«
Allez Kit Kat, dépêche-toi ! » Elle se regarde dans le miroir, une nouvelle fois, grimaçant à la simple vue de ce drap, servant de robe, autour de son petit corps. Sa sœur, Daisy, a bien insisté pour qu’elle s’habille comme ça. D’abord, elles sont assorties, puis les costumes sont essentiels à une pièce, surtout pour que celle-ci soit plus crédible. Katharine soupire. Elle aurait préféré filmer le spectacle offert par ses sœurs à toute la famille, au lieu d’y participer. Elle secoue la tête d’un air résigné, sursautant au nouveau coup porté par sa sœur, contre la porte de sa chambre. «
Katharine, on n’a pas le temps, ça va être à nous ! » La petite blonde finit par ouvrir la porte, arborant un visage suppliant. «
Daisy, please, ne m’oblige pas à le faire ! Tu sais, je pourrais te filmer, papa m’a appris à me servir de la caméra... » Daisy secoue la tête. «
J’ai besoin d’une actrice, pas d’une simple cameragirl. Alors maintenant souris, ça va être à nous ! » Daisy attrape sa main et les guide à travers les différentes pièces de la maison, vers celle où se déroule le spectacle. Katharine gémit avant de se faire réprimander par un regard noir de la part de Daisy. Attentivement, elles écoutent les dernières paroles du monologue de leur sœur aînée, Elizabeth, sur les inégalités dont doivent faire face les femmes tout au long de leur vie. Son discours est passionné, vif. Katharine sourit en l’entendant, admirative de son aînée qui n’hésite pas à débattre avec n’importe qui sur les injustices du fait d’être une fille. Elizabeth quitte le devant de la scène, les cheveux en bataille, les joues rouges. D’une voix essoufflée, elle souhaite bonne chance à Daisy avant de se poster devant sa sœur cadette. «
Ca va aller, Kit Kat ! N’oublie pas de sourire et tout ira bien ! » Elle embrasse Katharine, insufflant la dose de courage qu’il fallait à la dernière des Lawrence pour suivre son autre sœur.
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Ses clés tintent ans sa main lorsqu’elle ouvre la porte d’entrée. Elle referme doucement celle-ci tout en tendant l’oreille. Katharine sourit en entendant ses enfants jouer dans le salon. Elle soupire légèrement, presque de soulagement de savoir qu’ils sont là, heureux. Cette sensation est bizarre, presque idiote mais c’est une sensation que chaque mère éprouve quoi qu’il arrive. Elle n’a pas le temps de poser ses affaires qu’elle sent le regard de son mari sur elle. Garrett l’attend sur le pas de la porte de la cuisine, un verre à la main. Instinctivement, elle sert son sac contre elle et s’arrête à quelques mètres. «
T’étais où ? » Son ton est dur. Elle le sent, elle le sait qu’il est en colère, qu’il va encore lui faire des reproches. Elle prend sur elle, posant finalement ses affaires sur le fauteuil qui a toujours été là pour ça. «
Au travail… » Katharine laisse sa voix en suspend et ferme les yeux un instant, prête à tout pour vivre une meilleure version de cette scène. Une version où Garrett serait heureux de la voir, où elle n’aurait pas à subir sa colère. «
C’est à cette heure-ci que tu rentres Katharine ? Tu crois quoi ? Que je suis ta bonne ? J’en ai marre de devoir être toujours là pour les enfants, pendant que toi, tu es soi-disant au travail. » Elle baisse la tête, se sentant désolée pour lui. Certes, ils se sont partagés les tâches et ont souvent du engager des gens pour s’occuper des enfants mais en ce moment, elle est moins là. Elle rate les diners, les quelques temps en famille qu’ils pourraient avoir. Et c’est son mari, l’homme qu’elle aime et qu’elle a choisi pour passer le restant de sa vie qui en subit les conséquences. «
Garrett, je suis désolée, c’est un peu compliqué avec le nouveau tournage. » «
Ah ! Ce fameux tournage ! J’en ai marre d’en entendre parler. J’en ai marre que tu l’utilises comme une putain d’excuse à chaque fois ! Merde Katharine ! » Il fait quelques pas en avant, en titubant. Elle le fixe, en secouant légèrement la tête. Elle n’ose pas penser, demander à combien de verres il est depuis le début de la soirée. «
Je suis désolée Garrett… Je vais coucher les enfants. » Elle le regarde une dernière fois, utilisant ses enfants comme excuse pour mettre fin à cette discussion qu’elle entend bien trop souvent. Elle n’en peut plus mais elle ne dira rien, ou presque. Parce qu’elle sait que c’est difficile et elle veut que ça marche, que tout redevienne comme avant.
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Elle regarde l’heure en soupirant. Katharine sait qu’elle est en retard. Encore. Elle sait très bien que ses enfants sont couchés depuis longtemps, que ça fait un moment qu’ils n’attendant plus leur mère pour qu’elle leur dise bonne nuit. Ca fait un moment que Katharine n’ose même plus aller leur dire bonne nuit, de peur de les réveiller. Elle insère ses clés dans la porte, essayant de faire le moins de bruit possible. Elle dépose ses affaires sur le fauteuil qui trône dans l’entrée. Elle se dirige vers la cuisine pour se servir un verre de vin, et un seul, elle sait bien les ravages que cela peut causer sur une personne. Un seul verre de vin parce qu’elle le mérite et qu’elle en aura besoin pour affronter le regard et les quelques reproches implicites de sa fille au pair. «
Ils sont couchés. » Katharine relève la tête pour faire face à Agnes, qui continue dans son anglais approximatif avec une petite pointe d’accent français. «
Ils vous ont encore réclamés. Enfin, surtout Ella. Charlie a arrêté de vous demander. Il est très perspicace, il a bien compris que vous ne viendrez plus à l’heure du couché. » Katharine accuse les reproches voilés avec une expression neutre. «
Le tournage ne devrait plus tarder à se terminer. A ce moment-là, je pourrai avoir de meilleurs horaires. » Mensonges. Il faut encore passer par le montage. Katharine est bien trop perfectionniste pour ne pas suivre tout ça de très près. Mais cela peut peut-être rassurer Agnes, et la rassurer elle. «
En attendant, je suis bien contente de vous avoir. » Katharine fait un pas en avant pour poser une main sur le bras de la jeune fille. «
Merci beaucoup. » Mentalement, Katharine se promet malgré tout ce que la jeune fille peut penser d’elle, de l’augmenter. Si elle n’était pas là, elle ne pourrait pas tout gérer et être capable de faire l’excellent film qu’elle a en tête.
uc