CAL— I am happy and sad at the same time, and still trying to figure out what it could be.

Stoke-on-Trent est une charmante petite ville du staffordshire. Charmante certes, mais beaucoup trop petite et beaucoup trop provinciale pour Charlie qui ne rêvait que de s’envoler vers la métropole qu’elle considérait comme une porte ouverte sur le monde en général. Malgré son caractère plutôt introverti et son amour des balades dans les champs gris et verts de la campagne anglaise, Charlie se languissait de la grande ville, n’ayant jamais réussi à s’adapter à la population de son lieu de naissance. De la primaire au lycée elle fut la fille légèrement effacée, à qui l’uniforme permet de se fondre au mieux dans la masse, celle à qui on parle pour savoir s’il y a des devoirs en religion ou en anglais. Celle qu’on invite parfois aux soirées mais qui ne fait jamais de vague. Celle sur laquelle on est obligé d’inventer des potins abracadabrants parce qu’on ne trouve jamais rien à dire. Bref, la fille sympa, la bonne copine mais qui n’intéresse jamais vraiment personne. La meuf dans son monde qui passe le lunchbreak à la bibliothèque. Vous voyez, le genre à écrire des fanfictions chelou sur des personnages que personne ne connaît.
Fille unique de parents qui avaient justement déménagé à la campagne pour s’éloigner du brouhaha de la ville, et qui n’avait en tête que de se sortir de la torpeur des cottage et des maisonnettes pour se replonger dans le flux incessant des taxis, du tube et des bus rouges.
Ainsi, après une scolarité marquée par d’excellents résultats, quelques bullyings, et de nombreuses visites chez le psy, il fut d’actualité de se choisir une voix.
Et justement, Charlie est en fait vraiment le genre de fille qui écrit des fanfics. Simplement, elle les écrit bien et avec des personnages de son invention. Décidant que vouloir être romancière était un choix bien trop farfelu et risqué, elle décida de se lancer dans les études de cinéma. Plus particulièrement dans l’écriture de scénario, avec comme plan B de se former au métier de scripte en parallèle.
La voilà sur le quai, qui embrasse papa-maman, avec ses valises. La petite provinciale se jette dans le monde cruel et sans pitié de la capitale anglaise, les yeux brillants, pleine d’espoir. Elle oublie trop vite, parmi ses rêveries, qu’elle n’est qu’une fille banale, avec de l’hypersensibilité, de l’intelligence en trop et des troubles de la concentration en plus. Soit des choses qui ne se voient pas au premier regard et surtout ne sont pas forcément pratiques dans la vie de tous les jours. Certes être sensible est bien pratique pour écrire des histoires pleines d’émotions à vous tirer des larmes, mais pleurer parce que personne n’a mangé la dernière frite au fond de la barquette, ou récupérer les peluches oubliées sur les trottoirs pour les recoudre les laver et les garder précieusement, ce n’est pas nécessairement une bonne chose : c’est même plutôt de quoi te faire passer pour la weirdo de base. Heureusement, il y a un endroit à Londres ou les weirdo aux fringues chelou et aux passe-temps étranges ont leur place : Shoreditch. Après un an passé dans un quartier périphérique lambda, Charlie déménage donc dans une colocation près de la station Moorgate, à l’est de Londres. C’est bien moins cher que ce qu’elle pensait mais il faut tout de même payer le loyer, et une farouche volonté d’indépendance l’empêche de demander à ses parents la différence. La voilà donc qui partage son temps entre les études, l’écriture, le sauvetage de peluches, le poste de script sur quelques tournages et la vente de fringues chez Topshop. Et pour une fois, être adhd aide : l’hyperactivité a quelque fois du bon.
Du côté des amours, c’est plutôt chaotique. Après une énième relation avec une fille ratée, Charlie réalise que ce n’est pas parce que tu veux quelqu’un dans ton lit que tu peux construire quelque chose avec : on limite donc les filles aux relations courtes, et on décide de s’intéresser davantage à la gent masculine. Problème : rentrer ivre morte au bras d’un charmant jeune homme et éparpiller ses fringues chez lui ne suffit pas à le faire tomber amoureux. Et comme chaque échec égale une nouvelle coupe de cheveux, autant vous dire que miss Leigh change souvent de tête, ce qui n’est pas sans déplaire à la faune hipster de son territoire de prédilection : qui eut cru qu’un look bâtard, entre jeune fille faussement sage, preppy et grunge, puisse lui faire rencontrer des gens ? Et pourtant, elle découvre cette tendance typiquement urbaine de se faire intégrer aux cercles sociaux grâce à twitter et à la manière dont on est vêtu, et ce n’est pas franchement pour lui déplaire, d’autant que son côté zarbi semble être apprécié, au moins autant que le fait qu’elle sache écouter (les gens étant une source d’inspiration intarissable pour elle), et se taire étant assez populaire parmi des gens qui adorent parler d’eux.
Durant sa quatrième année à la Central film School, elle postule pour l’emploi de scripte sur le tournage des Maraudeurs et, sans doute grâce à une lettre dithyrambique de sa professeure préférée et un entretien dans lequel elle montre toute sa motivation, obtient le poste à sa plus grande surprise. Elle se réveille le lendemain après avoir fêté ça dans le lit d’un jeune homme, entre lui et une jeune femme aux longs cheveux bruns. Elle réalise que tout gérer à la fois va être compliqué. Mais elle se dit que ce n’est pas grave, rentre chez elle, prend une douche et part au boulot. Sur son téléphone, sept sms non lus et neuf messages vocaux. Qu’elle écoutera sans doute plus tard, comme elle fera tout le reste. Parce qu'elle mène sa vie à tâtons en essayant de ne pas se noyer dans le torrent de ses émotions.

→ Hello gorgeous ! Je t'offre un verre? Allez, allez, pas de chichis, assieds-toi, on va discuter un peu toi et moi. Déjà, j'ai une question essentielle. Vraiment, c'est primordial pour savoir si oui ou non on peut s'entendre. T'es plus team James ou team Severus? James m'agace un peu parce que je le trouve arrogant. Pis j'aime pas les personnages trop manichéens tu vois ? Bah James il est trop manichéen. J'aime le côté loser ténébreux aux cheveux gras de Severus.

→ Okay love... Bon sinon, tout à fait sérieusement, ce serait quoi ton plus gros défaut? Et on est pas en entretien d'embauche, me dit pas que vraiment, tu aimes trop travailler. Ben, si, j'adore travailler, ça m'occupe, je déteste ne rien faire. Mais bon pour te répondre, mon plus gros défaut c'est sans doute que je ne sais pas communiquer. Je ressens plein plein de trucs en d'dans mais impossible de les exprimer en général. Et pas savoir dire ce qu'on ressent quand on est hypersensible bah c'est con quoi.

→ Boooon, on s'emmerde un peu là non? Je reprendrai bien un petit blanc, tu veux quoi quoi? Tiens, c'est quoi ton alcool préféré? Haha, ça va faire totalement cliché mais j'aime beaucoup le gin, je le bois à toutes les sauces. Enfin façon de parler. Et sinon j'aime bien la vodka et la bière.

→ Still boooooored. Raconte moi un truc fou que t'as fait. Et je veux dire FOU, pas j'ai sauté dans la Tamise quand j'étais bourré(e) Je sais pas si c'est vraiment fou mais un jour j'ai vu un mec qui me plaisait dans un bar et au lieu d'aller lui offrir un verre comme un être humain normal j'ai volé sa veste qui était sur le dossier de sa chaise. Un peu plus tard je l'ai appelé en lui disant que je m'étais trompée et que je l'avais prise, mais je sais pas pourquoi, je l'ai jamais pécho.

→ On progresse là mon chou. Reprends un verre et raconte moi un secret maintenant ! C'est pas vraiment un secret quand on m'a déjà vue en manches courtes ou en short, mais je me suis automutilée pendant longtemps. Ça m'arrive encore parfois. Je fais ça parce que des fois la douleur dans la tête faut qu'elle sorte par quelque part.

→ Ouuuh, croustillant ! Pour digérer tout ça, je changerais bien la playlist, non? Tu aimerais voir qui en concert toi? Euh, sans doute Arcade Fire, ou les Franz Ferdinand, ou The Swiss... Ou peut être Belle et Sebastian, enfin c'est plus trop possible maintenant anyways hein.

→ Sinon handsome, c'est quoi ton fantasme absolu? Tu peux tout me dire, rien ne me choque tu sais et si ça se trouve, je pourrais faire quelque chose pour toi... Enfin, je veux dire, je connais des gens quoi Hm franchement je sais pas, peut être déjà coucher avec quelqu'un dont je serais amoureuse ? Et sinon, euh, sans doute le faire en plein air, ou un truc avec de la bouffe ? j'sais pas trop en fait. J'y ai jamais réfléchi.

→ Petit cochon va ! Pendant qu'on est sur le sujet tiens, ton meilleur coup? Déjà on va devoir compter parmi ceux avec lesquels j'étais sobre et ça réduit vachement la liste. Mais je dirais le meilleur ami d'une de mes ex. Ouais je sais ça se fait pas trop, j'ai déconné. Elle me parle plus. Lui non plus d'ailleurs.

→ Houu, je vais avoir besoin de tequila pour avaler ça. No pun intented ! Pire gueule de bois, c'était après quoi? C'était après mon déménagement à Shoreditch je pense, avec mon coloc on a fait tous les bars de la rue, et on a pas réussi à remonter les escaliers alors on a dormi dans le couloir. Le lendemain a été assez atroce.

→ Haha pas mal ! Pour conclure, surprends moi. Raconte moi ce que tu veux. Je vais faire de toi un personnage pour un de mes scénarii, et au lieu d'être la meuf qui flirte que tu es, tu seras une banquière mal dans sa peau qui arrive pas à connaître son orientation sexuelle. je te ferai rencontrer un homme trans et vous finirez par adopter des enfants. Mais tu seras qu'un personnage secondaire, genre une amie du héros ou de l'héroïne, ou une voisine, ou une vague connaissance, quelque chose comme ça. Mais ça fera de la représentation et ça choquera un peu certains, ça sera cool. Peut être même que tu entameras une transition à un moment, et que tu déménageras à Stoke on Trent pour échapper à la ville. Stoke on Trent c'est le bled ou je suis née. C'est au milieu des champs c'est sympa.
Enfin de toute façon ça affectera pas vraiment ta vraie vie, vu qu'on est pas dans le même niveau de réalité.