(سهير) happy, free, confused and lonely at the same time.

J'aime ma vie. Enfin ma nouvelle vie.

Me réveiller chaque matin, à 6h30, courir une vingtaine de minutes, prendre ma douche, me préparer, arriver au travail à 8h45. Travailler jusqu'à 13h30, prendre une demi-heure pour manger ma salade, boire un jus de fruit, rigoler avec les collègues, reprendre le travail. Rentrer chez moi à 20h, dîner, me changer, sortir avec des connaissances, des collègues, des amis. Revenir chez moi, dormir. Et rebelote. Ce rythme ne me manque pas. C'était mon quotidien il y a un peu moins d'un an. Quand je me réveillais le matin avec des objectifs à atteindre. J'avais des listes pour tout, le travail et ma vie en dehors. Je planifiais tout. Et puis un jour, l'entreprise à qui j'ai donné mes plus belles années a fait faillite. Mais je décide de voir cela comme une opportunité.

Aujourd'hui, je peux me lever quand je veux, passer mes journées comme cela me chante. Nul besoin de planifier, NO ONE CARES. Certes, mon loft me manque. J'ai dû le délaisser et revenir vivre chez mes parents. Retour à Little Venise... One can do a lot worst. À la maison, retour au chaos multiculturel et riche en amour inconditionnel qui a bercé mon enfance et qui a paradoxalement fait de moi une personne à listes. Ce matin, à table, mon père me fait un énième discours pour m'inspirer et me rassurer. Il me ressort le récit sur ses grands-parents et leur arrivée en Angleterre. Des immigrants libanais qui ont fui la guerre et qui auraient eux aussi leurs moments de difficulté de difficulté avant de réussir. Pas certaine en quoi nos situations sont comparables, mais comme toujours, je l'écoute déblatérer à moitié en arabe, à moitié en anglais, avant de déposer un baiser sur son crâne dégarni en me levant. "Thanks, baba." Je mets mon assiette et couverts dans le lave-vaisselle et monte à l'étage avec mon café. "Mamá? Where are you?" Je la retrouve dans sa salle de bain, entrain de se coiffer. "You ate, mija?" J'acquiesce. "The pancakes were really good. Loved the smiley face in Nutella, and the strawberry nose, nice touch!" Je lui adresse un grand sourire. Ma mère me baigne d'amour comme elle peut. Quand elle ne travaille pas, elle me prépare de bons plats, me propose des sorties shopping ou encore d'aller nous faire des manucures. A vrai dire, j'ai l'impression d'être en vacances... Des vacances interminables. Que demander de mieux, right ?

Pourtant, alors que je passe un crayon noir sous mes yeux, j'ai une boule au ventre. Aujourd'hui, je revois the old gang. Gaby, Jaya et tous les autres. Autant je n'ai aucun mal à mentir aux amis que je me suis fait dans ma vie d'adulte, aux connaissances, aux inconnus, autant avec eux, ça m'est insupportable. Ma conscience me ronge à chaque retrouvaille, depuis onze mois. Ces filles et garçons, devenus femmes et hommes, c'est ma seconde famille. On était une bande d'amis au lycée, et même si on s'est perdus de vue par moments dans nos vies à la sortie, we always found our way back. Pour eux, je suis toujours la Souhir Haddad, avec sa série de bonnes notes et ses grandes ambitions, qui a réussi sa vie. Je ne veux pas qu'ils me voient comme une fille qui vit chez ses parents à vingt-neuf ans.

Alors je réviserai ma liste d'anecdotes à aborder sur le travail avant de partir - il faut bien faire attention à ne pas se répéter, et à force de raconter des salades depuis un an, j'ai un système maintenant - et je sourirai, comme si de rien n'était. Everything's gonna be okay.