E.B ┃ « Full of broken thoughts, I cannot repair »

Les yeux bleus océan du jeune homme accoudé contre un mur non loin du Soho Motel vinrent se poser sur la voiture qui s'arrêta devant lui. Une belle carrosserie, ça ne devait être qu'un homme d'affaire qui venait peut-être mettre un peu de piment dans sa vie monotone en venant dans ce quartier. Eden se décolla de la façade humide pour pouvoir positionner ses bras sur la fenêtre baissée de la porte arrière après avoir écrasé sa cigarette. Il échangea quelques mots avec la personne qui était à l'intérieur et la porte s'ouvrit. La voiture se gara à quelque pas de l'hôtel. Il sortit, suivit de très près par un blondinet assez grand et très bien habillé. Le détail qui tuait, c'était l'alliance. Encore un homme qui se lassait dans la vraie vie. Pourtant vu comment il se comportait avec Eden, il devait être habitué de le voir chaque soir. Ils montèrent très vite à une des chambres de l'établissement, fermant la porte derrière eux avec vivacité. Eden enleva férocement le long manteau du l'homme puis le plaqua contre la porte, l'embrassant avec envie.

Des gestes automatiques depuis le temps qu'il faisait le tapin. Lorsqu'il avait commencé il n'avait qu'une quinzaine d'année. Bien sûr, ce n'était pas par choix qu'il avait du faire ce genre de métier. Il devait bien vivre et subvenir aux besoins de sa mère complètement folle. D'ailleurs, Eden ne se souvenait pas d'avoir vécu une vie monotone où la normalité des choses puisse l'ennuyer un temps soit peu. Même si l'envie de ressembler aux autres familles ne l'avait jamais quitté. C'était juste qu'il ne pouvait pas être comme ces garçons qui allaient à l'école et qui construisaient un avenir glorieux rempli de joie et d'amour. Lui, il devait s'occuper de sa mère qui buvait et qui perdait la tête au fil des années qui passaient à cause de son père anglais qui était parti pour une autre femme plus jeune qu'elle. Il s'était rapidement fait une réputation dans le quartier du Marais à Paris, vu qu'il jouait dans les deux camps, cela lui permettait d'avoir deux fois plus d'argent et de tenir le mois. Malgré le fait qu'il ait du grandir trop vite à cause de sa mère, il l'aimait de tout son coeur. C'était pour cela d'ailleurs qu'il avait continué à entretenir cette dernière même s'il recevait parfois dans sa gueule une bouteille en verre vide lorsqu'elle n'était pas lucide. Son visage lui rappelant trop cet homme dorénavant absent dans leur famille. Ses excuses quand elle revenait à la raison balayants complètement la rancoeur qui s'était peu à peu installée dans le coeur du jeune homme. Sa mère était la seule personne qui importait pour lui, il se devait de la protéger quoi qu'il lui en coûtait. Des sacrifices qui endurcissaient sa personnalité, créant une carapace dure à percer. En même temps vu le boulot qu'il faisait et la vie qu'il menait, il n'y avait pas de place pour les sentiments. Et comme si ça ne lui suffisait pas, sa mère trépassa lorsqu'il avait vingt ans. Devant lui, elle se coupa les veines. La dépression et la folie avaient triomphé d'elle. Une blessure cicatrisée à tout jamais dans son âme et qui le rendit vide de tout espoir de s'en sortir réellement.

L'homme lui retira sa veste en cuire ainsi que son débardeur avant de le pousser sur le matelas. En toute hâte il défit son pantalon et son boxer puis retourna Eden. Il fixa le dossier du lit, le regard vide et se laissa faire. Cet homme avait été le premier qu'il avait rencontré à Londres. Il se souvenait de cette première fois, aussi soudain et dépourvu de sensualité, de douceur. Il n'était là que pour prendre son pied. Cependant, Eden ne pouvait pas faire la fine bouche, il prenait tout le monde qui venait à lui. Mener une vie dans une nouvelle ville après avoir voyagé clandestinement pour fuir le souvenir de sa mère, n'était pas chose facile. Alors oui, bien qu'il soit brut dans ses gestes, c'était le premier qui lui avait permis de tenir. Un dernier coup de rein puis l'homme se retira, se rhabillant. Comme d'habitude il laissa une liasse d'argent sur le lit et partit comme un voleur, laissant Eden dans ses pensées. Il regarda l'argent un instant puis se leva du lit remettant ses vêtements et prit sa petite fortune en poche. Sans tarder, il sortit du bâtiment, se replaçant contre son mur. La nuit n'était pas encore finie.

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? La célébrité ne m'intéresse pas du tout.

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? L'amour, quel sentiment stupide qui ne cause que de la douleur et qui rend les gens pathétiques. Je ne m'attarde pas longuement sur elle.

→ Ton(ta) cousin(e) t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? Ce qui est bien sur le fait de ne pas avoir de famille, c'est de ne pas connaître ce genre de situation embarrassante.

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? Une soirée où les clients défilent au fur et à mesure, c'est une bonne soirée. Comme ça j'ai des sous pour aller boire des verres plus tard. Voilà une à peu près bonne soirée pour moi, si on peut considérer ça comme une bonne soirée.

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? Dieu n'existe pas, pourquoi j'irai à l'église ?

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Pas de famille, pas de secret.

→ C'est le mec (la fille) de tes rêves, tu en es persuadé(e) et pourtant, celui(celle)-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résigné(e), stratégique, ou éploré(e) ? On veut les détails ! Est-ce que j'ai une tête à tomber amoureux d'une personne ?

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? Dans dix ans, soit je suis toujours sur les trottoirs, soit je n'existe plus.

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) Dare

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » Je ne connais pas beaucoup les facultés, vu que j'ai arrêté l'école très tôt et que je ne m'intéresse pas grandement à ce genre de domaine. Je lui dirai qu'elle peut très bien devenir Reine dans les deux universités vu la réputation de chacune. Quoi que j'ai eu une cliente une fois qui avait fait l'université d'Oxford, elle disait que c'était vraiment une faculté géniale ! Que tout le monde pouvait s'intégrer parmi les étudiants et qu'on trouvera toujours une place même si tu es percé ou tatoué de partout. Bon en même temps, je ne pense pas dire à cette petite fille fictive que c'est une cliente qui m'a raconté tout ça...

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Club Cambridge ? » Voilà à Cambridge, il y a ce genre d'élite qui classe les étudiants par rapport à l'apparence, les notes, les attitudes etc. Bref il faut faire attention à tout pour ne pas que le JCC te tombe dessus, sinon tu vois ta vie sociale partir en fumé !

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» Les TM d'après ce que j'ai entendu, c'est des blagueurs. Ils sont du genre à te faire des farces comme par exemple t'enfermer au toilette sans PQ, à dessiner sur le corps pendant que tu dors à l'internat, à remplacer tes shampooings par du dentifrice. En gros ils n'auront pas de pitié à mettre du grabuge dans ta petite vie tranquille.

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » Franchement, je ne pense pas que tu puisses changer en cours de route vu l'excellence que les deux universités recherchent. Y entrer est déjà un succès et puis si tu choisis l'une d'elles, c'est que le programme t'a plu et voilà tout. Ça serait dommage de changer juste parce que l'ambiance ne te plaît pas.

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »