The Oxbridge Christmas Benefit Concert ♦ w/ everybody

Neuf jours. Neuf jours était tout ce que j'avais pour mettre au point cet évènement. Sept jours m'ont suffi.

L'administration ne s'est pas faite priée pour accepter le projet. Comment refuser un tel projet il faut dire ? L'idée est bonne, appropriée et regroupe tout ce que notre université soutient : l'art, aider son prochain et montrer à Oxford qu'on est plus ouverts et amicaux qu'eux (puisque l'initiative est nôtre). Ce qui m'inquiétait cependant était le court délai. Pas pour l'organisation, non, je savais que c'était tout à fait faisable. Mais aux yeux de l'université ça allait poser un problème. Et c'est là qu'intervient miss Landsbury. Elle a réglé ce problème avant même qu'il ne se pose réellement vu qu'elle a présenté le projet en notre nom à toutes les deux, assurant que tout serait prêt à temps. L'université d'Oxford a été contactée et a rapidement approuvé. Et c'est ainsi que le Oxbridge Christmas Benefit Concert a commencé à prendre forme. Etant à la tête de l'association Oxbridge, côté Cambridge, je n'ai eu aucun problème à trouver deux oeuvres de charité qui soutiendraient l'évènement et s'occuperaient de sa promotion médiatique. En échange, tous les fonds accumulés grâce à la vente des billets leurs reviendraient à parts égales, évidemment. J'ai également usé de mes contacts pour promouvoir l'évènement auprès des élèves : un article sur le blog du JCC, des emails envoyés et un évènement créé sur facebook. Même papa a invité quelques amis et a accroché une affiche dans le bar. Tristan a également aidé de son côté afin qu'un maximum de personnes d'Oxford y assiste. Le budget que m'a accordé l'université a été utilisé pour amener les étudiants d'Oxford qui participeront au show en bus privés, pour les rafraîchissements qui seront mis à disposition de l'assistance et pour le matériel utilisé par des étudiants volontaires (comment ça pas vraiment ?) dans la mise en place des décors. Les performances des élèves de Cambridge ont biensûr été préparées sous l'oeil critique de notre chère miss Landsbury avec l'aide de monsieur Logan. Autant dire que la coopération n'a pas été des plus évidentes mais le résultat est parfait et éblouira sans doute. Côté Oxford, c'est miss Steele qui a veillé sur tout, aidée par je ne sais plus exactement quel professeur.

Mercredi 21 décembre, tout était déjà prêt. Ne restait plus qu'une répétition finale pour le dernier numéro qui regroupe les étudiants d'Oxford et Cambridge prévue pour le 23, 10h du matin. Andrea est donc venu le jeudi et j'ai pu retrouver mon meilleur ami le temps d'un demi-jour pour moi toute seule. Il me manquait affreusement.

Et nous y voici enfin. Plus qu'une heure avant le début du spectacle. Quelques personnes sont déjà installées dans leurs sièges alors que d'autres discutent, rigolent dans le grand hall dégustant une bierre ou un jus frais préparé à l'instant par l'un des deux serveurs. L'agitation pré-spectacle habituelle est présente dans les coulisses. J'aide une prochaine recrue de la chorale - parce que je compte bien la convaincre cette petite, elle a un joli timbre de voix et un certain sens du rythme - à arranger ses cheveux et lui adresse un sourire bienveillant. « Ça va aller, ne t'inquiète pas. Non en fait, ça ne va pas aller, ça va être génial, tu verras. »

L’invitation m’avait quelque peu surprise. Jamais je n’avais été invitée à un concert de Noël par facebook. Quoi que maintenant, ça ne m’étonne plus. Nos enfants n’utilisent presque plus que ce site pour communiquer entre eux. Bientôt les faire-part de mariage seront envoyés sur facebook. Bref tout ça pour dire que je n’allais pas refuser de participer à ce concert même s’il se déroulait à Cambridge. J’avais donc répondu positivement à l’invitation envoyée par Miss Goodwin. J’avais proposé à Matthew et les enfants de m’accompagner. Seulement, le premier avait du travail, même la veille de Noël, Léandre était occupé et Calliope, pas vraiment intéressée. Bien, si personne ne voulait m’accompagner, j’irai profiter de ce concert, seule. J’espérais retrouver quelques connaissances tout de même. Je me retrouve donc, en train de conduire direction Cambridge. J’ai hâte de voir ce qu’ils nous ont préparé. Il y toujours cette rivalité entre Oxford et Cambridge. Même si je trouve que Cambridge à un certain prestige, c’est quand même l’une des meilleures universités du Royaume-Uni, j’ai une préférence pour Oxford. J’espère que notre chorale et nos élèves vont nous faire quelque chose de spécial, d’inoubliable. J’ai envie qu’on remarque Oxford alors que nous nous trouvons, en quelque sorte, sur le territoire ennemi. Je finis par arriver et je suis plutôt impressionnée par le campus. Je jette des coups d’œil à tous les bâtiments qui m’entourent et suis les groupes d’élèves et parents. J’ai l’impression que nous allons tous au même endroit. Je me fonds dans la masse et me retrouve dans une espèce de salle de concert. A croire qu’ils ont absolument tout à Cambridge. Je remarque quelques personnes que je connais et que j’irai saluer un peu plus tard. Je prends un rafraichissement que l’on me propose, tout sourire. Comment font-ils pour avoir l’air aussi heureux de faire ça ? J’ai participé à de nombreuses soirées caritatives et croyez moi, n’importe quel serveur a toujours envie d’être autre part qu’à l’endroit où il se trouvait, à l’instant où il me proposait à boire. Je souris en retour au serveur, avant de finalement aller discuter avec des connaissances. "Bonsoir ! Vous allez bien ? " Nous évoquons les sujets habituels : les enfants, le travail, la famille, l’actualité. Quand j’entends les conversations de nos enfants, j’ai l’impression que nos vies sont tellement banales, routinières. Je souris de nouveau à mon interlocuteur. Finalement pas pour longtemps puisqu’on nous annonce que le spectacle va bientôt commencer. Je vais m’asseoir et commence à imaginer comment ça se passe en coulisses. J’espère qu’ils ne sont pas trop stressés. J’en ai vu des acteurs et des danseurs ne pas supporter la pression de la scène.

Je saute du bus, directement dans une énorme flaque d'eau. Génial. Un cambridgien me lance un regard ironique, auquel je réponds par un coup de pied violent dans la flaque, qui l'asperge de la tête aux pieds. « Oups, pardon, j'ai trébuché. » Je lui offre un sourire plus que faux avant de me tourner vers miss Steele qui descend à ma suite. « Attention Miss, la flaque. » Qui a dit lèche-botte ? Notre nouvelle professeur de chant m'a à la bonne, contrairement à Edward Hicox, et je compte bien entretenir cet avantage. Elle me remercie et nous rassemble sur le parking une fois tout le monde descendu. Alors qu'elle nous dicte les règles à respecter, je m'autorise un moment d'inattention pour jeter un regard d'inspection à l'université rivale. Je ne peux retenir un petit sifflement admiratif. Pas mal du tout.
Notre petit groupe se met à avancer en direction des bâtiments, je rattrape Lemon et me saisis de son bras. « Je me sens pas bien ici. J'espère qu'on va voir personne de désagréable. » Je ne mentionne aucun nom, ce serait inutile. Je rabats la capuche de mon manteau sur ma tête et avance à grand pas, le visage baissé. Un de mes camarades me regarde étrangement, je persiffle « Qu'est-ce que t'as toi ? T'as jamais eu froid ? » Non, je ne suis pas agressive. Juste un peu sur la défensive. Nous entrons dans une première bâtisse, je dois bien me résoudre à ôter mon pardessus. « Eh ben, on n'se refuse rien ici. » Je m'approche d'un tableau qui recouvre un mur dans son intégralité et tente d'en déchiffrer la signature. Bonnat. Dear god. Je rejoins mes amis en trainant des pieds. Si je n'avais pas eu l'assurance d'être mise en avant pendant ce spectacle, je serai à coup sûr restée chez moi, à siroter une tisane devant Love Actually.
Nous pénétrons dans les coulisses où se trouve déjà l'équipe Cambridgienne. La chorale Cambridgienne, autant pour moi. Goodwin est là, forcément. Je la regarde s'occuper d'une autre fille, le poing serré. Nos regards se croisent, je me force à lui sourire. Un effort, juste pour ce soir. Je me remettrai à la détester ouvertement demain, quand Noël sera fini. Je vais me mettre dans un coin avec Lemon et entreprends de la maquiller. Poudre et houpette à la main, je tamponne férocement sa jolie frimousse comme si les brillances de sa peau étaient mes pires ennemies. Du coin de l'oeil, j'aperçois Terence qui s'approche de nous. Je m'apprête à lui sauter à la gorge quand je remarque son air repentant. « C’est un peu effrayant hein ? Je ne sais plus où me mettre. » Je ne sais même pas s'il a remarqué que j'étais là, de toute évidence il n'y a que Lemon. Je me redresse et siffle « Je vais un peu plus loin répéter. Mais pas trop loin. » Ces derniers mots sont à l'attention de Terence, qu'il ne s'avise pas d'essayer de déconcentrer Lemon. Je m'éloigne donc encore et me pose par terre, mon iPod aux oreille. « Santa Baby, just slip a sable under the tree for me. » Qu'on ne me dérange sous aucun prétexte, sauf si c'est très urgent.