music lessons || charles & nate

C’est la dernière semaine. Tant mieux, parce que je n’en peux plus. Honnêtement, tenir les secrets qui sont les miens ces derniers temps s’est avéré difficile. Les gens m’énervent, les gens trainent autour de moi avec leurs diplômes en poche et leurs grands projets, et moi je suis cloué ici. D’un côté, très étrange, c’est plutôt réconfortant de redoubler. Je sais au moins que je serai ici l’an prochain, ici où tout me parait tellement familier, tellement rassurant. D’un autre côté, j’aurais aimé moi aussi, pouvoir dire qu’Oxford ou Cambridge m’attendaient. Cela dit, de manière tout à fait objective, étant donné que nous vendons les meubles de la maison un par un pour continuer à payer mes frais de scolarité dans un simple lycée, je doute que nous soyons capables de financer Oxford. Peu importe, de toute façon, je ne suis promis à un avenir de chirurgien que dans mes rêves. Je finirai comme le plus minable des étudiants fréquentant ce lycée, serveur dans un bar, sans avenir et sans argent. C’est assez ironique, finalement, et ma mère ne comprend pas ce à quoi elle me demande de renoncer. Evidemment, des facs sans le moindre prestige vous proposent de vous former à devenir infirmier. Comme elle. Seulement moi, ce n’est pas ça que je veux. Je ne veux pas de cette vie où mon père nous abandonne pour aller s’envoyer des jeunettes et leur léguer tout son argent. Je ne veux pas de cette vie.

Je soupire, installé dans le fond de la salle, ne portant pas la moindre attention à l’atelier organisé devant moi. D’habitude, et au fil des semaines, j’ai appris à participer, au moins un peu, à ces cours de chant qui nous sont dispensés par les étudiants de la London School of Arts. J’aime chanter, j’aime jouer de la guitare. Mais aujourd’hui, je n’ai pas envie. Les professeurs, les étudiants, les gens ici savent que quand je n’ai pas envie de faire quelque chose, je ne le fais pas. Charles l’ignore sans doute encore, avec ses grandes idées et sa volonté farouche de me faire participer, mais il se trouve que le fait qu’il anime lui-même cet atelier me donne encore moins envie de m’y mettre. Alors je laisse les autres, déclinant toute proposition de participation, griffonnant sur ma feuille négligemment. De toute façon, tout ça ne sert pas à grand-chose.

Quand sonne enfin l’heure finale, je pousse un soupir de soulagement et entame le rangement de mes affaires. Je ne continue à venir ici que par pur masochisme, prétendant auprès de mes camarades de classe que je suis forcé à assister à toutes les leçons. Ils ne sont pas au courant de la vérité, et encore moins du fait que j’ai accepté de rejoindre Charles chez lui pour chanter de temps à autre – well, une fois par semaine en réalité. Sans ça, ils se riraient sans doute de moi, qui ai toujours affirmé haut et fort que chanter était un passe temps de gens talentueux mais certainement pas un avenir. Je me redresse, laissant sortir les autres, et fixe un instant le professeur improvisé qui discute avec une première année apparemment transie d’amour. C’est assez ironique, quand on y pense, quoi qu’il faille bien reconnaitre que le jeune homme est charmant. Ce qui ne fait pas vraiment mes affaires non plus, surtout en ce moment. Je prends une inspiration pour faire taire ces voix et débats qui résonnent dans ma tête de manière si insupportable et mets mon sac sur mon épaule pour gagner la porte, espérant esquiver la moindre remarque et sortir sans me faire voir de celui que finalement, je redoute en ce moment.