LIBERTY ✱ Si quelqu'un est mieux placé que toi pour parler, demande lui de se décaler.

« Liberty, toutes les maîtresses prononçaient mal son deuxième prénom, et disaient "Blu" à l'école. Et même quand nous n'avions que 6 ans, elle protestait en criant que ça se prononçait "Blou", et qu'il fallait être un "gland pour ne pas le deviner". Bien souvent les professeurs la dénigraient à cause de sa double nationalité, faisaient exprès de mal prononcer son nom ou son prénom. Une vraie forte tête, mais en même temps, particulièrement patiente : A chaque fois, elle corrigeait, et jamais, jamais elle n'a laissé couler en silence, elle a toujours tenu à ce qu'on respecte son nom. »


« Liberty ? Je crois que c'est la fille la plus caractérielle qui soit. Elle a des airs mystérieux et doux, avec ses grands yeux verts et ses cheveux bruns, mais dès que quelque chose la contrarie, elle devient la nana la plus agressive qui soit. Une fois, parce qu'un des collègues a dit du mal de son oncle devant elle, sans savoir qui elle était, elle a gentiment déposé son café sur la table, et lui a décollé une gifle monumentale. Dix sept ans à l'époque la petite ! Et je pense qu'à 24 ans, elle est presque pire, surtout en suivant les études de criminologie. On dit de son oncle qu'il est impassible, eh bien, Hellington au féminin, c'est la même ! »

« Faut pas croire ce que disent les gens de Liberty.. Ils disent qu'elle est insensible, fausse, mais je la connais depuis son arrivée à Cambridge, alors qu'elle n'avait que 18 ans. Quand on perce sa carapace elle est douce, curieuse, protectrice et dévouée. Elle est très intelligente, mais ça, c'est de naissance, elle a une mémoire photographique énorme, une mémoire eidétique. Je sais que parfois elle s'en passerait bien, et je la comprend..  »


La femme referme son dossier en entendant frapper à la porte, et le range soigneusement pour que sa patiente évite de le voir. Alors qu'elle donne son accord pour la laisser entrer, une jeune femme brune pénètre dans la pièce d'une démarche aérienne, soigneusement coiffée, habillée, et perchée sur des talons fins. « Bonjour, mademoiselle Hellington. Dit-alors la femme dans un français maladroit à l'adresse de la jeune fille. Celle ci hausse les épaules. - Bonsoir serait plus adéquat, en France on dit bonsoir quand la nuit approche. Elle tire la chaise et lance un regard à la femme plus agée, attendant son accord pour qu'elle puisse s'asseoir. Elle hoche la tête, et Liberty s'installe calmement. - J'ai appris que vous étiez française alors je fais quelques efforts, d'où vient votre nom ? Liberty hausse les épaules et soupire. Comme si elle ne savait pas déjà tout ça. D'une voix claire, elle s'exprime cependant.- Mon père est .. Était anglais, le nom de ma mère est Sophie Beaumont. Authentiquement français, même si elle a fait ses études à Cambridge. C'est là qu'elle a rencontré mon père. - Vous vous êtes corrigé en parlant de votre père .. Est ce que.. Liberty la coupe brusquement en levant les yeux au ciel, de plus en plus agacée. - Oui il est mort. Ma mère aussi. Et vous le savez très bien, vous êtes la psy de la police criminelle où travaille le frère de mon père. La psychologue écarquille un court instant les yeux, et reprend son calme. - Et c'est mon boulot de te laisser parler, où serait l'intérêt si je déballais ta vie devant toi, Liberty ? La jeune femme se tait un court moment, avant de déclarer d'un ton neutre. - Vous avez raison. La séance reprend alors : - Alors, parlez moi de votre enfance. - Je suis née à Paris, en 1989. A un an près j'aurais pu naître à Cambridge, mes parents venaient de finir leurs études quand maman est tombée enceinte. C'était un véritable coup de foudre entre eux, ma mère, la belle étudiante en psychologie, et mon père, futur profiler de renom, qui était en criminologie évidemment, comme moi. Ils sont sortis ensemble à la fin de leur première année d'études, à la 5ème, ils se sont fiancés, et quand ma mère a appris sa grossesse, ils se sont marié, et ont emménagé à Paris, pour s'occuper de moi. Plongée dans ses souvenirs, Li' esquissa un bref sourire nostalgique, qu'elle communiqua à la psy, qui demanda : - Et ce fut une enfance heureuse? La jeune brune s'adoucit et hocha vivement la tête. - Je n'aurais pas pu rêver mieux.. Même avec son boulot, mon père faisait en sorte de toujours être auprès de moi au maximum, il m'appelait quand il devait se rendre dans d'autres pays pour des affaires importantes, mais il restait au maximum en France. Ma mère, elle, était constamment avec moi. A l'école tout se passait bien, j'ai jamais fait de vagues, même si on dit de moi que je suis une forte tête. (rire nerveux) L'expression de la psy s'assombrit. - Jusqu'à ce que, en 2004, ton père connaisse une affaire corsée.. Liberty déglutit à l'évocation du cauchemar qui était arrivé dans sa vie. - Je ne l'ai appris qu'après ... Après tout ça. Si mon père voyageait beaucoup, c'est parce qu'il avait infiltré un gang mafieux. Meurtres, trafics de drogue, attentats ... S'il les coinçait, il décrochait le gros lot, et s'il échouait .. Il risquait gros. Et un type a fini par le démasquer.. J'avais quinze ans. Il l'a dénoncé, le chef l'a suivit jusque chez nous, et n'a pas hésité à tirer. Sur ma mère, puis mon père. Histoire de bien le faire souffrir avant de l'achever. Les mains de l'étudiante se crispèrent sur le tissu de sa robe. - Et vous, où étiez vous ? - Dans le placard du salon. La psy fronça les sourcils. - Ils ne vous ont pas cherché ? Liberty continua de répondre d'une voix de plus en plus neutre, bien qu'en vérité elle soit agitée. - Évidemment, sauf qu'ils ne se doutaient pas que j'étais juste à côté en train de tout regarder. Ils ont directement été dans ma chambre, ça m'a amplement laissé le temps de trouver l'arme de mon père dans son tiroir, j'ai même eu le temps de la charger. Ils ne savaient pas que je savais tout de son métier et qu'il m'a appris à manier les armes. La psy déclara alors d'un air solennel. - Et vous avez tiré... Liberty redresse son regard d'un vert sombre vers son interlocutrice, puis hausse les épaules d'un air tout à fait indifférent. - Va-t-on m'en blâmer ? J'étais en danger de mort, j'ai abattu un criminel recherché par pure légitime défense, pour sauver ma vie. - Et venger vos parents. Les yeux de Liberty commencèrent à la bruler, et elle cligna plusieurs fois d'affilée les yeux pour retirer les larmes qui lui brouillaient la vue. -  Aussi. - C'est ce qui vous a engagé à suivre la voie de votre père ...? La brunette hoche la tête. - J'avais quinze ans, et j'avais tué un homme. Qui plus est le chef d'un groupe terroriste mondialement cherché. Immédiatement, mon oncle, profiler dans la police criminelle de Londres - votre collègue - est venu me chercher pour me protéger. Tout le monde parlait de moi comme la pauvre petite adolescente qui venait de perdre son père. Tout ce que je voulais c'était qu'on me foute la paix, et ça, mon oncle seul l'a compris. Il m'a directement considéré comme une femme et non pas comme une enfant. Au lieu de retirer l'arme dans mes mains, il l'a mise dans ma poche. Il savait sans que je lui dise que je comptais suivre ses traces et celles de mon père. - C'est pour ça que vous êtes donc maintenant à Cambridge. Elle soupire. -  Ouip,  criminologie, option profilage, cinquième et dernière année, vous connaissez déjà tout le blabla. La psy arque les sourcils, en croisant les jambes. - Et vous n'avez pas peur des autres, ceux qui étaient avec l'homme que vous avez tué ? Le visage de Liberty se ferme. - Absolument pas. Je les attend même de pied ferme s'ils veulent me supprimer. Et s'ils ne viennent pas, une fois diplômée, j'irais les chercher, je me battrais bec et ongles pour qu'on me donne un jour le dossier.

→ Dans la vie, on cherche toujours à atteindre un but, quelque chose de vraiment personnel, un idéal de vie, un rêve, quelque chose qui vous rendrait heureuse finalement. Pour vous qu’est-ce que c’est ? Je voudrais devenir une aussi bonne criminologue que mon père, résoudre des affaires dangereuses, arrêter des ordures comme ceux qui l'ont tué. J'voudrais avoir la satisfaction de me dire que s'il était là, il serait fier de moi, et du chemin que j'ai parcouru.

→ Et qu’est ce qui vous bloque en fin de compte ? Pour l'instant, en dehors de mes études, rien.. Absolument rien. D'ici la fin de l'année je serais diplômée et j'irais vivre à Londres. Avec un peu de chance, mon oncle me fera rentrer dans la police criminelle, peut-être pas dans sa section, mais étant profiler, il a des contacts. En attendant, j'ai plus qu'à être une étudiante normale.. Je suppose.

→ Je vois. Est-ce que vous avez des regrets ? J'ai un regret, mais .. C'est compliqué. Disons qu'y a une personne, que jamais j'aurais cru apprécier.. jamais. Dans ma tête, c'était mon ennemi public numéro un, et évidemment, rien ne se passe jamais comme prévu. Mon seul regret c'est d'avoir appliqué la règle "fais de ton ennemi ton ami" pour mieux l'atteindre. Au final la balle a ricoché au lieu de le frapper.

→ Qu’est-ce qui vous rends heureuse dans votre vie aujourd’hui. Une personne, une passion ? Mes études. C'est ma passion vraiment. Dans les amphis vous pouvez être surs de me trouver au premier rang, concentrée sur mon pc, en pleine prise de note. Disons que quand on a eu un père et qu'on a un oncle criminologue, forcément, j'ai été entraînée dans le domaine tôt. Y en a qui détestent suivre la voix de leurs parents.. Moi, c'est mon but.

→ Et est-ce que vous vous sentez seul parfois ? Très souvent.. Disons qu'en tant qu'orpheline, je ressens très souvent le manque de mes parents.. J'me demande s'ils seraient fiers de moi, ou si au contraire ils préféreraient que je fasse de la danse ou de la littérature comme beaucoup de filles... Heureusement j'ai mon oncle pour combler cette solitude au maximum. Et mes quelques amis sur le campus.

→ Rien d’anormal je vous rassure, mais dîtes moi, qu’est ce que vous attendez des autres, qu’ils vous aiment, qu’ils vous comprennent ou qu’ils vous respectent ? A vraie dire, je n'attends rien d'eux. Peut-être du respect, dans le sens ou je sais que si on parle de ma famille de travers, je m'emporte facilement. C'est un sujet délicat à aborder avec moi, et d'ailleurs je vous le déconseille fortement.

→ Et qu’est ce que vous attendez de vous même ? La réussite dans mon objectif, à savoir la réussite tout court. Dans mes études, dans ma vengeance, dans tout. Je veux grandir avec la satisfaction et la fierté d'avoir atteint mon but: Être une criminologue accomplie. Arrêter des méchants comme dans les films. Bon, avec un peu moins d'explosions de voitures, forcément, je me doute que ça sera pas comme dans les Experts ou dans Criminal Minds, j'suis étudiante, pas une gamine qui rêve en regardant par sa fenêtre.

→ Et Peut être que vous vous en demandez trop. Qu’en pense votre entourage ? Mon oncle a peur pour moi même s'il n'ose pas le dire. Je le vois souvent sur le campus, il dit qu'il veut juste manger avec moi, suivre mes études, mais je sais qu'il s'inquiète, parce qu'il sait que je pense toujours à l'assassin de mon père.. Au reste du gang. A la vengeance. Et je suis le genre de forte tête qui oublie difficilement. Je cache juste ça derrière de jolis sourires innocents et des regards de biche.

→ Est ce que vous sentez soutenue dans vos choix par votre famille et vos amis ? Si je le sais inquiet, par contre, mon oncle me soutiendra toujours, et il a été le premier à m'encourager dans ma poursuite d'études. Il sait que je veux faire ça depuis bien longtemps.. Même avant la mort de mes parents, je m'intéressait au travail de mon père et de mon oncle. C'étaient mes héros... Et ce le sont toujours à mes yeux, même si mon père n'est plus là.

→ Bien, nous continuerons la semaine prochaine si vous voulez bien, n’hésitez pas à m’appeler si vous avez un souci d’horaire.