Atomic Thunderbolt ◊ Isaiah

C’était souvent l’une des premières consignes que l’on donnait à ses enfants, et la mère de Casey Saylor n’y avait pas fait abstraction. Ne jamais adresser la parole à un inconnu. Force était de constater depuis qu’elle n’avait pas suivi ce conseil. Et qu’elle ne souhaitait qu’une chose, se blottir dans les bras de sa mère. Elle refit plusieurs fois le film des événements dans sa tête, qui expliquait sa présence dans un des quartiers les moins sympathiques de Londres. Tout commençait avec ce verre de trop, qui était la suite d’un autre verre, d’un autre verre… Bref, vous avez saisi l’idée. Qu’est-ce qu’elle était conne d’avoir enchaîné toutes ces boissons aussi ! Se maudire n’y changeait malheureusement rien, même si les reproches qui pleuvaient intérieurement dans sa tête étaient tout aussi forts que les battements de son cœur, que s’ils continuaient, ils allaient finir par dévoiler aux autres individus sa position. Elle frémit à cette idée, essaya de se persuader qu’elle n’avait rien à craindre et que c’était comme les animaux – les autres allaient sentir sa peur, et ça, ce n’était pas envisageable. Elle s’engagea dans la rue, après avoir vérifié une énième fois qu’il s’agissait bel et bien de la bonne. Pourtant, elle avait accepté sans sourciller la veille, lorsque Jessie lui avait demandé ce service, ce qui lui paraissait inconcevable, maintenant qu’elle n’était plus sous l’emprise de l’alcool. C’est vrai qu’acheter de la drogue, elle faisait ça tous les quatre matins, et qu’elle avait la gueule de l’emploi. Elle avait bien tenté de faire semblant d’oublier en s’éveillant le matin, mais c’était sans compter sur Jessie qui l’avait harcelé de sms depuis, suppliant son amie de l’aider sur ce coup là, sinon c’était la merde, blablabla, mais les gens là bas étaient sympas, gnagnagna. Ouais c’est ça, ouais. Non seulement Casey ne savait pas dire non, mais en plus elle était le genre d’imbécile à n’avoir qu’une parole, oui tout ça à la fois. Elle était sûre que personne n’avait envie d’être dans ses baskets à cet instant précis. Et elle non plus.

Le mec qu’elle devait retrouver était un certain Atomic Thunderbolt, pas du tout pompeux et clinquant comme nom, comme on pouvait le voir. Comment le reconnaître ? Apparemment c’était facile, et elle allait s’en rendre compte en le voyant. Super, merci Jessie. Une ombre surgit brusquement dans l’angle de l’allée, et malgré elle, Casey se figea, trahissant probablement son malaise. Atomic… ? Impossible de dire le pseudonyme en entier, elle se sentait ridicule rien qu’en le prononçant. Qu’est-ce que c’était dure d’être « consommatrice » de drogue, sérieux.

atomic thunderbolt

Fallait bien arrondir tes fins de moi. T'étais pas fière de vendre de la dope mais c'était un boulot comme un autre. Et étant en pleins études, tu n'avais pas encore de qualifications ou autre pour pouvoir trouver quelque chose de légal. Surtout que tu n'avais pas forcément le temps. Entre tes cours, tes devoirs, tes entraînements de natation, tes révisions pour ton retard accumulé, non tu n'avais pas le temps. T'aurais pu trouver du boulot pour cet été mais vu que tu changeais d'université à la rentrée, tu ne pouvais pas perdre le rythme de la natation. Oui, tu avais la pression pour le coup. Alors tu te donnais à fond pour ne pas perdre la main. Et l'argent et bien, tu le prenais là où tu pouvais. Bien sur, tu aurais pu continuer de voler par ci par là, mais maintenant tu avais bien trop à perdre si tu te faisais prendre. Tu ne pouvais pas prendre ce risque. Tu souriais d'ailleurs en pensant à ça. Parce que, vendre de la drogue ce n'était pas moins risqué. Enfin, tu pourrais toujours dire que c'était pour ta consommation personnelle, tu ne sortais jamais avec une trop grosse dose. Comme pour la commande d'aujourd'hui. Même si ce n'était pas ta livraison de base. Un remplacement comme tout ce que tu faisais dernièrement. Atomic Thunderbolt, le pseudo du jour. Ils ne pouvaient pas faire plus compliqué visiblement. Mais bon, c'était une assurance pour être certain de ne pas vendre au mauvais client. Le petit paquet dans ta poche, tu te dirigeais vers le lieu de rendez vous. Clope au bec pour ne pas faire le mec qui guettait, tu avançais tranquillement. L'allée arriva à ta portée et tu t'y engouffrais. Une silhouette y était déjà présente, surement l'acheteur. Ou plutôt l'acheteuse vu la carrure. Et pas n'importe qui. " Miss Sainte Nitouche en personne. Et bien et bien en voilà une surprise. " Tu t'étais retenu de rire, te contentant d'un simple sourire posé sur tes lèvres. Tu t'approchais d'elle, quand même un peu secoué par sa présence. " Si on m'avait dit un jour. T'es passé quand du côté obscure de la force ? "

Malgré elle, Casey s’imagina que l’ombre en train de s’avancer vers elle allait dégainer un couteau, et le lui enfoncer dans le ventre, en échos aux effroyables séries TV du samedi après-midi. Jessie ne l’avait pas prévenue que ce serait si effrayant d’aller récupérer de la drogue, surtout pour une personne un peu parano, comme elle. Elle fut fortement tentée de prendre les jambes à son cou, sans demander son reste, mais elle finit par se raviser au dernier moment. Non. Pas question de montrer sa terreur, même si cette dernière devait se lire sur son visage… qui se transforma en surprise, en perplexité quand elle découvrit que son interlocuteur était loin d’être un inconnu, et enfin le mépris, suite à sa remarque cinglante. Isaiah Reynolds. Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas vu déjà ? Sûrement parce qu’ils avaient été bons amis avant de ne plus s’adresser la parole, elle eut un sursaut au cœur, mais s’efforça de ne rien laisser paraître de son trouble, ce qui était plus facile, comme elle avait été piquée au vif. Excuse-moi, mais je ne vois pas en quoi l’envie de ne pas avoir de problèmes t’en pose un, justement, rétorqua t-elle, en croisant les bras sur sa poitrine. Quoi, parce que ce n’était pas son délire d’être une hors là loi, ça faisait d’elle une nana coincée ? Il pouvait toujours dire ça à son boss, tiens. Ou peut être pas. Et puis ce n’est pas pour moi, s’empressa t-elle de se justifier malgré tout, peu désireuse d’être si vite cataloguée, dans l’autre sens. On m’a demandé de venir ici. Elle se sentait bien conne d’ailleurs, maintenant qu’elle se retrouvait face à lui obligée de devoir s’expliquer. Jessie. Tu dois sûrement la connaître, Atomic Thunderbolt, ne manqua t-elle pas de lancer, et ce fut à son tour d’afficher un sourire narquois. Il pouvait bien se foutre de sa gueule, avec son pseudo de naze, il n’était pas mieux. Très discret comme nom. Enfin, tu fais ce que tu veux, dit-elle dans un petit soupir. Elle voulait juste partir d’ici et en finir. D’un autre côté, cette rencontre inopportune faisait remonter des souvenirs et tout une vie qu’elle avait pendant un temps oublié.

atomic thunderbolt

Ca t'amuses de la voir par ici, tu ne peux pas le nier. Jamais tu n'aurais pu t'attendre à la voir ici. C'était inimaginable d'ailleurs. Mais oui, tu en rirais presque. Pourtant, tu te contentes de lui lancer une petite pique. Vous aviez été amis autrefois ou du moins quelque chose qui ressemblait à ça. Et puis vos chemins s'étaient séparés. Le destin peut être, la dure réalité de la vie surement. Vous n'êtes pas du même monde. Vous ne l'aviez jamais été. Et pourtant là, elle se retrouve plongée dans le tien. Celui de débauche, rempli d'interdit. Celui dans lequel tu ne pensais jamais la voir. Alors oui, ça t'amuse. " Madame est toujours autant susceptible. Ca ne te va pas de vieillir. " Tu souris, tu lui souris. T'es ironique, voir sarcastique. Mais tu rigolerais presque de la situation. Malgré tout, tu dois la refiler ta came. Alors tu n'en fais pas trop. Tu ne peux juste pas t'en empêcher. " Ah oui, la fameuse excuse, ce n'est pas pour moi c'est pour un autre. Très fin Casey. " Clin d'oeil affirmé. Au fond, tu te doutes que ce n'est pas pour elle. Elle n'a pas l'air en manque ou droguée. Et ce n'est pas des vitamines que tu vends. Même si tu ne sais pas trop ce que c'est. T'es pas un adepte de ça même si tu le refourgues. Avec tous les tests qu'on te fait passer pour les compétitions, il ne vaut mieux pas que tu intoxiques ton corps. " Jessie ça ne me dit rien non. " Après tout, ce n'est pas ta commande de base. " Ouais sympa le surnom, mais tu vois, ce n'est pas le mien. Nous ne sommes que des intermédiaires très chère. " Tu forces exprès le ton, les politesses et les courbettes. Coller à son éducation, bien loin de la tienne. " T'as le fric ? Qu'on en finisse parce que tu n'as pas l'air de vouloir blablater sur notre passé autour d'un café je me trompe ? " Le plus étonnant serait qu'elle te contredise, mais ce n'était clairement pas le genre de choses qu'elle pourrait faire. Enfin selon toi.

Etonnant comme le hasard avait décidé de leur faire un pied de nez à tous les deux. Depuis quand Casez n’avait pas vu Isaiah ? Des lustres, ça c’est clair. Maintenant qu’elle y pensait, elle se souvenait que les rumeurs de ses parents en prison s’étaient plus ou moins fondées avec le temps. Au début, elle avait voulu faire la sourde oreille, comme si de rien était, et puis fatalement leurs chemins s’étaient séparés, parce qu’elle n’était pas assez vaillante pour traîner avec l’illégalité, et que l’insistance de Tekoa de faire attention à elle et à ses fréquentions avaient eu raison d’elle. A ses yeux, son frère jumeau avait toujours raison. A y bien regarder de plus près, ces excuses lui paraissaient bien futiles désormais, et pourtant, elle se voyait mal badiner avec son ancien ami, comme si de rien était.

Elle préféra ne pas relever. Oh non, elle n’allait pas rentrer dans ce petit jeu de la provocation. Cependant cela l’émoustilla quand elle constata que son interlocuteur ne la croyait pas une seule seconde. Non, vraiment, merci Jessie. J’ai rien à te prouver, elle haussa les sourcils, tout en voulant avoir l’air désinvolte. Elle n’était toujours pas plus à l’aise dans cette situation. Ironiquement, elle ne crut pas non plus aux explications de Reynolds. Ouais, genre. A sa demande néanmoins, elle farfouilla dans ses affaires, pour en sortir des billets, un peu froissés. C’est fou Isaiah, depuis le début tu n’arrêtes d’évoquer des suppositions à mon sujet, mais qu’est-ce que tu en sais, hein ? Tu ne me connaît pas. Plus en tout cas. Elle eu une petite expression de défi dans le regard. S’il découvrait son glorieux travail à elle aussi, effectivement, son discours risquait de changer. Ceci dit, elle était loin d’en être fière. Elle lui colla l’argent dans les mains, avant d’attendre la marchandise. En plus de ça, c’était faux, le garçon avait égayé sa curiosité au moment même où il était apparu, et mille questions lui traversaient l’esprit. Et comme on ne pouvait pas lui reprocher de prendre des chemins détournés, elle demanda directement, tu fais quoi maintenant ? Je veux dire à part vendre de la drogue ? Elle trouvait ça triste finalement. Que son ancien ami soient toujours dans les méandres dans lesquelles il était supposé être plongé.