Chapitre 1 : Family is always complicated La famille, c'est toute une histoire. Notre famille, on l'aime, on la déteste, on se dispute avec, on partage des moments inoubliables avec elle, ceux-là même qui restent gravés dans votre mémoire pour toute votre vie. Mais la famille, et les relations qu'on a avec, c'est toujours compliqué – trop compliqué.
Mon nom est Heather Éloïse Winchester. Ne vous méprenez pas. Malgré mon deuxième prénom, je n'ai aucune origine française, bien que je parles cette langue couramment. C'est juste que mon père a vécu en France une dizaine d'année, et qu'il adorait ce prénom, rien de plus. Je suis née à Philadelphie, l'une des plus grandes villes des États-Unis. Très vite, néanmoins, mes parents et moi, on a déménagé à New York, la seule et l'unique. Pourquoi ? Explications juste au dessous.
Mon père est un homme brillant, mais très stricte, du genre obnubilé par son travail et très peu présent à la maison. Avant ma naissance, il était professeur à l'université de Pennsylvanie, l'une des plus grandes universités des États-Unis – elle appartient à l'Ivy League. Quelques mois après mon arrivé, il était muté à Columbia, ce qui explique notre départ pour New York.
Ma mère est avocate, et on peut dire qu'elle excelle dans son métier. Elle a gagné plus d'un procès haut la main, et elle est très respectée dans son milieu. D'une intelligence vive, elle aussi était peu présente à la maison, bien que contrairement à notre père, elle nous a plus d'une fois prouvé qu'elle nous aimait, Max et moi.
Max, c'est mon petit frère. Je l'adore. Notre relation est celle de tout frères et sœurs qui se respecte. Je t'aime, mais je passe mon temps à t'emmerder, parce que c'est comme ça que ça marche. Cette année, il va avoir dix-sept ans, et je regrette de ne pas pouvoir être présente le jour où il aura son permis. Je l'ai tellement embêté, avec ça, le jour où je l'ai eu. Je me vois encore lui tirer la langue à travers la vitre, toute fière de cette voiture qui de toute façon ne me sert pas à grand chose, alors que lui, les bras croisés sur sa poitrine, me regarde avec envie, fronçant des sourcils alors que je le nargue.
Toute ma vie, j'ai bercé dans la richesse. D'abord parce que mes parents gagnaient beaucoup, et ensuite parce que la mort de mes grands-parents, il y a une quinzaine d'année, a apporté un héritage conséquent à mon père, fils unique. Pendant dix-huit ans, j'ai vécu dans l'Uppert West Side, à Manhattan, dans un duplex sur la 83ème avenue, à environ cinq minutes à pied de Central Park.
J'ai baigné dans une optique de travail et de réussite dès mon plus jeune âge. Il n'y avait qu'un mot d'ordre chez moi : l'excellence. Mes parents voulaient le meilleur pour moi et mon frère, et ils avaient déjà tout prévus. Ils m'ont inscrite dans les meilleures écoles privées possible, et toute ma vie, m'ont encouragé à bosser, à être la meilleure. Je mentirais en disant que ça n'a pas payé. Au lycée, réellement, excellente, je l'étais. Étudiante à la Columbia Grammar and Preparatory School, j'ai réussi mes examens haut la main et ma place à Columbia était déjà prête depuis des siècles. Mais nous y reviendrons plus tard.
Pour le moment, parlons de mon adolescence. Dire que j'étais la fille la plus populaire serait un mensonge. Dire que j'étais la fille transparente ou la fille vraiment impopulaire en seraient aussi. La fille que tout le monde aimait, que tout le monde adorait, c'était ma meilleure amie, Candice. On se connaissait depuis la maternelle, et malgré des hauts et des bas, on s'adorait, vraiment. Évidement, il lui arrivait d'être une petite peste, mais elle faisait ça uniquement pour préserver sa place. Moi, je connaissais la vraie Candice, je savais ce qu'elle valait, ça me convenait. Au lycée, on était tout le temps ensemble. Peut-être aurais-je pu être à sa place, mais ça ne m'intéressait pas. Moi, j'étais une rêveuse, et à côté des études, à côté des sorties shoppings, des fêtes dans des appartements immense, des petits-amis mignons mais envahissant, je m'enfermais dans ma chambre pour regarder des films, des séries, et je m'imaginais m'enfuyant de ma vie, je m'imaginais rencontrer un bel homme, mystérieux, intéressant, qui m'aimerait pour toujours. Je rêvais au prince charmant, je rêvais d'une belle histoire d'amour, une qui me ferais rire et pleurer, bref, une qui me ferais vivre. Et je ne pensais pas en vivre une.
Chapitre 2 : I've been dreaming of you since that day J'avais seize ans quand je l'ai rencontré. Je me souviendrais toute ma vie de ce jour. Fin du mois de juin, plongée dans un New York étouffant, je rentrais des cours. La dernière heure avait sonné, ça était, j'avais brillamment réussi ma première année de lycée. J'avais passé une heure entière avec Candice, Josh – mon copain de l'époque – et tout les autres dans un café, à discuter de tout et de rien, de nos projets de vacances. Eux s'envolaient pour des pays magnifiques ou se rendaient en Californie ou encore dans les Hamptons dans les jours suivants. Moi, je devais encore attendre que mon père soit en vacance, c'est à dire deux semaines.
Après des adieux mélancoliques, je décidai de faire un tour à Central Park. L'endroit était agréable à cette époque de l'année, et je m'asseyais sur un banc, profitant du soleil. Je regardai les passants, leurs expressions, m'attardant sur des détails. Il attira mon regard comme un aimant. Affublé d'un énorme sac à dos, en basket et jeans par cette chaleur, il détonait. Il se tenait à quelques mètres de moi, un plan à la main, le tournant et le retournant encore et encore, une expression perdue sur le visage. Un sourire fleurit sur mes lèvres. Un touriste, sans aucun doutes. Prise d'un courage soudain, je me levais et m'approchait de lui.
«
Vous êtes perdu ? » lui demandai-je, un sourire poli sur le visage.
Il relevait la tête, et je sentais mon cœur s'accélérer. Son regard océan traduisait toute son incompréhension, et je me perdais quelques instants dans ses yeux, fascinée. Il était bien plus grand que moi, mais cela ne m'empêchais pas de le dévisager de tout mon saoul. Il resta quelques instants interdit avant de sourire – un sourire gêné, le plus adorable que j'ai jamais vu – et de répondre, se passant la main dans les cheveux :
«
A vrai dire, oui... New York est une ville compliquée, bien plus que Londres.-
Vous êtes anglais ! m'écriais-je avant d'ajouter :
New York n'est pas compliquée, il suffit de bien savoir s'y prendre. Que diriez-vous d'un peu d'aide ? lui proposai-je.
-
Ce serait avec plaisir, répondit-il avec un nouveau sourire.
Je m'appelle James.-
Enchantée James, dis-je en lui serrant la main.
Heather. »
Ce jour-là, je le conduisais jusqu'au MoMA, le lieu ou il essayait de se rendre depuis plus de vingt minutes. Alors qu'on y parvenait enfin, je sentais une boule se former dans mon ventre. Je ne voulais pas le quitter. Il allait franchir la porte d'entrée du musée quand je m'écriai :
«
James, a... attendez ! »
Il se retournait, et mon cœur s'accélérait alors qu'il revenait vers moi.
«
Hum... Je... Combien de temps restez-vous à New York ? bafouillai-je, mal à l'aise.
-
Une semaine. »
J'hésitais quelques instants, incapable de reprendre, d'aller jusqu'au bout de mon idée. Et s'il me prenait pour une folle ?
«
Qu'est-ce qu'il y a, Heather ?-
Heu... Je me demandais si... et si je... et si j'étais votre guide pendant cette semaine ? Je vous ferais découvrir la ville, et ça éviterait que vous vous perdiez à nouveau. »
Un petit rire s'échappa de sa gorge, et je crus un instant qu'il se moquait de moi. Mais il se contenta de me répondre en me souriant :
«
J'adorerais ça. Retrouvez-moi demain au même endroit que tout à l'heure, à dix heure. »
Et sur ce, il tournait les talons, me laissant béate devant l'entrée du MoMA. Alors que je l'observais s'éloigner de moi, je sentais un étrange sentiment grandir dans mon ventre – et je ne savais pas ce que c'était.
**
Une semaine avait passé, et j'étais devenue complètement accro à James. Ces sept jours passés avec lui, à nous balader dans New York, avaient sûrement été les plus beaux de ma vie. Seul hic : il avait vingt-quatre ans, et il vivait à l'autre bout du monde. Je lui avais caché mon jeune âge, ne voulant pas le faire fuir. Je caressais le fol espoir que, peut-être, je lui plaisais, et j'avais préféré lui dire que j'étais étudiante plutôt que lycéenne. Sauf qu'en une semaine, rien ne s'était passé, et qu'à présent, nous nous trouvions en bas de chez moi, nous disant au revoir. Dans cinq heures, il allait prendre l'avions, jamais je ne le reverrais, et je ne savais pas quoi faire. La boule dans mon ventre m'empêchait de respirer, et j'avais envie de pleurer.
«
Alors, ça y est... C'est fini... je murmurai en serrant des dents.
-
Oui » répondit-il d'un ton calme.
Je le dévisageai quelques instants, incrédule. Très vite, je sentis la colère monter en moi.
«
Oui ?! C'est tout ce que tu trouves à dire après la semaine qu'on a passé ensemble ? Tu t'en fous, c'est ça ? Je ne suis rien pour toi ou quoi ? Tu vas m'oublier dès que tu auras mis un pied dans l'avion, c'est ça ? Tu... »
Les larmes roulaient sur mes joues alors que je m'emportais contre lui, incapable de m'arrêter par moi-même, incapable de fermer ma bouche. Ce fut lui qui stoppa le flot de paroles, en posant ses lèvres sur les miennes.
Je restais quelques instants paralysée, incrédule, avant de répondre passionnément à son baiser. Jamais je n'avais ressenti ça avant. J'avais l'impression que mon cœur allait exploser dans ma poitrine, comme s'il était trop gros pour ma cage thoracique. Quand nos lèvres se détachèrent l'une de l'autre, j'étais sous le choc.
«
Oh... » m'entendis-je murmurer. C'était pathétique.
Il sourit et caressa ma joue du dos de sa main, me faisant rougir. Posant son front contre le mien, il murmura :
«
Bien sûr que non je ne t'oublierais pas, Heather. Mais ce n'était qu'une semaine dans notre vie. Je ne voulais pas te laisser avoir de faux espoirs. Tu es jeune, et bien que tu ai essayé de me le cacher, je sais que tu n'es même pas majeure. Alors évidemment que j'aurais voulu t'emmener à Londres avec moi, évidemment que j'aurais aimé faire un peu plus que me balader avec toi au cours de la semaine. Mais ce n'est pas possible. »
Je levais la tête vers lui, les larmes roulant sur mes joues. Je me fichais de tout ça, je me fichais qu'il sache que j'étais mineure, je m'en fichais de la loi, du fait qu'il pensait que je passerais vite à autre chose, je ne voulais juste pas le voir partir.
«
Ne me laisse pas, James... S'il te plait, reste avec moi... »
Un sourire attristé s'afficha sur son visage, et il se pencha vers moi, m'embrassant sur le front.
«
Adieu, Heather... »
Il se détourna de moi, et je l'observais s'éloigner, disparaissant dans la foule new-yorkaise, les larmes roulant toujours sur mes joues.
Chapitre 3 : I'm living, trying to find my way «
Papa... Je n'irais pas à Columbia » lâchai-je d'un ton ferme en plein diner.
J'entendis un bruit de couvert qu'on laisse brusquement tomber sur une assiette en porcelaine et me mordais la lèvre, attendant l'explosion, qui ne tarda pas.
«
Quoi ?! Comment ça, tu n'iras pas à Culumbia ? Et que vas-tu faire, Heather, je peux le savoir ? » s'écria mon père, hors de lui.
Je prenais une grande inspiration, et, le regardant droit dans les yeux, répondis d'un ton ferme :
«
Mon dossier a été accepté à Cambridge. Je ne voulais pas t'en parler parce que je savais que tu ne serais pas d'accord au début.-
Cambridge ? En Angleterre ?-
Oui, c'est une excellente université, meilleure même que Columbia. Je m'en sortirai très bien.-
Mais... Mais... C'est à l'autre bout du monde ! Nous ne te verrons plus du tout !-
Et alors ? Ça ne changera pas grand chose. »
Il ne répondit rien. A quoi bon ? J'avais raison, et il le savait. Qu'il le veuille ou non, je partirais.
J'avais besoin de changer d'air. Ces dernières années, j'avais commencé à prendre conscience de la direction qu'avait pris ma vie, du fait que mon avenir était tout tracé. New York était devenue peu à peu étouffante, et j'avais éprouvé le besoin de partir, vite. La seule raison qui aurait pu me retenir était Max, mais il avait affirmé que, même si je lui manquerais, il préférait me savoir heureuse. Alors j'avais envoyé ma candidature à Cambridge... Et j'avais été accepté. Je partais pour l'Angleterre dans un mois, et là-bas, je pourrais tout reprendre à zéro. Et avec un peu de chance, peut-être que je retrouverais James.