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Je suis en vacances, officiellement. Quoi que dans les faits, je suis toujours tenu d'assister à mes cours à Oxford, mais cette année un peu bordélique a été le point de départ de moins de régularité à la fac, où je n'assiste qu'aux cours importants ou obligatoires, favorisant de manière indéniable ma vie professionnelle. Ce qui ne m'empêche évidemment pas d'exceller, comme toujours. La vie est ainsi faite, je suis sans doute né doué pour les études. En ce moment, tout me porte cela dit à croire que je le suis nettement moins pour ma relation. Je secoue la tête en grimpant dans la voiture, je dois retourner à Londres malgré l’accalmie que je me suis offerte, pour Morgana Castelli, ma prof de théâtre décédée lors de la soirée de Saint-Valentin chez les Hastings-Bass. Tristan ne vient pas, et c'est avec Bonnie que je m'y rends, sans doute parce que Miss Castelli avait une signification différente pour nous que pour les autres. Ma présence là-bas est porteuse de bien plus d'enjeux qu'il n'y parait, et je suis franchement mal à l'aise à l'idée, mais je lui dois bien ça. Il ne me faut que quelques minutes pour arriver en bas de chez Bonnie, à laquelle j'envoie un sms pour lui indiquer que je suis là. Je patiente ensuite en attendant de la voir arriver, et lui indique de monter. Nous avons encore trois bons quarts d'heure de retour avant d'arriver à destination. « Prête ? » je demande, en lui souriant légèrement. « Plus ou moins et toi ? » Je fronce le nez, lui laisse le temps de s'installer avant de répliquer d'une voix morne : « Je suppose qu'on est jamais vraiment prêts pour ce genre de choses ». Je soupire un peu avant de démarrer de nouveau, reprenant rapidement la route. Londres n'est pas franchement à côté et le trajet est si habituel pour moi qu'il me lasse franchement. « Mais on fait bien d'y aller, elle aurait aimé ça, je pense ». Des paroles en l'air, qui peut savoir ce qu'aimerait une personne morte ? Mais le prix moral de la journée s'en trouve moins douloureux. « Je ne sais pas pour moi, mais toi c’est sûr. » Je fronce un peu le nez et tourne la tête vers elle, l'avisant sans ralentir. « Enfin, elle t’adorait beaucoup. Vous aviez une certaine complicité, un truc qu’elle n’avait pas avec les autres. » J'acquiesce sans rien ajouter, tout le monde m'a toujours dit que Morgana me portait une affection particulière, ce que j'ai toujours trouvé plus ou moins drôle. Sans compter que Calypso est presque ma belle-mère, ce qui ne simplifie pas les choses. « Elle aimait être entourée, et le théâtre, plus on est, mieux ce sera ». Je souris un peu, reportant mon attention sur la route en accélérant légèrement. Elle acquiesce et nous balayons finalement le sujet pour le reste du trajet, parlant de l'avenir et de ce que nous aimerions faire l'an prochain, qui reste pour ma part relativement flou.

Quand nous arrivons finalement à bon port, je la laisse descendre devant la chapelle pour éviter le froid et le mauvais temps ambiant, garant la voiture un peu plus loin avant de la rejoindre. Elle semble nerveuse, triste aussi, mais rien ne semble plus normal dans un tel contexte. « Tu connais sa famille ? » J'acquiesce tristement et attrape sa main pour l'emmener à l'intérieur, lui expliquant au passage, à voix basse pour ne pas faire d'esclandres. « Morgana était la soeur de Calypso, et Calypso est la belle-mère de Tristan ». Ce qui rend d'autant plus l'absence de Tristan douloureuse, mais sans aucun doute compréhensible. « Elle est avec Gregory Faure, c'est une longue histoire ». Je soupire un peu en fermant les boutons de ma veste, prenant place au dernier rang. « J'irai les saluer après », je lance, tandis que la cérémonie démarre. Je garde le silence, contiens l'émotion que je ressens bien évidemment pour rester le plus sobre possible;

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Une fois la cérémonie terminée, et tandis que les gens quittent leur rang un à un, je presse le bras de Bonnie pour lui signaler que je vais faire un tour du côté de la famille, presque la mienne, d'ailleurs. « Je reviens tout de suite », je lance en lui adressant un sourire triste avant de me rendre devant mon beau-père et sa compagne. « Calypso », je lance, triste, ne sachant trop quoi dire parce qu'il ne me semble pas qu'il existe de mots qui puissent arranger une telle situation. Présenter mes condoléances me semble surfaits, peu approprié alors même que la situation s'y prête évidemment. Je lui tends ma main et lui adresse un sourire désolé. « C'était un professeur admirable, elle sera énormément regrettée ». J'acquiesce, puis avise Gregory auquel je tends ma main à son tour. « Gregory ». Mon oncle me portait une affection particulière quand j'étais plus jeune, ce qui a changé évidemment le jour où son fils lui a annoncé qu'il allait m'épouser. Mais la situation est inversée aujourd'hui, et si j'ai évidemment pris le parti de Tristan dans l'histoire qui l'oppose à son père au sujet de Nicolas, aujourd'hui n'est pas un jour à faire des histoires. « Bon courage », je dis finalement, à défaut de pouvoir dire autre chose.

Souvent j’oublie. J’oublie qu’elle n’est plus là, que la présence de Mr Howard est dû à une envie soudaine de prendre des vacances ou d’aller voir ailleurs si les élèves sont meilleurs qu’à Oxford, ce que je ne peux pas lui reprocher. Mais aujourd’hui la dure réalité nous rattrape. J’ai encore du mal à croire à toute cette histoire, à m’imaginer que quelqu’un ait pu vouloir l’assassiner. Je me demande encore aujourd’hui comment ça a pu arriver, si elle était visée personnellement ou juste si un taré était présent à la soirée de Saint-Valentin. Je soupire et enfile une robe noire avec des escarpins de la même couleur. Après quelques jours d’hésitation, j’ai décidé d’aller à l’hommage, organiser par sa sœur à Londres, avec Andrea. C’est important pour moi, pour nous, d’y aller. On a presque passé 1 an à écouter ses directives, à interpréter des personnages de la façon dont on voulait qu’elle le fasse, à avoir des cours particulier – je parle pour moi – pour être à la hauteur de sa réputation ou de son partenaire. Je commence à remplir un sac noir, discret pour la journée quand je reçois un sms d’Andrea qui m’indique qu’il est en bas. J’enfile un trench et enroule une écharpe autour de mon cou. Je repère la voiture de mon ami qui me fait signe de grimper. Je lui souris timidement, sourire qu’il me rend quelques minutes plus tard. « Prête ? » Je prends une longue inspiration et acquiesce. « Plus ou moins et toi ? » « Je suppose qu'on est jamais vraiment prêts pour ce genre de choses » J’acquiesce vivement. Personne n’aurait prévu que la soirée mortelle saint-valentin allait se révéler vraiment mortelle. Andrea redémarre et se dirige avec aisance. J’oublie qu’il travaille régulièrement à Londres et qu’il doit emprunter cette route tous les jours. « Mais on fait bien d'y aller, elle aurait aimé ça, je pense » J’hausse les épaules et commence à enlever des peluches imaginaires de ma robe. « Je ne sais pas pour moi, mais toi c’est sûr. » Je me mords la lèvre, ne voulant pas parler d’un sujet sensible. « Enfin, elle t’adorait beaucoup. Vous aviez une certaine complicité, un truc qu’elle n’avait pas avec les autres. » Un silence envahit la voiture. Je regrette d’avoir dit ça mais il faut dire que cette complicité n’avait échappé à personne. « Elle aimait être entourée, et le théâtre, plus on est, mieux ce sera ». J’acquiesce tandis qu’il me sourit. Il a raison, puis c’est important qu’on y aille, même s’il n’y a que nous deux. C’est important qu’on montre à sa famille qu’elle comptait quand même un peu. On change de sujet, pour oublier un instant la raison de notre voyage jusqu’à Londres. On parle avenir ce qui me fait légèrement paniquée puisqu’en terminant cette année, je ne sais absolument pas quoi faire. Je hais cette sensation.

On arrive près de la chapelle et mon cœur se serre pendant qu’Andrea gare la voiture. Je suis contente de ne pas être venue toute seule. « Tu connais sa famille ? » je demande soudainement, en songeant à ce qu’on pourrait leur dire.