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 DEXTER ☆ with every broken bone.

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MessageSujet: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeSam 6 Juin - 20:25


« Bonjour Thomas. » Sa voix déraille, il y a comme une main qui lui oppresse la gorge. Le soleil à moitié caché derrière les nuages semble l’aveugler un instant, il cligne des paupières. Il n’est plus habitué à la lumière du jour. Il n’est plus habitué au bruit du monde qui l’entoure. « Tu vois, je suis venu, il continue avec un sourire un peu forcé à travers les larmes qui lui noient les yeux. Comme tu le voulais. » C’est la première fois qu’il sort de chez eux – chez lui. C’est la première fois qu’il met le nez dehors depuis les funérailles. Ça a été dur pour lui de se préparer, de trouver le courage même de se lever de son lit. Il a longuement hésité quand il a dû ouvrir la porte d’entrée. Il avait si peur, si peur de se retrouver là dehors. Sans Thomas à ses côtés. « Je t’ai apporté des fleurs. Tes préférées. » Il dépose le bouquet à terre, le papier transparent crisse un peu. Il a eu beaucoup de mal à choisir chez la fleuriste. Et elle lui a posé toutes ces questions auxquelles il ne voulait pas répondre. Il ne voulait pas parler. Pas parler de son décès, de l’enterrement. Il ne voulait pas parler de Thomas avec cette femme qui ne le connaissait même pas. Il déglutit, il joue avec ses mains moites. Ses cheveux lui tombent dans les yeux à cause du vent. « Tu me manques, tu sais. J’ai encore l’impression que tu vas rentrer chaque soir, et que tu vas venir m’embrasser. » Les vieilles habitudes sont tenaces et elles sont aujourd’hui comme autant de coups de poignard dans sa cage thoracique. Isaac vit dans l’espoir de retrouver Thomas. Il ne peut pas se défaire de cette sensation qui s’accroche à son estomac comme un naufragé à sa bouée de sauvetage. « J’ai l’impression de te sentir, la nuit, dans notre lit. Comme si tu étais à côté de moi, comme si tu passais ta main dans mes cheveux. » Comme s’il l’embrassait. Parfois, il parle à son fiancé. Comme s’il était là, comme s’il allait lui répondre. Et il attend ses réponses, il attend que sa voix résonne dans les pièces de l’appartement. « C’est dur, tu sais. Tellement dur, il miaule, la lèvre tremblante et les larmes au coin des yeux. » Mais il n’y a que le silence qui lui répond. Un silence qu’il ne supporte plus.

Il entend parfois encore le bruit de ses pas à travers l’appartement. S’il ferme les yeux, il peut même le voir entrer dans la pièce, lui sourire. Il sent encore l’odeur de son après-rasage dans la salle de bains. Tout autant de souvenirs qui lui font autant de mal que de bien. Il se demande si ce sera toute la vie comme ça, s’il va devoir exister avec cette ombre autour de lui. Avec ce souvenir qui le hante et le détruit. « J’ai appelé le notaire, hier. J’ai composé quatre fois le numéro avant d’avoir le courage de laisser sonner sans raccrocher, il ajoute avec un petit rire qui ressemble à un couinement blessé. Il a demandé si tu avais rédigé un testament. Je n’ai même pas su lui répondre. J’ai pas su lui dire. Je savais pas… » Et pourtant, il a peur d’oublier. Il a peur d’oublier la couleur de ses yeux, la forme de son visage. Il a peur d’oublier le son de sa voix et sa façon de lui parler. Il a peur de ne plus se souvenir de tout ce qu’ils ont été. C’est effrayant, c’est déstabilisant. Alors il se force à se souvenir, chaque jour. Chaque seconde de chaque minute de chaque heure de chaque journée, il se force à se rappeler. Il reste souvent des heures à regarder les photographies sur leur table de chevet. Il se repasse tous les moments qu’ils ont vécu ensemble, les bons comme les mauvais. « Tu te rends compte, je ne savais même pas ça. Je suis désolé… » Il reste immobile, à observer ce qu’est devenu aujourd’hui son fiancé. Un lieu, un endroit de recueil. Bientôt, il ne sera que cette stèle de marbre avec son nom inscrit dessus. Une stèle et des fleurs fanées. Avalant sa salive, il s’empêche de courir dans le sens opposé. Comme pour fuir. Fuir la possibilité qu’il ne reste bientôt plus rien de celui qu’il a tant aimé. Et qu’il aime encore comme au premier jour. Un bruissement derrière le fait se retourner dans un bond, le cœur au bord des lèvres. Et l’image qui s’impose à sa rétine manque de le faire vaciller. « Thomas… » Thomas.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeDim 7 Juin - 1:09

« Thomas ». Sa voix résonne dans le vent du cimetière. Je n’aurais pas dû venir, sans doute pas. Pas aujourd’hui. N’importe quel autre jour. Je me sens tellement pitoyable, avec tout l’alcool ingurgité pour avoir le courage de quitter mon appartement ; mon frère aurait honte de moi, sans le moindre doute. Il me détesterait d’être ainsi devant lui, à moitié bourré, si triste pourtant. Mon cœur est comme une pierre trop lourde dans ma cage thoracique, comme un pavé bétonné dont je ne parviendrais plus à me débarrasser. Je passe mes journées à errer, à reculer le jour où je pourrais enfin me rendre au travail de nouveau, où je pourrais recommencer à vivre. Recommencer à vivre, est-ce que je pourrais seulement le faire un jour ? La mort est définitive, comme me le rappelle si souvent l’image de mon frère absent. J’ai eu une longue conversation avec lui hier soir, si longue et si intense que je pensais qu’en me réveillant ce matin, il serait là. Et puis son pull abandonné sur une chaise et l’album photo resté scellé sur mon bureau envahi de papiers m’ont rappelé qu’il était mort. Enterré. Son corps dans un cercueil, le cercueil sous terre, emprisonné à jamais dans une prison de marbre. Je ne le verrai plus jamais autrement que dans mes illusions, je ne l’entendrai plus jamais rire, je ne pourrai plus jamais lui demander conseil. C’est fini, terminé. Les dés sont jetés. J’avais mal, si mal ce matin. J’avais envie de m’arracher le cœur, de m’ouvrir la poitrine pour en extraire la douleur intense qui occupe le moindre centimètre de mon corps. Je ne savais pas quoi faire, j’errai comme un animal blessé dans chaque pièce pour essayer de trouver un endroit où me reposer, ou oublier. Mais c’est peine perdue. Le salon, l’endroit où il m’a annoncé qu’il allait se marier. La cuisine, dans laquelle nous avons raté le gâteau tenté pour l’anniversaire de Maman. La salle de bain, où il passait des heures après nos soirées passées ensemble à boire et à vagabonder dans les rues de Londres lorsque nous avions décidé de passer un moment ensemble. Tout est comme ça, empli de souvenirs de Thomas, empli de nous, de mon jumeau. Je ne trouve de répit nulle part, je suis juste prisonnier de ce sentiment d’absence incurable qui me donne envie de mourir pour oublier ce qui s’annonce.

Je ne sais pas comment l’idée m’est venue. Après une nuit blanche, après une journée à errer seul, à chercher désespérément un moment de répit qui ne venait pas, j’ai trouvé qu’aller au cimetière serait peut être une bonne idée. Qu’il me fallait peut être ça. Que ce serait peut être une bonne idée. Seulement voilà, je n’avais pas le courage. Pas du tout le courage. J’avais besoin d’encouragements. Alors j’ai bu. Trop, trop pour être raisonnable. Du vin, de la vodka. Pour oublier. Pour quitter l’appartement. Quand j’ai eu finalement le courage de le faire, j’ai pris une douche, je me suis habillé en noir et je suis parti, quittant la maison. J’ai emprunté le métro, méthodique, pour me rendre au cimetière

J’y suis désormais, déambulant dans les allées pour retrouver la bonne pierre tombale. C’est tellement triste, de courir après une pierre tombale. De rechercher le froid, la mort. La tristesse. J’ai apporté des fleurs, il parait que c’est ce qu’on fait dans les cimetières. Je ne sais pas si Thomas aurait aimé l’idée, mais quelque part, elle m’a plu. Alors je l’ai fait, j’ai acheté des fleurs, et je suis venu ici. Mais quand j’arrive, naturellement, il est là. Isaac est là, devant l’emplacement de Thomas, à parler à voix basse, le visage déchiré par la douleur. Et quand je le vois, ici, debout, mon cœur se brise un peu plus encore. Il faut donc qu’il continue à me piquer mon frère même maintenant qu’il est mort. Quand je me décide enfin à venir ici, à prendre mon courage à deux mains, à bras le corps, il faut qu’il soit là, me volant toute perspective d’intimité avec ma moitié, mon double. La partie de moi qui s’est éteinte en même temps que mon frère chéri. Je grimace, instantanément envahi d’une gigantesque sensation de malaise, qui ne va pas en s’améliorant quand il murmure le prénom de mon frère en regardant dans ma direction. Voilà pourquoi je refuse de quitter mon appartement. Je ne suis pas Thomas, je ne serai jamais Thomas, pour toutes ces personnes qui tentent désespérément de le ramener à travers moi. Mon frère est mort, et moi je suis d’autant plus mort que je ne serai jamais assez bien pour deux. « Non », je lâche sèchement. « Thomas est mort Isaac ». Mon ton est froid, distant, emprunt de la colère que je tente habituellement de dissimuler sous un tissu de conventions et de bienséance, mais qui n’est plus dissimulée alors que l’alcool coule dans mes veines. « Moi c’est Dexter ». Je m’avance pour déposer les fleurs et remonte le col de ma veste pour m’y cacher un peu, mal à l’aise et malheureux. Je n'ai pas envie, là, maintenant. Pas envie de faire semblant, ni d'être aimable. Je n'en peux plus, de dissimuler toutes ces choses, de garder pour moi, d'être seul, seul à mourir, avec ma rancune et mes problèmes.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeDim 7 Juin - 8:37


Pendant un quart de seconde, il est là. Il le voit. Thomas. Il a même l’impression qu’il peut le toucher, le prendre dans ses bras. Pendant un quart de seconde, Isaac revit. Il retrouve sa respiration, son cœur bat fort contre sa poitrine. Pendant un quart de seconde. Si long et si court à la fois. Parce que, bientôt, la bulle éclate. Le rêve s’éteint. Bientôt, la mort revient l’envelopper de son long manteau gelé et il sent à nouveau la douleur jusque dans ses tripes bousillées. Parce que ce n’est pas Thomas, là. Face à lui. Ce n’est pas Thomas. Pendant un quart de seconde, il a été heureux. Et ça a été suffisant pour qu’il s’emballe, pour qu’il cède au bonheur de le revoir. Maintenant, c’est juste toujours plus douloureux. « Dexter, il répète d’une voix blanche, les lèvres tremblantes. » C’est son beau-frère, c’est le jumeau. C’est ce fantôme pourtant bien vivant qui le hante à chaque instant. Avalant sa salive, il baisse les yeux. À la fois de honte, à la fois de pudeur. Aussi parce qu’il ne supporte déjà plus cette ressemblance. Il avait pensé qu’avec le temps, ça irait mieux. Que, parce qu’il avait eu le courage de sortir de chez lui, alors ça signifiait qu’il était prêt pour tout ça. Mais il ne l’est pas. Il s’en rend compte maintenant qu’il est là, devant la tombe de son fiancé avec le jumeau à ses côtés. Non, il n’est pas prêt pour tout ça. Isaac presse les paupières, troublé. Il enfourne ses mains dans les poches de son jean, il les sent trembler. Qu’est-il censé faire désormais ? Doit-il partir, laisser Dexter avoir son moment d’intimité avec son frère ? Peut-il rester ? A-t-il seulement la force, le courage de rester, l’envie de s’en aller ? Il aurait dû rester chez lui. Tu vois, Thomas, c’était une erreur de me pousser à sortir aujourd’hui. Il crispe les mâchoires. Chaque fois que son nom retentit à l’intérieur de lui, c’est comme un coup de poing dans le ventre. C’est comme une blessure de plus. Sera-t-il jamais capable de dire son prénom à nouveau ? Son prénom lui semblait alors si beau quand il le prononçait à voix haute. Aujourd’hui, il est devenu synonyme de douleur. Il est devenu laid. Parce que sa vie est laide, parce que son quotidien est laid. Parce qu’Isaac est laid, lui aussi.

Il déglutit, en proie à un malaise qui lui agrippe l’estomac. « Désolé, je… » Sa voix vacille, comme le reste de son être. Il n’y arrive pas, il n’en a pas la force. C’est trop dur d’être là, avec lui en plus. Il n’avait pas pensé que le brun pourrait être là. Il avait imaginé qu’il serait seul. En paix avec lui-même. Et avec Thomas. Juste eux deux, comme autrefois. Il en veut presque au jumeau d’être venu au cimetière aujourd’hui. Alors qu’il en a tous les droits. C’était son frère. C’était sa moitié, son double. Un peu honteux du cours de ses propres pensées, il baisse les yeux. « Je ne voulais pas… Excuse-moi, lâche-t-il piteusement. » Il a un sale goût de papier mâché dans la bouche. L’air est soudain trop lourd, trop chaud ou bien trop froid. Il veut rentrer chez lui ; il voudrait rester là. Thomas a disparu, il ne sent plus sa présence autour de lui. Il se sent vide, comme une coquille. Il est fatigué. Il voudrait dormir, ne jamais se réveiller. Mais ses yeux restent obstinément ouverts sur cette réalité qui le tue à petit feu – Thomas est mort. Thomas est enterré. Thomas ne reviendra plus jamais. Et lui est toujours là, sur Terre. Vivant. Respirant. Il est toujours là, à devoir vivre chaque jour avec ce poids sur ses épaules. Sur sa poitrine. Il est toujours là alors qu’il voudrait déjà être mort, alors qu’il voudrait tant le rejoindre. Il a beau se perdre dans les effluves de l’alcool, à l’abri des murs de son appartement, le soulagement n’est jamais que factice. Éphémère. Car la douleur revient toujours, le vide revient toujours. La réalité le frappe encore et encore, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. Et il a beau implorer, crier à l’aide, rien ne se passe. Rien ne change. « Est-ce que tu veux que je te laisse seul avec lui un moment ? il se hasarde avec prudence, levant les yeux vers son beau-frère. » Isaac a l’impression qu’il pourrait rester ici toute sa vie. Près de sa tombe, il a l’impression d’être un peu plus proche de lui. De le retrouver comme après une longue absence. Et même si ses bras n’enlacent que le vide, n’embrassent que du vent, Thomas est là. Avec lui. Il le sent.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeDim 7 Juin - 20:39

Est-ce que je veux qu’il s’en aille ? Oh, ça c’est tellement facile. Je devrais automatiquement endosser le rôle du méchant, celui qui congédie l’amoureux pour jouer les tristes éplorés, celui qui chasse l’âme sœur. Parce que je n’ai pas supporté ? Ce type m’a toujours volé Thomas. Depuis qu’il avait rencontré Isaac, il était différent. Toujours mon frère, toujours mon double, mais plus heureux, presque accro. Il avait du mal à quitter « son » Isaac pour venir me voir en solitaire. C’était la vie, on grandissait, on se verrait sans doute moins mais on s’aimait quand même. Et maintenant, il est mort. Je n’ai pas vu mon frère assez depuis qu’il a trouvé l’amour et maintenant il a disparu sous ce bloc de marbre décoré de fleurs. Les fleurs, d’ailleurs, ne disparaissent pas. Le jour de l’enterrement, la tombe en était recouverte, et aujourd’hui encore, des fleurs fraiches semblent avoir été apportées ces derniers jours pour renouveler le stock. Mes yeux se posent sur l’écriture du prénom de mon frère et je détourne les yeux rapidement, me refusant à cette réalité, me dérobant à l’endroit où je me trouve pourtant sans possibilité de retour. Je suis venu ici, et ça m’a demandé tellement d’efforts. J’ai eu tellement de mal à faire la démarche, à tout laisser pour sortir de chez moi, m’habiller, acheter ce foutu bouquet, marcher dans les allées. L’alcool me fait mal à la tête et mon cœur bat naturellement plus rapidement. Je grimace et secoue la tête en fixant le beau-frère qui a toujours l’air aussi ahuri, incapable de comprendre. J’ai envie de hurler, tellement envie de lui hurler quelle est la réalité, pour qu’il comprendre, qu’il réalise, qu’il ait encore plus mal que j’ai mal parce que lui, lui il avait Thomas avec lui tout ce temps là, il l’avait et il n’a pas été capable de le protéger suffisamment pour que je puisse l’avoir, moi aussi.

Entendre le nom de mon frère sortir de sa bouche alors qu’il s’adressait à moi me heurte. Je le fixe, ébahi au milieu de ses excuses inutiles et impossibles, et croise les bras. « Que tu me laisses seul ? Ca sert à quoi, Isaac ? Tu veux que je profite de Thomas maintenant ? Maintenant qu’il est mort ? C’est trop tard. Tu peux rester autant que tu veux, de toute façon, à quoi bon ? La pierre ne reconnaitra pas nos jeux d’enfants si je lui en parle. Et elle saura pas quoi me conseiller si je lui expose un problème non plus ». Ma voix est presque lointaine, je m’entends débiter ces mots à la fois plein de tristesse et plein de haine et je suis obligé de reculer de quelques centimètres. Je voudrais que ça s’arrête, que ma haine violente s’arrête et laisse place à l’apaisement, mais je ne peux pas m’en empêcher. Je n’arrive plus à m’arrêter, l’alcool décuple ma détresse et avec elle, ma rage. « Tu m’as volé mon frère. Tu le rendais tellement heureux, il avait plus le cœur à te quitter pour faire autre chose. Il fallait s’y prendre à l’avance, lui demander son temps. Je pensais que ça s’arrangerait avec le temps, mais bordel, t’as même pas été capable de nous donner ça. Du temps. Pourquoi ? Pourquoi tu l’as laissé tout seul ? Qu’est-ce qu’il s’est passé dans cette foutue rue ? » Je hurle maintenant, incapable de m’arrêter, même pour reprendre mon souffle. Je sais, je sais que nous sommes dans un cimetière, que des gens passent ici et nous observent sans doute avec cet air désapprobateur des mauvais jours, mais je n’arrive plus à penser. Vive, la douleur s’est frayée un chemin dans ma cage thoracique et m’empêche désormais de respirer, me contraignant à chercher mon souffle en haletant, hagard.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeDim 7 Juin - 21:49


Il l’a blessé. Isaac s’en veut d’avoir laissé échapper ce prénom, le prénom tant redouté ; le prénom qu’on ne dit plus que par pensée. Et il voit alors cette même souffrance dans les grands yeux foncés de Dexter. Ses excuses n’arrangeront rien, il le sait mais il devait le faire. Parce qu’il comprend la douleur, parce qu’il comprend la peine – au moins un peu. Mais il ne s’attendait pas à tant de haine, à ce déferlement de colère à son encontre. La culpabilité vient se nouer autour de sa gorge, l’empêchant de respirer. Et les mots le frappent, le heurtent avec autant de violence qu’un ouragan, qu’une tempête qui ne laisserait plus rien derrière sinon un paysage dévasté. Il avale sa salive, baisse les yeux. Dexter a raison. Il a totalement raison. Depuis qu’il avait rencontré Thomas, ils avaient vécu dans leur bulle d’intimité, sans se préoccuper du reste du monde à côté. Trop obnubilés par leur amour naissant, ils n’avaient pas fait attention qu’ils s’éloignaient de la réalité – cette réalité où des gens les aimaient, où des gens les attendaient. Il a volé du temps à sa famille. Du temps qu’il aurait pu passer avec eux, à rire avec eux, à parler avec eux. Du temps qu’il n’aura pas eu. Du temps qu’il n’aura jamais. Et soudain Isaac s’en veut. Terriblement. Parce que c’est de sa faute. Parce qu’il n’a pas vu qu’il privait son fiancé de ceux qui l’aimaient. Il n’a pas vu qu’il se comportait en amoureux égoïste et que d’autres que lui comptaient. « Je suis désolé, je… il tente mais rien ne sort. » Les mots se bloquent au fond de sa gorge, comme une vieille nausée traînant là depuis des jours. Des semaines. Parce que les mots ne changeront rien à la réalité dure et froide – Thomas n’est plus là pour son frère. Il ne le sera plus jamais. Il pourrait se trouver toutes les excuses du monde, des foireuses et des moins stupides mais ça ne les aidera pas. Ça n’aidera pas son beau-frère à continuer de vivre avec le fait qu’on lui a enlevé son jumeau, avec le fait qu’on lui a arraché toutes ces années qu’il aurait dû vivre à ses côtés. Sa vue se brouille, il serre ses bras contre son ventre comme si ça allait apaiser la douleur violente de son estomac.

Ses cris sont comme des appels à l’aide, des appels au secours. Ils sont des lames qui s’infiltrent dans sa chair. Il aimerait pouvoir se boucher les oreilles, comme les enfants, et hurler à son tour. Hurler jusqu’à ce que ses cordes vocales se brisent, hurler jusqu’à couvrir le bruit des cris du jumeau. Mais il ne peut pas. Il n’y arrive pas. Il reste complètement immobile, glacé de l’intérieur, et s’oblige à entendre ces mots qui font mal. Ces mots qui le tuent. Il en a besoin. Il doit le faire. C’est comme une punition, c’est comme une sentence. Parce qu’il responsable de tout ce malheur, de toute cette souffrance environnante. « Je… je ne sais pas, il… bégaye-t-il à travers quelques larmes brûlantes. Il est parti devant, parce que c’était à moi de payer l’addition cette fois-là et je… » Les images, violentes et crues, défilent sur sa rétine comme un vieux film en noir et blanc. Il entend à nouveau les cris, les hurlements. Le bruit de l’ambulance. Tous ces murmures autour de lui. Taisez-vous. Il a peur, il a froid. Il y a ce nœud d’angoisse qui lui serre l’estomac. « J’ai discuté avec le serveur, il voulait faire des aménagements dans la vieille maison de ses parents… » Alors, il est resté. Il lui a parlé. Il a discuté avec lui plus de temps qu’il n’aurait dû. Parce que, quand il a repris son chemin, tout était déjà terminé. Thomas était au sol, les gens l’entourant. Appelant à l’aide. Le mal était fait. « Je suis arrivé trop tard, il… Il était déjà à terre et je… j’ai pas pu le sauver, il hoquette, une main devant la bouche comme s’il allait vomir. L’ambulance était déjà en route mais ils… Quand ils sont arrivés… » Quand ils sont arrivés, il était déjà trop tard. Le regard de Thomas s’était déjà éteint et il ne restait plus rien. Plus rien que le vide, la souffrance. Plus rien que le silence. D’un geste rapide et maladroit, Isaac essuie ses joues mouillées. « Je suis désolé, je n’ai jamais voulu ça. » Et s’il pouvait revenir en arrière, il le ferait. Ils iraient manger dans un autre restaurant, il se retiendrait de l’embrasser en public. Il lui dirait de l’attendre avant de retourner au bureau. Il ne parlerait pas avec ce serveur et lui donnerait simplement son numéro. S’il pouvait, il ferait tout ça. Mais il ne peut pas. Et il doit désormais vivre chaque jour avec cette douleur-là. « Si je le pouvais, je donnerais ma vie pour la sienne. Si je le pouvais, je mourrais à sa place. » Mais ça non plus, il ne peut pas.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeDim 7 Juin - 22:39

Et les images défilent alors qu’il raconte. J’imagine mon frère, quittant ce restau, le sourire aux lèvres et son interminable air enfantin, je l’imagine attendre Isaac en le guettant de loin, avancer dans la journée, rire parce qu’il était content que son homme l’invite. Parce qu’il aimait ses futurs projets. Parce qu’il n’avait de toute façon jamais été aussi heureux et que dans un tel état d’esprit, il ne pouvait que rire. Je l’imagine s’éloigner, je l’imagine ne pas comprendre ce qu’il lui arrive. Il n’a pas été habitué à subir les attaques homophobes, ni même des remarques sceptiques, rien de tout ça. Il a toujours été entouré d’amour et de tolérance, comme moi, d’ailleurs, éduqué par une famille presque hippie qui a toujours tout relativisé. Rien n’était grave, tout était normal. Et pourtant, Thomas représentait la fierté de la famille, l’homme aux longues études qui redore le blason familial – avant que Giulia ne s’y mette – et le fils casé et calme, tranquille, par rapport à son jumeau agité et indécis. Je l’imagine debout, incapable de comprendre ; il aurait même pu demander des explications, qui sait ? Il était du genre à vouloir calmer la colère des gens. A vouloir la comprendre pour mieux l’expliquer. Je l’imagine tomber, et mourir, là, sans s’y attendre. Est-ce qu’il a souffert, quand il était dans les bras d’Isaac ? Est-ce qu’il lui a dit quelque chose ? L’espace d’un instant, j’ai tellement mal, tellement mal au cœur que je ne parviens pas à poser la question. Je suis figé dans la douleur, l’inquiétude, le remord. Evidemment qu’Isaac ne pouvait pas savoir. Mais il était là, sur place. Le seul à être là. Qui pourrais-je blâmer, si ce n’est pas lui ? Qui aurait pu faire quelque chose ? Tous ces passants inconnus ? Il faudrait que je les retrouve pour leur demander pourquoi. A quoi bon ?

A défaut de pouvoir parler, je recule jusqu’à ce que mon dos heurte une pierre tombale de l’allée suivante. J’ai tellement mal. « Pourquoi, Isaac, pourquoi ? » je demande, abandonnant ma tête entre mes mains. J’ai l’impression que je ne trouvais jamais la réponse à cette question, de toute façon. Personne ne me dira pourquoi le destin a décidé qu’il fallait tuer Thomas ce jour là, nous priver tous d’une présence bienfaitrice. Thomas faisait partie de ces gens que l’on peut classer dans la catégorie des bonnes personnes, celles qui font du monde un monde meilleur. J’aurais préféré mourir à sa place. Mais ça n’arrivera pas, tout ce que je peux faire, c’est ressasser, en boucle, toutes ces émotions contradictoires qui me serrent la poitrine. Je glisse, dans la poussière, tentant de sentir les graviers en dessous de mes mains. « Il est pas là. Je lui parle, parfois », je murmure, les yeux emplis de larmes que je ne peux pas retenir. « Dans mon appartement, il est là, avec moi, et il est désolé de ne pas m’avoir vu depuis dix jours. Et il fait comme avant, comme au bon vieux temps. J’avais tellement envie de le voir. J’ai vu mon frère dans un cercueil, sans avoir eu le temps de lui parler de toutes ces choses, mais je sais pas moi, je sais pas comment on fait pour vivre comme ça ». Je sanglote, suffoque. « Je suis tellement en colère », je lâche, en prenant une inspiration pour tenter de me relever. « Vous étiez toujours ensemble. Il avait raison, quand il disait qu’il avait besoin de toi pour vivre parce qu’il t’aimait tellement fort. Il avait raison, il a suffi de dix minutes… » Je ricane, en proie à une forme d’euphorie malsaine qui refuse de me quitter. J’hausse le ton, de nouveau, j’ai envie de le provoquer. La meilleure solution serait encore qu’il me foute son poing dans la figure, ça me réveillerait, et j’ai tellement besoin de sentir la douleur physique. Pas celle qui gronde au fond de mon cœur, nan. « Dix minutes sans toi », je répète en acquiesçant, me mordant l’intérieur de la joue. « T’aurais dû jouer ton rôle. T’aurais dû rester avec lui. Il serait encore vivant », je répète, mais ma voix baisse. Alors que ces mots sortent de ma bouche, je sais qu’ils sont faux. Ce n’est pas la faute d’Isaac. Isaac n’était que le témoin d’une scène atroce d’une absurdité sans nom. Ce n’est pas la faute d’Isaac, c’est la faute de ce sale type. « Est-ce… Est-ce qu’il t’a dit quelque chose ? » je demande, tandis que les larmes me montent de nouveau, vicieuses.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeLun 8 Juin - 9:08


Toute cette souffrance est intolérable pour lui. Isaac ne le supporte pas. Se voir jeter à la figure toute cette haine coléreuse, toute cette douleur en plus de la sienne qui pèse déjà sur sa poitrine. C’est plus qu’il ne pourrait en accepter. Parce qu’il est si fatigué, si harassé de vivre chaque jour dans des souvenirs qui lui font du mal. Si épuisé de crier à l’aide à l’intérieur mais sans qu’aucun son ne sorte pourtant de sa bouche. Avalant sa salive, il s’imagine son beau-frère sourire dans le vide. Sourire à ce même fantôme qui les hante. Et puis la douleur qui revient parce qu’il se rend compte que tout ça n’est qu’un leurre, tout ça n’est qu’un faux. Isaac le fait, lui aussi – parler à Thomas. Il en a besoin, ça lui fait du bien. Puis ça lui fait du mal. Mais il en a besoin. Parce qu’il y a des moments où le silence de son appartement est juste insupportable. Et il donnerait n’importe quoi pour entendre le son de sa voix, juste un instant. Juste une seconde. Juste pour se rappeler de cette inflexion si tendre qu’il y avait quand il s’adressait à lui. Juste pour se souvenir de ce que c’était, de sourire rien qu’à cette mélodie. Il esquisse un pas vers Dexter quand il le voit s’effondrer à terre mais il n’ose pas plus. Il reste planté là, immobile, les yeux braqués sur ce visage si familier et pourtant étranger, à regarder la peine qui se déverse hors de sa bouche comme un torrent se jette à la mer. Il est incapable de lui tendre la main, il est paralysé. Il y a tout ce tumulte de douleur et de colère qui le retient, qui lui fait tourner la tête. C’est comme des montagnes russes, c’est violent. Ça fait remonter la bile jusqu’à sa bouche sèche. « C’est normal d’être en colère, c’est normal d’avoir mal, il essaye de temporiser tout en sachant que ces mots-là ne marcheraient pas sur lui non plus. » Parce que rien ne peut arranger cette hécatombe, rien ne peut réparer cette vie brisée. Tout est à reconstruire, pour lui, pour le jumeau. Mais aucun d’eux n’en a la force, aucun d’eux n’en a le courage parce qu’ils sont terrassés par la perte de cet être qu’ils aimaient plus que la vie elle-même.

Encore des mots qui frappent. Un rire qui fait froid dans le dos, il lui file un frisson glacé le long de la colonne. Encore une dose de douleur injectée comme à la seringue. Comme une drogue. Il ne sait pas quoi dire, il ne sait pas quoi faire ; il n’est capable de rien. Parce qu’il sait tout ça. Il sait qu’il aurait dû être là – mais il ne l’était pas. Et il vit chaque seconde de chaque minute de chaque heure de chaque journée avec cette culpabilité-là au fond de la poitrine. Comme une pierre. Lourde. « Je sais… rétorque-t-il, la voix enrouée, les yeux humides et le visage trop pâle. C’est ma faute s’il est mort… » Et il n’y a pas un seul instant de son quotidien où il n’y pense pas. Où il ne regrette pas. Où il ne sent pas le remord, vicieux et brûlant, s’infiltrer dans ses veines comme un poison trop violent. « Je suis désolé. » C’est tout ce qu’il peut dire, c’est tout ce qu’il peut faire ; il ne peut rien d’autre pour essayer de tout réparer. De tout arranger. Il aimerait pourtant. Mais il sait que c’est bien au-delà de toutes possibilités. Isaac s’approche finalement de son beau-frère, la dernière question manquant de le faire flancher. Défaillir. Dans un geste nerveux, il humecte es lèvres. Doit-il réellement répondre à cette question ? Est-ce que ça lui apportera un peu de paix, un peu de bonheur de savoir ? Probablement. Peut-être pas. « Il… » Isaac passe une main tremblante dans ses cheveux. « Il a dit qu’il m’aimait, il lâche comme du bout des lèvres. Il m’a demandé de veiller sur toi… sur Giulia. Il m’a demandé de prendre soin de vous… » Mais il en est incapable, pas pour le moment. Il n’est pas capable de s’occuper d’eux alors que la blessure est encore si douloureuse. Sanglante. Alors que regarder Dexter lui rappelle tant son fiancé. Il est incapable de les aider. Parce qu’il n’est pas Thomas, il ne le sera jamais. Et il a peur d’empiéter sur son souvenir, sur ses traces. Il ne veut pas marcher dans ses pas, il ne veut pas le trahir. « Il a dit qu’on devait être forts, qu’on allait s’en sortir. Même sans lui. Il a dit que… » Il se mord l’intérieur de la joue pour ne pas se mettre à sangloter. Comme pour se focaliser sur cette douleur-là et pas celle entre ses côtes, qui lui broie le corps tout entier. « Il a dit qu’il était heureux de la vie qu’il a menée. » Mais moi, je ne suis pas heureux Thomas. Parce que nous aurions dû avoir encore plus de temps que ça.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeLun 8 Juin - 14:19

Il me parle de normalité, et j’ai presque envie de vomir. Normal d’avoir mal, d’être en colère ? Comment est-ce que cela peut-être normal, de souffrir à ce point ? J’ai l’impression de me noyer dans un verre d’eau. Chaque geste, chaque mot qui sort de ma bouche est un effort supplémentaire que je ne parviens pas à honorer. Et Isaac qui continue à me ménager, à répondre avec la même douleur au fond de la voix, la même détresse fatiguée sur le visage. Pourquoi est-ce qu’il ne hurle pas, lui aussi ? Comment peut-il contenir tout ça ? Nous sommes installés à proximité de la tombe d’un homme que nous aimions tous les deux profondément et qui ne reviendra plus jamais. L’idée même me semble absurde, impossible. Incomplète. Il s’est passé quelque chose d’anormal que nous ne parvenons pas à rétablir. Alors oui, c’est sans doute normal d’avoir mal et d’être en colère, mais que va-t-il se passer maintenant ? La douleur ne cessera-t-elle jamais ? C’est tellement récent, et pourtant il me manque déjà comme s’il était parti il y a 10 ans. Le trou béant qu’il a laissé dans mon cœur m’empêche d’envisager la moindre once d’amélioration dans le futur. Nous sommes destinés à vivre avec ce membre gangréné, amputé. Ni Isaac, ni moi, ni mes parents ou Giulia ne seront plus jamais heureux comme nous avons pu l’être avant. Je ferme les yeux et me berce lentement en essayant d’arrêter la pulsation régulière de la douleur et de la trisse, toutes les deux réunies pour faire de ma vie un véritable enfer. Y mettre fin, voilà tout ce que je veux. Y mettre un terme définitif, à cet enfer, à la vie. Et puis j’imagine le visage et la détresse de mes parents, et l’enfer de Giulia qui intériorise tout et refuse de parler depuis que Thomas est mort. Elle attend, je crois. Elle attend Isaac, elle attend Thomas, elle attend que l’un d’entre nous soit capable de réagir. Quand ce sera le cas alors, seulement, si elle se sent dans une intimité et en sécurité, elle pourra craquer. En attendant, en dehors des quelques larmes versées à l’enterrement, la voilà qui garde tout pour elle, qui intériorise.

Isaac me sort soudainement de mes pensées en répondant à une question que je n’aurais jamais dû poser. Je n’aurais jamais dû parce que maintenant, j’imagine mon frère par terre, qui se tord de douleur et qui essaye de parler à Isaac pour tenter d’effacer, de prévenir la peine. Le connaissant, c’est sans doute ce qu’il a dû faire, alors qu’il souffrait, étalé par terre. Prendre ses dispositions. Rappeler à Isaac que la vie continue, et que c’est ça le plus important. Lui dire de se battre. Se souvenir de nous, de Giulia et moi, pour donner ses directives. Thomas était beaucoup de choses, mais il était surtout altruiste. Je suis même à peu près certain qu’il aurait été capable de résister à la mort juste pour s’assurer d’avoir dit tout ce qu’il avait à dire. Je l’imagine, par terre, là, et une fois de plus, je perds pieds. Isaac s’approche, et je ne peux réprimer un mouvement de recul, qui n’a rien à voir avec du dégoût ou de la haine cette fois, mais juste avec cette tendance que j’ai à l’auto-protection, la préservation. Personne ne m’approche. Je soupire et tente difficilement de ravaler mes larmes. « Il t’aimait tellement… » je murmure, la voix brisée par la fatigue, la lutte. La tristesse. « Il ne t’aurait jamais confié la tâche de veiller sur nous, sinon ». Je repense à Thomas, sur son lit de mort, et soudain j’ai honte, tellement honte. Mon frère me détesterait d’avoir balancé toutes ces choses à Isaac. Il me hurlerait dessus, me foutrait sans doute la claque que je mérite et désire tant, et refuserait de m’adresser la parole pendant plusieurs jours pour avoir été aussi cruel. Mais peut-être que sans approuver, il comprendrait aussi. Je me redresse péniblement, luttant pour ne pas retomber immédiatement sur le sol, dans les graviers, et remets ma veste correctement. J’ai mal à la tête, je vois trouble. « C’est pas ta faute ». Je m’avance vers la tombe pour remettre les fleurs en place et touche le marbre avec émotion. « Mais j’ai pas besoin de toi. Et Giulia non plus », je lâche fermement. J’ai l’impression d’avoir pris un coup qui me coupe le souffle et m’empêche de respirer. J’ouvre la bouche, à la recherche d’un peu d’air. « Je vais m’occuper d’elle », je murmure. La colère revient, sourde, au fond de mon estomac. « Je peux le faire pour lui », je crache presque, posant mes mains sur mes jambes pour me pencher en avant, plié en deux par une douleur sourde. Je prends de grandes bouffées d’air, à deux doigts de vomir là, dans l’allée du cimetière. « Je peux le faire ».
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeLun 8 Juin - 15:12


Il aimerait pouvoir faire plus, tellement plus. Isaac se sent démuni face à toute cette douleur qui arrive de nulle part et coule sur eux comme un torrent de lave en fusion. Mais il s’en sent incapable parce qu’aucun mot, aucun geste ne saurait apaiser la brûlure de cette perte. Rien ne saurait rendre leurs jours meilleurs. Thomas parti, c’est comme si le soleil ne brillait plus dans leur vie. Thomas décédé, c’est comme s’ils s’enfonçaient tous dans la terre meuble petit à petit. Peu à peu. Et bientôt ils perdront le souffle, leur respiration. Bientôt ils étoufferont sous cette masse qui alourdit leur poitrine. Bientôt, ils se noieront. Tous. Lui, Dexter, Giulia. Leurs parents. Tous. Peut-être qu’ils reviendront à la vie, peut-être qu’ils s’en sortiront. Ou peut-être se laisseront-ils porter par le courant, corps morts laissés à la dérive. Jusqu’à atteindre d’autres rivages, plus cléments. Cette perspective est si douce. Cette vision est presque enchanteresse, comparé aux jours gris qu’il subit depuis l’enterrement. Depuis la mort de son fiancé. C’est comme vivre dans un monde sans couleur, une existence en noir et blanc. C’est comme survivre à travers les débris d’un paquebot perdu dans l’océan qui se déchaîne. Isaac n’a plus de point d’ancrage, plus rien à quoi se raccrocher. Comme Dexter. Comme tous ceux qui aimaient Thomas. Chacun à leur façon, ils meurent à petit feu. Et il a alors sous les yeux un être qui se meurt dans la douleur, dans des cris silencieux. Et il ne peut rien faire pour l’aider. Il ne peut rien faire pour les sauver. Parce qu’il a besoin d’être secouru lui-même ; parce que le jumeau refuse qu’on lui tendre la main. « Dexter… il tente, en vain. » Les appels resteront sans réponse. Tout ça est si injuste, tout ça est si frustrant. Révoltant. Parce qu’ils ne devraient pas souffrir autant, parce que Thomas n’aurait pas dû mourir. Parce qu’aucun d’eux ne méritait de voir leur vie être détruite à cause de l’inconscience d’une personne. Une seule personne. Un seul être qui avait déchiré tant d’existences. Un seul acte, juste un seul, et leur monde avait implosé. Leur monde n’était plus réduit qu’à l’état de cendres. Ravagé. Une seule personne et plus rien n’était comme avant.

Isaac observe le corps ployé en silence. Il a l’impression de se voir, seul, enfermé dans son appartement. En proie à une douleur sans nom qui dure, dure et dure encore. Une douleur qui ne semble pas vouloir finir. Une douleur qui ne semble pas vouloir partir. Elle est accrochée à son être, à son cœur et son estomac. Elle est accrochée à son âme noircie de souffrance et de colère. « Non, tu ne peux pas, il lâche presque avec fermeté. Tu ne peux pas t’occuper de ta sœur, de tes parents. Tu ne peux même pas t’occuper de toi-même. » Personne ne peut. Personne n’est capable encore de passer outre la douleur de sa disparition pour avancer enfin. Pour reprendre la route, le chemin. Ils stagnent, amputés. Ils sont comme les victimes d’un accident en attente d’une ambulance – une ambulance qui ne vient pas. Et ils ont beau espérer que les secours arrivent, il n’y a que le silence qui les entoure. Un silence de mort. « Personne ne peut s’occuper de personne pour l’instant, ajoute-t-il, sa voix vacillant faiblement. Parce qu’on souffre, parce qu’on est en colère. Parce qu’on attend encore que Thomas revienne. » Mais il ne reviendra pas. Malgré tous les espoirs vains, malgré les suppliques dans le vent. Malgré les cœurs qui se brisent – Thomas ne reviendra pas. Jamais. Ils devront se relever, reprendre leur vie. Ils devront faire avec ce vide dans leur quotidien, vivre avec le trou béant dans la poitrine. Aussi dure cette perspective soit-elle. « On est tous en morceaux depuis qu’il est parti. Toi, moi. Ta sœur. Vos parents. Et il faudra du temps avant que ces morceaux ne se recollent. Avant qu’ils ne reforment un tout à nouveau. Aujourd’hui, on a juste l’impression que c’est la fin du monde. De notre monde. » Et c’était un peu vrai, quelque part. Parce que reste cette sensation de ne plus pouvoir vivre sans lui à ses côtés ; reste cette impression de mourir lentement, à petit feu. Torturé par une douleur sans nom. Isaac a l’impression que son existence est finie. Ratée. Terminée. Qu’il n’a plus aucun futur, ni aucune perspective. Il ne pense plus aux lendemains, vit au jour le jour. Il s’enfonce dans la souffrance jusqu’à en oublier de respirer. « Ne te crois pas plus fort que tu ne l’es Dexter, ça ne t’aidera pas. Ni toi ni ta sœur. » Ils ont atteint leurs limites ; aller au-delà serait du suicide. « Elle a besoin de toi, tu as besoin d’elle. Mais vous ne pouvez rien pour l’autre aujourd’hui. Peut-être demain, peut-être après-demain. Ça viendra. » Un jour, ils seront prêts. Prêts à s’ouvrir l’un à l’autre à nouveau. Et Dexter et sa sœur se retrouveront, ils ne seront plus seuls. « Laisse-toi du temps. »
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeLun 8 Juin - 16:11

Je ne comprends pas pourquoi il se met soudainement à parler de tout ça. Pourquoi il essaye de me consoler. Pourquoi ses mots me serviraient-ils à aller mieux ? Je ne peux pas aller mieux, de toute façon. Je suis plié en deux, comme si la douleur physique avait pris un instant l’écho de la douleur morale, psychologique. Je ferme les yeux et compte dans ma tête pour éviter de vomir, pour me distraire. Et puis il parle, il parle de Giulia, de nous, de nous tous, de la force qu’il va falloir, de celle qu’on n’a pas, et j’ai envie de lui dire de se taire pour ne plus entendre ces mots terribles, emprunts d’une vérité que je ne veux pas entendre. Ces mots qui font mal et m’empêchent de respirer. Je me redresse, en pensant à ma petite sœur et secoue vivement la tête. « Elle ne peut pas attendre. Elle est jeune, elle va mal. Qu’est-ce que je vais faire si je la perds, elle aussi ? Hein ? » Je souffle, en vain, incapable de me contenir. Je n’arrive pas à digérer, je n’arrive pas à passer à autre chose, je n’arrive pas à réfléchir. Je me redresse complètement et glisse une main dans mes cheveux. J’ai tellement besoin de tout laisser sortir. J’ai tellement besoin de me mettre en colère.

« Thomas était toujours là pour elle. Si je l’abandonne maintenant, qu’est-ce qui va lui arriver ? » je demande, d’une voix essoufflée, faible. Isaac n’a pas la réponse à cette question, de toute façon. Comment l’aurait-il ? Je soupire, me frotte les yeux. « J’aurais préféré mourir ce jour-là ». Un murmure s’échappe de ma bouche et je baisse les yeux sur mes mains liées. « Thomas serait toujours en vie, il pourrait aider Giulia à traverser cette épreuve. Toi tu irais bien, c’est pas comme si ma mort avait pu te bouleverser comme celle de Thomas. Mes parents auraient été les seuls identiquement tristes, sans doute, parce qu’ils nous aiment tous les deux de la même manière. Mais Thomas, il avait tellement de gens qui comptaient sur lui, tellement de projet, il était tellement vivant… C’est une trop grosse perte pour tout le monde ». Je soupire, je n’ai pas l’intention de me faire plaindre, je ne veux pas qu’il nie. Je veux juste le dire, le formaliser. Il aurait mieux valu que ce soit moi, pour tout le monde. Et maintenant que les gens regrettent Thomas, je ne vais pas devenir lui. Je ne peux pas faire ça. Mon frère était un homme bien, un homme trop bien pour mourir. « Pas la peine de nier, j’ai pas besoin de ton avis sur la question ». Je soupire et me frotte les yeux, si fatigué, épuisé même. « A quel point c’est dur ? » je demande soudainement. « De me voir, moi. Je vois bien que les gens n’arrivent pas. Même ma propre mère. Toi. Giulia. Tu m’as appelé Thomas… » je lâche, amer. Ma gorge se bloque de nouveau, à mi-chemin entre l’envie de vomir et l’envie de pleurer, le dégoût, la colère et la détresse. « A quel point, hein ? Comment est-ce que je fais mal aux gens juste en ayant ce visage que je n’ai pas choisi ? Dis-moi ». Je prends une inspiration mais j’ai haussé le ton de nouveau, presque euphorique extatique. Je suis surement en train de devenir fou, pour appeler aussi fort à la douleur. L’angoisse. Je sens mon estomac qui se tord, et je le fixe, debout devant la pierre tombale. Qu’il réponde, que je sache. Tous les moyens sont bons pour externaliser la douleur.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeLun 8 Juin - 17:27


Il commence à étouffer, là, pourtant au grand air. Il n’a plus l’habitude du vent sur son visage, du soleil lui brûlant la rétine. Il n’a plus l’habitude du monde autour de lui. Depuis l’enterrement, Isaac s’est protégé de l’extérieur grâce aux murs de son appartement. Il s’est protégé de tous ces contacts qui lui font désormais peur en restant dans le noir. En faisant comme s’il n’existait rien d’autre que ce temple dédié à la mémoire de Thomas. Mais ça ne pouvait pas durer éternellement ; ça ne pouvait pas durer plus longtemps. Il fallait qu’il sorte, qu’il retrouve le monde. Même si ça l’effrayait, même si ça l’angoissait. Même s’il n’était pas prêt. Non, il n’était pas prêt à faire face à toute cette peine en plus de la sienne. Il ne s’y était pas attendu. Il n’aurait pas voulu croiser Dexter ici, au cimetière. Il aurait voulu un moment intime, seul avec Thomas. Pas avec ce fantôme qui semble le poursuivre. Ce même fantôme qu’il voit dans le reflet du miroir le matin. Une vague ombre, vide et creuse ; un reste d’être d’humain qui erre, en vain. Sans but. Sans destination. Voilà ce qu’ils sont devenus à présent, lui et son beau-frère – des ombres. « Elle sait qu’elle peut compter sur toi, il le rassure avec douceur. Et quand elle sera prête, elle viendra à toi. » Et en attendant de sentir leur cœur battre à nouveau, ils ne peuvent que continuer de souffrir. En silence. En hurlant. Ils ne peuvent que continuer d’endurer cette douleur de chaque instant. Son cœur se serre quand il entend le brun souhaiter être mort ce jour-là, à la place de Thomas. Isaac aussi aurait voulu mourir à la place de son fiancé. Il aurait voulu tant de choses. Mais la vie a fait qu’ils sont ceux qui sont restés. Ceux qui vivent dans la peine, ceux qui vivent ce trou béant dans leur poitrine. Il sait que Thomas aurait été détruit d’avoir perdu son frère, son double, comme Dexter l’est aujourd’hui. Une mort n’est jamais sans souffrance, sans obscurité. Il y a toujours quelque part, quelqu’un pour pleurer un décès. Thomas ou Dexter, ça n’aurait fait aucune différence – la douleur aurait été là. La disparition, le vide. La déchirure. « Thomas n’aurait pas supporté de te perdre, argue-t-il malgré tout. Et tu le sais. »

Pendant un instant, il pense avoir mal compris. Avoir mal entendu. Pendant un instant, il pense avoir rêvé et se dit que son beau-frère ne peut pas lui avoir demandé ça. Et pourtant les mots tournent dans sa tête à lui en filer la nausée. Isaac ne peut pas répondre à une telle question, il ne veut pas. Parce que ce serait sûrement trop dur. « Dexter, je… » Qu’est-il censé répondre à ça ? Il ne peut pas lui dire que ça ne lui fait rien ; il ne peut pas lui raconter combien ça le tue. Et pourtant, chaque coup d’œil, chaque regard est comme une lame qui s’enfonce dans son corps. Partout. Lentement. Il pince les lèvres, nerveux. Alors il se rapproche de lui, doucement. Comme il s’approcherait d’un animal blessé qui est prêt à mordre pour se défendre. Et il le regarde, véritablement. Pour la première fois depuis que Thomas est mort, il le regarde réellement. Il note leurs ressemblances mais encore plus leurs différences. Il retrouve un peu de son fiancé. Déglutissant, Isaac passe une main sur son visage fatigué. Comme pour se donner du courage, il se racle la gorge. « C’est douloureux, il finit par lâcher, presque à contrecœur. C’est douloureux de te regarder. Ça fait mal. C’est à peine tolérable parce que tous mes souvenirs avec Thomas me reviennent par flashs. C’est violent. C’est comme un coup de poing dans le plexus. » Et ça lui coupe la respiration. Ça le tue à petit feu. C’est comme un main qui plonge à l’intérieur de sa cage thoracique pour emprisonner les restes de son cœur meurtri. Et les doigts serrent, serrent, serrent si fort qu’il a l’impression que son organe vital va bientôt exploser pour de bon. « Et chaque fois que je te regarde, je pense à lui. Mais quand la douleur est finalement passée, ça devient presque agréable. Presque bon, il ajoute plus doucement, plus lentement. Parce que c’est comme s’il me revenait. C’est comme s’il était à nouveau là, près de moi. » Timidement, il lève une main vers le visage du jumeau. Du bout des doigts, il caresse un instant la joue rougie pourtant si froide. Comme celle d’un cadavre. « C’est bon de pouvoir le voir à travers toi, malgré tout. Ça me rappelle que j’ai été heureux, que j’ai été amoureux. Ça me rappelle qu’il a fait partie de ma vie. » Un sourire discret lui écorche les lèvres et derrière sa vue brouillée de larmes, il revoit son fiancé lui sourire en retour comme à travers un rêve. « Parce que j’ai peur de l’oublier. D’oublier son visage, son sourire. J’ai peur que son image s’efface avec le temps. Et tu m’aides à me le rappeler. »
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeMar 9 Juin - 9:48

Il n’aurait pas supporté, c’est certain. Thomas aurait été dévasté comme je le suis moi, aujourd’hui, parce que nous nous sommes toujours aimés plus que la normale, comme des frères jumeaux en somme. Je lui aurais manqué de la même façon qu’il me manque aujourd’hui, il aurait traversé la même douleur, la même détresse, incapable de savoir quoi faire de sa vie, de lui-même. Mais au moins, il aurait été là pour soutenir Giulia, de la même façon qu’il l’a toujours fait. Il aurait pu l’aider à s’en sortir. « Il t’aurait eu toi pour le soutenir. Tu aurais pu l’aider, et ensuite il aurait aidé Giu comme il savait si bien le faire. Ca n’aurait pas été le même gâchis, moi je suis tout seul. Si j’étais mort, ma famille aurait dû s’en remettre, mais je n’aurais pas foutu en l’air des centaines de projets. Il était le plus apte à rester en vie ». Je grimace et secoue la tête, baissant les yeux pour dissimuler des larmes de tristesse qui viennent bien malgré moi dans cette situation où je me trouve pourtant trop vulnérable. On a l’air fin, maintenant, tous les deux, l’un en face de l’autre, à souffrir comme des chiens. Ma mort aurait impacté sur la vie d’Isaac, c’est sûr. Mais il aurait préféré lui aussi. C’est humain, j’imagine. Humain. Je soupire, les yeux rivés sur la prison de mon frère. Si j’avais pu tuer celui qui a fait ça, je l’aurais fait sans hésitation, mais il a déjà été arrêté. Il sera jugé pour le meurtre. Il ira en prison quelques années, et retrouvera sa vie merdique, alors que moi, mon frère, je ne le retrouverai jamais.

Isaac obtempère quand je lui demande de m’expliquer ce que ça lui fait, et je suis surpris qu’il le fasse. Je pensais qu’il se défilerait. Qu’il détournerait les yeux, pour chercher autre chose à dire. Je ne pensais définitivement pas qu’il accepterait. Ce qu’il dit me fait mal, me consume, alors que je réalise progressivement que je suis en train de devenir à la fois un instrument de torture et une pièce de musée, une amulette à souvenirs, un truc qu’on aimerait accrocher. Je ne vis plus que pour et par Thomas, et j’aurais sans doute dû m’y attendre, je ne sais pas ce qu’il m’a pris de penser autre chose. Soudain, Isaac s’approche, et sa main effleure ma joue. Il continue de parler, et moi, comme fasciné par les mots qui sortent de sa bouche, je reste debout, immobile, incapable de bouger d’un seul centimètre. Respirer est presque difficile. Mon cœur est prisonnier d’un étau qui se resserre minutes après minutes. J’avale ma salive, et brusquement – pour moi en tout cas – sa main effleure ma joue. Je connais Isaac depuis longtemps, si longtemps. C’est la première fois qu’il a un geste de la sorte. Mon cœur proteste, je le fixe un instant, abasourdi, avant de reculer doucement d’un pas. « Isaac. » Je murmure pour le rappeler à l’ordre. Ma voix est distante mais dénuée de toute forme de sécheresse. C’est la première fois qu’on m’offre un tant soit peu de tendresse depuis que mon frère est mort. La première fois. Personne ne m’a pris dans ses bras, personne ne m’a embrassé. Mais Isaac le fait en pensant à Thomas, et je ne suis pas Thomas. Je ne serai jamais Thomas. Je ne veux pas même faire un pas dans cette direction. Je détourne les yeux et fourre mes mains dans mes poches. « Tu ne l’oublieras pas. On n’oublie pas les gens qu’on aime. Tu as des photos, des souvenirs. » Je soupire et baisse les yeux de nouveau, profondément triste. La colère s’efface peu à peu pour laisser place à la tristesse, la lassitude habituelle, celle que je veux dissimuler dans mon appartement. « Je te préviendrai la prochaine fois que je compte venir », je lâche. A priori, pourquoi serait-on amenés à se croiser en dehors de ces occasions particulières de visites au cimetière ? Personne ne veut me voir, de toute façon. Je peux m’adapter, je n’ai pas particulièrement envie de voir du monde non plus.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeMar 9 Juin - 10:42


Quand Dexter se recule et que la voix le frappe en pleine poitrine, c’est comme une décharge électrique à travers son corps. Mordant sa lèvre inférieure, il baisse les yeux. Honteux. Il se sent coupable, il se déteste. Il n’aurait pas dû avoir ce geste. Il ne signifiait pourtant rien de plus qu’un mouvement de réconfort, une main tendue vers cette âme éperdue. Mais alors, il pense à Thomas et s’en veut. Il n’avait pas le droit. Il n’a pas le droit de voir son fiancé à travers son frère jumeau. C’est incorrect, c’est malsain. Ce n’est pas honorer la mémoire de Thomas, ce n’est pas respecter son beau-frère. Dexter ne mérite pas ça. Il souffre déjà tant de voir ce visage dans le reflet de son miroir. Mais c’est comme s’ils en avaient besoin tous les deux, de cette douceur. De cet instant en dehors de ces temps douloureux. C’est presque reposant. Isaac ne sait pas comment il doit se comporter. Il ne sait pas s’il a bien fait de répondre à cette question dérangeante. Il ne veut pas que le jumeau puisse croire qu’il ne verra jamais que Thomas à travers lui. C’est faux. Pour l’instant, c’est difficile de le regarder parce qu’il y a trop de souvenirs. Trop de douleur. Mais un jour, il verra Dexter pour qui il est et l’image de Thomas restera dans un coin de sa mémoire, en dehors du reste. « Tu n’es pas Thomas, il lâche abruptement. Tu ne l’as jamais été et tu ne le seras jamais. Tu ne dois pas l’être. Personne ne te demande d’être ton frère. Et surtout pas moi, Dexter. » Parce que ce serait trop lourd à porter, parce que ce serait renier Dexter alors qu’il a une vie à lui. Alors qu’il a une existence qui n’est pas encore finie – contrairement à celle de son jumeau. « Vous étiez différents, vous l’êtes encore aujourd’hui. » Il faudra du temps pour s’y habituer, il faudra du temps pour ne plus le voir à travers lui. Mais Isaac sait qu’il n’est pas son fiancé. Thomas était unique pour lui et il le restera sûrement toujours. Thomas était Thomas. Et son beau-frère se fait un peu plus de mal encore en se persuadant que les autres ne voient que son jumeau. C’est peut-être vrai, c’était inévitable. Mais ça ne durera pas, ça ne continuera pas. Un jour, la sensation de malaise disparaîtra. Seulement, Dexter est en train de se punir d’être en vie alors que son frère est mort. « Tu es Dexter. Et Dexter n’a pas moins d’importance que Thomas en avait. Tu ne mérites pas plus de mourir que ton frère ne le méritait. Ne te blâme pas d’être encore là, il ajoute doucement, tête penchée sur le côté. Ça ne le ramènera pas. »

Rien ne ramènera Thomas. Son absence restera gravée en eux comme une marque au fer rouge. Leur appartement lui semblera toujours aussi vide, toujours aussi silencieux. Venir sur sa tombe sera toujours douloureux. Un jour, peut-être, arrivera-t-il à faire une pièce à cette douleur pour continuer de vivre. Apprendre à exister avec elle, la rendre muette. « Tu n’as pas besoin de me prévenir. Ne va pas penser que je ne veux pas te croiser, ici ou ailleurs, rétorque-t-il avec un froncement de sourcils. Tu as besoin de reprendre contact avec le monde, Dexter. Et le fuir ne t’empêchera pas de souffrir, au contraire. » Il aimerait pouvoir poser une main sur l’épaule tremblotante, affaissée. Il aimerait pouvoir dire tous ces mots qui guérissent, qui font du bien. Mais il n’existe rien qu’il puisse faire pour apaiser le trou béant à l’intérieur de son beau-frère. Et comme lui, Isaac ne peut être guéri. Comme lui, Isaac est marqué à vie. « Je ne voulais pas te blesser en répondant à ta question, peut-être trop honnêtement, il continue d’un air contrit. Ce que tu dois retenir c’est que, même si ça fait mal, ça ne veut pas dire que je t’en veux d’être là et pas lui. Jamais je n’ai pensé que j’aurais préféré que ce soit toi ce jour-là, par terre. Et je ne le penserai jamais. » Comment pourrait-il ? Thomas le détesterait de penser ça. Il lui en voudrait. Et il s’en voudrait lui-même de devenir cet être immonde et froid. Il n’est pas comme ça. Et même si sa relation avec Dexter n’a jamais vraiment été au beau fixe, même s’il existait des tensions malgré leur franche camaraderie, il ne lui voudrait aucun mal. Il en est incapable. Parce que Thomas tenait à lui, son jumeau était important pour lui – et tout ce qui était important pour Thomas l’était, par extension, pour lui aussi. « Les gens t’aiment pour qui tu es, pas pour ta ressemblance avec ton frère. » Ce devait être si difficile à vivre, si lourd à porter. Un visage, une apparence qu’il n’a pas demandée. Un physique qui ne lui appartient qu’à moitié, en vérité. Partageant cette entité avec quelqu’un qui est aujourd’hui décédé. C’est quelque chose qu’il gardera toute sa vie, qu’il portera toute sa vie. Comme une croix.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeMar 9 Juin - 12:14

J’ignore pourquoi nous parlons de tout ça. Lui, moi, comment revenir à la vie, est-ce que je suis identifié comme étant le seul souvenir viable de Thomas maintenant qu’il est mort… Je me souviendrai toute ma vie du regard de ma mère quand je suis arrivée chez mes parents avec ma tante, le soir de l’annonce de la mort de mon frère. Elle était si triste, presque morte elle-même. Et quand elle m’a vu, c’est la folie que j’ai identifié dans ses yeux. La folie. Avoir mis au monde des jumeaux et en voir un mourir l’avait rendu folle, prisonnière pour toujours de l’image de son fils mort revenant la hanter dès le soir. Je me souviens encore de cette journée insupportable. Les jours qui ont suivi n’étaient pas vraiment mieux, mais ce coup de téléphone suivi d’hésitations, de larmes, et tout le reste… Je me souviens de la douleur foudroyante qui a envahi mon cœur à l’annonce surréaliste. Je refusais de réaliser tant qu’on ne me laissait pas voir le corps de mon frère, mais il fallait attendre, attendre dans le doute. Et l’espoir. Mon père avait beau me répéter en boucle – il était le seul à avoir osé passer la porte de ma chambre dans laquelle je m’étais enfermé pour fuir les regards suppliants et douloureux alentours – qu’Isaac s’était trouvé sur la scène du crime, qu’il était formel, je refusais d’admettre que Thomas était mort. C’était mon frère, il fallait que je le voie. J’ignorais la sensation atroce qui me barrait l’estomac, écartait toutes les hypothèses. Personne ne connaissait Thomas autant que moi. Isaac n’était pas infaillible, il avait très bien pu se tromper. Mon père repoussait toutes mes hypothèses avec la même voix triste et monocorde, et moi je continuais de fabuler. Jusqu’à ce qu’on accède à la morgue dès le lendemain matin, pour aller enfin constater que mon frère était bien mort, que j’avais espéré en vain, et que la sensation au creux de moi-même était la bonne. Je crois que j’aurais préféré être installé sur une chaise torture plutôt que de ressentir ce que j’ai ressenti en voyant son visage abimé, ses yeux fermés et son ton blafard. Je voulais rester là, le garder avec moi, mais il a rapidement fallu qu’on sorte.

« Les gens me détestent, pour le moment Isaac », je lâche finalement en sortant une cigarette de mon manteau. « C’est gentil tout ce speech mais je crois pas que les choses vont aller en s’arrangeant. Tu reprends contact avec le monde, toi, Isaac ? Tu sors de chez toi pour reprendre le cours de ta vie progressivement ? Je crois pas ». Je soupire, comment pourrait-on de toute façon ? Chaque pavé que je foule, chaque endroit où je me rends, est attaché à un souvenir que je partageais avec mon frère. Et maintenant, plus rien de tout ça n’existe. Je suis seul pour créer de nouveaux souvenirs et oublier les anciens. J’ai horreur de cette perspective. « Je veux pas recommencer à vivre, tu comprends ? Je veux pas l’enterrer une seconde fois. Il est toujours là, quelque part. J’ai l’impression que si je recommence à vivre normalement, il va disparaitre une nouvelle fois ». Je tremble et allume ma cigarette, nerveux, agité. Mes sentiments se bousculent et je ne sais plus très bien où j’en suis. « Je m’en fiche de souffrir. Ca ne s’arrêtera jamais de toute façon. Il ne sera pas là pour fêter notre anniversaire début juillet. Il ne sera pas là pour me donner son avis sur la personne que je rencontrerai la prochaine fois. Il ne sera pas là pour tous ces projets qu’il voulait mener avec toi, ne pourra pas plus être le témoin à mon mariage que je ne serai témoin au sien. Tous les évènements de ma vie me rappelleront inlassablement que mon frère est mort et qu’il ne peut donc pas les célébrer avec moi. J’en veux pas, moi, de cette vie là. Cette vie de regrets et de dégoûts ». Je soupire, tire une longue taffe et regarde de nouveau la pierre tombale. « Il me manque tellement », je marmonne, les larmes humidifiant mes yeux de nouveau. C’est insoutenable. J’ai tellement besoin d’aide, besoin de quelqu’un, et en même temps, personne ne semble pouvoir remplacer Thomas.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeMar 9 Juin - 18:46


Isaac fronce les sourcils. Il pince les lèvres face à sa propre impuissance. Il aurait voulu faire plus mais il connaît ses limites, il sait que ses mots n’arrangeront rien. Parce que tous les conseils qu’il prodigue à Dexter, il est incapable de les suivre lui-même. Toutes ces belles paroles, ce n’est finalement que du vent. « Je n’ai pas dit que j’étais un exemple à suivre, il essaye d’argumenter tout en sachant pertinemment qu’il ne trompe personne – pas même lui. Et personne ne te déteste. C’est faux, Dexter. » Il est encore incapable de retrouver le monde, de retrouver le cours normal de sa vie. Parce qu’il n’y a plus rien de normal dans son existence. Au contraire. Depuis que Thomas est parti, tout est sans dessus-dessous. Tout part à vau-l’eau. Plus rien n’a de sens, plus rien ne va. Tout n’est que chaos et il peine à redonner un sens à son quotidien. À sa vie. Il comprend que Dexter ait du mal, lui aussi ; il ne comprend que trop bien. Mais c’est ce que Thomas voudrait, pas vrai ? C’est ce qu’il aurait voulu ? Qu’ils se relèvent, qu’ils reprennent leur chemin. Qu’ils continuent de vivre, même si ça signifie aujourd’hui vivre sans lui. « Il ne disparaîtra jamais vraiment, souffle-t-il, la voix heurtée. Il restera toujours avec toi, quelque part. » Mais c’est difficile d’accepter de le laisser partir. Même un peu, un tout petit peu. C’est difficile de sentir s’éloigner cet être si cher. C’est difficile de se dire qu’un jour, il faudra faire avec. Il faudra faire sans lui. Isaac a l’impression de n’être capable que de respirer, vivre dans son souvenir. Comme si l’image de son fiancé ancrée sur sa rétine était tout ce qui le portait. Comme si c’était tout ce qu’il lui restait sur Terre – une image. Une simple image qui le hante, qui le suit. Une image qui est là, plaquée sur l’écran de ses paupières et l’agresse dès qu’il vient à fermer les yeux. Il aime pourtant cette image, il l’a tant aimée. Il l’a aimée si fort. Mais aujourd’hui elle est devenue comme un cauchemar. Un fléau. Parce qu’elle représente tout ce qu’il a perdu, tout ce qu’il ne possède plus. Alors il garde les yeux ouverts, obstinément. Pour ne plus replonger dans le passé, pour ne pas sombrer dans la décadence qui lui tend les bras. Parce qu’à chaque fois qu’il clôt ses paupières, il est là. Il l’attend, il lui dit de le rejoindre. Il l’appelle. Et sa voix résonne en lui comme le chant des sirènes, si hypnotique. Il aimerait céder mais un reste de raison lui souffle qu’il y a des profondeurs desquelles on ne revient jamais. Pourtant Isaac s’en fiche de ne pas revenir, il serait avec Thomas pour l’éternité.

Il imagine toutes ces scènes que Dexter lui décrit, la douleur dans la voix, et il ne voit que le vide. L’absence. Il ne voit que ce trou dans l’assistance. Comme un manque flagrant. Un manque qui ne sera jamais complété avec les années. Il imagine ses propres anniversaires, les saint-valentin en solitaire. Il imagine la date de leur mariage. Et ça laisse une boule dans sa gorge qui lui coupe la respiration. Quelques larmes s’échappent de ses yeux, glissent jusqu’à ses lèvres. Le goût de sel lui file la nausée. Les baisers de Thomas avaient toujours la saveur sucrée d’un fruit d’été. « Je ne dis pas que ce sera facile, mais… » Il s’arrête, humecte ses lèvres et prend une inspiration. « Thomas n’aurait pas voulu que tu imagines le reste de ta vie comme ça. Il aurait voulu que tu vives ton existence pour deux, que tu profites de tout ce qu’il n’a pas pu profiter. S’il était là, il te dirait que tu dois continuer. Pour lui, pour toi. Pour tout le chemin qu’il te reste encore à faire. » Il n’y a pas d’autre remède à la mort que le temps. L’attente. La patience. Il n’y a pas d’autre solution que d’apprendre à vivre avec cette absence qui pèse sur les épaules. Isaac n’a pas encore trouvé la force de reprendre espoir – il n’espère pas non plus que Dexter retrouve miraculeusement le sourire grâce à son discours surfait. Mais ce sont des mots de bon sens, des mots que l’on doit dire même si l’autre ne veut pas les entendre. Il mordille sa lèvre inférieure, tic de nervosité. Il regarde son beau-frère consumer sa douleur et son anxiété dans cette cigarette. Et il se demande si ça fonctionne, si ça l’aide à évacuer toute la tension nerveuse de son corps torpillé. « Dexter… » Après une longue hésitation, il pose une main légère se l’épaule. Il la presse doucement à nouveau. C’est tout ce dont il est capable. « Tu n’es pas seul. La douleur ne continuera pas éternellement. Et un jour viendra où tu seras capable de reprendre ta vie en mains. » Il replace son bras le long de son corps, comme un membre totalement mort. Et c’est l’impression qu’il a – il est comme mort. « Il me manque à moi aussi, tu sais, soupire-t-il en baissant les yeux. À chaque seconde. »
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeMer 10 Juin - 11:37

C’est facile, facile à dire. Bien sûr qu’il ne disparaitra jamais vraiment, bien sûr qu’il vivra dans nos mémoires à tous les deux. Quel autre choix avons-nous que d’entretenir le visage de mon frère au fin fond de nos cœurs ? Ce que je crains n’est pas d’oublier son visage, mais bien simplement de le voir disparaitre de ces entrevues que mon esprit malade imagine parfois. Je sais qu’il est mort, mais de temps à autre, pour quelques heures, même quelques minutes, c’est comme s’il était encore en vie, face à moi, qu’il me prenait dans ses bras pour me montrer son soutien, qu’il s’excusait à voix basse pour toutes ces heures que nous avons perdues à ne pas nous voir, nous qui étions presque voisins et si proches. Je me souviens de notre enfance tellement heureuse, de nos premières expériences amoureuses ou sexuelles, de sa rencontre avec Isaac, de mes nombreuses rencontres avec les problèmes. Il était toujours prêt à m’aider, peu important ce que je lui demandais de faire pour moi. Toujours là pour les autres. Nous avions prévu de partir, avant son mariage, quelque chose dans la maison de campagne de nos grands-parents, une immense maison avec un grand parc. Nous aurions passé quelques jours juste tous les deux, une forme d’enterrement de vie de garçon pour lui, les retrouvailles ultimes. Je baisse les yeux et prends une inspiration saccadée par mes propres angoisses qui me barrent la gorge. Je suis impuissant, malade. Fatigué. Je ne peux plus vivre comme ça, je suis déjà tellement las. Que suis-je censé faire, ou dire ? A ma famille, à nos amis. J’aimerais quitter le pays, partir, mourir, je ne sais même plus. Trop d’ordres contradictoires dans mon esprit qui n’a jamais été doué avec l’autorité pourtant, même celle de mon frère, même celle de mes parents. Le seul qui gère cette situation finalement, c’est mon père, parce qu’il faut bien que quelqu’un soit fort, au moins pour éviter que les autres ne sombrent trop violemment. Qui garderait ma mère en vie s’il n’était pas là pour la guetter à chaque heure du jour ? Qui ferait à manger à Giulia pour s’assurer qu’elle ne dissimule pas ses angoisses sous ses vieux travers ? Mon père a perdu son fils lui aussi mais il est dur comme un roc. Résistant.

« Je peux pas m’empêcher de l’imaginer comme ça. Qui peut ? Personne. Toi aussi, dans le fond de ton esprit, tu feras l’analyse. Tu te rappelleras à quel point c’est dur, à quel point il te manque. Comme tu aimerais qu’il soit là. Pour t’épouser, pour te ramener des fleurs, pour célébrer tes grands anniversaires, pour fêter l’élection d’un nouveau Ministre. Ou simplement pour reproduire une soirée comme celle que vous avez passée y’a des années, un soir, par hasard, cette soirée gravée dans ton esprit sans que tu saches vraiment pourquoi. » Je soupire et baisse les yeux, terminant la cigarette qui n’a pas été d’une moindre aide. « Dans un mois, un mois, il aurait eu 28 ans ». Comme moi. Je ne fêterai plus jamais mon anniversaire, j’en ai conscience. Cette date sera à jamais trop douloureuse pour être vécue, pensée, ou même célébrée. Je me contenterai de m’enfermer et de couper mon téléphone. Je soupire, il faut que j’arrête. Cette conversation m’épuise, et l’épuise sans doute, lui aussi. J’aimerais tellement connaitre quelqu’un, quelqu’un de l’extérieur, quelqu’un… Je devrais peut être aller voir Manoah. J’ai peur, peur de la réaction de mon meilleur ami. J’ai peur des gens. S’ils montrent trop d’émotions, alors j’ai peur de me laisser emballer, embarquer. De lâcher prise et de ne plus tenir. La main d’Isaac se pose sur mon épaule de nouveau et cette fois, je n’ai pas le courage de reculer. Je le laisse faire, frissonne, le fixe. Il souffre, je le sais, mais quelque part, sa souffrance est presque rassurante, réconfortante. Un point de repère dans cet océan d’enfer. Alors je le laisse, baisse les yeux, presque honteux de trouver du réconfort dans un geste aussi lourd de sens pour moi. J’ai l’étrange impression de me trouver sur un terrain glissant. Je relève les yeux vers lui quand il retire sa main et acquiesce. « Je sais oui », je murmure sans trop de conviction. « Je suis content qu’il ait eu quelqu’un comme toi pour le rendre heureux aussi longtemps qu’il a vécu ». Je prononce ces paroles à voix délibérément basse, me refusant à le regarder. C’est vrai, je l’admets, mon frère a eu de la chance. Et je suis content pour lui. Je soupire et ferme mon imperméable, j’ai froid alors que la température me semble tout à fait correcte. J’ai envie de rentrer chez moi, le plus rapidement possible, et de m’enterrer de nouveau. Dans mon lit, dans l’alcool, la fumée de cigarette.
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeMer 10 Juin - 18:05


Il tique violemment quand son beau-frère parle de l’anniversaire. Il ne veut pas penser à cette date, pas encore. Il voudrait pouvoir arracher ce jour du calendrier et faire comme s’il n’existait pas. Il a peur d’être ce jour-là. Comme il a peur de tant d’autres choses maintenant que Thomas n’est plus là. Il se rappelle alors du cadeau emballé dans le placard, il se rappelle du dîner qu’il a prévu bien à l’avance pour être sûr de ne rater aucune recette de cuisine – lui qui se met rarement au fourneaux. Il se rappelle avoir cherché toutes les possibilités pour s’entraîner, seul, sans que Thomas ne se doute de rien. Mais tout ça ne sert plus à rien désormais. Il n’a plus besoin de cadeau, de surprise. Il n’a plus besoin des vingt-huit bougies achetées au supermarché du coin. Il n’a plus besoin de rien. Et cette pensée lui serre le cœur à l’étouffer. Il aurait tant voulu avoir encore des dizaines et des dizaines d’anniversaire à fêter. S’entraîner, année après année, à lui faire le plus merveilleux des gâteaux. Lui offrir toujours de plus beaux cadeaux. Mais il ne pourra plus. Il n’y aura plus d’anniversaire. Aucun anniversaire. Et la date restera comme une cicatrice gravée sur son cœur. Rouge et visible, douloureuse. Il se demande ce qu’il fera ce jour-là. Est-ce qu’il restera dans le noir à se répéter que cette date n’existe pas ? Est-ce qu’il prendra des somnifères pour ne se réveiller que le lendemain matin, une fois que cette journée infernale sera passée ? Est-ce qu’il arrivera encore à pleurer ou bien sera-t-il enfin desséché comme un vieux pruneau oublié au fond du bac à légumes d’un frigidaire ? Il aimerait ne plus pouvoir pleurer. Il aimerait avoir le cœur et les yeux aussi secs et arides qu’un désert glacé. Il aimerait pouvoir être anesthésié. Ne plus ressentir toute cette douleur, partout à l’intérieur de lui ; ne plus avoir envie de vomir à chaque seconde de sa vie. Ne plus avoir toutes ces pensées qui l’envahissent, toutes ces images qui lui agressent la rétine. Il ne veut plus voir, il ne veut plus entendre. Il ne veut plus parler. Isaac veut tout oublier. Il veut oublier qu’il a un jour été heureux parce que c’est devenu trop douloureux aujourd’hui de s’en souvenir. Il veut le silence et la paix. Il veut le calme. Il veut la mort.

Dexter accroche son regard au sien et il s’oblige à ne pas faiblir. À ne pas baisser les yeux. Un léger sourire flotte sur ses lèvres. Un sourire triste et fatigué, un sourire qui n’atteindra plus jamais ses yeux. « Et je suis content qu’il ait partagé ma vie pendant aussi longtemps, il murmure. Notre histoire a été belle. » Mais elle a été achevée avant même de s’épanouir. Elle a été tuée alors qu’ils avaient encore tant de choses à vivre. C’était si beau, c’était si parfait à ses côtés. Isaac a l’impression de ne pas en avoir assez profité, d’avoir manqué tant d’occasions avec Thomas. Mais il devra désormais vivre avec ce regret-là, au fond de la poitrine. Il devra vivre avec la pensée qu’ils avaient encore des années devant eux. La vie pour eux. Et qu’il n’y a désormais plus rien de tout ça. Ils allaient se marier, fonder une famille. Ils allaient être heureux jusqu’à la fin. Mais tout a dérapé et aujourd’hui, Isaac ne sait plus où il en est. Il ne sait plus ce qu’il fait, qui il est. Avant, c’était facile de répondre à cette question parce qu’il avait Thomas pour l’aider à devenir un et entier. Maintenant, il ne sait plus qui est cet homme trop pâle, trop fatigué qu’il aperçoit dans le miroir. « Tu devrais rentrer, Dexter. Tu as besoin de te reposer, il lâche du bout des lèvres. Essaye de dormir un peu. » Est-ce qu’il revoit Thomas dans ses rêves ? Est-ce qu’il est là quand il se réveille ? Isaac avale sa salive. Il a tellement peur de voir à nouveau se dessiner sous ses yeux le corps inerte de son fiancé. Il a tellement peur d’entendre sa voix à nouveau qui lui dit que tout va bien se passer. Il a peur de hurler qu’il n’est qu’un menteur, que ce n’est pas vrai – que tout ne va pas bien aller. Parce qu’il va mourir, parce qu’il va les laisser. Parce que la douleur va envahir leur vie, leur quotidien. Leur avenir aussi. Parce qu’il va laisser un vide si immense qu’il n’y aurait jamais assez de toute une existence pour le combler. Alors non, tout ne va pas bien se passer. Thomas a menti. « Tu reviendras un autre jour, il propose avant de se détourner de la tombe, comme si sa vue lui devenait trop intolérable. De toute façon, il n’y a rien que nous ne puissions faire ici. »
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MessageSujet: Re: DEXTER ☆ with every broken bone.   DEXTER ☆ with every broken bone. Icon_minitimeMer 10 Juin - 22:27

Il a sans doute raison, j’ai besoin de rentrer. Je regarde la pierre tombale et hoche la tête doucement. J’aurais peut être dû lui parler, mais de toute façon, ce n’est pas comme si les murs de mon appartements m’empêchaient de le faire déjà. Je laisse un soupir m’échapper et je lui jette un regard triste, trop las. Le temps s’écoule tellement longtemps depuis qu’il est mort. Les journées s’étirent à n’en plus finir. La nuit est longue, tenace. Je dors à peine quelques heures par jour, troublées de cauchemars et de crises d’angoisse diverses et variées. Je me réveille en sueur, voit mon frère mourir encore et encore. Parfois, il m’appelle à l’aide dans mes cauchemars, comme si je pouvais quelque chose pour lui, comme si lui tendre la main suffisait à le sauver des mains de cette personne tellement injuste qui l’a arraché à toute sa famille pour le plaisir d’assouvir ses pulsions homophobes. Je hurle son prénom en ouvrant les yeux, secoué de sanglots et de larmes. Parfois, je me réveille calmement, et il est assis sur mon lit. Il pose sa main sur mon bras et me rassure. Tout va bien, Dex, tu fais encore de sacrés cauchemars. Mais tout va bien. Ces mots rassurants me font passer pour un idiot crédule. Il continue, il me parle du petit déjeuner, du programme de la journée, et moi, confus et troublé, je l’écoute. Je l’écoute jusqu’à ce qu’au fond de moi, une voix se mette à douter du fait qu’il est réellement mort. Il a peut être raison, si tout ça n’était qu’un cauchemar, un horrible cauchemar dont je viens à peine de me réveiller ? La mort de Thomas, c’était ça le rêve. Mais lui il n’est pas mort. Tout va bien. Je me lève pour préparer un petit déjeuner et lui demande pourquoi il a dormi ici, où est Isaac. Nous conversons, et puis, à un moment, sans prévenir, il disparait. Il disparait dans un coin sombre. J’appelle, j’appelle, je supplie, et je casse la vaisselle sortie en double pour mourir dans ma propre douleur, insoutenable. Insupportable. Le retour à la réalité, c’est comme balancer mon corps au milieu d’une fosse pour qu’il y soit dévoré par plusieurs animaux affamés en même temps. Je suis tiraillé de toutes parts, harcelé par la douleur. A moitié mort. Complètement mort.

« Oui », je lâche dans un soupir à peine dissimulé. Je ne lui ferai pas de discours sur à quel point il me sera impossible de dormir. Isaac sait tout ça, il traverse sans doute des émotions comparables en ce moment même. Nous n’avions pas la même relation avec Thomas mais j’imagine que je ne peux pas nier sa propre peine. Je suis tellement fatigué et tellement persuadé que je ne vais pas réussir à dormir que j’hésite presque à aller m’enfermer dans une salle de cinéma. Pour voir un drame devant lequel je pourrais prétendre pleurer pour d’autres choses que la mort de mon frère. Nous faisions ça, parfois, tous les trois, avec Giulia, pour tous les moments graves de notre vie. Peut être que je devrais emmener Giu au cinéma. Ou peut être que ça lui rappellera tellement Thomas qu’elle aura envie de mourir elle aussi, de prendre ses jambes à son cou, de m’insulter. Non, je suis sans doute meilleur au jeu de la solitude, Isaac a raison. Je ne suis pas là pour les autres. Je ne peux pas. Je n’en suis pas capable. Je rabats mon imper sur mes épaules et soupire doucement, me dirigeant vers l’allée centrale du cimetière que je m’apprête à quitter. « A bientôt », je lâche en lui adressant un léger signe de la main, laissant mon bras s’effondrer le long de mon corps de nouveau. « A bientôt », je répète en regardant ailleurs, allumant une nouvelle cigarette pour me mettre en route. Les larmes que je retiens depuis des heures – parfois sans succès – se mettent subitement à dévaler mes joues tandis que je décide de rentrer à pieds pour éviter les regards des usagers du métro trop curieux ou plein d’empathie.
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