Grace → you're already my daughter to me ♥

Megan est occupée, aujourd'hui. Je suis dépassé par le refus qu'elle m'oppose systématiquement quand je lui propose mon aide, et pourtant, je n'ai d'autre choix que de la laisser organiser sa vie exactement de la même manière que pendant tout ce temps où je n'étais absolument pas au courant de ce qu'elle faisait. Je me sens coupable, presque, que de savoir seulement maintenant que ma cousine va mal, mais je suppose que la culpabilité est évacuée par la promesse que j'ai faite de prendre soin de sa fille si les choses allaient en se dégradant trop fortement. Une fois le chaos essuyé avec Tristan, la routine retrouvée, je n'ai pas arrêté de faire des allers retours réguliers entre Oxford et Londres pour voir Grace autant que faire se peut. Travailler pour le cabinet d'Alan me facilite d'autant plus la tâche que je suis désormais sur place, et même si mes horaires sont chargés, je trouve toujours du temps pour récupérer Grace et l'emmener faire un tour, quitte à retourner travailler après. Aujourd'hui, je n'ai ni cours, ni besoin de me rendre au cabinet, c'est donc totalement libre que je suis allé récupérer Grace pour l'emmener faire un tour pendant que Megan, de son côté, vaquait à ses nombreuses occupations sur lesquelles elle n'a pas eu envie de s'étaler par ailleurs. J'ai emmené Grace faire un tour sur la gigantesque grande roue de Londres, le London Eye, malgré le mauvais temps et la neige qui tombe et glace les alentours. Nous descendons finalement et j'attrape sa main après lui avoir indiqué de remettre ses gants. Je souris, attendri, comme toujours quand je m'occupe d'elle. Mon coeur se serre à l'idée de toutes ces choses difficiles qu'elle va vivre au tout début de sa vie. Megan tient bon pour l'instant mais d'après ce que j'ai compris, les chances pour qu'elle tienne comme ça de manière indéterminée sont minces. Un jour, Grace devra enterrer sa mère et déménager chez nous, sans le moindre repère. C'est pour ça sans doute qu'il me tient tant à coeur de la voir souvent, pour qu'au moins elle ne débarque pas dans l'inconnu le plus complet. J'inspire, chasse ces idées sombres de mon esprit d'un coup de tête et hausse une épaule en faisant balancer un peu nos mains.

« On va boire un chocolat et manger une crèpe ? » Je souris en serrant un peu sa main. « On a encore un peu de temps avant que Maman ne rentre, si tu veux... » Je lui souris un peu, encourageant, et sors mon téléphone pour prévenir agilement Tristan que je rentrerai un peu plus tard que prévu. Nous avons nos habitudes, déjà, dans Londres, et je sais exactement où il faut que je l'emmène. J'arrête un taxi rapidement et m'engouffre dedans sans lâcher sa main, vu le froid, j'aime autant qu'on se mette au chaud. Le Claridge's n'est pas loin de l'endroit où nous nous trouvons et je pourrais presque y passer la nuit si je voulais m'éviter le retour sous la neige. Mais Tristan lui, m'attend à Oxford, et l'argument est en soi suffisant pour me pousser à vouloir rentrer. Nous nous arrêtons quelques minutes plus tard devant un petit salon de thé où je l'entraîne d'un pas assuré et m'installe à la table qu'un serveur nous indique. Je retire mon écharpe, esquisse un geste pour l'aider en oubliant à quel point elle est grande, me ravise et m'assois. « Alors dis moi tout, qu'est-ce que tu veux prendre ? » Je souris en attrapant la carte que j'observe d'un oeil distrait. Il ne faut que quelques minutes avant que le serveur revienne prendre commande, et je la laisse réclamer toute seule ce qu'elle veut, commandant juste un café pour ma part. « Tu ne m'as pas raconté comme c'était passée la reprise de l'école ? »

Aujourd’hui, Maman avait des choses à faire alors c’est Andrea qui va passer la journée avec moi. Il est venu exprès d’Oxford pour ça. J’ai de la chance parce que ce n’est pas trop loin donc il peut souvent venir me voir. Puis il m’a expliqué qu’il avait un stage à Londres, donc il serait souvent ici. Ca veut aussi dire qu’il pourra plus souvent venir me voir. Parfois, il vient me chercher à l’école puis on va se promener ou on va manger une glace puis il me ramène à la maison et il repart travailler. Donc aujourd’hui est un jour spécial parce qu’il me garde toute la journée. Je me demande où est Tristan mais je suis contente qu’on soit que tous les deux. Puis on a beaucoup de chances parce qu’il neige. C’est tout blanc partout. Sauf les endroits où les gens ont beaucoup marché, alors là c’est juste gris. C’est très moche mais j’ai décidé de ne pas y faire attention pour juste me concentrer sur le reste de la ville où tout est blanc. Grâce à Andrea, j’ai pu voir toute la ville recouverte de neige. On a été sur le London Eye. C’était beau et magique. J’ai pu voir le Big Ben, je le voyais plus grand, Buckingham palace, la reine était dans le palais, la city. C’est vraiment moche la city, les bâtiments sont trop grands et gris. Il faudrait plus de couleur. Mais on aurait dit que Londres était dans une boule à neige et qu’on l’avait secoué rien que pour moi. On a pris plein de photos de la ville et de nous, comme ça je pourrais en avoir une dans ma chambre. Je le mettrais à côté de celle de maman et celle de Lucas. Et je pourrais lui dire bonne nuit tous les soirs. On finit notre tour, trop rapidement à mon gout et je remets mes gants après qu’Andrea m’ait rappelé qu’il fait froid dehors. Il attrape ma main et me tient de toutes ses forces pour que je ne glisse pas sur la neige et la glace qui s’est formée à cause du froid.

« On va boire un chocolat et manger une crêpe ? On a encore un peu de temps avant que Maman ne rentre, si tu veux... » J’acquiesce vivement. J’adore le chocolat et les crêpes. Puis Andrea connait toujours les meilleurs endroits pour y aller. « On partagera comme la dernière fois ? » Je n’avais pas réussi à choisir entre deux alors Andrea avait commandé les deux et on avait partagé. Il me dit toujours que c’est meilleur quand c’est partagé et je suis d’accord avec ça. Il appelle Tristan, tout en continuant à marcher. J’espère que la prochaine fois, il pourra venir lui aussi, même si ce n’est qu’une heure. Puis il hèle un taxi et celui-ci nous amène dasn un petit salon de thé. Ce n’est pas la première fois qu’on vient ici et leur chocolat chaud est le meilleur de la ville. Sauf si on prend en compte celui de Lucas, alors il est deuxième. On nous indique une table et on s’y installe après avoir enlevé nos manteaux. « Alors dis moi tout, qu'est-ce que tu veux prendre ? » Il me montre la carte. Je déchiffre toutes les propositions du salon de thé, à la recherche des crêpes. Finalement, je n’hésite pas entre deux. Un monsieur s’avance vers nous et attend notre commande. Je relève la tête pour lui dire ce que je veux. « Une crêpe à la crème de marron et un chocolat chaud s’il-vous-plaît. » Andrea commande un simple café et me souris avant de reprendre la parole. « Tu ne m'as pas raconté comme c'était passée la reprise de l'école ? » Je lui souris et sors mon plus bel accent français pour lui répondre. « Je suis la meilleure en français. » Tout ça, c’est grâce à Maman et à Andrea et Tristan. Puis je reprends en anglais. « Je n’aime pas les divisions donc j’ai quelques difficultés en maths mais Lucas et maman m’aident. Et en histoire, on est en train de parler de la famille royale. Ils sont beaucoup ! »

Adorable comme toujours, elle me propose de partager et j’acquiesce évidemment sa proposition d’un hochement de tête enjoué. Au-delà des problèmes évidents qui ont pu être opposé à mon couple lorsque j’ai pris la décision d’adopter Grace sans en parler à Tristan, au-delà des crampes d’estomac que je ressens quand je pense au jour où il faudra effectivement qu’elle vienne s’installer chez nous alors qu’elle subira le deuil de sa mère, au-delà des doutes qui me rappellent qu’il est si simple de reproduire un schéma familial malheureux sur ses propres enfants, au-delà de tout ça, j’aime déjà Grace comme si elle était ma fille, je crois. Peu importe la peur, quand je l’ai avec moi, l’angoisse s’apaise au profit de sentiments plus naturels. J’ai toujours l’impression que je peux le faire, et m’en sortir, que tout ira bien. Il faut que j’en sois convaincu pour que ça arrive, sans doute, mais pour le bien de Grace et de tous, j’aimerai que Megan vive le plus longtemps possible et s’occupe de sa fille en attendant. Le serveur vient vers nous, me sortant de mes pensées, et Grace commande comme une grande ce qu’elle désire manger, et qui visiblement n’a pas besoin d’être partagé. Je souris, attendri, et laisse le serveur repartir avec nos cartes pendant que je l’avise de nouveau. « Je suis la meilleure en français. », elle prononce, en français, et je souris de plus belle. Son accent presque excellent fait d’elle une bilingue précoce, et je sens déjà la fierté poindre en moi de manière assez inexplicable. « Je n’aime pas les divisions donc j’ai quelques difficultés en maths mais Lucas et maman m’aident. Et en histoire, on est en train de parler de la famille royale. Ils sont beaucoup ! » Je ris un peu. J’ai rencontré ce Lucas à mon mariage, je crois, et évidemment Megan lui est aussi d’une grande aide. J’aimerai être plus là encore, mais c’est sans compter ma propre vie professionnelle future que je dois assurer si je veux lui offrir une vie tranquille et paisible, à elle et à Tristan, dont l’âme d’artiste le portera peut être plus vers des métiers de la création qui nécessiteront mon support financier, dans l’hypothèse où nos finances viendraient un jour à manquer, ce dont je doute, mais qui motive quand même mon choix d’avenir. La sécurité, voilà ce que je veux avant tout. Je sais que les conditions de mon couple ne sont pas très stables. Epouser son cousin, adopter la fille de sa cousine malade, il y a au monde des bases plus saines pour fonder une famille.

Mais j’aime à croire que l’amour que je porte à Tristan, et à Grace, suffira pour combler les éventuels problèmes qu’on pourrait rencontrer dans notre vie. Je l’espère en tout cas. J’attrape la main de Grace et lui offre un sourire. « En effet, ils sont beaucoup. Mais je suis fier de toi pour le français, ton accent est parfait », je réplique en anglais qui est quand même sa langue presque natale. J’inspire et libère sa main tandis que le serveur rapporte sa crêpe, son chocolat et mon café. Je le lui laisse le temps de repartir et avale une gorgée de café avant de reprendre : « C’est bien, si à l’école ça se passe bien. Il faudra que tu viennes à la maison un de ces quatre, qu’on puisse jouer un peu de piano ? Tristan m’en a offert un nouveau, il sonne encore mieux que le précédent, je suis sûr que tu vas beaucoup l’aimer ». Je lui assène un clin d’œil et retire mon écharpe que j’avais gardée parce que finalement, il fait chaud à l’intérieur de ce café. « Enfin, si tu as envie bien sûr ».