(m) HARRY LLOYD ♦ I was made for you

Background story → Un matin, Isaac s’est réveillé en songeant avec bonheur qu’il avait tout. Un homme, Thomas, allongé à côté de lui, un boulot, un avenir, la perspective de ce mariage qui scellerait une bonne fois pour toutes les liens entre sa famille et celle de Tom. Le bonheur à l’état pur. Il se surprit même à penser à la perspective d’avoir des enfants. La bague autour de son doigt lui procurait une grande fierté.
Quand il s’est réveillé d’une nuit agitée de cauchemars le lendemain matin, Isaac avait tout perdu.
Il est né à Londres, ici même, dans une famille méritante, des londoniens moyens, tolérants, ouverts à la discussion et au monde. Enfermé dans une bulle protectrice, Isaac est toujours un peu passé à côté de la réalité difficile de la vie. Des amis, il n’a jamais eu de mal à en trouver, et il a même trouvé l’amour, l’amour pour un autre homme que lui. L’annonce de son homosexualité surprit, et on songea un temps qu’il tentait de suivre un effet de mode, avant de s’habituer à le voir trainer avec Thomas. Ils ont formé dès leur majorité un couple aimant, passionné, collé mais discret, fuyant les regards publics, pudiques. Ils se sont installés, ont poursuivi leurs études d’architecture, ont fondé leur boite, ont décidé de se marier. Tout a toujours fonctionné si simplement que personne n’aurait vraiment pu savoir ce qui allait suivre. Ce même matin, où Isaac s’est réveillé, il a passé une journée des plus banales. Lui et Thomas se sont rendus au travail, se sont rejoints pour le déjeuner. Ils se sont gentiment disputés sur le parfum du gâteau de leur mariage, avant de tomber d’accord sur la vanille, puis se sont séparés, Thomas ayant un rendez-vous à l’extérieur. Pour une fois, dans la douceur de la journée, ils se sont embrassés pour se dire au revoir. Pour la dernière fois. Aperçus par un passant passablement homophobe, trop peu soucieux dans leur vague de bonheur, ils n’ont pas vu l’homme s’arrêter et se diriger vers eux, sans doute bourré. A peine avait-il passé la porte de leur petite entreprise qu’Isaac entendit des cris et se rua dehors. L’homme de sa vie, poussé et frappé à la tête avec violence, est mort dans ses bras.
Inutile de dire que le deuil ne prend pas. Il ne parvient pas à passer à autre chose. La société est à l’abandon, l’appartement est devenu un musée, hommage à sa vie passée. Isaac s’est rué dans la détresse et la colère, noire. Il a fondé une association défendant les droits des homosexuels, et a embauché un avocat hors du commun pour défendre son cas devant la Cour. Il veut faire condamner cet homme qui lui a tout pris – et qui a été arrêté très rapidement, soul – à défaut de pouvoir se venger de manière plus cruelle. Son désespoir se noie désormais dans l’alcool, chose qu’il tâche de dissimuler tant bien que mal à sa famille et à ses amis. Il se sent responsable, quelque part. La seule chose pour laquelle il accepte de sortir de chez lui, en dehors de la lugubre préparation du procès, est son association, à laquelle il dévoue une grande partie de son temps, quitte à devenir parfois extrémiste, dans les mots ou dans les paroles.