JKR → keep your face always toward the sunshine - and shadows will fall behind you

« Voilà, sur celle-là, Terry recevant son diplôme… et là, Damien après son stage au sein d’un hôpital privé de Londres… » Je pose ma joue contre ma main et pousse un soupir trop discret pour qu’on le remarque, me contentant de sourire pendant que Papa commente toutes les photos des années Oxford de mes deux frères. Ma grand-mère hoche lentement la tête et mon cousin réplique en faisant des petits « oh, ah ! » comme s’il était vraiment intéressé. Personne ne l’est, en fait, c’est juste histoire d’étaler de la fierté devant tout le monde. Je finis mon gâteau, qui me semble être la seule chose intéressante dans la pièce à ce moment-là, et me plonge dans mes pensées, à des kilomètres d’eux tous. Puis soudainement, je sursaute, distinguant mon prénom et notant que ma Grand-mère attend la réponse à une question qu’elle vient visiblement de me poser. « Chérie ? », insiste-t-elle, comme si j’étais en mesure de répondre. Oups ? « Bien sûr que oui, Juliet ira à Oxford elle aussi, pour faire de la psychologie », mon père prend l’initiative heureuse de répondre à ma place, ce qui est plus ou moins logique étant donné que c’est aussi lui qui a fait le choix. Je souris et hoche la tête avec entrain : « Oxford, c’est notre pays d’origine ici ». Je me lève et attrape les assiettes de ma mère et de mon petit cousin pour emmener le tout à la cuisine.


« JULES ? JULIET ? OH MON DIEU JULIET JE L’AI FAIT, J’AI MA LETTRE D’ADMISSION POUR OXFORD !!! » J’éclate de rire pour imiter ma meilleure amie et pince les lèvres en observant la mienne. J’ai vaguement l’impression qu’elle me parle de Poudlard, pourtant de ce que je sais, l’université n’a rien de franchement magique. Si seulement était jointe une liste d’ingrédients de potions… Uh. Je soupire un peu mais retrouve mon entrain naturel pour glousser avec Mary qui ne contient pas du tout sa joie et qui, je crois, est en train d’haleter à l’autre bout du fil. « On sort, ce soir, il faut qu’on fête ça ! » Elle omet de me demander si j’ai quelque chose à célébrer moi-même, ce qui est sans doute révélateur de l’opinion que les gens ont de mon entrée dans la célèbre fac que mon père dirige d’une main de fer. « Je te rejoins au coin de la rue, mais pas avant 22 heures, tu connais les règles ». Je raccroche sans attendre son aval, et file dans la chambre de mes parents pour leur dire bonsoir. Mon père m’accueille avec un grand sourire et m’ouvre les bras, me comprimant contre lui en me tapotant le dos d’une manière ma foi fortement affectueuse. « Je suis fier de toi ». Je souris et hoche la tête, j’ai envie de lui répondre que moi je suis fière de lui mais je m’abstiens. Je crois qu’il vit un peu dans le déni total, mais soit. Je tapote son épaule et l’embrasse, puis subis le même rituel étrange avec ma mère. Je me retire rapidement et file m’enfermer dans ma chambre. Je fais des allers retours pendant une vingtaine de minutes, puis enfile une robe noire et relève mes cheveux dans un chouchou, avant d’ouvrir le petit balcon qui borde ma fenêtre. Je descends l’échelle dépliante, comme une experte, et atterris bien rapidement sur le trottoir. Je respire la liberté et éclate de rire, accélérant la marche pour retrouver Mary qui me saute littéralement dans les bras.


Je me sens ridiculement petite. Bien entendu, je suis venue ici très souvent, bien plus que je ne l’aurais voulu. Pourtant, les grands bâtiments anciens, aux belles moulures, m’impressionnent toujours. Ce n’est pas exactement ici que j’envisageais mes études, mais maintenant l’illusion que je suis une bonne élève intéressée par les cours et les longues études, par les devoirs et les exposés, fait plaisir à l’ensemble de ma famille. Il serait temps qu’ils ouvrent les yeux, parce que je ne suis vraiment pas faite pour ce monde-là. Je crois que je me suis laissée convaincre dans le but de leur faire comprendre, finalement, par eux-mêmes, quand j’aurais redoublé, abandonné, ou quand le Conseil d’administration se demandera ce que je fiche ici. J’ai bon espoir que ce jour-là, on me laissera partir en douceur et que tout se passera bien. J’inspire avant d’entrer dans un amphithéâtre bondé pour mon premier cours.


« Mais, Kyle, Mary est juste en bas ? » Je vois trouble. Vraiment trouble. Si je ne connaissais pas aussi bien Kyle, et si je ne reconnaissais pas sa voix dans l’obscurité épaisse de la chambre, ou peu importe ce que c’est, où nous nous trouvons, j’aurais même des doutes sur son identité. Mais lui fourre ses mains absolument partout, empressé. L’alcool me donne mal à la tête, mais mon corps réagit sans moi à l’appel qu’il exerce. Je l’ai toujours trouvé mignon, mais Mary. Voilà ce qui tourne en boucle dans ma tête, alors que je suis allongée, complètement débraillée, le petit-amie de ma meilleure amie au-dessus de moi et la main sous mon t-shirt. Il se fiche complètement de ce que je lui dis et me réduis au silence en m’embrassant de nouveau, faisant taire tout début de conscience que j’aurais éventuellement pu avoir.

« Est-ce que t’es complètement tarée ? T’as pas la moindre notion d’amitié, pas vrai ? Parce qu’en plus de t’avoir trouvée dans un lit avec mon petit ami il faut maintenant que je supporte ton discours de petite fille désolée ? Grandis un peu Juliet, on est plus au collège, on est à la fac, et ce que tu m’as fait, je ne te le pardonnerai JAMAIS ! JAMAIS TU M’ENTENDS ? » J’ouvre la bouche pour répliquer mais rien ne sort, je suis un peu trop choquée par la violence de ses paroles. Elle me pousse contre un mur pour m’écarter de sa route, et s’échappe. Les gens me regardent, me détaillant comme si j’étais une attraction bon marché. Je me mords la lèvre et secoue la tête, remettant mon sac sur mon épaule pour m’éclipser. Au loin, Kyle me jette un regard noir. Je m’arrête un instant, ouvre la bouche de nouveau. « Oh come on, tout est de ma faute je suppose ? » Je secoue la tête et fais volte-face pour m’éloigner vers la sortie du bâtiment.


Deuxième semestre, de nouveaux cours commencent. Je ne sais pas exactement ce que ça va donner, mais j’ai l’impression que ces vacances allégeront un peu l’ambiance tendue que j’ai quitté avant Noël. Je l’espère, en tout cas. Mon sac au bras, je rejoins un amphithéâtre tout neuf et m’installe au fond, pour me faire discrète et rêvasser en paix si jamais le cours ne me captive pas. Je sors des feuilles et un stylo et crayonne presque instantanément dans les marges, en attendant que le prof arrive et s’installe. Je crois remarquer qu’il n’est pas mal, d’ailleurs, de loin. Quand il prend parole, je lâche ma feuille et mes dessins des yeux pour lui porter mon attention. « Bonjour tout le monde, je me présente, je suis le docteur Howard et je vais tenter d’élucider avec vous quelques mystères de l’esprit humain. » Vaste programme, effectivement. Je fronce un peu le nez quand le micro se coupe, n’imaginant que trop bien la difficulté de la chose. « Je... Je casse le matériel dès mon premier cours, vous m’excuserez auprès de l’administration. » Je ris un peu, amusée, et pose ma main devant ma bouche pour ne pas me faire remarquer comme celle qui rit à la moindre plaisanterie du professeur, ce qui pourrait ajouter à mon ardoise déjà si bien garnie de compliments variés. « Comme j’essayais de vous le dire, nous allons donc explorer les profondeurs de l’esprit humain, et surtout étudier son fonctionnement. Le cours se divisera en deux parties, l’une sur la perception, et l’autre sur l’attention. » Je penche un peu la tête et inscris sur ma feuille, en italique et dans un coin, « Docteur Howard ». Il semble vouloir poursuivre son cours cependant et je l’écoute, étrangement intéressée. « Nous allons donc commencer par définir le champ de ce qu’on appelle la psychologie cognitive. Quelqu’un saurait me définir ce qu’on appelle la cognition ? » Bon. Je n’en ai pas la moindre idée. Cela dit, à le voir attendre comme ça, je suis prise d’une idée et attrape mon téléphone pour que google m’aide un peu. Pressée par le temps, je ne trouve bien entendu qu’une définition wikipédia qui ne satisfera personne. Pourtant, je lève tout de même la main, et prends même la parole, étant donné que la concurrence ici est plutôt à zéro. « La cognition est le terme scientifique qui sert à désigner l'ensemble des processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance, tels que la mémoire, le langage, le raisonnement, l'apprentissage, l'intelligence, la résolution de problèmes, la prise de décision, la perception ou l'attention… ? » Je reprends ma respiration et lui offre un sourire amusé que j’essaye de contenir. Les autres ricanent, et je me concentre sur le professeur qui réplique bien rapidement : « C’est...a peu près ça effectivement. » Il sourit, semble un peu gêné. Certes, wikipédia n’est sans doute pas la source la plus sûre en psychologie. « La psychologie cognitive étudie les activités psychiques et mentales inhérentes aux actes conscients et au comportement. La cognition interagit avec l’apprentissage et les connaissances. Elle traite, de façon expérimentale, le mécanisme de l’acquisition des connaissances, de leur traitement et mémorisation, de leur récupération ainsi que de leur utilisation dans le raisonnement afin de pouvoir effectuer leur traduction dans les actes. Elle ne se limite donc pas à l’interprétation du comportement. La cognition fait intervenir plusieurs fonctions qui sont en corrélation permanente, à savoir l’attention, la perception, les attentes, la mémoire, les représentations, le raisonnement et les affects. L’attention et la perception permettent, pour les connaissances conceptuelles, l’identification et la reconnaissance d’un événement ou d’un objet. » Je note rapidement ce qu’il raconte, pas sûre de comprendre cela dit.


« Alors Juliet, tu te prostitues au Carling ce soir ? » Je ricane, oh mon Dieu, les blagues ici sont de mieux en mieux. « Bien sûr, mais je suis trop chère pour toi ». Je claque la porte de mon casier et remonte mon sac sur mon épaule, passant mon chemin, habituée maintenant à ce genre de remarques.


Il est quatre heures du matin, et je remonte par le petit balcon. Je suis fatiguée, épuisée même, et j’ai cours dans moins de quatre heures. Alors que je réintègre ma chambre, j’effleure des dessins parsemés un peu partout, entre ces livres de théâtre et ces paroles de chansons qui trainent. Je me laisse tomber sur mon lit, et des flashs de la soirée me reviennent. Mon cœur se serre tandis que je réalise à quel point je me sens vide. J’inspire, ferme les yeux pour refouler, mais n’y parviens pas. Les sanglots montent tous seuls, et bientôt, s’échappent. Je glisse du lit et m’assois par terre en embarquant la couette avec moi pour me blottir dedans, secouée de sanglots imparables dont je ne me débarrasse qu’en tombant endormie d’épuisement.


« Docteur Henry Howard ». La plaque est formelle, je suis exactement là où je veux me trouver. J’inspire et m’arme d’un sourire, frappant trois coups secs à la porte. Une femme d’une trentaine d’années vient m’ouvrir la porte et je suis presque surprise. Evidemment, il faut bien que quelqu’un s’occupe de la porte pendant que le Docteur Howard s’occupe de ses patients. Je souris et entre. « Je suis Juliet Russel, j’ai un rendez-vous à 13 heures… » Elle repasse derrière son petit bureau et enfile des lunettes qui la font ressemblant à une vieille fille. Je mets mes mains dans mes poches et hausse un sourcil. « Oui, en effet. Premier rendez-vous ? » Elle relève la tête vers moi et m’offre un sourire encourageant. J’acquiesce, et vais m’installer sur la chaise qu’elle m’indique en attendant.

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? Où est-ce qu'il faut signer ?

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? Je ne sais pas trop. Je suppose que je lui propose un mouchoir, et qu'ensuite, je passe ma route, elle ne veut sans doute pas être consolée par une fille comme moi.

→ Ton(ta) cousin(e) t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? Ew. Je le repousse gentiment, et je n'aborde plus jamais le sujet.

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? Une soirée arrosée au Carling bien entendu quoi de mieux ?

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? Rien du tout, hors de question que je lui parle.

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Ca tombe bien, je lui ai rien dit.

→ C'est le mec (la fille) de tes rêves, tu en es persuadé(e) et pourtant, celui(celle)-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résigné(e), stratégique, ou éploré(e) ? On veut les détails ! Je la joue combative, bien sûr.

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? Sincèrement, je n'en ai pas la moindre idée.

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) dare !

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » Reine, carrément ? Voilà pour sûr de grandes ambitions ma chérie, mais soit. Je ne suis pas sûre que l'une ou l'autre de ces universités te préparent de toute façon vraiment bien à être Reine, mais Papa me tuerait sans doute si je répondais Cambridge, alors je te conseille de priser Oxford.

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Cambridge Club ? » Un groupe d'élèves qui assument d'avoir un regard critique sur tout ce qui bouge et qui en ont fait un jeu que tout le monde apprécie mais s'en cache bien.

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» Non, pas exactement. Eux, ils ne critiquent pas franchement, ils sont plutôt dans la farce, tu vois ? Mettre du savon dans ta soupe le midi, publier une photo de toi pas très avantageuse, ce genre de choses...

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » Non, tu ne pourras pas changer, je suis désolée. Les deux universités sont très conservatrices et ne s'apprécient pas l'une et l'autre, il est donc impossible qu'un des doyens acceptent de te prendre si tu as préféré choisir une autre université que la sienne au départ.

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »