EMW * I am a woman. I can be as contrary as I choose

Eleonore est née Lady dans une famille de la petite noblesse de l’est du Royaume-Uni. Comme tous les enfants de son rang, elle a été élevée par une suite de gouvernantes qui lui ont appris la lecture, l’écriture, le français et les règles de savoir-vivre en société. Elle ne voyait ses parents qu’une heure par jour, à l’heure du thé de l’après-midi. Son frère cadet a, pour sa part, étudié à Oxford en sciences politiques et a siégé une bonne partie de sa vie à la Chambre des Lords, avant d’être démis de ses fonctions suite à la loi sur la Chambre des Lords de 1999. Aujourd’hui, il occupe ses journées avec sa femme sur les terres de son domaine de la région de Norwich, à chevaucher et à chasser.

Eleonore a, quant à elle, toujours su respecter les règles de convenance, affichant un sourire énigmatique et se gardant bien d’afficher la moindre de ses émotions à quiconque (à l’exception de sa femme de chambre). Elle se maria relativement tard, dans la mi-vingtaine, à un homme de la noblesse, héritier du domaine des Cholmondeley, ce qui permit à Eleonore d’obtenir le titre de Marquise. Elle eut deux enfants, une fille, dans les premières années de son mariage, et un garçon, qu’elle eut relativement tard et qui fait sa fierté. Si elle a fini par accepter que sa fille aînée quitte le cocon familial et fasse sa propre vie, ce n’est pas le cas de son cadet, qu’elle appelle en moyenne 35 fois par jour, moyenne qui a récemment augmenté suite au décès de son époux, Lord Wagner, marquis de Cholmondeley. Sûrement excédé de tous ces appels, un jour, Alan lui a gentiment suggéré de se « trouver une occupation ». Cette réponse peut-être un peu sèche, médusa Eleonore et la poussa à réfléchir assidument. Le lendemain, elle prenait rendez-vous avec un chirurgien esthétique (recommandé par sa femme de chambre), se faisait installer une piscine et se mettait à l’écriture de ce qui sera sans doute le succès littéraire de l’heure : The Fifty Colors of the Night, publié par la maison d’édition de sa grande amie Lady Reine Carter. L’écriture de ce récit fut comme une révélation pour Eleonore qui, d’abord honteuse de la tournure que prenait le récit, se laissa finalement prendre au jeu, signant le manuscrit sous un pseudonyme (E. M. Wag) et allant même jusqu’à engager une étudiante pour faire les entrevues et les séances de signature à sa place.

Mais sa vocation d’écrivaine ne date pas d’hier, car dès sa prime jeunesse, elle remplissait des pages et des pages de récits d’amour romantiques, comme seule une adolescente fleur bleue peut en inventer. Son premier roman fut publié vers le milieu des années 1980, insatisfaite de la tournure que prenait son mariage. Elle qui rêvait du prince charmant se trouvait au bras de tout au plus un ami. Mis à part quelques nuits dans l’année, le couple avait toujours fait chambre à part, au grand dam d’Eleonore qui, au fur et à mesure que le temps passait, voyait ses rêves de jeune adolescente s’évanouir peu à peu. Maintenant veuve, avait-elle de nouveau le droit de rêver? Non. Le grand amour, tout ça, ce n’était que des contes, des histoires pour bercer le sommeil des petites filles. Aujourd’hui dans la jeune soixantaine, elle ne voyait de l’intérêt que dans l’amour charnel, dont elle fut dangereusement privée pendant les longues années de son mariage. Si, les premiers temps, elle réfrénait ces ardeurs, son psychanalyste lui recommanda chaudement de ne pas se retenir. Depuis ce jour, elle fut contrainte de changer de thérapeute, car son psychanalyste a perdu le droit de pratiquer. Apparemment, se taper sa patiente pendant les heures de consultation n’était pas bien vu par l’Ordre des psychologues. Dommage.

Aujourd’hui, Lady Eleonore continue de suivre le conseil de ce psychanalyste, même si elle ne l’a jamais revu depuis. De toute façon, elle se promène au bras d’un trophée beaucoup plus alléchant : un jeune mannequin prometteur et tellement sexy. Rassurez-vous, il est majeur. Eleonore a vérifié. Trois fois. Quand son jeune prodige est à l’étranger pour des défilés, le nombre d’appels adressés à son fils Alan hausse considérablement, passant de 21 à 33 appels par jour. Les journées où elle souffre du syndrome de la page blanche et qu’elle s’ennuie dans sa grande maison de Cholmondeley, le nombre d’appel peut passer à 47. Quand elle est de passage à Londres, dans sa seconde demeure, elle ne manque pas de rendre visite à ses enfants, mais plus souvent à son fils, car le pauvre n’a pas d’épouse pour prendre soin de lui. En bonne mère dévouée, Eleonore se doit de s’assurer du bien-être de son grand garçon qui ne sait pas où donner de la tête avec sa carrière d’avocat. Dommage qu’il soit si fermé à l’idée de passer la bague au doigt de la petite Manchinelli. C’est une enfant charmante, vraiment. Et que dire de Grace… la pauvre gamine qui grandit sans son père… Que ne donnerait-elle pas pour avoir la chance de connaître cette petite-fille… Patience, patience… Alan lui a promis que dès que la mère de l’enfant décèderait, il ferait les démarches pour récupérer sa fille. Et franchement, pourquoi douterait-elle de la parole de son grand garçon?

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? Ah ça doit être à cause de cette nouvelle paire de seins. Je savais que j'avais bien fait de suivre la recommandation de ma femme de chambre et d'aller voir ce chirurgien. Car bien sûr, ce producteur n'a dû me remarquer qu'à cause de ma poitrine. Je lui dis que j'accepte, car après tout, à mon âge, des occasions comme ça ne se présenteront pas tous les 36 du mois.

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? Je suis outrée. Pauvre enfant. Ne lui a-t-on jamais appris à cacher sa souffrance et ses émotions? Personne ne devrait être témoin de ses larmes. Mais ce n'est pas de sa faute, c'est celle de ses parents qui l'ont mal éduquée.

→ Ton(ta) cousin(e) t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? Je le repousse gentiment, on n'a pas idée de se comporter ainsi envers une Lady. Et puis de toute façon, mon cousin n'est vraiment pas mon genre. Les hommes passés la soixantaine, ça ne me convient plus du tout maintenant.

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? Les bonnes moeurs me recommandent de répondre une sortie au théâtre, mais au plus profond de moi, j'aimerais bien aller passer une nuit de folie au Fez Club. Mais chuuut! Je ne vous ai rien dit.

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? Le psychanalyste, c'était le fiancé de ma fille.

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Voler la bague, quitte à en racheter une identique à mon ami.

→ C'est le mec (la fille) de tes rêves, tu en es persuadé(e) et pourtant, celui(celle)-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résigné(e), stratégique, ou éploré(e) ? On veut les détails ! Oh franchement, ce n'est plus de mon âge, ces histoires. L'amour, j'ai déjà trop donné. Aujourd'hui je veux du sexe.

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? À mon âge, on préfère vivre au jour le jour plutôt que de se projeter dans l'avenir.

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) Dare.

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » Ma pauvre enfant. l'important, c'est d'être jolie et de faire un bon mariage. Les études, c'est facultatif. Son altesse royale Élisabeth II n'a pas étudié à Oxford ou à Cambridge et elle remplit très bien ses fonctions de reine.

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Cambridge Club ? » Oh ça doit être un de ces clubs étudiants à Cambridge. Si jamais je passe à Cambridge, je me renseignerai pour toi, si tu veux.

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» Oh là là. Le nom de ce club ne me dit rien qui vaille. Surtout, ne t'en approche pas. Je ne voudrais pas que tu sois impliquée dans des folies d'étudiants. Les jeunes, de nos jours...

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » Ah ça non alors! Je ne suis même pas sûre que tu puisses faire une demande dans les deux établissements. Alors si tu tiens vraiment à faire des études, sois sûre de ton choix.

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »