SFR ◊ Colour my life with the chaos of trouble.

Le soleil se levait sur Londres et sa lumière commençait à traverser les fenêtres, venant déposer des rayons sur les draps immaculés de la chambre. Mon corps dénudé contre le sien, j’observais silencieusement chacun de ses traits méticuleusement, une main sur sa poitrine bougeant au rythme de son souffle régulier. C’était la première fois que je passais la nuit chez lui. Il possédait une maison dans le quartier de Notting Hill, ce fameux endroit à voir pour être vu, réservé à une élite se plaisant à se la jouer simple en chinant le samedi matin au marché de Portobello. Kelcey était mon metteur en scène, un génie dans le domaine du théâtre et du musical. Âgé d’une trentaine d’année, on parlait de lui dans les médias comme le meilleur de sa génération.

En effleurant ses joues rugueuses, je me demandais encore comment je pouvais être là, moi, jeune comédienne de 27 ans, destinée à tout sauf à finir sur les planches des plus grands théâtres de la capitale. Née en 1985 dans la banlieue londonienne, j’étais à peine sortie du ventre de ma mère que celle-ci dessina mon destin. J’étais arrivée au monde alors qu’elle venait d’intégrer un grand cabinet, mettant un frein considérable à sa carrière. Comme départ dans la vie, je vous confirme qu’il existe mieux. Mes parents me placèrent dans des établissements scolaires privés où l’uniforme était toujours de rigueur et les règles aussi strictes qu’au sein de notre propre foyer. Je n’avais pas le droit de fréquenter de garçons et mes amies devaient d’abord passer par un interrogatoire avant d’être validées ou non par mes parents. Mon frère, né cinq années après moi, avait droit à davantage de souplesse. Peut-être avait-il eu simplement la chance de naître au bon moment…

Bien heureusement, ma tante Karen était là pour moi. Elle était le parfait opposé de sa sœur. Quand cette dernière portait des tailleurs strictes et faisait de sa carrière une priorité, Karen accrochait des perles à ses cheveux et dédiait sa vie aux arts et aux plaisirs éphémères de la vie. Chaque jeudi soir, elle m’emmenait au théâtre voir une pièce ou une comédie musicale. J’étais fascinée par les décors, les costumes… Et surtout la manière dont les acteurs me transmettaient des émotions qui ne leur étaient pourtant pas propres. À chaque fois que je les voyais, je me sentais vivre, libre. Je savais enfin ce à quoi j’étais destinée : devenir actrice.

« - Depuis combien de temps me fixes-tu, au juste ?
- Juste le temps de réfléchir à un plan pour voler ta carte de crédit et filer en douce sans te réveiller.
- Si tu veux aller shopper dans les grands magasins, tu as juste à me le dire tu sais…
- Je crois que je préférerais être réputée de voleuse que d’être entretenue par tes jolies petites fesses de queutard.
- Il va t’apprendre le queutard… »

Je riais à gorge déployée en feignant de lui échapper. Son visage s’engouffrait dans mon cou et ses mains se baladaient sur ma peau. Notre relation avait démarrée en janvier, après la présentation de notre pièce aux journalistes. C’était un moment crucial, l’avenir de la pièce s’y jouait et les nombreux efforts à la monter avaient été récompensés par une standing ovation. La fête battait son plein dans les coulisses. Mon rêve se concrétisait, j’allais interpréter un premier rôle dans un grand théâtre londonien. Seule dans la loge des artistes, face au miroir, j’avais aperçu Kelcey pénétrer dans la pièce et s’avancer vers moi. Il n’y avait eu aucune parole, je me souviens juste de ses lèvres dans mon cou et de ma main s’aventurant fermement sur ma poitrine. Kelcey était le même amant que lorsqu’il était metteur en scène. Dominant, rude mais, passionné. Et là, chacun s’abandonnait à ce qu’il désirait depuis le début des répétitions.

L’alchimie entre nous deux avait toujours été perceptible et, pourtant, elle n’égalait pas celle que j’avais eu avec Stephen, mon ex-fiancé. Nous nous étions connus sur les bancs de l’université d’Oxford, alors que mes parents étaient persuadés que j’étudiais le droit à Cambridge. Notre coup de foudre avait été immédiat et, bien que nos personnalités étaient opposées, nous vivions une relation fusionnelle. Mais du moment où nous devînmes fiancés, notre couple explosa en mille morceaux. Mes conflits parentaux, nos personnalités, nos ambitions, nos rêves… Plus rien ne semblait marcher et même si notre rupture fût ma plus grande déchirure, elle était devenue essentielle pour nous deux.

Une fois mon diplôme en poche, je quittai la ville d'Oxford pour vivre mon rêve à Londres. Mes parents m'ayant coupé les vivres depuis qu'ils avaient eu connaissance de mon choix d'études, j'arrivai dans la capitale seule et sans ressource. Je fis tous les castings possibles, encaissai de nombreux refus et accumulai les petits boulots et les dettes. Je me débrouillais comme je le pouvais, jusqu'au jour où mes problèmes furent si nombreux que, pour échapper à certains soucis judiciaires et bancaires, je me retrouvai à appeler ma mère à la rescousse.

Après une formation de quelques semaines, j'intégrai son cabinet en tant qu'assistante d'un jeune avocat qui débutait sa carrière. Mais après plusieurs mois à porter des tailleurs, à faire des photocopies et à trier les archives... Je me sentais vide. J'avais le sentiment de toucher le fond et de ne plus être moi-même. Un soir, en pleurs dans les rues de Londres, je fis une chose que je n'avais pas fait depuis longtemps : contacter Stephen. Grâce à lui, je repris confiance en moi et, dès le lendemain, je reprenais les castings le plus discrètement possible, jusqu'au jour où je décrochai un rôle dans une grosse production. Certes, c'était un petit rôle, mais c'est ainsi que je fis la rencontre de Kelcey et que ma carrière débuta. Lorsque les représentations prirent fin, il me contacta pour me parler d'une pièce qu'il allait bientôt mettre en scène et qu'il pensait à moi pour le premier rôle. Mon rêve devint réel.

- Merde, je dois filer !
- Je ne comprends toujours pas pourquoi tu ne t'installes pas à Londres... C'est ici que tout se passe.
- Tu oublies un peu que tu es le metteur en scène à succès et que je ne suis que la comédienne qui attend que la pièce dont elle a le premier rôle soit enfin jouée sur scène ! Mais, promis, quand je serai célèbre et que tu ne seras plus qu'un has been, c'est moi qui t'inviterai dans mon duplex au coeur de Londres.

Après avoir quitté le cabinet de ma mère en laissant cette dernière dans un état aussi lamentable que le jour où elle me mit au monde, je pris la décision de quitter Londres pour retourner à Oxford, cette ville qui m'avait adoptée telle que j'étais. Je partageais ma vie entre ces deux villes, avec un appartement à Oxford et une colocation avec plusieurs comédiens à Londres. Mais depuis la présentation de notre nouvelle pièce aux journalistes, mon rythme s'était calmé. Nous n'attendions plus qu'une chose : le feu vert pour démarrer les représentations.

- On se voit le weekend le prochain ?

Mon sac de voyage sur l'épaule, à moitié débraillée, j'observais avec amusement sa réaction. Toujours allongé, en rien perturbé par mon agitation soudaine à me préparer au départ.

- Oui et, oublie ton amie Kitty. Après un repas avec cette vieille peau qui nous sert de productrice, je te veux chez moi.
- Et ta femme ?
- Damn... Elle devrait s'en aller en cure tous les weekends. Tant pis, on baisera dans le taxi.
- Ah, j'aime ton romantisme.
- C'est ce qui fait mon charme.

Un dernier sourire en sa direction avant de dévaler les escaliers et de sortir de la maison. Je me retrouvai à marcher au milieu de la foule, déconcertée par la vie que je menais et le plaisir qu'elle me procurait.

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? Même si le théâtre est ma vocation première, quelle comédienne n'a jamais rêvé de jouer pour les plus grands et d'avoir son image gravée à jamais sur la pellicule ? Cependant, avec tous les plans galères qui me sont arrivés, je sais que la vie ne peut pas être aussi facile. Du coup, je pense que je dévisagerais méchamment le soit-disant producteur en lui rétorquant que s'il cherche une pauvre fille naïve pour lui tailler une pipe, qu'il aille voir dans le monde merveilleux d'Hello Kitty voir si j'y suis.

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? J'ai beaucoup d'empathie. Si je vois une fille dans une situation aussi pathétique que celle-ci, je pense que je m'agenouillerais à ses côtés en lui expliquant calmement que ce n'est pas une bonne manière d'évacuer son chagrin et qu'il existe la vodka pour ça.

→ Ton cousin t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? Je le repousse, pleine de dégoût, lui envoie mon poing dans la figure et mon genou dans les parties avant de crier au monde entier : Bordel, qu'est-ce qui cloche dans cette famille ?

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? Le théâtre de Londres a bercé toute ma vie et fait partie intégrante de celle-ci. Cela dit, après une représentation, je suis heureuse de pouvoir ingurgiter des litres de vodka pendant une nuit de folie.

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? Père Patrick. Bien que je sois née Juive et que je n'ai foi en rien d'autre qu'en moi-même, je t'avoue aujourd'hui que... c'est à cause de moi si le chat de Mr Hopkins, notre voisin lorsque j'avais dix ans, a perdu sa queue suite à un feu d'artifice. Je voulais seulement voir s'il s'envolerait.

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Ma famille étant déjà plus ou moins brisée, je ne vois pas comment ce cher père Patrick pourrait faire pire. Par contre, s'il souhaite ruiner ma réputation alors que je commence à peine à me faire connaitre dans le monde du théâtre, je jure de répandre la rumeur aux journalistes qui viendront m'interviewer que père Patrick me faisait des choses pas très catholiques lors de mes séances de catéchisme lorsque j'étais enfant (même si je n'ai jamais eu de cours de catéchisme, bien évidemment).

→ C'est le mec de tes rêves, tu en es persuadée et pourtant, celui-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résignée, stratégique, ou éplorée ? On veut les détails ! Si c'est l'homme de mes rêves, j'imagine que je l'aime, n'est-ce pas ? Dans ce cas-là, je prends soin de vérifier que la nana en question est honnête avec lui. S'il est heureux avec elle et que celle-ci est clean, alors je me résigne. Enfin, j'imagine... J'admets que je me surprends moi-même par mon comportement, parfois. Alors, il se peut qu'en fin de compte, je me la joue bonne stratège pour me débarrasser de cette pétasse.

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? Ce n'est franchement pas cool de me faire penser à mes 37 ans... La quarantaine en approche, l'horreur. Ceci dit, plus sérieusement, j'espère que je serai encore comédienne et que ma carrière sera déjà pleine de succès. Peut-être même que j'aurais osé me lancer dans la comédie musicale... On m'a toujours dit que j'avais une bonne voix. Je me vois également avec un mari aimant, enceinte du deuxième. On habiterait dans un bel appartement d'un quartier tranquille de Londres. Dans l'idéal, il serait aussi passionné que je le suis et, on pourrait ainsi se soutenir mutuellement. Un couple dévoué l'un pour l'autre et, pour nos enfants... Bon sang, vous me faites passer pour une putain de niaise.

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) Dare

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » Reine d'Angleterre ? En plus d'être adorable, tu es sacrément ambitieuse. Tu sais, j'ai fait mes études à Oxford et je peux te garantir que c'est l'une des meilleures universités qui existent au monde. De plus, elle est très ancienne... Ce serait comme si tu te trouvais déjà dans un château. Enfin, de nombreux 1er ministres ont fait leurs études à Oxford... Comme quoi !

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Cambridge Club ? » C'est un groupe d'étudiants de Cambridge qui s'amusent à juger tous les autres. Si tu n'es pas assez bien pour eux, qu'il s'agisse de ton bulletin scolaire ou de ton cartable de la collection Printemps/Eté de la saison dernière, tu risques de te faire très vite malmener. En somme ma petite, ce ne sont pas des gentilles personnes.

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» Pas vraiment... Mais on ne peut pas dire qu'ils soient plus gentils que ceux du JCC. Tu joues avec tes amies à action ou vérité ? Au début, ils jouaient à cela entre eux puis les choses ont dérapé... Maintenant, ils ne sont plus qu'une bande d'anonymes qui surveillent tout ce que tu fais et qui passent leur temps à détruire des choses et même des vies entières. Mais tu as encore le temps avant de faire connaissance avec tous les vilains de ce monde, tu sais.

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » Malheureusement ma puce, il te faudra faire un choix et rester sur celui-là. Et puis, au final, ce sont deux bonnes universités avec du bon et du mauvais...

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »