MIB + i knew you were trouble when you walked in so shame me now.

Je n’aime pas parler de ma vie. Je suis mal à l’aise. Je me triture les doigts et j’ai du mal à garder mon calme. Je ne sais pas réellement comment m’y prendre, comment expliquer que cette histoire de famille touche tout le monde. Même les parents, alors qu’ils sont sans doute les moins concernés de tous. Mes parents. Madame et monsieur Bloomwood. Un couple qui ressemble à n’importe quel autre, uni par l’amour de deux âmes se rencontrant en chemin. Mariés depuis plusieurs années dans une passion que seul les âmes sœurs peuvent en témoigner, ils n'ont rien que l'on pourrait qualifier d'extraordinaires, pas même cette envie, copiée et recopiée dans les contes de fées. Fonder une famille. Une vraie famille, avec des gosses, une maison, peut-être un chien, ou chat, ou les deux, qui sait ? Ce même rêve qu'ils touchent du bout des doigts lorsque l'ainé arrive. Ils l'appelleront Miles. Allez savoir pourquoi. Une illumination après douze heures de travail intensifs, sans doute. Miles, c'est moi. Premier gosse, premier rayon de soleil dans la vie de ce couple à l'amour toujours aussi indescriptible. On apprend à se lever tôt, à dormir peu, parfois pas du tout. Les joies d'être parents. On apprend à se disputer à cause des différentes envies que chacun veut imposer au pauvre gosse qui n'a rien demandé. Maman pense que ses couches-là sont mieux pour son développement, mais papa préfère les moins chers, parce qu'on ne peut pas se permettre de faire exploser le budget. Ça part dans tous les sens, ça gueule et ça crie, ça pleure parfois, mais ça s'aime toujours. Toujours. Ça s'aime encore, même alors que maman n'arrive pas à avoir ce second enfant que papa veut tellement. C'est pas de faute après tout. Les rendez-vous se multiplient, les manières aussi. Mais ils ont beau tout tenté, rien ne marche. Ce ne sera pas comme ça qu'on aura ce nouveau né. Ils n'abandonnent pas pour autant, parce que cette famille, ils la veulent et ils feront tout pour l'avoir. Alors, ils préfèrent y voir un signe du destin. L'adoption semble se pointer. Une idée qui finalement leur plait. Ils s'en mordront les doigts plus tard. La procédure dure. Longtemps. Très longtemps. Un an. Et Lancelot arrive. Puis Brune, comme un cheveu sur la soupe, alors que personne ne s'y attend. Pouf, comme si la cigogne s'était trompée de foyer. Et le temps passe. Le temps court. Court et court, tandis que les gosses grandissent et que les parents se perdent dans leurs affaires, dans cette illusion de famille parfaite. Ce rêve qu'ils voulaient tellement réaliser et qui se transforment en cauchemar.

Tout avait si bien commencé. Lancelot arrive dans la famille. Il a mon âge, malgré sa silhouette qui semble plus grande et plus élancée. Ce n'est pas mon véritable frère, nous ne partageons rien, si ce n'est le nom. Et pourtant, le courant passe. Il passe si bien que cela en est presque suspect. Nous avons quatre ans. Autant vous dire que je ne me souviens que très peu de ces années-là. Cela dit, je sais qu'entre nous, un lien s'était crée. Ce même lien que certains voient entre deux jumeaux. Ce lien qui restera à jamais. Je le sens toujours. Même après toutes ses années, même alors qu'il n'est plus auprès de moi. Mais on en est pas encore là, Lancelot est toujours à la maison. Il n'est qu'un gosse, mais il est déjà très possessif avec ses proches. Avec moi, surtout. Et lorsque Brune rejoint la famille, tout explose. Il ne cesse de pleurer dès que j'ai la malheureuse envie de m'éloigner ne serait-ce qu'un mètre de lui. Il tente même à plusieurs reprises de frapper Brune, mais cela ne va pas plus loin qu'une petite gue-guerre entre deux frères et sœurs qui cherchent l'attention de l'ainé. Et l'ainé, c'est moi. Quelle chance ! Les parents ne sont pas plus effrayés que ça, parce qu'après tout, c'est normal, les disputes existent dans toutes les familles. La jalousie aussi. Alors, on vit avec les sautes d'humeur de l'enfant roi. Mon petit frère. Ma perle rare. Moi, ça me dérange pas tant que ça, après tout, c'est une preuve d'affection que d'être jaloux. Mais il lui semble avoir ce besoin d'être rassuré. Il le sait pourtant, qu'il ne sera jamais remplacé. Il n'y a qu'avec lui que je peux passer la nuit à boire et à rire, sans me soucier de ses moindres faits et gestes. Brune, elle est trop fragile et j'aurai bien trop peur qu'elle se casse. En plus, c'est une fille, et c'est ma petite sœur. Je me dois de la protéger. Forcément, c'est différent. Alors, je sors avec lui, et l’abandonne avec les parents. A seize ans, je ne me rends pas vraiment compte de l'éloignement, je ne pense qu'à nous ; Lancelot et moi. Les rois du monde, c'est nous. Bras dessus, bras dessous, on s'envole pour une nuit de folie, et on ne retombera sur Terre que plus tard, bien plus tard. Je me souviens très bien de nos longues soirées alcoolisées. Ce n’était pas raisonnable, mais je m’en foutais, parce que j’étais avec lui. Et lui, ça a toujours été tellement plus qu’un simple frère adoptif. Lui, Lancelot, c’est l’homme de ma vie, encore aujourd’hui, même après son départ. Ca le sera toujours. Parfois, nos regards se croisent et je repense à toutes nos aventures. Toutes. Même à celles qui se sont si mal terminés. Comme cette soirée-là. Les parents nous avaient formellement interdits de quitter la maison. On enchainait tellement les conneries qu’on ne rendait plus compte de rien. Brune était sur ses gardes elle aussi. Elle savait qu’on ne les écouterait jamais mais au fond d’elle, je pense qu’elle espérait qu’on calme nos ardeurs. Alors, on attendu qu’elle s’endorme. Que tous rejoignent Morphée. Lancelot s’est redressé de son lit et a tapé un petit coup sur mon matelas installé plus haut. C’était l’heure. On s’est habillé en quatrième vitesse, le sourire accroché sur les lèvres de mon frère. Ah ça, il était content de nous. On a échangé un regard complice. Le regard de deux adolescents fiers de leurs conneries. On l’était peut-être un peu trop. On a quitté la chambre sur la pointe des pieds. A chaque bruit, on se figeait comme deux statues. C’était tellement excitant qu’on ne pouvait pas s’empêcher de pouffer à chaque fois que l’un se mettait à flipper pour une quelconque raison. Il me tenait fermement la main, comme s’il avait peur que je disparaisse, comme s’il avait peur que l’on soit à jamais séparés. Et on a atteint la sortie. On s’est regardé une énième fois, il a ouvert la porte et on est partis. On s’est mis à courir dans les rues, ma main toujours dans la sienne. Je me sentais immortel. Invulnérable. Lancelot devait le penser également. Durant le trajet, on riait si fort, on avait l’impression de n’être plus que deux sur Terre. On dansait sous les étoiles, on était tellement heureux. Tellement insouciants. On est arrivé, plusieurs minutes après, chez cet ami qui faisait une soirée suite au départ de ses parents. Schéma classique de jeunes adolescents qui profitent de cette éternelle jeunesse. Mais c’était bon, tellement bon ! Lancelot m’a tendu un verre, il a pris le sien et l’a levé en notre honneur, parce que bon sang, on se sentait si puissants ! Le temps a filé. Minuit a sonné. Tout a dégénéré. L’alcool coulant à flot, les esprits se sont échauffés. Les cigarettes jonchaient sur le sol, près des cadavres de bouteilles de vodka, tequilas, bières, et tout ce que vous voulez. Les préservatifs étaient sur la table, près de quelques sachets de drogues. Du grand n’importe quoi. Un gars sorti de nulle part s’est précipité sur Lancelot pour l’arracher des bras de la belle blonde qui gloussait comme une dinde. C’était son copain. Il l’a attiré contre lui et lui a envoyé son poing si fort qu’il en est tombé par terre. Il hurlait tellement fort que tous s’étaient arrêtés de discuter pour l’écouter. Il n’en a pas fallu plus pour que mon jumeau se relève pour se jeter sur lui. C’était la guerre ! J’ai tenté de les arrêter en me mettant entre eux, je me suis simplement pris un coup en pleine poire, alors j’ai riposté. On a tous les trois fini au commissariat, avec les parents sur le dos, en plus des flics. Je ne suis pas très fier de cet épisode. Il est certain qu’à mon âge, je ne me comporterai plus de cette façon. Mais à seize ans, même en promettant à mes parents que cela ne se reproduirait plus, on a recommencé la semaine suivante.

Je me calme avec le temps. Je suis toujours Lancelot dans ses aventures, mais je suis sans doute un peu plus responsable. J’ai dix-huit ans, je ne suis plus vraiment un gamin. Lui non plus d’ailleurs, et pourtant, il continue à se comporter comme un gosse capricieux. A côté, ma petite sœur est l’oubliée. Je ne réalise pas immédiatement qu’elle aussi a besoin de moi. Vraiment besoin de moi. Ma jolie Brune. Ma petite Brune, quatre ans de moins et pourtant si mature. Avec Brune, les choses semblent plus compliquées qu’avec Lance. Elle est plus difficile à cerner. Je l’aime autant que j’aime mon frère, mais pas de la même manière. Elle, je l’aime comme on aime une petite fleur. Une rose que l’on tente de protéger pour garder ses pétales. C’est un rayon de soleil, la blonde Brune. On a toujours peur d’en faire trop avec elle. Ou pas assez, mais en tout cas, on ne fait jamais les choses biens avec elle. Brune, j’aimerais parfois qu’elle soit un garçon. Tout aurait été tellement plus simple. J’aurais moins peur pour elle. J’ai toujours besoin d’être derrière elle, parce que je suis presque sûr qu’elle ne saura jamais s’occuper d’elle-même. Il suffit de la regarder. Elle et ses petits bras sans muscles. Un souffle et elle s’envole dans les cieux. Elle et ses grands yeux si innocents. On y plongerait toute la journée. Elle et ses traits encore si jeunes. Petite fille qui a tellement à apprendre. Brune, elle est tellement belle, qu’elle rend les hommes fous. Fous d’amour, comme Lancelot. Je le sais, je les ai vus. Ou en tout cas, je l’ai compris après avoir vu le bleu de trop. Cela avait été une journée si banale. Je l’avais passé auprès de mon jumeau, comme on le faisait toujours. On ne se quittait jamais tous les deux, vous savez. J’étais son repère, son pilier. J’étais conscient qu’il n’était pas comme les autres. Il ne pensait pas comme les autres. Il était colérique, impulsif et lunatique. On ne savait jamais sur quel pied danser avec lui. Moi, je savais. J’étais le seul à réussir à l’apaiser lorsqu’il allait mal. Je le prenais par les épaules, je le regardais, et ça passait. J’ai toujours réussi à lire en lui. Lancelot, il n’est pas méchant. Il ne le fait simplement pas exprès. Ce n’est pas sa faute s’il est ainsi. Il est juste… ainsi. Et on n’y peut rien. Personne ne le peut. On s’était séparé quand on est arrivé dans la maison. Je suis monté dans la chambre, j’ai posé mes affaires et je me suis enfermé dans la salle de bain pour me prendre une bonne douche. J’y suis resté un moment. Un long moment. J’ai quitté la pièce, et en traversant le couloir me menant à ma chambre, j’ai aperçu Brune qui s’observait dans son miroir. Il ne m’a fallu plus d’une seconde pour voir les bleus sur ses bras qu’elle tentait de cacher comme elle le pouvait. Les sourcils froncés, je me suis rapproché. « Brune ? » Prise en flagrant délit, elle s’est vivement retournée. Elle avait honte, ça se lisait sur son visage. Je suis entré dans sa chambre, balayant la pièce du regard et j’ai refermé la porte. Elle était mal à l’aise, gênée et elle avait sans doute peur que je découvre la supercherie, qui n’a pas duré. Les questions ont fusé. Qui avait bien pu toucher à ma sœur ? Surtout ma sœur. J’allais lui péter les os à cet abruti. Elle cherchait des excuses, elle me disait qu’elle était tombée dans les escaliers, me répétait que ce n’était rien. Bref, des excuses en carton, que je n’ai évidemment pas cru une seule seconde. Je me suis approché, j’ai attrapé son menton, et lui ai répété la question les yeux dans les yeux, en lui promettant que ce n’était pas grave, qu’il ne lui arrivera rien. J’avais besoin de savoir, c’est ma petite sœur et en tant qu’ainé, c’est à moi de faire attention aux plus jeunes. J’étais là pour ça après tout. Elle a lâché le morceau et je suis resté figé. Lancelot. C’est Lancelot. Impossible. Pas mon Lancelot. Mon Lance. Mon frère, mon jumeau, ma demi, mon moi, mon tout. Elle semblait si sincère que l’évidence s’imposait. Lancelot était coupable. Et moi, comme un abruti, je n’ai rien vu venir. Je l’ai attiré contre moi, l’ai embrassé sur le front, lui promettant que cela n’arrivera plus jamais, lui promettant l’impossible, tandis que j’essayais moi-même d’en être persuadé.

Je ne pouvais pas lui promettre ce genre de choses. Evidemment que non. Mais j’y ai cru pendant un long moment. La tension est redescendue et la vie a repris son cours. Pour moi, c’était tout bon. On grandit, on murit, on déménage. Après concertation, Lancelot et moi décidons que Londres est la ville la plus adéquate à nos envies. Ce n’est pas trop loin des parents, ni de Brune et c’est parfait pour nos études. La puce passe parfois nous voir, et malgré le malaise qui s’installe souvent entre nous trois, on est presque normaux. On dîne parfois ensemble, dans une entente assez cordiale. On plaisante, on rit, on s’amuse comme trois frères et sœurs qui se retrouvent au cours d’un week-end. Plus le temps passe, plus Brune se détend. Elle vit de mieux en mieux les moments à trois et finalement, c’est le début de la fin. Un soir, en chemin pour retrouver les deux personnes les plus importantes de ma vie, j’ai reçu un coup de fil. Une amie, qui avait vraiment besoin de mon aide. Elle pleurait et elle était tellement mal que je ne comprenais qu’un mot sur trois. Une histoire avec son ex, encore et toujours le même qui la menait à la baguette. Exaspéré, je n’ai pas réfléchi plus d’une seconde et je lui ai promis de passer la voir. Elle avait l’air si heureuse que j’en ai oublié Lancelot et Brune pendant un temps. Je me suis dit que ça se passerait bien. Allons, de l’eau avait coulé sous les ponts, il était passé à autre chose, j’en avais pris soin. Il me semblait tout à fait sain d’esprit – ou au moins, assez pour ne pas recommencer ses conneries. Je suis arrivée chez mon amie, elle m’a pris dans ses bras, ça a duré toute la soirée. Je n’ai pas vu le temps passer, je dois vous l’avouer. Elle m’a proposé de rester un peu, de prendre un verre, puis deux, peut-être trois. Puis, on est passé à quelques cacahuètes, j’ai complètement oublié les deux autres, qui devaient m’attendre – ou pas. Elle a pleuré, je l’ai réconforté, elle a souri, tout s’enchainait, je n’ai pas vraiment eu le temps de réfléchir. On n’a pas couché ensemble, mais on n’est pas passé loin. Dans la soirée, j’ai reçu un coup de fil. J’étais allongé sur le canapé, elle me racontait une histoire que je ne pourrais vous répéter – à propos de son ex et de quelques pratiques étranges mais je n’en dis pas plus – et lorsque j’ai vu l’appelant, j’ai compris qu’il s’était passé quelques choses de grave. L’hôpital. Lancelot et Brune étaient là-bas après une mauvaise chute. J’ai tout de suite compris. Mon Lance, qui avait fait des siennes. J’ai quitté mon amie sans même lui laisser le temps de comprendre et je les ai rejoints plusieurs minutes plus tard. Les parents étaient déjà présents et discutaient avec les médecins sur l’état de santé de Brune. Rien de grave, ses jours n’étaient pas comptés. Soulagement qui passe dans les yeux de mes parents. Lancelot était plus loin, affalé contre le mur, les deux mains sur la tête. Je l’ai rejoint, il était si mal. Il parlait si vite, c’était incompréhensible, ses mots se mêlant aux sanglots qu’il n’arrivait plus à arrêter. Ca partait dans tous les sens, j’avais du mal à comprendre ce qu’il me disait, j’étais tellement en colère contre moi-même, qui avait préféré papillonner alors qu’ils m’attendaient. Je me détestais pour avoir été si naïf. J’ai tenté de le calmer, et pour toute réponse, il s’est serré contre moi. Et on a attendu. On se comprenait dans ce chaos. J’entendais son cœur qui tambourinait. Petit à petit, le calme est revenu. Et les parents nous ont rejoints. Aucun d’entre nous n’a prononcé un seul mot de toute la durée de l’attente. Ils nous regardaient, s’échangeaient parfois des regards complices. Je pense qu’ils se sont toujours doutés de l’histoire qui se cachait entre nous, mais qu’ils n’ont jamais vraiment voulu y croire. Parce qu’on préfère s’abandonner dans l’utopie d’une existence sans problème, en sachant très bien que cette vie n’existe pas et n’existera jamais. Quelques jours plus tard, la sentence est tombée. Lancelot est parti. Et ce n’était pas négociable. Je crois que je n’ai jamais autant pleuré de ma vie. On s’est quitté après un échange de regards terribles, qui me hante encore aujourd’hui. On m’enlevait une partie de moi-même et on la jetait comme un vulgaire jouet démodé.

Pires moments de ma vie. Pire que tout au monde. J’ai tellement haï mes parents que ça me rendait malade à en crever. J’ai toujours gardé les lettres de mon frère. Elles étaient pleines de tristesse et de regrets. A chaque fois que j’en recevais une, j’en chialais toute la journée, il m’était impossible de la lire d’une traite sans inonder ma chambre. J’étais aussi mal que lui pouvait l’être dans sa petite chambre. Des kilomètres nous séparaient et pourtant, je pouvais ressentir toutes ses émotions comme s’il était en moi. Ca explosait dans mon estomac, ça m’en donnait mal au ventre, ça me bouffait de l’intérieur alors que les parents et Brune semblaient reprendre le cours de leur vie comme s’il ne s’était rien passé. Je haïssais toute cette hypocrisie autour de cette histoire, je haïssais tellement tout ce monde que je me haïssais moi-même de ne pas avoir pu être présent pour mes deux amours. Brune s’en prenait plein la figure, j’avais beau me répéter qu’elle n’y était pour rien, elle se prenait toute ma mauvaise humeur en pleine poire. C’était plus fort que moi, j’avais besoin qu’elle comprenne combien Lancelot était un pilier de notre vie, combien le manque de Lancelot me pesait. Horrible période qui m'a rendu fou. Je me perdais dans mes envies de retrouver cette famille unie et dans cette haine que je ressentais pour ce qu’on faisait subir à Lancelot. C’est tellement confus dans ma tête que même aujourd’hui, j’ai du mal à y repenser sans en avoir mal au crâne. C’est flou dans mon esprit. C’est comme si j’avais occulté toute cette période de ma mémoire. Il parait que certaines personnes font ça après avoir vécu un choc émotionnel. Je crois que c’est de là qu’est venue mon envie d’étudier la psychologie. C’était tellement étrange toute cette atmosphère pesante, tout ce faux-semblant, tout ce malaise autour d’un homme qui pourtant, ne peut rien faire pour changer sa véritable nature. C’était tout simplement terrible. Pour tout le monde sans doute. Mais pour moi, c’était pire. Pire encore lorsque Lancelot se retrouve à l’hôpital sans que je ne puisse rien faire pour apaiser sa douleur. La douleur est si forte que les parents finissent par accepter son retour. Et étrangement, ça se passe mieux… au début. Mais j’y crois une nouvelle fois. C’est la bonne, que je me répète tous les jours. Et ça repart dans une ambiance morbide au bout de quelques mois. Lancelot souffre, Brune souffre, et je me retrouve encore une fois entre deux feux. Je ne peux rien faire pour apaiser l’un ou l’autre, je ne fais que subir les sautes d’humeur de Lancelot et la peur de Brune. Bon sang, comment leur faire comprendre qu’ils ne sont pas les seuls à souffrir ? Que moi aussi, même en étant l’ainé, j’ai besoin d’eux ? De tous les deux ? Brune ne pourra jamais m’apporter ce que Lancelot m’apporte et c’est pareil dans l’autre sens. Ils sont si différents qu’ils en deviennent complémentaires et nécessaires à mon propre équilibre. Alors, Lancelot fait un choix fou. Il s’engage dans l’armée et nous quitte une bonne fois pour toute. Il veut changer, il compte changer et il change. Le temps a passé. Tout s’est calmé… Brune emménage avec moi à Londres, remplaçant Lancelot. Je garde un œil sur elle, parce que c’est mon devoir de le faire. J’apprends à vivre par moi-même, je me mets à travailler, je me concentre plus sur mes études. La tranquillité qui vient enfin s’installer dans nos vies. Il était temps. Je pense enfin un peu à moi et je m’amuse, je vis. Lancelot passe parfois nous voir. Et le malaise a beau resté, on est toujours là. Tous les trois. Pour le meilleur, comme pour le pire. A jamais.

Après tout ce qu'on a traversé, vous comprendrez enfin pourquoi il est difficile pour moi de parler de ma vie. Mais ça aussi, ça s'améliora avec le temps.

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? De me laisser du temps pour y réfléchir. Faut voir si le scénario est sympa, si ce n'est pas une plaisanterie, si c'est bien organisé et si c'est bien payé (après tout, je serais une future starlette du ciné), en bref, j'ai besoin de prendre le temps. Ca me plairait, mais j'suis pas sûr que l'après soit une partie de plaisir. Je réfléchis trop, je sais.

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? Aon, pauvre chérie, sèche donc tes larmes et viens faire un câlin à tonton Miles, il saura te réconforter.

→ Ton(ta) cousin(e) t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? Réaction à chaud, je le recadre direct. Réaction à froid, je tente de comprendre et m'assure qu'il ne recommencera plus jamais ou il risque d'être salement amoché.

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? La soirée geek est plutôt cool, mais à petite dose, parce que c'est sympa aussi d'aller se saouler et de rencontrer de charmantes demoiselles.

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? C'est moi qui vomissais dans nos toilettes quand on revenait de soirée, pas Lancelot. Lui, il a toujours trop bien tenu l'alcool. Quoique, je pourrais pas vous le confirmer, j'étais toujours bourré le premier, la faute à qui ?

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Je la vole.

→ C'est le mec (la fille) de tes rêves, tu en es persuadé(e) et pourtant, celui(celle)-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résigné(e), stratégique, ou éploré(e) ? On veut les détails ! Doué comme je suis, je me rendrai même pas compte que le mec assis à côté d'elle est son mec. Et puis, si c'est vraiment mon âme sœur, c'est elle qui viendra à moi et tant pis pour son copain, il a qu'à mieux s'en occuper.

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? J'sais pas, on verra. J'espère au moins qu'on pourra enfin sortir Lancelot, Brune et moi sans que je sois obligé de les surveiller. Ce serait un grand pas.

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) Dare, toujours.

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » Je suis loin de ses préoccupations, tu sais. J'crois qu'Oxford est un peu plus déjanté que Cambridge, qui est plus axé sur les études vraiment sérieuses et appliquées. Mais j'en sais trop rien, tonton est à Londres tu sais, il ne fait pas attention aux autres villes.

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Cambridge Club ? » J'en ai entendu vaguement parler, c'est l'élite de Cambridge. Ils te dictent les bonnes manières, sont toujours derrière toi à l'affut du faux pas pour te réprimander et te demander de mieux te comporter. C'est plutôt sympa, quand on ne réfléchit pas par soi-même.

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» J'crois pas, en tout cas, le nom nous fait penser le contraire. Il me semble que ce sont des petits cons qui tiennent un blog et qui racontent des saletés sur les autres. Il parait aussi qu'ils s'amusent à préparer des sales coups et autres réjouissances de ce genre. Ca, ça doit être franchement cool et drôle que le JCC. Si tu veux mon avis, on doit bien s'amuser avec eux.

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » J'crois pas. J'sais pas, tu devrais demander ça à tes parents.

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »