CAT ⊹ my major relationship was with a bottle of wine

⊹ Mais je t'en prie, assieds-toi donc... Tu tombes bien, je reprendrais bien un... un verre. Tu me l'offres ? Bien sûr ma jolie, t’veux quoi ?  

⊹ Une triple vodka pour moi, au point où j'en suis tu sais, je suis plus tellement à ça près. Et puis de toutes façons, ça aide à voir les choses plus belles, tu crois pas ? J’sais pas trop… Quand j’bois un verre de vin blanc, j’me sens bien. Puis quand arrive le fond d’la bouteille, ben j'me sens plus très très bien.

⊹ Je bois souvent, moi, il faut croire que les choses ne sont pas si belles dans ma vie de tous les jours... Je crois que c'est à cause de l'amour, quelque chose comme ça. T'as déjà été amoureux, toi ? L’amour... Quelle connerie, sérieux. Et puis, faut arrêter de s’leurrer… Les hommes n’pensent qu’à leur zguègue de t’façons. Zguègue, haha. J’adore ce mot, on d’vrait l’employer plus souvent. Tu r’veux une vodka ?

⊹ Moi je suis amoureuse de mon professeur de psycho qui n'est plus mon professeur mais entre nous, c'est impossible. Un peu comme Romeo & Juliet, d'ailleurs, ce qui est assez drôle mine de rien. Tu fais quoi dans la vie, sinon ? J’suis écrivain. Enfin, j’ai pas d’livres mais j’écris pour un journal. ‘Tention, j’suis pas journaliste hein. Quoique… J’suis reporter de ma vie privée, ouais.

⊹ Oh c'est drôle ça. Enfin non, d'ailleurs, pas tellement. Moi je suis actrice, ça c'est drôle tu trouves pas ? Tu veux un autographe ? Ca m’étonne pas, tu r’ssembles à une actrice hollywuu – hollywoo… holly… Ouch, faut qu’ j’arrête de boire.

⊹ Je crois que je vais t'embrasser maintenant, j'en ai vraiment trop envie. Non en fait, j'en suis sûre, tiens. T'embrasses bien, ça va. Tu viens souvent ici ? Parce que j'ai l'impression que c'est la première fois que je te vois, et pourtant je suis une habituée. T'embrasses pas trop mal non plus. Hum, attend laisse moi voir... J'crois que c'est la première fois, ouais. Bien que le p'tit serveur me dise quelque chose.

⊹ Je vois. Mais, tu es venue toute seule ou tes amis sont dans le coin ? T'as des amis, pas vrai ? Oh oui, t'en fait pas pour moi... Même si j'ai souvent envie d'étrangler ma meilleure amie, pour tout t'dire.

⊹ Et en dehors de tes amis, tu es célibataire ou pas ? La notion d'couple est surfaite, tu sais.

⊹ D'accord. Et tu vis chez tes parents ou tu as ton propre appartement ? M'faudrait une corde pour m'pendre si je devais habiter chez mes parents. Ma mère est assez envahissante comme ça...

⊹ Super, on peut aller chez toi alors ? Hum, t'es canon mais, comment dire... J'crois que j'suis pas assez alcoolisée pour ça.

Ceci est l’extrait d’un article publié dans la presse gratuite londonienne, découpé par Candice Turner et encadré au dessus de la cheminée du salon des parents de Charlie, entre la photographie de Richard Turner à côté du Premier Ministre et celle de Marnie Turner le jour de son mariage avec un acteur célèbre. Charlie déteste cette cheminée. Charlie a d’ailleurs déjà vomi dans l’urne qui contient les cendres du chat Moozie 2e du nom. Charlie jure que ce n'était pas intentionnel.

⊹ ⊹ ⊹ Charlie Turner est une jeune londonienne de 25 ans, diplômée de Cambridge en 2012. Elle est l’auteure des Aventures d’une Fille Ordinaire, une série littéraire publiée mensuellement dans la presse et qui s’inspire de sa vie sentimentale haute en couleurs. « Tout a commencé quand j’ai intégré l’université de Cambridge. Je venais de m’offrir mon premier ordinateur portable et j’ai ouvert un blog anonyme qui me servait de journal intime. La personne chargée du service des fictions du journal The Independent l’a remarqué par je ne sais quel hasard et a adoré. J’ai ensuite reçu un mail avec une offre impossible à refuser. » Si une belle carrière d’écrivain sourit aujourd’hui à cette jeune femme dynamique, ce n’est cependant pas ce à quoi elle semblait prédestinée. Fille de Candice Helders, ancienne speakerine de la BBC, et de Richard Turner, producteur de télévision, Charlie est également la sœur cadette de Marnie Levinson, animatrice d’une émission culinaire. « Contrairement à ma sœur Marnie, je n’ai jamais aspiré à marcher sur les traces de nos parents. Adolescente, j’avais un physique assez ingrat et je m’appliquais à utiliser le peu de confiance en moi pour écrire ce que mon imagination me dictait. Marnie était la jolie blonde élancée à qui tout souriait. Elle était faite pour briller à l’écran. » Ce n’est pourtant plus un secret, la « Fille Ordinaire » n’est autre que son auteure. Mais Charlie Turner n’est pas vraiment une fille ordinaire, si ? « J’ai commencé à fumer et à boire du vin afin de me donner de la prestance… On m’avait caché l’aspect gueule de bois alliée à l’haleine de cendrier. Il n’y a que dans les films où l’on se réveille auprès d’un homme avec une mine radieuse et un brushing parfait. Comme toutes les autres filles, ma vie est comparable à celle d’un paysan. Semis, arrosage, arrachage... Jambes à épiler, aisselles à raser, ongles à limer... Un programme si exigeant qu’il suffit de se laisser aller quelques jours pour se retrouver en jachère. Toutes les filles sont ordinaires. » Et c'est en désacralisant ainsi la femme que Charlie Turner a fait de ses Aventures le rendez-vous immanquable pour toutes les jeunes londoniennes. Un portrait réaliste de la femme qu’elle s’amuse à décrire dans chacun des épisodes de cette série littéraire à travers bon nombre d’anecdotes aussi cocasses que jouissives. « Parfois, il vous arrive tant de choses incroyables dans une même journée qu’il aurait été même impossible de l’inventer. A quoi bon alors se creuser les méninges ? Parfois, il me suffit d'observer simplement ma mère pour pondre le nombres de mots que je suis censée rendre à la fin du mois.» Candice Turner, femme célèbre au temps où les speakerines régnaient sur le petit écran, s'est récemment séparée du producteur de télévision Richard Turner, connu pour avoir révélé au grand jour les animateurs préférés des anglais. « J'ai toujours vu ma mère comme une créature imprévisible. Elle est le modèle atypique de ce qu'on voudrait être et surtout ne pas être. Elle voue un culte aux tissus et tapisseries fleuris, enchaine les réceptions aux allures de veillées funèbres et s'est désormais mis en tête de m'embarquer à des speed-datings. Entre nous, il n'y a rien de plus déprimant que de se retrouver dans ce genre de soirée en compagnie de sa mère. Ceci étant, cela me donne matière à écrire ! » Préférant le terme de célibattante à celui de désespérément seule, Charlie Turner ne semble pourtant pas manquer de compagnie. Avocat brillant, éditeur infidèle, veuf éploré, loubard ou jeune premier, la gente masculine n'est d'ailleurs pas épargnée par l'écrivain. Trop exigeante ? « Peut-être bien, et alors ? Toutes les femmes ont le droit d'être exigeantes. Il ne manquerait plus qu'on accepte tout et n'importe quoi pour le simple fait d'être en couple. Certes, j'aimerais pour une fois dîner avec mes amis sans me retrouver en bout de table mais, croyez moi, je préfère fantasmer seule que de devoir supporter un mec imbus de sa personne... Tenez, comme ce rigolo qui présente la météo, là. » Malgré une certaine détermination dans les propos de la jeune femme, l'écrivain se montre plus vulnérable quand on lui demande de se confier sur ses angoisses. « Ma plus grande peur est certainement de mourir d’une crise cardiaque dans ma cabine de douche et d'être retrouvée des semaines plus tard avec encore la charlotte sur la tête et de la cire à épiler sur les jambes... Car en plus de manquer de dignité face aux secours, cela signifierait mourir dans la solitude. » Tout au long de cette entrevue, Charlie Turner nous aura prouvé que sa gaucherie et son franc parler font d'elle une femme pétillante et particulièrement attachante. On continuera de suivre avec intérêt les Aventures d'une Fille Ordinaire dans l'attente d'un premier livre signé par une Fille Extraordinaire.

Propos recueillis par Hilda Nolan.

Toute ressemblance avec une certaine Bridget Jones est totalement volontaire.