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 few things needed ~ ISAAC

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MessageSujet: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeMer 3 Juin - 0:04

En dehors des endroits parfois très chics dans lesquels j'ai eu l'habitude d'atterrir en charmant une belle blonde ou un beau mec, je ne suis pas habitué des beaux quartiers. Nous avons grandi dans une maison suffisamment éloignée du centre pour être calme et discrète, et nous avons fréquenté l'école que tous les autres gamins de notre rue fréquentaient. La discrétion était sans doute notre principale qualité à l'époque. Ca ne m'étonne pas tellement que Thomas soit tombé amoureux de Kensington. Talentueux comme il l'était, passionné, un brin romantique aussi, je l'imagine tout à fait, encore aujourd'hui, parcourir ces rues avec son air émerveillé d'enfant qui a tout compris. Il était si patient, si charmant. Ces passantes peu souriantes lui auraient sans doute décroché un sourire à lui, s'il passait à ma place. Je retrace peu à peu la vie de mon frère entre ces dédales de rues et ces petites fenêtres des maisons qui s’enchaînent et je n'ai définitivement pas la moindre difficulté à l'imaginer envisager le reste de ses jours ici. Amoureux. Marié. En famille ? Je ferme les yeux, prends une longue inspiration pour tenter de calmer les palpitations qui s'emparent déjà de mon coeur à l'idée. J'ai froid et chaud en même temps. Je suis épuisé, épuisé de ressentir les choses aussi violemment. Il parait que je devrais aller au cimetière, mais j'ai trop peur d'y croire du monde. J'ai trop peur d'être cette image glaciale d'un fantôme penché sur une pierre tombale qui pourrait être la sienne. J'ai trop peur d'y croiser celui que je vais voir, maintenant.

« Dex, tu le sais, que c'est pas la faute d'Isaac ». Je ris, et détourne les yeux. Mais Giulia  rassemble le peu de forces qui lui restent encore pour me forcer à tourner la tête et à la fixer, droit dans les yeux. « Personne n'a besoin de ça. Personne. » Sa voix est sévère, vieille. Alors qu'elle est encore si jeune. Elle devrait retourner à l'université, apprendre des choses, apprendre la vie, la littérature, les grands livres, me donner des titres. Pas rester là, murée dans l'angoisse de cette maison presque vide. Toutes les âmes sont mortes ; elle est presque le dernier espoir. « Je t'aime Giu, tu le sais, mais je pense que tu devrais retourner à la fac maintenant ». Elle se recroqueville sur elle-même et s'enveloppe dans son pull, déposant sa tête sur ses avant-bras.

Il faut blâmer quelqu'un. Je blâme ce type, cette ordure qui m'a arraché mon frère en le tuant de sang-froid dans une rue pleine d'abrutis qui ont été incapables de réagir. Je le blâme, oui, mais je blâme Isaac, aussi. C'est pas tout de vouloir être progressiste, de vouloir s'afficher, balancer son bonheur au visage des gens, sans arrêt. C'est pas tout de vouloir provoquer, chercher. Il n'aurait pas dû faire ça. Il aurait du aimer mon frère discrètement pour le protéger du monde extérieur - qui peut encore raisonnablement ignorer à quel point le monde extérieur est cruel ? Je frissonne, arrivé en bas de l'immeuble, et enfonce la sonnette pour qu'il m'ouvre. Je sais qu'il est là - je doute qu'il ait la force de sortir. Je ne l'ai fait que parce que j'y étais contraint. « Dexter », j'annonce simplement, avant de monter les étages à pieds. J'ai besoin de récupérer des affaires. J'ai besoin de récupérer des choses qui me rappelleront toujours mon frère. J'ai besoin de récupérer un médaillon avec lequel il jouait tout le temps, et qu'il avait depuis des milliards d'années. Je le sais ; j'ai le même, à la différence près que le mien est gravé de mon prénom. Lorsque j'arrive face à la porte de l'appartement, je prends une très longue inspiration - ignore comment je vais vivre le fait de voir ces pièces dans lesquelles mon frère vivait. Je frappe et baisse les yeux, l'émotion me submerge déjà, mais je ne dois pas me laisser avoir. J'apprends peu à peu à vivre avec la douleur permanente. Celle qui ne partira jamais.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeMer 3 Juin - 8:26


Six jours. Six jours et trois heures trente minutes que l’enterrement a eu lieu. Six jours et trois heures trente minutes qu’il a dû dire au revoir à la personne la plus importante de sa vie. Six jours et trois heures trente minutes qu’il est mort avec lui. Et son quotidien ne ressemble plus à rien. Il ne ressemble plus à rien. Il ne mange pas, il ne dort pas. Il reste calfeutré chez eux – chez lui – emmitouflé dans un vieux plaid, avachi sur le canapé devant la télévision allumée sur des programmes qui ne l’intéressent même pas. Et ça fait six jours qu’il n’a pas ouvert ses volets. Qu’il n’est pas sorti prendre son courrier. Qu’il n’a rien touché de ce qui se trouve dans leur appartement. Tout est resté en l’état, comme s’il était toujours là. Sauf qu’il ne l’est plus. Sauf que son absence pèse à chacun de ses pas lorsqu’il se traîne à la salle de bains, aux toilettes. À leur – sa – chambre. Et il reste allongé sur le grand lit, les yeux fixés sur le plafond à se remémorer leurs souvenirs. Des souvenirs qui lui laissent un drôle de goût amer dans la bouche. Il pleure beaucoup, tellement que ça lui donne des migraines. Il pleure jusqu’à ce que ça l’épuise et qu’il ne reste rien d’autre que la fatigue. Lourde et assommante. Il y a eu des coups de téléphone, des messages sur le répondeur – il ne les a pas encore écoutés. Il n’en a pas la force. Il ne veut pas entendre tous ces gens qui lui rappellent que Thomas est décédé. Qu’il a dû l’enterrer. Il veut être seul, il veut être tranquille. Il a juste appelé au bureau pour dire qu’il ne reviendrait pas. Pas tout de suite. Ils ont dit qu’ils comprenaient, qu’il pouvait prendre le temps qu’il lui faudrait – qu’ils l’attendaient et qu’ils étaient de tout cœur avec lui. Alors parce qu’il a failli éclater en sanglots au téléphone, il a rapidement dit merci et raccroché. Il ne pouvait pas supporter d’entendre leur voix sirupeuse de compassion. C’était trop. Ça lui donnait envie de vomir.

Il ne sait pas si c’est le matin ou le soir, il a juste vu la date sur son calendrier. Son téléphone portable est éteint depuis six jours. Alors quand l’interphone retentit dans le silence sinistre de l’appartement, son cœur bondit hors de sa poitrine. À la fois d’angoisse et de surprise. Il ne veut voir personne. Il voudrait jouer le mort et cette pensée lui arrache un sourire sardonique – ce n’est pas lui qui est parti. D’un pas lourd, il se traîne et répond, la voix cassée de ne pas avoir parlé pendant tant de temps. Ses oreilles sifflent quand résonne doucement la voix à travers le combiné. Cette voix. Une voix qui ressemble tant à celle de Thomas. Pendant un instant, il a le cœur qui palpite et un réel sourire fleurit sur ses lèvres avant que les mots ne le frappent avec une violence inouïe – ce n’est pas lui. Pas vraiment, pas totalement. C’est son frère – son jumeau. Il avale sa salive et lui ouvre la porte d’entrée. Il ne sait pas quoi faire. Il est complètement paniqué. Ses mains deviennent moites quand il tourne la clef dans la serrure. Il essaye de se préparer mentalement à ce qu’il va bientôt voir mais c’est un véritable choc quand il l’aperçoit, sur son palier. C’est Thomas, là, en face de lui. Et il a de nouveau envie de pleurer. De joie ou de tristesse, ou bien un peu des deux mélangées. Ce serait tellement bon de le revoir, même qu’un instant. Et puis c’est là qu’il la remarque – la couleur de ses yeux. Différente. Plus sombre. Thomas n’avait pas ces yeux-là. Il baisse les siens en se décalant, le laissant entrer dans l’appartement. Il n’a pas encore dit un mot. Il ne peut pas. Il n’y arrive pas. C’est trop lourd, c’est trop dur. Il regrette d’avoir répondu. Parce qu’il n’avait pas besoin de ça – le fantôme de son fiancé revenant le hanter, le torturer. « Qu’est-ce… qu’est-ce que tu fais là ? il finit par murmurer, le ton rauque et bas. » Il ne sait pas quoi dire d’autre. Il n’ose pas lui demander comment il se sent – il n’aime pas cette question stupide à laquelle aucune réponse ne va. Bien sûr qu’il va mal, son jumeau est parti. Alors il passe une main tremblante dans ses cheveux trop sales, un nœud au ventre. Il veut juste retrouver son plaid, son canapé et sa télé. Il veut juste retrouver sa tranquillité.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeMer 3 Juin - 12:14

Ce regard. Je connais ce regard. Depuis la mort de Thomas, c’est le regard que tout le monde me jette. Je ne suis plus Dexter, un être doté de raison à part entière, une personnalité différente. Je suis le frère jumeau d’un mort, celui qu’on voit apparaitre à chaque fois que je me déplace. Ma mère a la même réaction, cette première impulsion de jovialité immédiatement suivie par la tristesse, le choc, la fatigue et tout le reste. Je ne peux pas changer de tête, sinon, j’aimerais le faire moi-même. Je ne supporte plus cette image dans le miroir qui me renvoie à la difficile réalité des choses, de la situation. Il est mort, moi en vie. Je porte nos deux visages pour le reste de ma vie. Je soupire et regarde ailleurs un instant, pour fuir le regard d’Isaac. C’est donnant donnant, lui me considère sans doute comme un fardeau sur le pas de sa porte, moi comme le type qui s’est montré incapable de protéger mon frère, mon double, une partie de moi. Il aurait dû être là, il aurait dû faire quelque chose. Prévoir. Ce sont des accusations sans le moindre fondement, je le sais, c’est idiot, mais mon esprit a besoin de rejeter la faute sur quelqu’un et il est la seule personne disponible. L’appartement derrière lui est sombre, et se dégage une odeur de renfermé. Je sais pourquoi, je vis dans le même bordel méthodique. Volets fermés, ignorant superbement tous les coups de fils du boulot me demandant où je suis et quand je reviens. Je ne mange pas, je fume. Sans arrêt. Plus que je n’ai jamais fumé. Ma gorge me fait mal, et la douleur me rappelle que je suis en vie, que mon corps souffre, que je n’ai pas mal qu’au cœur.

« Je suis venu chercher des affaires », je lâche. J’aurais pu être mal à l’aise, anxieux, inquiet, mais non. Je n’ai plus rien à ressentir. Je ne sais plus comment on fait. En dehors de ce trou béant dans ma poitrine et de ces crampes terribles qui m’habitent l’estomac, j’ignore ce que sont toutes les autres formes de sentiments. « J’ai besoin de récupérer son médaillon ». Ma voix est froide, machinale. Lointaine. « Des choses. N’importe quoi ». Cette phrase-là sonne presque comme le désespoir. Faire vivre Thomas avec quelques souvenirs. Essayer. Je devais le voir, ce jour-là. Je sais qu’il voulait me parler de son mariage. Je sais qu’il voulait faire des projets. On aurait dû boire une bière en bas de chez moi avant qu’il ne rentre chez lui, comme deux frères normaux suivant le cours normal de leurs vies. Et non, il a fallu qu’il meure. C’est tellement injuste. Je ne pourrais jamais m’en remettre. Jamais. Autant mourir maintenant, sans doute. Mais pour l’instant, j’ai besoin de sentir qu’il n’est pas si loin. J’ai besoin de traces de sa vie. Je ne suis pas juste en train de vivre un atroce cauchemar, mon frère m’a aimé, il voudrait que je continue. « Au moins le médaillon ». J’attrape machinalement celui qui pend autour de mon cou, sans vraiment faire attention à la symbolique. Il me faut réunir tous les efforts du monde pour ne pas me montrer agressif ou violent, mais j’espère qu’il va vite me donner ce que je lui demande, que je puisse quitter ces lieux, quitter ce type. Quitter le statut de double d’un mort que l’on regrette. Sans doute Isaac préférerait-il que je sois mort à la place de Thomas. Comme je le comprends.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeMer 3 Juin - 12:49


C’est difficile de le voir, là, chez eux – chez lui. C’est un peu comme ces vieilles habitudes – guetter son retour, guetter son sourire. Le jumeau de Thomas ne fait même pas tache dans le décor. Il s’y imbrique parfaitement, comme la pièce manquante d’un puzzle. Et c’est sûrement ce qui fait le plus mal, c’est sûrement ce qui est le plus douloureux. Alors Isaac serre les dents, pince les lèvres. Il a sa vue qui se brouille mais il fait un dernier effort pour ne pas fondre en larmes. Pas devant lui, Dexter. Il n’a pas besoin de ça – ils n’ont pas besoin de ça. Et il détourne les yeux également pour ne plus le regarder. Pour ne plus voir ces traits si semblables à cet être aimé. C’est horrible, c’est douloureux. Ça amène comme un goût de vomis sur ses lèvres. Son estomac se renverse. La voix résonne contre les murs, une voix si familière et pourtant si différente. Il n’a jamais vraiment été proche de Dexter, pas autant qu’il l’aurait voulu. Et quand les deux jumeaux étaient tous les deux, il s’était toujours senti un peu exclu. Comme s’ils avaient ce monde qui n’appartenait qu’à eux. Comme s’il n’existait rien d’autre que ce lien qui les unissait. Et loin d’en être blessé, il avait trouvé ça beau. Lui qui n’avait que ses parents avait trouvé une famille en celle de son fiancé. Et c’était quelque chose que personne d’autre que lui n’avait pu lui apporter. Pendant une seconde, il reste figé dans son salon comme si la demande l’étonnait. Il savait pourtant qu’il viendrait – il s’en doutait. Il s’agissait de son frère et c’était ici qu’il vivait. Qu’il habitait, qu’il aimait. Tout dans cet appartement rappelle Thomas. À chaque pas, à chaque respiration. Et si avant c’était un bonheur sans fin ; aujourd’hui ce n’était plus qu’une douleur pénible à ajouter à toutes les autres toutes aussi pénibles. Il acquiesce lentement, incapable de parler. Il ne sait pas quoi dire. Il ne peut pas lui refuser ce qu’il demande – il en a besoin. Autant que lui a besoin de rester ici, entouré de l’âme de Thomas qui hante encore les murs. « J’avais pensé qu’il voudrait que tu l’aies, il murmure, comme un peu gêné. Je vais te le chercher. »

Le pas lourd, la démarche lente, il s’enferme dans leur chambre où trônent encore leurs photos et les souvenirs. Dans un tiroir de la commode, il attrape la boîte à bijoux en cuir noir où il a déposé tout ce qu’il n’a pas laissé sur le corps de Thomas pour l’enterrement – des boutons de manchette tout neufs, une chaîne en argent (un cadeau pour leur premier anniversaire). Il y a aussi l’alliance, le double de celle qu’il a glissée au doigt de son fiancé – un geste stupide, un geste insensé. Un geste qui lui a pourtant paru naturel sur le moment. Et le médaillon. Un médaillon qu’il chérissait, qu’il portait chaque jour sans faute. Il le revoit encore l’attacher tous les matins à son cou, torse nu, devant le miroir de leur chambre à coucher tandis qu’il l’observait du lit, encore nu et à moitié endormi. Il a toujours aimé l’observer, même du coin de l’œil, même en cachette. C’était son petit plaisir coupable de la journée. Ravalant un sanglot, Isaac attrape le bijou et revient au salon, fuyant des émotions qui le noient. « Il l’avait tout le temps sur lui, lâche-t-il en le lui tendant. Il disait que ça lui portait bonheur. » Il ne sait pas pourquoi il s’est senti obligé de dire ça. Est-ce qu’il pensait le réconforter ? Est-ce que c’était indispensable ? Embarrassé, il garde les yeux fixés sur le bout de ses pieds. Il n’arrive pas à le regarder, pas quand c’est un autre qu’il voit. Pas quand ce n’est pas Dexter qui est là. « J’espère que ce sera le cas pour toi également. » Une réflexion stupide qui lui échappe soudainement. Parce qu’il sent cette même souffrance qui ronge le brun face à lui. C’est pire qu’un poison dans les veines, pire qu’une lame entre les côtes. C’est un feu qui brûle, qui consume chaque plus petite cellule de son être. Et qui ne laisse derrière lui que des cendres, qu’un paysage dévasté. Il se frotte la nuque, maladroit et empoté. Il a toujours été un être social pourtant. Il a toujours été ouvert et souriant. Mais il n’y a plus rien de tout ça maintenant. Il ne sait même plus comment sourire à présent. « Tu voudrais boire quelque chose ? propose-t-il alors, comme pour se rattraper. » Parce que c’est ce que Thomas aurait voulu, il en est sûr.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeMer 3 Juin - 17:57

Il accède aussitôt à ma demande, et je suis presque surpris, je m’attendais plutôt à ce qu’il soit réticent. Ce médaillon est tellement symbolique de mon frère, de mon double ; comme il peut l’être de moi à côté. Je ferme les yeux quelques infimes instants et patiente sans rien dire pendant qu’il disparait vers la chambre. J’ai visité cet appartement mille fois, mais pour une fois, je ne le reconnais pas. Il est figé dans le temps, figé dans cette journée où Thomas n’était pas encore mort. Figé dans l’espace infime d’un instant de bonheur dont personne ne parvient sans doute à se souvenir désormais. Il ne reste que la désolation, la tristesse, le manque et la boule au creux de l’estomac. Comment vais-je faire pour vivre de nouveau un jour ? Est-ce que c’est seulement possible ? Je me pose beaucoup de questions, avance à l’aveuglette dans une vie que je ne veux plus vivre. Et alors quoi ? S’ouvrir les veines ? Avaler une boite de médicaments, et endeuiller encore la famille. Tuer mes parents, et Giulia, sans le moindre doute. J’aimerais pourtant, pouvoir disparaitre comme lui. Mes yeux errent malgré eux et je m’approche d’une photo laissée là, en hauteur. Le bonheur, une fois de plus. Oh je sais bien que Thomas était heureux, je n’en ai jamais douté. Il le disait souvent, d’ailleurs, me le racontait lors de nos moments entre frères. Il n’arrêtait pas, jamais, de me raconter à quel point Isaac était formidable, à quel point il voulait l’épouser, et à quel point il souhaiter me voir aussi heureux que lui pouvait l’être. Thomas était un homme posé, calme, tendre. Je n’ai aucune difficulté à comprendre pourquoi il était si bien avec Isaac. Je ferme les yeux pour détourner la tête de la photo et avise l’intéressé qui revient. Il a l’air, lui aussi, de porter le poids du monde sur les épaules.

« Merci », je lâche en attrapant le médaillon que je fourre presque immédiatement dans ma poche sans y jeter un œil. Je le regarderai plus tard, là, il est bien trop tôt. Je ne peux pas garder l’objet dans les mains, il est attaché à bien trop de souvenirs. Le jour où on nous les a offert, les gravures, les moments d’enfance, d’adolescence. Nous avons toujours tout fait ensemble. Isaac était déjà une séparation difficile, mais là… J’ai envie de m’écrouler. Mes jambes ne me supportent plus. Je soupire et hoche la tête quand il me propose de boire, pas parce que j’ai envie de rester en sa compagnie ou de soulager sa conscience, ça non. Simplement parce que j’ai besoin de m’asseoir. Je ne peux pas repartir maintenant, comme ça. Je ne peux pas. Je soupire et baisse les yeux, en le suivant. « Giulia voulait venir. Tu lui manques, apparemment ». Je dis ça d’un ton las, pour faire la conversation. Parce que je ne vais pas lui demander comment il va. Je ne vais pas non plus lui parler du fait qu’on vient d’enterrer mon frère parce qu’il n’a pas été capable de lui apporter la sécurité nécessaire. Je ne vais rien faire de tout ça, et pourtant, Dieu sait que je pourrais vraiment le faire en cet instant précis, en proie à la frustration, la fatigue, la colère, la tristesse, peut-être même le désespoir violent. Je mets mes mains dans mes poches et m’installe sur un tabouret, évitant soigneusement de regarder autour de moi. « Juste de l’eau. Je vais pas rester ». Qu’est-on censé dire en pareille situation, de toute façon ?
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeMer 3 Juin - 18:45


Il est surpris d’entendre parler de la petite Giulia. Isaac ne s’attendait pas à ça, en vérité. Il a toujours aimé la petite sœur de son fiancé comme sa propre sœur et elle lui manquait aussi. Mais il ne peut pas. Il n’y arrive pas. Il n’a pas la force d’aller voir la famille Simmons. Pas tout de suite, pas maintenant. Pas si tôt. C’est peut-être lâche, c’est peut-être ignoble de sa part mais il n’a pas le courage de faire face à encore plus de douleur. Ils ont perdu un fils, un frère. Ils ont perdu un être cher, comme lui. Et il ne peut pas encaisser plus de souffrance qu’il n’y en a déjà dans son pauvre corps fatigué et terrassé. « Je voulais passer… je voulais venir les voir mais je… tente-t-il de se justifier à mi-voix, regard honteusement baissé. Je ne peux pas… » Dexter comprendra sûrement. Et peu importe en vérité s’il accepte ou non, Isaac ne peut pas faire autrement. Il n’est pas sorti de chez lui depuis l’enterrement. Il a peur de sortir, de revoir le monde. Il a peur de comprendre que la vie a continué sans lui. Sans Thomas. Il a peur de voir que les gens ne se sont pas arrêtés d’exister comme lui il y a six jours. Il a peur de leur en vouloir alors qu’ils n’y sont pour rien. Il a peur de revoir le soleil, ce même soleil qui brillait le jour des funérailles. Alors il reste enfermé, cloîtré chez lui pour se protéger. Pour garder Thomas un peu plus longtemps avec lui. Parce que tant qu’il restera là, tant qu’il restera dans l’appartement, alors son fiancé sera avec lui. Il sera là. Il sentira sa présence comme une caresse apaisante sur sa peau nue. Et s’il venait à perdre tout ça juste en quittant son foyer, son dernier petit bout de Paradis en fuite ? Il ne veut pas risquer de rompre cet équilibre déjà précaire qu’il a instauré. Alors il ne sort pas. Il reste là. Entouré des souvenirs de lui et Thomas. Il regarde leurs vieilles photos le soir, enfoui sous la couette, pleurant toutes les larmes de son corps. Ça lui fait mal, ça lui fait du bien. Mais il en a besoin. Pour ne pas oublier son visage, pour ne pas oublier son sourire. Pour ne pas oublier ce qu’il ressentait chaque fois qu’il le voyait. Il a vraiment peur de ça – l’oubli. Oublier Thomas serait pire que tout aujourd’hui.

Dexter l’a suivi jusqu’à la cuisine, s’est installé sur un haut tabouret de leur pseudo bar américain – une folie de sa part à laquelle Thomas avait fini par céder. Dans un silence de plomb, il lui sert un verre d’eau avant de le déposer devant le brun. Il le regarde un instant, mâchouillant sa lèvre inférieure sous la nervosité. Est-ce que ça fera toujours aussi mal de le regarder ? De sentir sa présence dans son univers ? Peut-être. Ou alors un jour, ça lui redonnera le sourire comme son fiancé arrivait à lui rendre sa bonne humeur d’un coup de baguette magique. Il n’ose pas se dire qu’il sourira à nouveau un jour. Pour lui, c’est impossible. Il ne sait plus ce que c’est, ne saura plus jamais. Il n’y avait que Thomas. Il n’y aura que Thomas. Détournant les yeux avec pudeur, comme s’il s’interdisait de le regarder ainsi, il se gratte le bras d’un mouvement machinal. Absent. Il ne sait pas quoi dire, il ne sait pas quoi faire de sa carcasse abandonnée sur le rivage. Il est comme à moitié mort, plus vraiment en vie. Et la douleur qui s’est reflétée dans les yeux du jumeau a été comme une extension de sa propre souffrance. Comment sont-ils censés se consoler ? Comment sont-ils censés avancer sans lui ? Est-ce qu’ils y parviendront jamais un jour ? « Comment est-ce que tes parents tiennent le coup ? il finit par demander, avec réticence. » Il se souvient des pleurs de la mère, de l’air dévasté du père. Tout est très flou de ce jour-là. Il n’a finalement que peu de souvenirs de l’enterrement, comme si ce n’était qu’un rêve. Comme si ce jour n’avait pas réellement existé. Et pourtant la douleur dans sa poitrine témoigne de la dure réalité. Il pense souvent à eux. Avec un peu de culpabilité au cœur et des larmes au coin des yeux. Parce qu’il se sent faible, parce qu’il s’en veut de ne pas pouvoir leur apporter son soutien. Parce qu’il est égoïstement enfermé dans sa propre souffrance et qu’il n’arrive pas pour le moment à en sortir. Il ne veut pas. Il se contente de rester noyé par les vagues gelées du deuil sans chercher à garder la tête hors de l’eau. « Tu leur diras que je viendrai leur rendre visite. Bientôt. Je ne sais pas encore quand, il reprend avec un semblant de sourire factice qui lui déforme le visage. Mais bientôt. »
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeJeu 4 Juin - 12:56

Je ne suis pas là pour juger, et en même temps, comment pourrais-je le faire ? Moi-même, je n’arrive pas à parler à ma mère convenablement, ou à ma sœur. Julia n’a que 20 ans, mais elle est pleine de rêves, et pleine de difficultés aussi. Elle a toujours été perturbée. Elle a toujours eu une sensibilité particulière, une réactivité aux choses. Et dans sa grande sensibilité, Thomas l’a toujours aidée, supportée. Une mission que je n’ai pas l’impression de pouvoir assumer, maintenant qu’il est parti. Une illustration supplémentaire de l’énorme gâchis qu’il va laisser derrière lui en ne revenant plus jamais. Je suis inquiet pour ma petite sœur, j’ai peur qu’elle ne se remette pas vraiment de tout ça. Qu’elle ne parvienne pas à passer à autre chose. Que l’absence du soutient représenté par son frère lui soit fatale. Je ferme les yeux un instant pour reprendre le fil normal de mes idées en me promettant de passer voir Giulia en tachant de ne pas l’écraser avec ma tristesse, et avale une gorgée de l’eau qu’il vient de déposer devant moi. Je n’aime pas sa façon de me regarder, comme une bête de foire, un truc tellement incroyable, inimaginable. Et douloureux. Je soupire doucement et tâche de cesser de penser au fait que je suis la copie conforme de l’homme qu’il aime et qui vient de mourir. D’une certaine façon, cela doit bien jouer en sa faveur. « Je te demande pas d’y aller », je soupire en secouant la tête. « Ils ne veulent voir personne, de toute façon. Pas plus toi que moi, ou n’importe qui d’autre », je lâche brusquement, prenant une profonde inspiration pour garder le contrôle de mes émotions qui menacent clairement d’exploser.

Je ne sais pas pourquoi nous n’avons jamais vraiment réussi à nous entendre. Cela dit, j’étais parvenu à l’apprécier, me contentant de lui faire la vie un peu difficile pour montrer le lien si particulier qui m’unissait à Thomas. Et puis j’avais fini par comprendre qu’il rendait mon frère heureux, que c’était un type bien, et qu’il valait mieux lâcher prise. J’étais prêt, si prêt. Je me suis toujousr dit que j’avais le temps, que de toute façon, ils se marieraient et que ce jour-là signifierait la fin de la petite guerre qui existait entre nous et nous amusait plus qu’autre chose. Mes parents adorent Isaac, il aurait de toute façon fait partie de la famille. Une vraie Happy End. Mais Thomas est mort, et maintenant, maintenant… Ce type en face de moi ne m’inspire que des sentiments très violents. J’ai envie de lui demander pourquoi. Pourquoi c’est arrivé, pourquoi il a laissé faire, pourquoi Thomas est reparti, pourquoi. Ca ne sert à rien de chercher des réponses, pourtant, je ne le sais que trop bien. « Ils tiennent pas le coup », je réponds dans un soupir. La question en elle-même est idiote mais je comprends l’intention. « Comment est-ce qu’ils pourraient ? Perdre un fils de 27 ans… » Je baisse les yeux en sentant l’humidité monter. « On s’en remettra jamais, toi et moi, mais eux ce sera toujours pire. Et puis ils doivent supporter le jumeau ». Je sais bien qu’il est frappé lui aussi, par la difficulté d’être face à moi. Je termine le verre d’eau et soupire. « Merci pour le médaillon. Je dirai à Julia que tu la verras bientôt. »
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeJeu 4 Juin - 15:12


Il se sent encore plus mal de savoir qu’ils ne veulent voir personne – comme lui. C’est une culpabilité un peu gluante qui lui laisse un goût amer dans la bouche. Parce qu’il devrait être là pour eux, pour les aider. Mais il n’y arrive pas. Il n’est pas capable d’aider les autres, incapable déjà de s’aider lui-même. Les Simmons ont toujours été comme une seconde famille pour lui et voilà qu’il s’éloigne de tous ceux qui l’aiment et qu’il aime. C’est trop pour lui. Trop lourd, trop dur. Trop difficile. Peut-être qu’un jour il pourra penser à eux sans se sentir coupable ; peut-être qu’un jour il retournera chez eux. Mais eux comme lui ont besoin de faire leur deuil, d’un peu de temps pour remettre en place les morceaux épars de leur vie. Ils sont brisés, déchirés. Il ne reste que les pièces détachées d’une existence foutue en l’air à cause d’un imbécile. D’un ignorant. La bile se dépose sur sa langue et Isaac serre les mâchoires pour ne pas vomir. Il y a tant de sentiments mêlés à l’intérieur de lui, tant de haine et de colère. Tant de souffrance. Et tant d’incompréhension aussi. Pourquoi Thomas ? Pourquoi ce jour-là ? Pourquoi cet endroit-là ? Ce sont des questions qui n’ont pas encore trouvé de réponse mais il n’y a personne pour y répondre. Personne à part celui qui lui a enlevé son fiancé. Son visage est flou à sa mémoire, il ne se rappelle même pas l’avoir vu, il ne voyait que Thomas, inerte entre ses bras. Mort. Tout le reste s’effaçait et semblait si lointain. Comme dans un rêve, comme dans un cauchemar pourtant bien réel. Il sursaute un peu quand il entend les propos de Dexter. Il a une crampe au ventre. Il va pour faire un pas en sa direction, se ravise. Il ne peut pas. Il est incapable de faire quoi que ce soit. Trop englué dans sa propre douleur, dans son propre deuil, il a oublié comment aider autrui.

« Ne dis pas ça, il lâche finalement avec hésitation. Tes parents n’ont pas à te ‘supporter’. Ils t’aiment. » Mais c’est difficile pour eux de voir le visage du fils qu’ils ont perdu – comme c’est difficile pour lui de voir le fantôme de son âme-sœur. Et Dexter le sait. Il en est douloureusement conscient. Parce que c’est un fardeau qui pèsera sur ses épaules pendant encore longtemps, pendant toute sa vie. Il ressemblera à Thomas, quoi qu’il fasse, quoi qu’il veuille. Il n’a pas d’autre choix que de porter cette croix qu’il n’a sûrement jamais voulue. Et si ça lui semblait être un bonheur auparavant, aujourd’hui le jumeau devait souhaiter ne jamais être né en même temps que son frère décédé. Isaac baisse la tête, pitoyable. « Ce doit être encore plus dur pour toi que pour eux ou moi, il avoue dans un souffle. Ils ont besoin de temps, comme nous. » Il n’y a finalement que le temps pour panser les plaies, pour refermer les blessures. Son amour pour Thomas restera comme une cicatrice mais un jour elle sera une simple marque sur sa peau qu’il portera avec fierté. Avec bonheur. Parce qu’il fait partie de lui et que c’est un fait qui ne changera pas. Avec lenteur, il se rapproche de celui qui aurait dû être son beau-frère et pose un main légère et tremblante sur son épaule. Il la presse un peu. « Ne pense pas que tes parents refusent de te voir parce que tu lui ressembles. Ils souffrent, à cause de sa mort. Pas à cause de toi, il tente de le rassurer maladroitement. Tu n’es pas responsable de tout ça. » Et un jour ce sera sûrement moins compliqué, moins douloureux de le regarder. Pour lui comme pour ses parents. Même si encore aujourd’hui, il n’a aucune envie de se sortir de ce marasme de souffrance, il sait qu’un jour la lumière reviendra. Qu’il le veuille ou pas.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeJeu 4 Juin - 15:56

Est-ce qu’il a cru un instant que j’avais besoin d’être réconforté ? Parce que ce n’est pas le cas. Je n’ai besoin de personne, de rien, surtout pas de gens qui m’expliquent à quel point tout va bien aller. C’est faux. Rien ne va, rien n’ira plus jamais. Je sais très bien pourquoi mes parents ont du mal à me voir, je sais pourquoi Giulia est prisonnière de son angoisse quand je l’appelle pour passer la prendre. Ils ne sont pas méchants, ils ne me rejettent pas, ça non. Mais je sais pourquoi. Ca n’ira pas mieux, ça n’ira jamais mieux. Une mère qui perd son enfant n’oublie jamais la tête de son fils, mais si en plus elle a un double vivant pour le lui rappeler, alors… Nous, nous irons mieux. Mais eux ? J’en doute. La blessure est de toute façon trop fraiche pour être réfléchie. Parfois, je n’arrive même pas à savoir si je dors ou si je suis éveillé. De temps en temps, il est là, près de moi, il me parle, et je réponds. Nous buvons une bière sur mon canapé défoncé, et il m’engueule parce que je fume. Parfois, son absence prend toute la place. Comment suis-je censé faire la différence, moi ? Comment savoir ? Je ferme les yeux mais la main d’Isaac abandonnée sur mon épaule m’empêche momentanément de penser. « Je veux pas de ta pitié Isaac », je lâche soudain en me levant du tabouret. « Je sais comment fonctionnent les gens. Je sais ce qu’il est en train de se passer. Tu crois quoi ? Que ça me fait plaisir de me voir dans un miroir tous les matins ? » Je soupire et secoue vivement la tête. Il faut que je me calme. Thomas n’aurait certainement pas voulu que je m’énerve. Et pourtant, j’ai envie de hurler ma rage et mon désespoir. « Raté, c’est un poids pour moi aussi, mais c’est pas à propos de moi ».

Ma voix se brise et je prends une inspiration pour calmer l’agitation à l’intérieur de ma cage thoracique et de mon estomac. « C’est à propos de lui. Il est mort. » Le dire me fait toujours le même effet. Un effet glacial. Mon sang ne fait qu’un tour et je soupire, comme frappé à l’estomac par le coup bouclant le match. On pourrait sans doute s’entraider, s’épauler, mais je ne suis même pas capable de soulager ma petite sœur, alors lui ? Je le tiens pour responsable, mais je ne doute pas de l’amour qu’il porte à son frère. « Si seulement cette foutue journée avait pu ne pas exister. Si seulement tu… » Je m’interromps et serre les poings ; m’insufflant d’être plus fort que ça, moins violent. Thomas me foutrait une gifle d’oser, mais Thomas n’est pas là pour me calmer, pour se préoccuper du bien être des gens. Il a laissé trop d’habitudes derrière lui. Il a laissé l’impression du bonheur, l’affection, l’intérêt profond pour la condition des gens. Et maintenant, il ne reste plus rien que le vide, le manque, l’absence. La frustration. « Je vais y aller, » je lâche finalement. « Prends soin de toi. C’est ce qu’il aurait voulu. Il arrêtait jamais de parler de toi, de votre couple, de votre amour, et de son bonheur ». Je ferme les yeux et secoue la tête, les mots me pèsent même si je sais pertinemment qu’ils sont justes.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeJeu 4 Juin - 16:47


Il n’est pas étonné de la colère de Dexter. De son aigreur. Il ressent les mêmes à l’intérieur de sa poitrine. Chaque jour. Chaque minute, chaque seconde. C’est lourd à porter autant de négativité mais il ne semble pas capable de ressentir autre chose qu’une haine redoutable envers le monde entier. Envers lui-même. Il n’y a bien que la douleur qui surpasse la colère. Elle le noie et lui bloque la respiration. Encore et encore. Toujours. Alors voir que son beau-frère réagit comme il l’aurait fait, ça ne l’étonne pas vraiment. Ça le choque juste un peu et quand le brun se dresse de son tabouret, Isaac recule de quelques pas. Presque apeuré. Intimidé. Il pensait qu’il avait besoin de ces mots-là, de ce genre de phrases débiles qu’on entend toujours dans des moments comme celui-là. « Ce n’est pas de la pitié, marmonne-t-il à mi-voix, se justifiant sans vraiment le vouloir. Je comprends que ce soit difficile. » Parce qu’il le vivait en cet instant. Il la ressentait, cette douleur poignante qui lui resserre la poitrine jusqu’à l’étouffer. À le voir, lui, dans cet univers où Thomas évoluait. Où Thomas vivait. Et il reste encore beaucoup de ressentiments, de colère. D’amertume. Il reste encore des souvenirs trop forts. Pour lui comme pour le jumeau. Il tique un peu à ce début de phrase interrompu. Il lève les yeux vers Dexter, attendant la suite avec le cœur qui bourdonne jusqu’à ses oreilles. Mais rien. Le silence pèse ensuite et il ne peut qu’imaginer ce que le brun allait dire. Le tient-il pour responsable de ce qui est arrivé à son frère ? Probablement. Et qui pourrait l’en blâmer. Il n’a pas tort. C’est sa faute s’il est mort aujourd’hui et c’est une phrase qu’il se répète chaque matin quand il remarque à nouveau cette place vide dans le lit, à côté de son corps meurtri. Plié par la douleur. Et s’il vient à l’oublier, même pendant une seconde, il y a toujours une photo, un objet, un souvenir qui lui frappe l’esprit et lui rappelle qu’il est désormais seul. Et qu’il aurait dû sauver Thomas, quitte à mourir à sa place. Mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Parce qu’il est là, et pas Thomas. Parce que c’est lui qui continue de vivre pendant que Thomas est décédé.

Isaac resserre ses bras autour de lui, comme s’il avait soudainement froid. Comme s’il essayait de se rappeler ce que ça fait d’avoir une étreinte dans laquelle se perdre. Une chaleur dans laquelle se plonger. Mais ça ne laisse qu’un goût amer d’inachevé sur ses lèvres. Prendre soin de lui ? C’est ce qu’il aurait voulu ? Peut-être. Mais il n’est plus là pour ça, désormais. Thomas n’est plus là. Et il ne sera plus jamais là pour l’embrasser, le prendre dans ses bras. Il ne sera plus jamais là pour le faire vivre. Alors il est incapable de redresser la tête, d’avancer. De se dire qu’il doit faire un effort et ne pas se laisser aller. Parce qu’il a juste la force de se rouler en boule sur son canapé et de pleurer jusqu’à en avoir les yeux explosés. Le reste, il ne sait plus faire. Il ne sait pas comment faire. Tout est bien trop effrayant sans Thomas à côté de lui, tout est si nouveau aussi. Comme s’il n’avait jamais vu le monde avec ces yeux-là – les yeux de la douleur et du vide. « Je ne pense pas en être capable, je suis désolé, lâche-t-il, regard détourné. Pas pour l’instant. » La seule idée de sourire, de rire lui est insupportable. Inconcevable. Comme si ses lèvres étaient à jamais scellées. « Et je sais que tu comprends ça. » Parce qu’ils doivent ressentir la même chose, parce qu’ils vivent la même chose. Cette même perte, cette même déchirure. Cette même peine. Il voit le trou béant dans le regard sombre et fatigué, il voit la pâleur de ses joues creusées. Il voit le poids sur ses épaules, celui-même qui lui fait courber l’échine. Il faudra encore du temps pour retrouver la force de se lever le matin, d’avoir un but à atteindre. Aujourd’hui, ils errent en terre inconnue. Aujourd’hui, ils sont des étrangers autant au monde que l’un à l’autre. La douleur qui aurait dû les rapprocher ne fait que les éloigner, petit à petit. Pas à pas. Et Isaac n’a pas le courage nécessaire pour le rattraper, pour le ramener à lui. À quoi bon ? Ça serait plus douloureux qu’apaisant pour le moment. Car le voir est une torture de chaque instant.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeJeu 4 Juin - 17:10

Il surestime les choses que je suis apte à comprendre. Je ne comprends rien, rien du tout, de tous ces mots qui se perdent et de l’angoisse qui se creuse au fond de mon estomac. Je voudrais pouvoir oublier, me réveiller, faire quelque chose qui signifie la fin du cauchemar. Mais il ne se passe rien, rien d’autre que l’inlassable cercle de la vie qui se poursuit quand on voudrait qu’elle s’arrête. C’est vrai, ça, quelle est cette injustice qui a décidé que la vie continuerait normalement pour tout le monde quand d’autres souffrent ? Je repense à toutes ces familles qui ont perdu des fils, des frères, avant nous, et je me sens presque coupable d’avoir un jour été capable d’être heureux dans un monde aussi cruel que celui-ci. Je sais très bien ce qui passe par la tête d’Isaac en ce moment, il a raison pour sûr. Mais cela signifie-t-il que je n’ai pas le droit de parler et de lui prodiguer mes bons conseils à voix haute ? Je sais qu’il ne ressent pas de pitié pour moi. Je ne ressens pas de pitié pour lui non plus. De la colère, surtout, et une très profonde tristesse, parce qu’une part de moi, celle qui parvient encore à être de bonne foi, ne peut s’empêcher de penser qu’effectivement, sa souffrance doit être tout aussi atroce que la mienne. Qu’effectivement, ils auraient dû se marier bientôt. Etre heureux. Adopter des enfants, peut-être. Tous ces projets qu’ils avaient mis en place depuis toutes ces années, toute cette confiance, tout cet amour construit entre eux. L’amour ne partira pas, évidemment, mais le reste ? Qu’advient-il des projets ? Qu’advient-il de la salle choisie pour le mariage ? Accueillera-t-elle un couple moins maudit à la date prévue ? Surement. Pourquoi des gens devraient-ils éviter de se marier ce jour-là ? Il est logique que ceux qui continuent à vivre continuent à être heureux.

L’espace d’un instant, je fixe Isaac sans être capable de détacher les yeux de ses cernes et de son air épuisé. Si Thomas était là, il prendrait soin de lui. De moi, aussi. Il faut que j’arrête de penser ainsi, je le sais bien, mais c’est tellement difficile de prendre de la hauteur quand tout semble soudain si bas, sombre. Oppressant. La vie me quitte, petit à petit, moi aussi je préfère rester à l’appartement plutôt que d’affronter la lumière du jour, moi aussi je voudrais me laisser mourir pour que la douleur cesse. Qu’est-ce qui nous pousse à nous battre ? J’espère que le procès aura lieu. J’espère que le type qui a fait ça mourra en prison dans des années. Je glisse machinalement ma main dans ma poche pour serrer le médaillon et hoche la tête. « Je comprends, mais c’est quand même ce qu’il aurait voulu », je lâche dans un soupir. « Il ne supportait pas la tristesse, la tienne l’aurait rendu malade ». La sienne, et celle de Giulia. La mienne était relativement gérable pour Thomas. Certaines choses le rendaient fou, impuissant, comme l’intolérance des gens. Alors imaginer qu’il a été tué pour une démonstration d’affection… Je baisse les yeux, soudain, de nouveau, manque de perdre pied. Depuis l’enterrement, je n’ai vu personne, j’ai pris l’habitude de pleurer ou de craquer quand bon me semble. « Est-ce que je peux avoir un pull ? » je demande, d’une voix rauque, changeant sans aucun doute complètement de sujet. Mais tant pis, je n’ai pas la force de faire dans la logique, ou dans le bon sens. Je veux juste regagner mon appartement, mon lit, et sentir juste un instant l’odeur de mon frère.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeJeu 4 Juin - 17:43


Il y a aussi toutes les démarches administratives auxquelles il ne veut pas penser. Il va falloir prendre rendez-vous avec un notaire, des avocats pour le procès de l’homme qui l’a tué. Il y a tout plein de choses à faire, à organiser mais il n’a pas le courage d’y réfléchir. Il ne veut pas. Ça ne fera que lui rappeler tout ce qu’il a perdu, tout ce qui manque désormais à sa vie. C’est une douleur de plus que de penser à tout ça. Que de se dire que ses funérailles n’étaient pas la fin de tout. Et chaque fois qu’il devra remplir toutes ces démarches, il y pensera. Il pensera à Thomas, à sa mort. Comment fera-t-il pour ne pas pleurer ? Aujourd’hui, il ne sait plus comment retenir ses larmes, comment les refouler. À rester enfermé dans la noirceur de son appartement, il a complètement lâché prise. Il n’a pas à faire bonne figure, caché entre les murs trop froids. Trop sombres. Est-ce qu’un jour, il refera la peinture du salon ? Remplacera la moquette de leur chambre à coucher ? Cette idée lui paraît farfelue, impensable. Presque déplacée. Comme si c’était trahir la mémoire de son fiancé que de vouloir autre chose que cette couleur taupe dans la pièce principale. Comme si déplacer le moindre objet, le moindre cadre photo était un crime. Et peut-être que c’en est un, parce qu’il ne se sent pas prêt à ça. Il ne le sera sûrement jamais. Comment peut-il se dire qu’un jour viendra où il enfermera tous ces souvenirs matériels dans une vulgaire boîte en carton ? Il n’ose y croire. Il n’ose y penser. Thomas ne mérite pas ça. Thomas ne mérite pas d’être oublié. « Je sais, il acquiesce mollement, sans savoir quoi répondre d’autre. » Il sait que si son fiancé le voyait dans cet état, il serait complètement retourné. Mais Thomas n’est pas là pour le voir, pour le consoler. Il n’est pas là. Et ça fait toute la différence. Avalant sa salive, il sent ses jambes qui se mettent à trembler comme si elles n’arrivaient plus à supporter son poids. Il aimerait s’asseoir, se coucher mais il n’ose juste pas bouger. C’est un effort surhumain qu’il n’a pas le courage d’effectuer.

Est-ce qu’ils ont l’air ridicule ? Avec leur mine défaite, avec leur souffrance portée à bout de bras ? Debout l’un en face de l’autre, sans même oser se regarder en face plus de cinq secondes ? On dirait une scène d’un mauvais film en noir et blanc, un de ces films qu’ils regardaient avec Thomas en riant et mangeant un grand saladier de pop-corn salé. Avec qui est-ce qu’il regardera les films débiles qui passent à la télévision désormais ? Il n’aura plus personne avec qui partager son pop-corn, ses rires. Ses commentaires sarcastiques. « Oui, évidemment, répond-il sans hésiter alors que la demande de Dexter ne l’étonne qu’à moitié encore une fois. C’est la porte sur ta gauche dans le couloir, prends celui que tu voudras. » Il n’ose pas l’accompagner, il ne veut pas entrer dans leur chambre alors que le jumeau est encore là. Il a peur de craquer, il a peur de se mettre à pleurer. Il a peur de changer d’avis et de refuser à ce qu’il touche à quoi que ce soit ayant appartenu à Thomas. Mais c’est son frère, son jumeau, il a le droit à son souvenir. Sa relique. Son totem. Alors il l’attend au salon, assis sur le canapé. Mains crispées sur les genoux, regard perdu. Il ne sait pas quoi faire de ses vêtements. Parfois, il enfile un pull au hasard, juste pour sentir encore l’odeur sur lui. Autour de lui. Il met son parfum, pour faire comme s’il l’avait serré dans ses bras, tellement que son odeur avait déteint sur lui. Il s’allonge sur le lit avec un haut à Thomas serré contre lui. Isaac n’arrive pas à faire sans. Il se sent vide et trop seul s’il n’a pas le contact du tissu froissé contre sa joue. C’est pathétique, c’est enfantin mais il ne peut pas faire autrement. Et alors il ferme les yeux et imagine qu’il est là. Il le regarde avec ses grands yeux clairs, son sourire adorable. Il lui parle, lui raconte sa journée. Et il boit ses paroles comme si c’était un Évangile. Bientôt ses mots se répercuteront contre les murs, sans réponse. Il n’y aura qu’un silence de plomb qui lui tombera sur la poitrine comme une pierre. Lourd et pesant. Les lèvres tremblantes, il déglutit et se force à respirer plus calmement quand Dexter revient de leur chambre. « Tu as trouvé ce que tu voulais ? » Un souvenir de Thomas qui s’en va, une partie de lui qui s’efface. Est-ce que ce sera douloureux comme ça, à chaque fois ?
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeJeu 4 Juin - 23:45

La chambre. Cet univers tellement privé me fait me sentir comme un intrus peu à sa place. Mon frère dormait là, passait ses nuits ici, avec l’homme de sa vie, son bonheur se jouait ici entre ces murs. Je suis souvent venu à l’appartement le voir ou les voir tous les deux d’ailleurs, mais je n’ai que très peu visité la chambre. Elle ressemble à un musée. Les photos, les objets, tous positionnés comme si Thomas allait juste rentrer d’un voyage un peu trop long, répondant à notre impatience par un signe évasif de la main – laissez moi tranquille, j’avais besoin d’aide – pourrait-il s’exprimer en se laissant tomber dans le canapé une bière à la main. Oui, Thomas aurait pu revenir, n’être que parti. Mais je sais maintenant que le déni ne pouvait plus prendre. Une partie de moi était morte, définitivement morte, me coupant le cœur en deux. Psychologiquement, c’est difficile, mais physiquement aussi. C’est exactement comme si on m’avait amputé d’un membre, en réalité. Cette connexion entre nous, la sensation de savoir comment se porte l’autre quand il n’est pas près de soi, tout ça a disparu le jour où ce maudit téléphone a sonné, m’arrachant à jamais à la vie d’innocence et de plaisirs que je vivais jusque là. C’est tellement injuste, tellement tôt. Tout ça me pousse à affirmer qu’il ne peut exister un Dieu, quelque part, suffisamment cruel pour faire vivre ça aux gens. Je suis tellement en colère. Je voudrais tuer le responsable de mes propres mains, cet homme avec si peu de valeurs. Hurler sur Isaac et tuer le coupable. Je sais d’avance que ça ne m’aidera en rien, je ne suis même pas sûr que ça me libère d’un poids quelconque, et pourtant, je ne peux m’empêcher d’y songer, régulièrement, de rêvasser à la vengeance, sans aucune pitié, sans aucune forme de regrets. Je pourrais mourir après ça, personne ne m’attend. Ma mère ne sentira peut être pas la différence, finalement, perdre une face d’une même pièce ou les deux, quelle différence ? Peut être que ce serait mieux pour tout le monde. Une chose est sûre, ce serait mieux pour moi.

J’ouvre le placard, presque dérangé par mon intrusion dans une double intimité devenue bien solitaire. Tout est rangé, ordonné, ce qui ne m’étonne pas de Thomas. J’identifie rapidement un pull bleu marine qu’il portait souvent, et qu’il a porté le jour de sa remise de diplômes. Je l’attrape, le porte jusqu’à mon visage pour en sentir l’odeur. Un instant, je reste bloqué, immobile, figé dans ma stupeur, dans mes sentiments qui se bousculent. J’ai la tête qui tourne et l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds. Je ferme les yeux, le serre contre moi, retient les larmes qui couleront aussitôt que je serai monté dans le taxi. Je ne peux pas rentrer à pieds, ni en métro, je me sens bien trop faible pour ça. Je garde le pull dans les mains, et referme le placard, jetant un dernier coup d’œil aux photos. Je sors mon portable pour en capturer quelques unes et puis je quitte la pièce, la rendant à l’intimité de son propriétaire. Quand je le retrouve dans le salon, je me sens bizarre et parviens à peine à entendre sa question. « Oui, je… » Je soupire et baisse les yeux vers le pull que je tiens, comme un enfant. « Tu… » Je suis à la limite, en train de marcher sur la ligne de ce que je ne peux pas supporter. « J’aimerai prendre celui-là, si ça te dérange pas. » Je ne sais pas pourquoi je demande, je suis idiot, ce type devrait me donner la moitié des affaires de Thomas, et après tout je les mérite, je suis son frère. Je l’aurais protégé, moi. J’aurais essayé. Je prends une inspiration et m’assène de me calmer. « S’il te plait », j’ajoute finalement, incapable de faire plus, incapable de lutter.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeVen 5 Juin - 8:29


Il respire lentement, tant bien que mal. Il a du mal à s’imaginer que Dexter est entré dans sa chambre. Leur chambre. Il était là, au milieu de tous ces souvenirs de Thomas. Et, quelque part, Isaac a honte. Honte de vivre comme si son fiancé allait passer la porte de l’appartement à tout instant, le sourire aux lèvres et le regard brillant. Honte d’espérer encore si fort que tout ça ne soit qu’un maudit rêve et qu’il se réveille, le cœur battant, dans la chaleur de son amant. Honte d’entendre quelquefois la clé qui tourne dans la serrure et de se précipiter jusqu’à l’entrée pour lui sauter dans les bras. Mais, en chemin, il se rend compte que ce n’est que le fruit de son imagination malade et perturbée ; il se rend compte que jamais plus Thomas ne rentrera chez eux comme il le faisait. Avant. Avant que le malheur ne s’abatte sur leur vie, avant que le Destin ne l’arrache à lui. Avant que ce type ne le tue. Poings crispés sur ses genoux, il ne regarde pas le pull que son beau-frère a choisi. Il ne peut pas, c’est trop dur. Il ne veut pas savoir. Alors Isaac cligne des yeux et acquiesce lentement : « Oui… Oui, tu peux le prendre. » Sa voix est trop rauque, c’est devenu difficile de parler avec cette boule dans sa gorge qui continue de l’étouffer. Qui est-il pour lui interdire de choisir un souvenir de son frère, de son jumeau ? Qui est-il pour lui enlever ce droit-là, le droit de garder un peu de Thomas avec lui ? Lui-même vit entouré de son fiancé décédé. C’est un besoin presque vital sans lequel il se sentirait mourir à petit feu. Il comprend que Dexter en ait besoin, c’est normal. Il ne s’interposera pas, même si ça lui fait mal. Il veut que rien ne bouge, que tout reste à sa place. Rien ne doit être changé, rien ne doit être dérangé. Il en a besoin. Comme ça, il sent un peu plus la présence de Thomas à ses côtés. Et ça le rassure, ça l’apaise un peu. Ça l’aide à se réchauffer. Même si la sensation est furtive, même si elle ne dure qu’une infime seconde. Une seconde de trop car le retour à la réalité est toujours plus brutal, plus douloureux aussi.

Parfois, il aurait juste besoin de bras autour de lui mais la seule idée qu’un autre corps que celui de son fiancé soit proche du sien le rebute et le dégoûte. Comme s’il trahissait son amour pour le défunt. Comme s’il le trompait. Alors il s’enroule dans une couverture, en espérant que la glace à l’intérieur de lui finisse par partir. « Est-ce que… est-ce que tu voudrais emmener autre chose ? il lui demande, incertain de savoir quelle réponse lui fera le plus plaisir. » Il le demande, parce qu’il le doit. Parce que Thomas aurait voulu que son jumeau puisse avoir quelque chose de lui pour faire son deuil. Pour se rappeler du bon et mettre de côté le mauvais de toute cette histoire. Il aurait voulu que son frère ait ses propres souvenirs avec lui comme Isaac avait les siens. Mais il a peur. Il a tellement peur du vide. Que même un seul cadre photo en moins le laisse un peu plus déchiré, un peu plus détruit. C’est comme si tous ces objets étaient là pour remplir le trou béant dans sa poitrine, petit à petit. Comme pour remplacer ce qui ne sera plus jamais là ; comme pour remplacer celui qui s’est envolé. Il déglutit, mal à l’aise. « Je crois qu’il avait un… un vieil album photos de votre enfance, il hésite en jetant au brun des coups d’œil furtifs. Est-ce que tu veux le prendre avec toi ? » Dexter était tout pour son frère, Isaac n’avait jamais été qu’une pièce rapportée. Et même s’ils s’aimaient, même si leur couple fonctionnait à merveille, il avait toujours su que son jumeau garderait cette place si particulière. Il le voyait quand Thomas parlait de lui, quand ils étaient tous les deux à rire ensemble pour des choses qu’eux seuls comprenaient. Thomas et Dexter avaient un lien que rien ni personne ne pouvait comprendre, ne pouvait remplacer. Isaac n’ose imaginer la sensation que ça doit faire de perdre la personne avec qui vous êtes né, avec qui vous avez grandi, évolué. Lui, il a l’impression qu’un bout de son âme est parti avec son fiancé. Dexter ressent-il aussi cette sorte d’amputation presque physique depuis la disparition de son jumeau ? Probablement. Sûrement. Parce que rien ne remplace un frère absent.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeVen 5 Juin - 15:06

Il m’autorise à prendre le pull et je pousse un soupir de soulagement en le serrant contre moi de manière presque exagérée, comme si caresser la laine bleue et sentir l’odeur imprégnée de mon frère allait satisfaire à un besoin vital que je ressens au plus profond de mes entrailles. C’est surement un peu le cas finalement, d’ailleurs. Je veux entretenir l’impression qu’il va revenir ; il ne peut pas être mort pour de vrai, son esprit ne peut pas s’être perdu dans la nature, son cœur s’être arrêté. Il avait encore tant à offrir. Je repense à la dernière fois que nous nous sommes vus tous les deux, dans un café londonien, lui en pause et moi au chômage. Il m’a raconté ses projets, et m’a confié cette chose qu’il voulait faire pour Isaac, cette maison à leur image qu’il aimerait faire construire à la campagne, pas trop loin d’ici, pour qu’ils aillent y passer leurs week-end. Il avait trouvé un terrain, et je me demande un instant s’il avait fini par l’acheter, s’il faut raconter, s’il faut révéler le secret, le pot aux roses, et asséner le coup de grâce du cadeau qui ne sera jamais achevé. Est-ce qu’il a laissé des choses pour moi ? Il ne pouvait pas savoir qu’il allait mourir, et d’ailleurs, tant mieux, j’aurais haï l’idée qu’il se sente mourir petit à petit. Je me demandais souvent, d’ailleurs, s’il avait souffert ce jour-là. Sans doute vu l’horreur du meurtre. Mais à quel point ? Avait-ce été douloureux, de mourir ? Est-ce qu’il était triste, désespéré ? Effrayé ? Autant de questions que j’aurais aimé poser à Isaac mais à quoi bon. Il sentirait ma colère et mon désarroi, et les réponses nous feraient de toute façon souffrir tous les deux.

« Un album photo ? » je demande alors, conscient de mon temps de réponse. Je ne savais pas qu’il était du genre à tenir des albums. Peut-être Maman lui avait-elle donné ? J’hésite, parce que je sais que l’album restera fermé un long, très long moment. Je ne suis pas prêt à revoir les traces de notre bonheur perdu, je ne suis pas prêt pour tout ça. Pour l’instant, il est juste mort, et rien ne peut changer ça, c’est tout ce que je ne peux pas supporter. Il y aura un temps pour supporter, pour se recueillir et pour se souvenir, mais nous n’y sommes pas encore, bien au contraire. J’hésite et il doit sans doute se rendre compte de mon incapacité à décider car le silence qui s’installe est bien trop long pour être naturel. « Oui… Oui ». Je soupire et baisse les yeux, priant pour que l’album soit fermé et que la couverture ne nous représente pas déjà tous les deux, plus petits. Je ne survivrais pas à cette hypothèse, la confrontation brute à la réalité, aux souvenirs du bonheur, je serais incapable de gérer une telle image devant Isaac. Du cuir neutre, voilà la seule chose que je pourrais supporter, et encore, car l’idée d’avoir entre les mains un tel trésor du passé quand il signifie autant que tout ce que j’ai perdu me rend un peu malade. « Qu’est-ce que tu vas faire de toutes ses affaires ? » je demande pour tenter de me sortir du trouble cause par l’album photo. Je regarde l’appartement et soupire – que va-t-il advenir de toutes ces choses achetées, choisies, faites, prises par Thomas ? Giulia voudra sans doute récupérer quelque chose, mais elle est bien trop fragile pour venir ici. Déjà que ni lui ni moi ne parvenons à contenir nos émotions…
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeVen 5 Juin - 15:41


Ce sont les souvenirs qui sont le plus difficile à supporter. Tout ce qui rappelle Thomas, tout ce qui rappelle un bonheur enfui trop tôt. Tout ce qui rappelle ce qui n’existe plus aujourd’hui. Mais il en a besoin. Isaac a besoin de ces souvenirs de son fiancé, comme pour le faire vivre un peu plus longtemps près de lui, comme pour préserver son image intacte dans sa mémoire. Comme pour se rappeler qu’un jour il a été là, qu’un jour il a été heureux. Mais petit à petit, la saveur du bonheur s’efface et laisse place à un vieux goût rance de papier mâché. Quel effet cela faisait-il d’être heureux, de sourire ? Il ne sait pas, il ne sait plus. Il finira par oublier ce que c’était, d’être heureux. Et ça lui fait peur. Ça lui fait peur parce qu’il a du mal à se faire à cette idée. À se dire qu’il n’existe désormais plus rien sans Thomas à ses côtés. C’est pourtant ce qu’il ressent, c’est pourtant ce qu’il vit. Chaque seconde de chaque minute de chaque heure qui passe depuis qu’il est mort sous ses yeux. Et Isaac ne le supporte pas. Parce que ça le renvoie à son propre désarroi, à sa propre détresse. Sa propre solitude. « Il appartenait à votre mère, il a demandé à le prendre quand il a déménagé, il répond, la voix légèrement éraillée. » Il se lève et va jusque dans le couloir où il fait glisser la porte coulissante d’un placard. Il attrape l’album à la couleur vert pâle, plus vieux que les autres, se forçant à ne pas jeter un coup d’œil à ceux à côté, qu’il a rempli soigneusement depuis des années. Ceux qui renferment le vie de couple, depuis ses débuts. Ceux qui renferment tous les souvenirs qu’il ne peut pas encore affronter. Il ne veut pas revoir les sourires débordant de bonheur, il ne veut pas revoir leurs baisers photographiés dans l’intimité du cercle familial. Il ne veut pas revoir cette existence parfaite qu’ils ont construite ensemble, jour après jour. Cette existence qui s’est terminée si brutalement, si violemment. Il n’est pas prêt. Pas prêt pour une nouvelle vague de douleur gelée au fond de la poitrine. Pas prêt pour tourner cette page de sa vie. « Tiens, il lâche en lui tendant le volume épais. Il doit en manquer quelques unes, je te les rapporterai. J’avais préparé une surprise pour le… le… » Le mariage. Leur mariage. Un mot qu’il n’arrive pas à dire. Qu’il n’arrive plus à dire sans avoir envie de vomir.

Il détourne les yeux, incapable de continuer sa phrase. Quelle importance ? Il ne vaut mieux pas en parler. Car c’est un de ces nombreux projets qui ne sera pas réalisé. Plus tard, il devra appeler les traiteurs, le tailleur, toutes ces boutiques pour leur dire qu’il n’y aura plus de mariage. Que tout est annulé. Est-ce qu’il sera capable de le dire sans sentir sa voix trembler, sans pleurer ? Tandis que ses jambes flageolent, il s’appuie contre la table du salon. Il a peur de tomber. Et c’est pire encore lorsque son beau-frère lui pose la question qu’il redoutait. La question qu’il se pose sans cesse depuis l’enterrement sans trouver de réponse appropriée. Sans ressentir cette peur étouffante de ne pas faire ce qu’il faudrait. Qu’est-ce que Thomas lui dirait, qu’est-ce que son fiancé voudrait ? Il ne sait pas, il ne sait plus. Il n’en sait rien du tout. « Je ne sais pas, il souffle difficilement, yeux baissés. Je ne sais pas. » Il se mord la lèvre inférieure jusqu’à sentir le goût métallique du sang dans sa bouche. Qu’est-il censé faire de toutes ses affaires ? Les brûler. Les jeter. Les garder. Les entreposer dans une pièce de l’appartement dont la porte restera à jamais fermée. Les vendre. Les oublier. Les laisser en l’état et attendre que ça passe. Que tout soit oublié. Il ne sait pas ce qu’il est censé faire. Il ne veut pas avoir à trier, à ranger. À débarrasser les meubles de leurs photos, de leurs souvenirs. De tous ces petits bibelots qu’ils ont choisi, ensemble ou non. Il est même prêt à garder ce vase immonde qui a coûté une fortune à Thomas et qu’il trouvait absolument magnifique – juste parce que c’est lui qui l’avait acheté, même si Isaac n’avait jamais compris pourquoi. Il sait juste que, pour l’instant, il ne peut pas y toucher. Rien que l’idée lui compresse le cœur à lui faire mal. À lui couper le souffle. Un jour, peut-être, il aura le courage de tout ranger. De tout mettre dans des cartons pour enfin voir le chapitre se terminer. Mais pas aujourd’hui, pas maintenant. Peut-être pas demain ou le mois prochain. C’est trop tôt, c’est trop dur. C’est juste atroce de se dire qu’un jour, tout ça finira sous la poussière et oublié. C’est Thomas, là, dans tous ces objets. C’est leur vie, c’est leur amour qu’il voit à travers leur appartement. « Je suis pas capable de m’en occuper… » Parce qu’encore une fois, la réalité le frapperait si fort qu’il en serait renversé.
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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeSam 6 Juin - 18:28

Je n’aurais sans  doute pas du dire oui à sa proposition. Que vais-je faire d’un album photo, de toute façon ? L’enfermer dans un placard et attendre d’être capable de le regarder de nouveau ? Il me faudra du temps, trop de temps. Peut être même des années. Et quand même à admettre que je sois prêt un jour, consulter cette album signifiera sans aucun doute une rechute dans la tristesse, si tant est qu’elle s’atténue un jour. Pour autant, Isaac a déjà disparu et je n’ai pas le cœur à lui signifier mon changement d’avis. Au lieu de ça, je serre toujours le pull contre moi et m’empêche de penser. Peut être que Giulia voudrait des photos, elle aussi. Le retour d’Isaac avec l’album, et les quelques mots qu’il murmure, achèvent de me briser le cœur. Je lui en veux, c’est certain, mais l’infinie tristesse de la situation, des promesses envolées, et la confrontation à cette triste réalité, me laisse scotché sur place de douleur. Le mariage. Thomas était tellement heureux à l’idée d’épouser Isaac, il avait déjà organisé des choses, prévu de faire une chanson, de faire des cadeaux. Il n’arrêtait pas d’en parler tout le temps. Il m’avait même trainé pour l’assister dans l’essayage de costumes, me demandant au bout de quatre heures de les essayer moi-même pour qu’il puisse se faire une idée à distance – l’avantage dans le fait d’avoir un jumeau. Je ne l’avais jamais connu aussi heureux. Et pourtant, je l’avais toujours connu très positif, très enclin à l’optimisme en toute situation, même dans les plus tristes d’entre elles. Thomas n’aurait pas dû mourir. Le répéter ne sert à rien, j’en suis bien conscient. Ca ne rend pas la chose plus facile à appréhender. Mas il n’aurait pas dû mourir. J’aurais tellement préféré que ce soit moi, à sa place, ce jour là. On s’amusait tout le temps à ça, quand on était plus jeunes, se faire passer l’un pour l’autre. J’aurais donné n’importe quoi. Pour qu’il puisse vivre sa vie, passée la tristesse de sa perte. Isaac l’aurait aidé, sans doute, et il serait toujours là pour Giulia et pour honorer ses projets. « Merci », je murmure en prenant l’album après avoir longtemps hésité.

Le sujet des affaires de Thomas, un autre sujet que je n’aurais pas du aborder. Bien sûr qu’il n’est pas capable de faire quoi que ce pour l’instant. C’est tellement récent. Il vit dans un musée, et je l’envie presque. J’aimerais bien, moi aussi, passer des heures enfermé ici, à respirer l’odeur de mon frère, à honorer sa présence, son souvenir, et tout le reste. Mais je crois que je finirais par mourir moi aussi, de désespoir. Je soupire et baisse les yeux alors que je viens d’hocher la tête pour lu signifier que je comprends – je me sens tellement faible que je n’ai pas le cœur à lui faire la moindre réflexion, et de toute façon, à quoi bon ? « C’est normal, » je lâche en tremblant un peu, ma prise se resserre autour de l’album. « Appelle moi quand tu le feras, s’il te plait. Je pourrais récupérer des choses. Pour Giulia et Maman, aussi, elles n’auront jamais la force de passer ici ». Je déglutis et prends une inspiration. « Merci Isaac, » je lâche pour conclure cet échange douloureux. Repartir avec le pull, l’album et le médaillon me soulage très légèrement. J’ai l’impression d’avoir un petit morceau de mon frère avec moi. « Bon courage ». C’est tout ce que je peux lui souhaiter de toute façon, non ? Du courage. De la détermination. Quelque chose dont j’aurais bien besoin moi aussi. Je l’abandonne et me dirige vers la porte, las, en serrant contre moi les reliques de mon frère perdu, pour sortir et regagner ma pénitence, ma prison.  

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MessageSujet: Re: few things needed ~ ISAAC   few things needed ~ ISAAC Icon_minitimeSam 6 Juin - 19:21


Qu’est-ce qu’il est censé faire de tout ce qui appartenait à Thomas ? Il voudrait tellement pouvoir tout garder. Mais il sait que c’est impossible. Il sait que ça le fera souffrir, malgré le temps qui passe. Il sait que la douleur restera vive s’il continue de vivre avec son fantôme à côté de lui. Mais il est incapable pour l’instant de se séparer de quoique ce soit. Rien que l’idée de ce pull, de cet album photos qu’il n’aurait jamais ouvert de toute façon qui s’en vont, c’est déjà terrible pour lui. Isaac n’est pas prêt. Pas prêt à laisser partir Thomas, pas prêt à le laisser s’envoler dans l’au-delà. Peut-être son corps est-il enfermé dans un cercueil, peut-être est-il sous terre aujourd’hui, mais il y a encore son âme dans cet appartement. Dans cet univers qui n’appartenait qu’à eux. Et il ne veut pas que tout ça s’efface, qu’il ne reste véritablement plus qu’un immense vide étouffant. Assourdissant. Parfois, il déteste le silence qui l’entoure et il a envie de hurler jusqu’à s’en briser les cordes vocales. Il a envie de hurler sa rage, sa douleur. Sa frustration. Il veut hurler son cœur meurtri et son âme déchirée. Parce qu’il a perdu sa moitié, parce qu’il a perdu sa raison de vivre. Et jamais elle ne pourra être remplacée. Et c’est si injuste. « Bien sûr, il acquiesce doucement. Je te préviendrai. » Il n’ose pas ajouter que ce ne sera pas avant longtemps, qu’il doit se montrer patient. Parce qu’il n’ose imaginer la douleur de devoir se séparer d’un peu plus de Thomas à chaque instant ; parce qu’il n’ose envisager voir tous ces souvenirs disparaître un à un. Les uns après les autres. Ce sera comme un bout de son être qui s’en va avec eux. Comme une partie est déjà partie avec lui. Ce jour-là, en pleine rue, au milieu des sirènes et des cris. Il déglutit, tremblant. Il est presque soulagé que Dexter s’en aille comme s’il espérait reprendre sa respiration une fois la porte fermée. Comme s’il espérait pouvoir se replonger dans sa léthargie confortable une fois son beau-frère parti.

« Toi aussi, répond-il du bout des lèvres avec un arrière goût de vomis dans la bouche. » Mais ce ne sont que des mots. Des mots vides de sens et qui n’ont plus aucune signification. Courage. Mais du courage, il n’en a plus. Du courage, il ne sait plus ce que c’était. Parce qu’il n’y avait jamais eu que le sourire de Thomas pour lui redonner courage ; parce qu’il n’y avait jamais que sa voix, si douce, si tendre, pour lui rappeler de ne pas baisser les bras. Alors non, du courage, il n’en avait plus en réserve. La porte de l’appartement se referme doucement, presque sans bruit derrière Dexter et Isaac s’effondre sur son canapé. La tête entre les mains. La douleur au fond du cœur. De nouveau seul, il est de nouveau seul. Et le silence l’étouffe, et l’envie de hurler revient. Plus forte, plus violente encore. C’est tellement puissant que son corps semble se plier sous la décharge presque électrique. Pourquoi lui ? Pourquoi Thomas ? Pourquoi maintenant ? Ils devaient se marier, ils devaient vivre ensemble. Ils devaient fonder une famille et voir leurs enfants grandir, voir leurs petits-enfants naître. Ils auraient dû vieillir l’un à côté de l’autre. Mourir à quatre-vingt dix ans, après avoir tant vécu. Mais voilà que tout avait explosé, tout était parti en fumée. Et il ne restait rien. Rien du tout. Plus rien. Jamais. Le vide. Un vide si immense qu’il finirait par s’y noyer. Alors comme pour échapper à ce tumulte de sentiments et de pensées disparates, Isaac va jusqu’au buffet et prend la première bouteille qui bute contre ses doigts. Du Whisky. Haussant les épaules, il s’en sert un grand verre. Il n’a pourtant jamais aimé ça, c’était pour leurs invités qui passaient parfois à l’improviste. Après une grande inspiration, il le vide d’une traite, sentant sa gorge prendre feu sous la caresse de l’alcool. Le liquide est pareil à une langue de feu. Ça fait mal, ça fait du bien. C’est juste ce qu’il lui faut. Un autre verre. Cette douleur physique pour oublier celle dans sa cage thoracique. Ce liquide ambré pour lui faire tourner la tête jusqu’à l’évanouissement. Un autre verre, encore. Jusqu’à ce que le monde disparaisse, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien qu’un grand trou noir duquel jamais plus il ne ressortira. Un autre verre, toujours.
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