisse un petit sourire, et je secoue la tête de droite à gauche, tandis qu’il tourne les pages et me toise avec des yeux ronds.
« C’est.. c’est… c’est jamais la même écriture. Tu t’fous de ma gueule Parker ? Comment t’as fait pour gratter les numéros de téléphone là ? C’est des écritures de nanas ? »Je lance un coup d’œil vers lui, je ne réponds pas, je me contente d’encadrer l’un des numéros avec mon critérium. Il semble que les filles aiment aussi les gens intelligents.
« Tu ne dois pas tout faire pour plaire à ma sœur ? » Je le snobe, il m’agace, je l’agace… on s’agace. Je reprends mon verre, diabolo menthe, je suis trop jeune pour avoir droit à une pinte, c’est dire comme je suis blasé.
« Bon va réviser… si t’as pas ton examen ta mère va vouloir que je lui rembourse une partie de l’argent qu’elle m’a donné. » *****************************
Je suis fier de moi. Drapé dans ma blouse impeccable. Derrière moi, mes ainées dans l’amphi fixent mon dos. Et moi j’ai les yeux rivés sur une gravure D'Hippocrate, afin de prêter le serment :
« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants :
Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon avoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.
Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.
Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille.
Dans quelque maison que je rentre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.
Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.
Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire et mourir dans la tristesse. »Le recteur de la faculté de médecine signe finalement mon diplôme. Je viens d’obtenir mon diplôme de médecine. Une année de prépa, trois ans de fac, trois ans d’école et de stage, et une période d’internat. J’ai vingt-quatre ans, bientôt vingt-cinq, et j’ai un diplôme de médecine. On m’applaudit fortement, je suis tellement fier. Je suis l’un des plus jeunes diplômés du siècle. Mes résultats prodigieux de ma jeunesse m’ont conduit à pouvoir étudier la médecine à Cambridge, et me voilà maintenant Docteur en Médecine.
Mes parents sont au fond, Heather aussi… il n’y a pas Brad… heureusement, ce type commençait à me taper sur les nerfs. Je sais qu’il se tape ma frangine, mais c’est pas une raison pour nous l’amener à chaque fois. C’est un présentateur télé. Rien de plus.
Moi… moi je compte travailler comme doc, et me focaliser dans un domaine. Biochimie peut-être ? Cytologie ? Histologie ? Je ne sais pas encore.
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« Et maintenant sur Plymouth Anthem l’interview inédite du jeune Docteur Daryl Parker McPherson ! Messieurs ne soyez pas jaloux ! Mesdames… voyez qu’on peut être beau ET intelligent, nous les hommes ! Alors Daryl le choc… un prix international pour une découverte… à votre âge. Qu’est-ce qui peut vous arrêter ? » Clame haut et fort Bradley Levingston, il est à présent le journaliste vedette de la chaine locale Plymouth Anthem, et actuellement, il s’efforce d’étirer ses lèvres pour montrer à tous les belles dents blanches que lui a fait son dentiste.
« La mort sans doute… » répondis-je, avec tout le sérieux dont je dispose. C’est vrai. Bradley est choqué, il marque une pause, me fixe avec des yeux ronds, avant de se retourner vers la caméra en secoua son brushing blond parfait.
« … Ce type est GE-NIAL ! » lance-t-il. En réalité, il a envie de me tuer, et il est mauvais acteur. Sa tempe est prête à exploser, ses lèvres tremblent presque. Je l’agace, il me hait sans doute. Voilà trois heures que nous refaisons non-stop cette interview inutile et longue à laquelle j'ai accepté de me plier, uniquement parce que Brad fréquente ma sœur, et que cette dernière est heureuse de nous voir amis, lui et moi. Le hic, c’est qu’il ne m’aime pas. Mon avis ? Brad est un type gentil. Ses parents ont de l’argent, il est un peu bête, mais pas bien méchant, et ma sœur l’aime bien, alors par allégeance, je l’aime bien aussi.
« Non mais… c’est pas une blague, si je meurs, il sera impossible pour moi d’obtenir un autre prix… c’est logique. » Répondis-je donc, en le fixant comme s’il était le dernier des crétins. C’est involontaire, je sais qu’il est idiot mais je ne tiens pas à la ridiculiser pourtant. Ce type veut m’interroger sur la science. Je suis presque certain qu’en lui parlant des Trous de Vers il risquerait de frôler l’AVC tant c’est compliqué pour lui.
« Coupé, coupé ! Daryl… On avait répété, tu devais éviter de sortir des trucs comme ça. Pense télé ! Pense… illogisme. » Ryan, le metteur en scène est épuisé. Lui aussi je l’agace et il me hait. Phil le caméraman est dans la même optique, tandis que Liz, la stagiaire qui amène les cafés… elle semble plutôt amusée. Je crois que je lui plais. Sans doute devrais-je lui offrir un verre plus tard.
« La logique est le fondement même de l’esprit humain. » « Oui mais pas à la télé ! Et passer pour un être humain banale avec des idées normale est le fondement même de la télévision, or tu es à la télévision. Et parler de la mort avec autant de détachement c'est flippant pour le commun des mortels ! » Sur le coup, je sens que Ryan perd patience. Trois heures, et nous n’avons aucune image digne de ce nom.
« Les gens ne sont pas idiots à ce point quand même ? » soufflai-je en croisant les bras. Je prends un air déçu, et je baisse les yeux vers mes chaussures.
« Allez, dernière prise… j’vais être sympa. » Ils comptent de nouveau, Phil fait un balayage pendant que le jingle sonne, et Bradley répète avec exactement la même intonation son texte. Est-il une sorte de robot ?
« Et maintenant sur Plymouth Anthem l’interview inédite du jeune Docteur Daryl McPherson ! Messieurs ne soyez pas jaloux ! Mesdames… voyez qu’on peut être beau ET intelligent, nous les hommes ! Alors Daryl le choc… un prix international pour une découverte… à votre âge. Qu’est-ce qui peut vous arrêter ? »« Hey salut ! Je dirais que… la science peut m’arrêter ! »Phil lève le pouce, Liz aussi, Bradley fait son sourire de débile. Je note d’ici que ses dents sont fausses, aussi fausses que la contrefaçon de montre qui encercle son poignet. J’ai envie d’en parler d’ailleurs, maintenant que je l’ai remarqué, mais je me tais, et je me contente d’avoir l’air aussi stupide que lui, avec un sourire léger, les yeux pétillants et les lèvres légèrement humides pour rendre bien à la caméra.
« À vous voir, on s’imagine qu’un homme comme vous a tout pour réussir ! Jeune, dynamique, intelligent. Combien de femmes vous ont supplié pour que vous les demandiez en mariage. » Son sourire Colgate m’ennuie, je me vois presque dans le reflet de son faux émail dentaire ! C’est prodigieusement ridicule. Et sa question l’est tout autant.
« J’attends d’avoir un prix Nobel avant de songer au mariage. » « J’A-DORE ce type ! » lance-t-il avec un rire forcé et une œillade vers la seconde caméra. Il lit ses fiches.
« Alors comment on en vient ici ! Quels sont les secrets de l’intelligence selon vous ? »
Je le fixe d’un air songeur. Je sais ce que je veux dire. Me lancer dans un grand monologue, mais je fais la chose la plus stupide qui soit, j’étire un sourire profondément idiot, et je lance quelques mots.
« Manger du poisson, travailler à l’école, et faire preuve de bonne volonté, tout simplement. » Comme si le poisson et la bonne volonté pouvaient changer quoi que ce soit. Brad note mon malaise, et il lève discrètement le pouce pour m’encourager à continuer comme ça. Il reprend.
« Genial ! Pourquoi j’ai dis génial, je devais dire fantastique. » beugle-t-il finalement en se lèvant pour balancer ses fiches en l’air. Je joins mes mains, m’installe un peu plus confortablement.
« Coupé… on a quelques prises, on va se concentrer sur le reste maintenant, d’accord ? » *****************************
Je bâille, et mon menton glisse doucement le long de ma paume. Tant et si bien qu’il finit par déraper et je manque de tomber la face à la première contre la table nappée de blanc sur laquelle brille des chandelles. On y a éparpillé des pétales de roses… et je sais que ce ne sont pas des vrais. Plastique et papier, trempés dans du parfum de rose. La bougie est à la lavande je crois, et les deux odeurs me font plus tourner la tête que la bouteille de Saint-Emilion que je me suis enfilé presque tout seul. Les gens dansent s’amusent. Je lève les yeux finalement, fixant autre chose que mes pompes. Elles sont bien cirées, pile à ma taille. L’ourlet de mon pantalon aussi. Je porte un costume hors de prix que je ne porterai qu’une fois de ma vie. Ou deux si je me marie un jour… ou trois s’il me va encore lorsque je devrais être mis en bière.
Devant mes chaussures, une paire de talon rouge. Quelle idée de porter des talons rouges pour un mariage. Ses chevilles sont un peu maigrelettes, je crois qu’elle va avoir un problème osseux, ses malléoles sont un peu plus larges que ce qu’il faut. La propriétaire de ses talons a sûrement été la victime d’une ou deux entorses. Ses tibias sont longs, ses collants bien mis et je n’ai qu’à suivre une couture. Joli genou… wow jupe courte. Un tailleur rouge. Je finis par planter mes yeux noisette dans ses yeux clairs. Elle est blonde, bien faite, jolie… outch je reconnais l’air narquois de la famille de Bradley. Et puisqu’elle est jeune, je songe à une cousine.
« Tu m’amènes danser un peu ? »Je cligne des yeux bêtement, je soupire, et me tourne pour me servir un grand verre de vin, que j’avale presque cul sec. Il me faut au moins ça pour me motiver à aller danser. Je n’ai pas envie de le faire, mais il faut faire bonne impression, alors bonne pâte, je le fais quand même. J'offre mon bras avec élégance, et nous prenons la direction de la piste de danse où nous nous agitons en rythme – et bien que vous devez tous croire que je suis une sorte d’alien, passionné par la science, les larves et les jeux vidéo – je suis aussi un très bon danseur. Et je tiens aussi très bien à l’alcool. Valse, rock, musique moderne, on s’éclate une bonne heure. Je finis par prendre congé. Il faut que j’aille manger un bout. Quelques toasts au foie gras, au saumon et un petit coup d’eau pour faire passer le tout, avant de prendre la direction des toilettes.
« Hey Peter Parker ! » J’entends des pas derrière moi, je roule les yeux vers le plafond. Je hais quand il m’appelle Peter Parker. Je me tourne vers Brad et son costume aussi blanc que ses dents. On dirait le cliché d’un ange dans un film. J’ai envie de lui cracher dessus. Pas parce que je l’aime pas. Juste parce qu’il doit me rester un peu de vinasse dans la salive, et qu’un peu de rouge sur l’immaculée blancheur de sa tenue ne pourrait que lui faire du bien. Il m’agrippe la main, et la secoue.
« Ton discours était terrible mon pote. »[/b]
[b]« Me tape pas dans l’épaule, j’ai l’acromion qui grince depuis samedi. » Samedi, j'étais à une compétition de waterpolo. J'en fais plusieurs fois par semaine. Il faut des passes temps dans la vie d'un scientifique.
Vous devez vous demander ce que je pratique exactement ? Et comment je fais pour le faire alors que j'ai le nez dans des trucs bizarres le plus souvent ? Je fais comme je peux en fait.
Lundi, mercredi vendredi et parfois samedi quand nous avons une compétition, je fais donc du waterpolo, ça remet en forme et ça sculpte le corps. Régulièrement les soirs, quand je n'ai rien à faire, je bouquine, ou bien je joue à la console. Le samedi soir est propice aux sorties quant à lui, pour rencontrer des gens, m'amuser un peu, boire aussi.
Bref, malgré ma demande, Brad me tape quand même l'épaule.
« Et, t’as juré de danser avec ta sœur ! Tu sais qu’elle te cherchait tout à l’heure, elle voulait faire des photos avec toi ! T’étais où ? » « Je me bourrais la gueule. » Il n’écoute même pas ce que je lui dis. Je suis le type bizarre de la famille, celui qui peut fabriquer une bombe avec la savonnette de la salle de bain, et qui connait le nom de chaque bactérie qu’on peut trouver une part de tarte aux pommes. Il s’en branle de ce que je peux dire.
« Ah la voila ! Chérie ! Chérie… Heather ! J’ai trouvé ton frère. » J’ai envie de disparaitre dans le mur. Mais Heather nous fonce dessus. Elle aussi est immaculée, souriante et tellement contente. Pourtant je note la trace subtile de mascara le long de sa pommette et je pense qu’elle a pleuré sous l'émotion, ou le stress.
« Daryl, tu te souviens que tu m’as juré de danser avec moi. J’ai le droit à tout ce que je veux aujourd’hui. » Il n'y a qu'elle pour m'appeler Daryl.
Bradley rit bêtement en nous tenant les épaules. C’est quoi son problème avec les épaules ?
« Ouais oui… mais là je prévoie d’aller aux toilettes… j’ai sifflé une bouteille complète. » « Une bouteille de complète ? »« Presque oui. Et j’ai aussi dansé avec une fille. » « Heeeey regarde ce tombeur Heather ! »Je fixe Brad avec un air un peu songeur. Il se fout de ma tronche, mais j'ai toujours eut beaucoup plus de succès que ce type. Sur ces trois dernières années, il n’a mis la main que sur ma sœur, tandis que moi et bien… j'ai été plus chanceux. J’ai envie de le lui claquer dans la tronche, mais n'étant pas quelqu'un de méchant, je me contente d'avoir un sourire un peu bête et d'agiter la tete de haut en bas.
« Je crois que c’était ta cousine… ou ta sœur. » Il perd son sourire, moi je ne note même pas qu’il a mal pris mes paroles. J’hausse les épaules, et fixe Heather. Pour le meilleur et pour le pire qu’elle venait de dire à l’église… jusqu’ici je ne note que la seconde partie du contrat. Le pire. Allez Parker courage ! Un mariage ce n’est pas aussi chiant que ça ! Et c’est pour Heather. Vive les mariés.
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« Vous avez bien vingt-sept ans ? » m’interroge la voix sévère et gutturale de l’homme qui me fait face.
« Oui. » Soufflai-je, loin d’être impressionné, en m’installant un peu plus confortablement dans le fauteuil qui faisait face au bureau.
Il y a de ça quelques semaines, j’avais décidé de postuler à l’université d’Oxford. En fait, c’est le hasard et la curiosité qui me poussaient à agir ainsi. J’avais décroché un job à l’hôpital, et comme beaucoup de médecins spécialisés, j’arrondissais mes fins de mois en donnant des cours. Et quitte à faire les choses, autant les pousser jusqu’au bout. Autant donner des cours dans une des écoles les plus prestigieuses du monde.
« Vous êtes… Docteur en Médecine. Interniste, spécialisé en Endocrinologie. » Lança-t-il d’une voix qui transpirait l’étonnement. J’y suis habitué, je suis très jeune, et trop capé pour mon jeune âge, on peine à me prendre au sérieux au début.
« C’est exact »« Vous avez publié plusieurs papiers sur la biologie, la biochimie. L’histologie, et les biostatistiques. » Il a l’air passionné parce qu’il lit. Un féru de sciences, j’en suis sûr !
« C’est vrai. »« Et vous avez été récompensé par plusieurs prix de chimie. Je ne vois aucune raison de vous refuser ce poste Dr McPherson. Bienvenue à Oxford ! Voici votre contrat. » Il se lève en me présentant la pile de papier que je m’empresse de lire. Le contrat est relativement libre. Obligation de donner huit heures de cours par semaine au minimum, d’être disponible pour les élèves au moins par mail, et de faire des permanences dans le quartier des sciences. Ce n’est pas un problème du tout. C’est ce qu’il me fallait. Je fais tournoyer le stylo entre mes doigts, et je signe avec un air satisfait, avant d’échanger une poignée de main.
« Betty vous fera visiter. ».