new client w/ Connor

Tranquillement installé sur le canapé, le téléphone posé sur la table basse de la pièce à vivre, Connor relisait ses cours de criminologie de la journée. Oui, cela pouvait paraître surprenant, lorsque l’on connaissait le jeune homme, mais il lui arrivait aussi, lorsqu’il en avait le temps – et surtout l’envie – de travailler. Cette routine était devenue d’autant plus vraie depuis qu’il avait réellement pris cette discipline pour passion. Enfin, ce n’était finalement pas tant les matières qui l'enthousiasmaient, mais plus la vision qu’il avait à présent de son futur. Il savait ce qu’il voulait faire. Son avenir n’était plus si flou, comme il avait pu l’être quelques années auparavant, alors qu’il s’inscrivait à l’université de Londres plus histoire de continuer ses études que par réelle vocation. Maintenant, il avait presque les années à venir toutes tracées, chose qui, d’ailleurs, le perturbait un peu, lui qui aimait tant profiter du moment présent, sans penser au lendemain. Mais peut-être était-ce lié à l’assassinat de sa mère, qui continuait parfois à hanter ses nuits – bien qu’il ne l’avouerait pas sous la torture : il était Connor Barton et avait un égo, après tout – ou tout simplement que là était son destin, mais l’étudiant avait bien pour but d’intégrer un jour le Criminal Investigation Department. Et pour cela, il n’y avait pas de recette magique : il devait travailler. Donc non, Connor n’allait pas devenir un double de son meilleur ami, et jamais il ne se tuerait à la tâche. De toute façon, probablement grâce à une certaine chance et à sa bonne étoile, il n’en avait pas besoin. Lorsqu’il était passionné par quelque chose, sa mémoire était étrangement bonne et son investissement lui permettait de devenir un très bon élève, sans faire réellement trop d’efforts – ou alors, peut-être était-ce son optimisme à toute épreuve qui l’empêchait d’être objectif à ce sujet-là, c’était également une possibilité à ne pas mettre de côté. Alors que sa lecture était presque terminée, son téléphone émit une sonnerie, annonçant l’arrivée d’un sms. Il aperçut le nom d’Irène sur l’écran, et une moue étira ses lèvres, comme son regard passait de ses cours à son téléphone. Le choix était difficile. Terminer sa lecture, ou rejoindre un client pour s’amuser ? Cruel dilemme. Dilemme qui, finalement, n’en fut pas un. Connor n’aimant, de toute façon, pas faire de compromis, il embarqua ses cours avec lui : il reprendrait sa lecture dans le métro qui l’amènerait au point de rendez-vous. Direction le casino, donc.

Ce fut tout sourire que le jeune homme arriva sur son lieu de travail. Il salua les collègues qu'il croisait sur son chemin – dont certains, pour une raison qui lui échapperait toujours, arboraient encore cet air maussade – avant de rejoindre la chambre qu’Irène lui avait indiquée. Il tapa quelques brefs coups sur la porte, avant d’y entrer une fois confirmation que son client était bien arrivé. Puis … il se figea, tout simplement, en voyant qui était le client en question. Non. Ce n’était pas possible. Il devait être en train d’halluciner – aurait-il fumé autre chose que de la cigarette, sans s’en apercevoir, dernièrement ? – parce que son client ne pouvait pas être … lui. Connor l’avait vu mourir, de ses propres yeux. Il avait été présent, sur la scène du crime – parce qu’il s’agissait bien d’un crime, et un crime de haine, qui plus est – lorsqu’il avait rendu son dernier souffle. « Bonsoir. » finit-il par lui répondre, la gorge sèche, après quelques secondes de flottement. Il se mordilla la lèvre, avant de forcer un sourire. Il devait simplement s’agir d’un sosie, voilà tout. Rien de plus. Enfin … de toute évidence, ce n’était pas comme si un homme mort pouvait faire appel à ses services. Son sourire se fit un peu plus vrai à ce constat, et il se rapprocha un peu. « T’as l’air … stressé. » reprit-il dans un petit rire, presque attendri devant ses signes de nervosité. « Première fois ? » Il ne précisa pas de quelle première fois il parlait. Après tout, qu’il s’agisse de sa première fois masculine, ou de la première fois qu’il faisait appel à un prostitué, à lui d’avoir son interprétation et de lui fournir la réponse. « C’est très simple. Tu dis si tu préfères être top ou bottom … Et je m’occupe du reste. » Il lui lança un sourire éclatant, avant de s’étirer longuement et de reprendre, dans un petit rire. « Enfin … C’est encore mieux si tu participes, et que je ne fais pas tout, let’s face it. » Ses yeux pétillants d’amusement finirent par se voiler un peu, comme il le détaillait. C’était tout de même bien … flippant, une telle ressemblance.

Connor était une personne très professionnelle. Il savait mettre ses aprioris de côté lorsqu'il était avec un client et lui offrir, le temps d'une heure ou plus, son entière dévotion. Même si l'homme ne l'attirait pas, même s'il ne trouvait pas désirable - ce qui était, il fallait bien l'avouer, extrêmement rare, connaissant Connor et le fait qu'un rien était capable d'attiser son désir - il se montrait tout aussi tendre, amusé, et appliqué que lorsqu'il se retrouvait en face d'un bel homme. Donc si encore, il ne s'était agit que de ça. Que d'un non désir, d'un physique qui n'était pas à son goût. Il aurait pris sur lui, et se serait amusé quand même - peut-être un peu moins, mais quand même. Mais là il ne s'agissait pas de ça. Comment est-ce qu'il aurait pu s'agir de ça, d'ailleurs, alors que son client était tout à fait le style d'hommes qu'il irait draguer s'il le croiser - et qu'il ne ferait donc pas payer, mais ça, il valait mieux éviter de le répéter, surtout maintenant que le jeune homme avait déjà payé pour ses services. Non, le fait était que son client ressemblait à lui. A cet homme que Connor avait vu mourir de ses propres yeux, dans les bras de celui qui était apparemment son compagnon. Il l’avait vu rendre son dernier souffle, avant l’arrivée des secours. Il avait entendu les pleurs de son ami, qui était au sol, près de lui. Il l’avait vu s’effondrer. Comme il avait vu son père s’effondrer, lorsque les policiers lui avaient appris que le corps de sa femme avait été retrouvé dans une ruelle. Mais Connor n’était pas idiot. Il savait bien qu’il ne s’agissait pas du même homme – les fantômes n’existaient pas, ou alors, il n’en avait jamais rencontré avant – et qu’il devait simplement être sosies, ou quelque chose de ce style-là. Alors il prit sur lui, il tenta de le mettre à l’aise. Parce qu’il semblait vraiment stressé, au point que cela pourrait en être attendrissant. S’il ne lui avait pas ressemblé, pour sûr que Connor l’aurait été, d’ailleurs, attendri.

Il acquiesça à ses mots, sans rien dire. Ce n’était pas sa première fois avec un homme, simplement la première fois qu’il faisait appel à du sexe tarifé. Une fois les premiers moments de stress, de peur de l’inconnu, il devrait rapidement se détendre et se relaxer, alors. En tout cas, Connor ferait tout pour – parce que toute cette partie psychologie faisait aussi partie intégrante de son métier. Il sourit, comme il le vit toujours assis sur le bord du lit, murmurant qu’il préférait le laisser faire. Il hocha de la tête, se rapprochant encore un peu, retirant sa veste pour la poser sur l’un des fauteuils. Quand enfin il se redressa, ce fut pour lui poser une question qui le … perturba. Si quelque chose n’allait pas ? Non non, tout allait bien. A part qu’il pouvait presque entendre les cris de l’homme, mixés avec les pleurs de son père. Mais tout allait bien. Tout irait bien. Comme toujours. Il se contenta de lui lancer un sourire rassurant, comme il avançait pour rompre la distance qu’il y avait entre eux, et se retrouver à quelques centimètres de lui. « C’est moi, qui pose ce genre de questions, normalement. » répondit-il dans un sourire en coin, le pétillement d’amusement de ses yeux lui revenant. Il passa une main dans les cheveux bruns de son client, puis laissa ses doigts finir dans une caresse sur sa joue. « Bottom, donc … Et tu veux que je m’occupe de tout. » répéta-t-il dans un souffle, à quelques centimètres de son visage, avant d’aller cueillir brièvement ses lèvres, ne faisant pratiquement que les effleurer. Sans rompre le contact de leurs yeux, il retira rapidement ses baskets, puis revint caresser sa joue, presque tendrement. Apparemment, vu les signes qu’il laissait transparaitre, c’était ce qu’il voulait. De la tendresse, de l’affection, de la douceur. Alors il les lui donnerait.

Connor était plutôt bon pour savoir lire entre les lignes. Lorsqu’il s’agissait de décrypter certains signes ou sous-entendus, il ne se trompait que très rarement. Qu’il s’agisse de la vie de tous les jours, avec ses amis ou des inconnus rencontrés dans des bars, ou qu’il s’agisse de son travail, il avait toujours été bon pour ça. Et justement, c’était quelque chose qui lui était très utile, lorsqu’il se retrouvait avec un client. Connor avait toutes sortes d’hommes qui faisaient appel à lui, et si certains n’hésitaient absolument pas pour entrer dans les détails et dire ce qu’ils attendaient de lui exactement, ce n’était pas le cas de tous. Certains étaient plus timides, plus réservés. D’autres avaient aussi un peu honte de demander ses services, que ce soit simplement parce qu’il était question de sexe tarifé, ou parce qu'il s'agissait de relations homosexuelles, et qu'ils n'assumaient pas vraiment. Et avec ceux-là, c’était à Connor de découvrir ce qu’ils attendaient de lui, sans avoir à leur demander. Oh, il parlait toujours un peu, un minimum, leur demandait s’ils préféraient être top ou bottom – personne, sauf ses réguliers, n’échappait à cette question – mais ensuite, là était toute la partie psychologie de son travail. Être celui qu’ils voulaient qu’il soit, sans avoir besoin de précisions, était d’ailleurs une des – nombreuses – raisons de son succès, et ce qui lui rapportait de nombreux pourboires. Pas qu’il ne le fasse essentiellement que pour ça non plus, mais disons que lorsqu’il était payé double, cela faisait toujours du bien à son égo – qui n’en avait pourtant pas vraiment besoin, au contraire.

Il ne mit donc pas bien longtemps avant de comprendre que ce client en particulier – et si particulier – avait besoin de tendresse, de douceur. Il ne voulait pas parler – Connor l’avait compris dès son « bonsoir » qui avait annoncé la couleur – simplement être dans les bras de quelqu’un qui le ferait s’évader de son quotidien, et s’occuperait de lui pendant une heure. Connor le rejoignit donc sur le lit, se laissant finalement entrainer par l’homme qui l’embrassait déjà. Il fermait les yeux, cherchant à oublier ce visage qui le perturbait tant, soupirant d’aise en sentant les mains de son client s’infiltrer sous son tee-shirt pour venir caresser sa peau. Caresses qu’il lui rendit, tout en s’allongeant au-dessus de lui, avant de rompre le baiser pour laisser ses lèvres venir goûter sa mâchoire. Il se suréleva un peu, attrapant les pans de son tee-shirt pour se le retirer et le jeter à l’autre bout de la chambre. Son regard s’attarda probablement un peu trop longtemps sur lui, et il se sentit déglutir lentement, comme il entendait une nouvelle fois tous ces cris, puis tous les pleurs de son père. Il serra la mâchoire, avant d’entreprendre de le débarrasser de son haut également. Voilà, Connor pouvait se concentrer là-dessus. Il n’avait plus à penser à ce cercueil mit en terre, à cet enfant de huit ans qu’il avait alors été, voyant sa mère disparaître pour toujours. Il ne voyait plus qu’un corps. Son client n’était plus qu’un torse. Un torse comme les autres. Enfin non, mieux qu’une majorité de ceux de ses clients, justement. Il pouvait se concentrer sur ce torse, à présent. Ce qu’il fit, laissant ses lèvres se balader, et tracer un sillon humide jusqu’à l’orée de son pantalon. Puis ses doigts les remplacèrent bien rapidement, le déboutonnant aisément, tandis qu’il se relevait déjà un peu pour venir embrasser ses lèvres, tendrement.   « Pas si passif que ça, finalement … » murmura-t-il rieur, dans un sourire en coin. Il se décala un peu, se surélevant d’un bras, allant chercher un préservatif dans la table de nuit – qui, finalement, ne contenait que ça – qu’il vint placer entre ses dents, plantant son regard une nouvelle fois troublé dans le sien.

Lorsqu’il était encore enfant, Connor vivait presque pour les Disney. Réellement, il pouvait regarder les dessins animés en boucle, sans s’arrêter, tant il les aimait. Oh, il y en avait qu’il aimait plus que certains autres, et cela encore aujourd’hui – Rox et Rooky en tête, bien entendu, puisqu’il s’agissait là, selon lui, de la plus belle histoire d’amitié entre deux êtres totalement différents, et qu’il avait toujours fait le parallèle entre les deux amis et sa propre amitié avec Lyall – mais globalement, il les aimait tous. Même s’il ne croyait plus en l’amour, à toutes ces niaiseries qui ne l’intéressaient guère, les Disney restaient son guilty pleasure. Mais pendant des années, il y avait cru. Il avait cru à toutes ces choses, à chaque fois qu’il posait ses yeux sur ses parents, et qu’il voyait le regard qu’ils se lançaient. Oui, il avait voulu de ça, lorsqu’il n’était qu’un enfant. Il avait voulu vivre la même chose que ses parents, et être heureux comme ils l’étaient alors. Puis il avait vu son père littéralement s’effondrer, et s’était dit que cela ne valait pas le coup. A quoi bon, après tout, si tout ce bonheur peut vous être arraché et brisé en l’espace de quelques secondes ? Alors Connor avait appris à être heureux avec ce qu’il avait, et juste ce qu’il avait. Il avait appris à ne jamais vouloir plus, principalement lorsqu’il s’agissait des relations. Au point d’en être dégouté, lorsque quelqu’un n’avait pas les mêmes attentes que lui à ce niveau-là.

Peut-être que c’était aussi pour cela, qu’il aimait tant son métier. En plus de tout l’aspect psychologique et, bien entendu, du plaisir qu’il y gagnait – tout cela en étant payé – seuls certains clients lui demandaient plus que ce qu’il avait à offrir. Et d’autres ne demandaient qu’une heure. Exceptionnellement ou plus régulièrement. Mais ne demandaient jamais plus que ça. À se changer les idées dans ses bras, à recevoir un peu de tendresse. Rien de plus.  Et c’était le cas de son client du jour. Malheureusement, ce n’était finalement pas aussi facile que d’habitude. Il était beau. Il était attirant. Sans conteste, si Connor l’avait rencontré quelques mois plus tôt dans un bar, il serait allé le voir et il n’aurait même pas eu à le payer. Mais ils n’étaient pas quelques mois plus tôt. Et il ressemblait atrocement à un homme qu’il avait vu mourir, et qui le hantait depuis – ou plutôt, dont le compagnon et ses larmes le hantaient, puisque même si sa mort avait été un drame, ce n’était pas tant celle-ci qui faisait écho à sa vie passée. Pourtant, Connor s’efforçait de ne rien laisser paraître. Un client régulier se serait probablement rendu compte, qu’il n’était pas dans son état normal. Il se serait rendu compte que le jeune homme se montrait moins spontané, moins passionné. Mais l’homme n’était pas un de ses clients réguliers. Et apparemment, ses caresses et ses baisers lui suffisaient. Connor percevait la moindre des réactions qu’il lui procurait. Le moindre frémissement, frissonnement. Habituellement, il s’en serait délecté. Aujourd’hui, il réagissait plus comme un automate, se laissant déshabiller dans un sourire un peu forcé, se laissant toucher sans réagir plus que ça de son côté. Ce qui allait finir par être problématique, d’ailleurs, et il s’en rendait compte alors que son client lui enfilait déjà le préservatif. Ne pas le regarder. Ne pas le regarder. Ne pas le regarder. Peut-être qu’être bottom aurait été mieux. Peut-être n’aurait-il pas dû lui laisser le choix, finalement. Il se serait allongé sur le ventre, et se serait détendu, profitant de la moindre sensation qu’il aurait pu lui prodiguer. Il fronça un peu des sourcils, pensant que finalement, c’était peut-être la solution. Il n’avait pas à le regarder. Il n’en était pas obligé. « Tourne-toi … » murmura-t-il à son oreille, avant de déposer quelques baisers au creux de son cou.

Lui demander de se retourner avait semblé être une très bonne idée à Connor. En effet, ce qui le dérangeait vraiment chez ce client, c’était qu’il ressemblait en tout point à un homme qu’il avait vu mourir. Connor s’en rappelait encore, comme si cela avait eu lieu la veille, et il était certain qu’il pouvait encore entendre les pleurs de son compagnon, comme le jeune homme lâchait son dernier souffle dans ses bras. Autant dire que ce n’était pas vraiment la meilleure chose pour se mettre dans l’ambiance. Lui qui aimait tant son métier, qui se donnait vraiment corps et âme pour satisfaire ses clients … se sentait bien incapable de quoi que ce soit avec un homme qui lui ressemblait autant. C’était dommage, d’ailleurs. Parce que son client, objectivement, était vraiment bel homme et Connor l’aurait désiré en d’autres circonstances. Mais là, il ne pouvait pas se concentrer en voyant ce visage, cela lui semblait tout bonnement impossible. Un petit sourire étira ses lèvres, comme il sentait sa main venir se poser sur sa cuisse. Maintenant, c’était bien mieux, en effet. Il vit déposer ses lèvres à l’orée de son cou, s’amusant ensuite à mordiller gentiment le lobe de son oreille. Il lâcha un petit soupir d’aise contre son oreille, se sentant enfin redevenir lui – et bon sang que cela lui avait manqué ! Il laissa ses lèvres parcourir son échine, embrassant et goûtant la moindre parcelle de sa peau qu’il découvrait. Il laissa ensuite ses mains remplacer ses lèvres, caressant affectueusement sa colonne. Il voulait de la tendresse, après tout, il ne fallait pas que Connor ne l’oublie. Et puis, ils devaient être dans cette pièce que depuis une dizaine de minutes … Autant dire qu’ils avaient du temps devant eux.

Mais pour autant, son client lui semblait toujours être stressé sous lui. Peut-être que Connor aurait dû attendre, avant de lui demander de se retourner. Peut-être qu’il aurait mieux fait de continuer les préliminaires, comme lui-même aimait tant le faire habituellement – après tout, c’était ce qu’il y avait de mieux, Connor n’en démordrait pas. Il se suréleva un peu, s’asseyant à califourchon sur lui, avant de se baisser pour embrasser une nouvelle fois son cou, et de murmurer à son oreiller. « Détends-toi … » Il tourna son visage de ses doigts, les yeux fermés – il valait mieux ne pas tenter le diable, maintenant qu’il était de nouveau dans l’ambiance – simplement pour déposer ses lèvres sur les siennes. « Le but, c’est que ce soit agréable … »  souffla-t-il, avant de se relever. Puis il passa ses mains sur ses épaules, qu’il malaxa gentiment, espérant dénouer les nœuds qu’il pouvait avoir. Alors que ses mains s’occupaient déjà du bas de son dos, tentant de le détendre du mieux qu’il le pouvait, il revint poser ses lèvres sur sa peau, s’amusant à apprécier la saveur de sa peau, traçant un sillon humide au passage. Connor ne se le pardonnerait pas, s’il laissait influer sa vie personnelle alors qu’il était avec un client. Non, il était bien trop professionnel pour ça, et son égo ne s’en remettrait pas.

Connor n’avait pas honte de dire que le sexe était le domaine où il excellait. Oh, il y avait d’autres domaines – plus théoriques et bien moins pratiques – où il était bon, principalement certains de ses cours lorsqu’il s’y intéressait suffisamment pour les travailler. Mais rien n’était comparable à comment il était lorsqu’il s’agissait de relations sexuelles. Connor avait toujours été un amant exemplaire. Il était ce genre de personnes qui aimait apporter du plaisir à ses partenaires. Et cela depuis sa première fois. Il avait alors quatorze ans et avait croisé dans les vestiaires un des sportifs de son école. Cela faisait bien quelques jours que les deux adolescents se lançaient quelques regards appuyés et des sourires bourrés de sous-entendus. Puis un soir, après le cours de sport, les deux jeunes avaient pris leur temps pour se rhabiller, ne restant plus que tous les deux. Alors ils s’étaient rapprochés, avant de s’embrasser. D’abord timides, leurs baisers avaient finis par se faire plus appuyés, puis pressants. Et déjà à ce moment-là, Connor s’était davantage concentré sur le plaisir de son partenaire, sur comment il pourrait l’amener à toucher le point de non retour – en s’inspirant probablement fortement des films pornographiques qu’il affectionnait tant – avant de penser à comment lui pourrait y avoir du plaisir. Mais heureusement pour Connor, son partenaire – dont il était également le premier – avait le même égo que lui et sa première fois avait été délicieusement exquise.

Donc oui, donner du plaisir à un partenaire était probablement ce que Connor aimait le plus dans le sexe. Savoir qu’il pouvait donner toute cette palette d’émotions à un inconnu, qu’il pouvait le faire transcender, frissonner, vibrer. Savoir qu’il l’emmenait dans un monde bien meilleur, simplement à l’aide de ses doigts et de sa langue. Bien sûr, il aimait également l’acte en lui-même. Ne faire qu’un, être en lui, se mouvoir sur lui. Il aimait ça, aussi. Mais rien ne surpassait les préliminaires qu’il donnait. Il s’en moquait que son partenaire ne lui rende la pareille. Certains de ses clients le faisaient, même si ce n’était pas leur job et que Connor ne leur demandait rien. Probablement parce qu’ils devaient avoir la même vision que lui, ou parce que le prostitué avait été tellement bon qu’ils voulaient lui rendre la pareille. Mais encore là, ce n’était pas ce qu’il préférait. Ce n’était en rien comparable avec le fait d’avoir ce pouvoir sur son partenaire, ce pouvoir si particulier et précieux. Forcément, Connor s’en voulait déjà terriblement d’avoir accéléré les choses avec son client. Il se sentait déjà culpabiliser, alors qu’il le sentait tendu – et pas vraiment dans le bon sens du terme. Pourquoi devait-il tant lui ressembler ? Ce rendez-vous se serait tellement bien déroulé, si l’homme qu’il avait vu mourir ne lui ressemblait pas trait pour trait. Alors, comme pour se faire pardonner, Connor laissa ses mains parcourir son corps, son dos, avant de laisser ses lèvres goûter son échine, ses dents mordiller sa peau, sa langue apprécier ses frissonnements. Puis il descendit un peu plus, toujours un peu plus. Il se releva, attrapant l’un des coussins pour le positionner sous lui, lui donnant un meilleur angle. Une fois fait, il laissa une nouvelle fois sa langue venir caresser sa peau, s’attardant sur le bas de son dos. Show time. Ce n’était pas le moment de se déconcentrer, et encore moins de penser à quelque chose de non plaisant.

Connor essayait de se rattraper. Même s’il n’était pas certain que son client l’ait remarqué, Connor savait qu’il avait dérapé et avait laissé sa vie privée interagir sur sa vie professionnelle. Oui, n’importe qui aurait pu être troublé par la ressemblance d’un client avec un homme que l’on avait vu mourir il n’y a pas si longtemps. Mais Connor n’était pas n’importe qui. Il était quelqu’un qui veillait toujours à donner le meilleur de lui-même lorsqu’il était en rendez-vous. Il se mettait à la disposition de son client et plus rien d’autre ne devait importer à parce lui donner et prendre du plaisir. Le prostitué était un véritable adapte des préliminaires et pourtant il s’était montré incapable de satisfaire le souhait de son client. Il avait su lire entre les lignes, au bout de quelques paroles. Il savait qu’il souhaitait recevoir de la tendresse, être dans les bras de quelqu’un qui se montrerait doux et attentionné. Pas dans les bras de quelqu’un qui précipiterait les choses, au point d’en oublier le plus important. Mais ses souvenirs avaient tant empiété sur la situation qu’il s’était senti incapable de continuer ainsi. Il n’arriverait à rien s’il continuait à voir se visage qui ressemblait trait pour trait à la victime. Il n’arriverait à rien si, en le regardant, il voyait l’autre rendre son dernier souffle dans les bras de son compagnon en larmes. Connor essayait donc de relativiser, de se dire que, quelque part, il valait mieux qu’il accélère les choses plutôt qu’il n’arrive à strictement rien faire du tout, bloqué par sa mémoire un peu trop sélective.

Et peut-être qu’il avait eu raison de le faire, finalement. Oh, il culpabilisait toujours un peu, mais en le sentant se détendre entièrement sous lui, en le sentant mouvoir son bassin contre lui, recherchant un contact plus prononcé, plus appuyé … Il se disait que, peut-être, ce n’était pas si grave. Et puis, le jeune homme avait payé ses services pour une heure. Donc est-ce que cela changerait quelque chose si, pour une fois, il inversait l’ordre ? Tant qu’il prenait du plaisir sous ses doigts, tant qu’il frissonnait contre lui, n’était-ce pas l’essentiel ? Il pourrait, finalement, revenir aux préliminaires une fois l’acte terminé. Et puis, il y avait tant d’autres parties de son anatomie qu’il pourrait titiller. Il pourrait ainsi s’attarder un peu plus longuement sur la préparation en elle-même, découvrir ses points sensibles, ceux qui lui feraient perdre pied. Et il aurait ensuite tout le loisir de revenir à la case départ. Une fois que lui-même serait tellement détendu qu’il redeviendra apte à le faire. Alors en sentant une nouvelle fois sa main venir se poser sur sa cuisse, Connor cessa de réfléchir. Il penserait à comment se racheter après. Il se colla encore un peu plus à lui, déposant quelques baisers sur son omoplate. Puis il prit tout son temps pour ne faire plus qu’un avec l’homme, guettant la moindre réaction désagréable qu’il pourrait ressentir.

On ne pouvait pas dire que ce rendez-vous avait bien commencé. A peine était-il entré dans cette chambre que Connor avait cru être victime soit d’une hallucination, soit d’une blague vraiment très douteuse. Voir quelqu’un mourir devait être traumatisant pour tout le monde, Connor n’en doutait pas. Assister à un crime, être témoin d’un acte si odieux, ne pouvait que choquer. Le jeune homme ne pensait pas être une personne à part, être quelqu’un qui souffrirait plus de la situation qu’un autre des témoins qui avait été présent ce jour-là. Il ne s’était pourtant pas attendu à ce que cette histoire remue tant de choses en lui. Il ne s’était pas attendu à en faire des cauchemars la nuit, où parfois sa mère prenait la place de la victime et son père de son compagnon. Il ne s’était pas attendu à refaire le film des dizaines de fois dans sa tête, se demandant ce qu’il se serait passé s’il n’avait pas embrassé un peu trop longuement son client en partant. Peut-être que s’il était parti sans demander son reste, simplement une fois l’argent en poche, tout aurait pu être éviter. Peut-être que si son client avait été mauvais, qu’il n’avait pas été tenté de le refaire à l’instant-même où ils étaient rhabillés, il serait parti plus tôt. Alors il aurait assisté aux éclats de voix de la même façon. De la même façon, il aurait froncé des yeux, regardant d’où provenaient ces cris. De la même façon, il aurait vu les deux hommes. Sauf que l’agresseur n’aurait pas encore porté le coup fatal, celui qui l’avait mit au sol instantanément. De la même façon, il aurait traversée la rue d’un pas très vif. Il serait intervenu, sans hésiter, comme il l’avait fait. Sauf qu’il n’aurait pas été trop tard. Les urgences n’auraient pas été appelées, et la victime n’aurait peut-être eu qu’un œil au beurre noir, mais rien de plus. Connor ne cessait vraiment d’y penser, et voir cet homme qui lui ressemblait tant … Il ne s’y était pas attendu, il ne s’y était pas préparé.

Alors non, leur rendez-vous n’avait pas bien commencé. Connor s’était montré égoïste, incapable de pouvoir satisfaire ce qu’il attendait lui. Et il avait pressé les choses, le sommant presque de se retourner pour ne plus avoir à le regarder. Mais maintenant, ainsi en lui, ne faisant plus qu’un avec son client, Connor oubliait tout. Son trouble avait parfaitement disparu, ses presque hallucinations auditives aussi, et il n’y avait plus que l’homme en dessous de lui qui comptait. Plus que les sensations qu’il lui procurait, se mouvant en lui dans un rythme d’abord lent, très lent – trop lent – le temps qu’il s’habitue à sa présence en lui. Puis ce rythme qui s’accéléra, aidé par ces reins qui ondulaient sous lui, approfondissant le contact, le cherchant un peu plus à chaque fois. Connor attrapa ses mains, croisant ses doigts avec les siens, alors qu’il sentait cette douce et agréable chaleur s’installer dans son bas-ventre. Ses mouvements se firent plus rapides, plus bref, et il ne retint pas bien longtemps ses gémissements et soupirs. Lorsqu’il le sentit perdre pied, atteignant ce point de non retour, le jeune homme étouffa son dernier cri contre son épaule, avant de se laisser retomber sur lui, sans pour autant se retirer. Sa respiration emprunta le même rythme irrégulier de son client, auquel il déposa quelques baisers à l’orée de son cou. Puis il se détacha de lui, avant de se laisser basculer à ses côtés sur le lit, dans un rire de bien-être. Il lui lança un sourire éclatant, son trouble se faisant bien moins présent en voyant ce visage, maintenant qu’il était embrumé par le plaisir. « Retourne-toi ! On est loin d’avoir fini ! » dit-il d’une voix grave. Oh non, Connor ne comptait pas en rester là, et toute façon, l’heure ne devait être qu’à moitié écoulée.

Connor aimait profondément son métier. Depuis qu’il avait croisé Irène pour la première fois, il remerciait presque le Ciel de pouvoir l’exercer – il ne le faisait pas, cependant, étant donné que, pour des raisons qui lui échappaient, être prostitué n’était apparemment pas quelque chose de très moral et qu’il valait donc mieux remercier le Ciel pour des choses plus … vertueuses. Connor n’avait jamais été très difficile, en matière de sexe. Il aimait à peu près tout, même si ce qu’il préférait était encore les préliminaires, moment où il pouvait faire grimper son partenaire sur des sommets, en quelques instants. Et il en était de même pour tout ce qui était attirance physique. Connor avait cette particularité d’arriver à trouver du beau en à peu près tout le monde. Il était conscient que les codes de la beauté étaient, de toute façon, définis par la société. Donc pourquoi y prêter attention ? Alors Connor se concentrait sur des détails, parfois, lorsqu’il était avec des clients qu’il ne trouvait, de premier abord, pas vraiment attirant. Cela pouvait être un regard, avec une couleur d’yeux. Un sourire, avec d’adorables focettes. Bref, il y avait toujours du beau chez quelqu’un, il suffisait simplement de regarder et de ne pas s’arrêter aux premières impressions. Peut-être était-ce aussi pour ça, qu’il était autant « populaire » et que certains de ses clients n’hésitaient pas à le payer le double de ce qu’il valait. Peut-être parce que, durant une heure, Connor avait réussi à leur faire oublier tous leurs complexes.

Mais aujourd’hui, il n’y avait aucun complexe à avoir. Son client était particulièrement beau. Il devrait presque faire l’inverse, pour réussir à trouver quelque chose qui n’était pas attirant en lui. Mais pour autant, le rendez-vous avait très mal commencé, et Connor n’était pas vraiment certain qu’il arriverait à se regarder dans le miroir, lorsqu’il regagnerait la salle de bain pour se doucher. Même s’il comptait, bien entendu, se rattraper, cela ne changeait rien au fait qu’il ne s’était absolument pas montré professionnel avec lui. Oh, il lui restait bien une demie heure pour se rattraper, mais finir par les préliminaires était tout de même quelque chose d’assez étrange. Il frissonna, en sentant la main de l’homme venir caresser son torse, une fois qu’il fut sur le dos. Se mordillant la lèvre en le regardant, il vint poser ses lèvres sur les siennes, avant de titiller un peu celle du dessous de ses dents. Il laissa ses doigts caresser le bas de son ventre, puis embrassa son épaule. « Qu’est-ce que tu as envie de faire ? » souffla-t-il dans un sourire, sans cesser ses caresses. « Ou tu veux que je continue à prendre la situation en main ? » Son sourire se fit un peu plus amusé face au double sens, et il finit par lâcher un petit rire cristallin en venant embrasser ses lèvres à nouveau.

Connor se sentait bien plus détendu, maintenant – enfin, façon de parler. Même si le début de leur rendez-vous ne s’était pas passé comme il le voulait, même s’il se sentait déçu de lui-même, il n’était plus perturbé par l’étrange ressemblance qu’avait son client avec l’homme qu’il avait vu mourir. C’est pour cette raison qu’il était bien décidé à se faire pardonner et à se racheter. Après tout, Connor était payé pour donner à ses clients le plus de plaisir possible et, clairement, aujourd’hui, il avait failli à son rôle. Non pas que l’homme n’avait pas aimé, il était certain du contraire, même. Mais il avait trop précipité les choses, et il le savait. Il aurait dû aller plus lentement, plus doucement. Il n’aurait pas du passer aux choses sérieuses seulement quelques minutes après son arrivée. Alors il se retrouvait là, à l’embrasser, à laisser danser sa langue avec la sienne, tout d’abord avec douceur, puis avec une certaine fougue, une certaine envie, aussi. Il frissonna en sentant ses mains sur lui, et laissa les siennes venir explorer ce corps, avec un peu plus d’attention cette fois-ci. L’homme était beau. Réellement séduisant et attirant. Il aurait mieux fait de se concentrer sur ça, au début, plutôt que sur de macabres souvenirs. Il sourit, en lui demandant ce qu’il voulait qu’il fasse, maintenant. Peut-être voulait-il encore qu’il prenne la situation en main, et simplement se laisser faire. Ou peut-être avait-il des idées plus précises en tête. Connor n’en savait rien, mais il s’adapterait, dans tous les cas. Mais il ne fut pas surpris, lorsqu’encore une fois, il sous-entendit qu’il voulait qu’il s’en occupe. Rares étaient les clients qui, dès la première fois, avaient des attentes et des envies particulières.

Il  lui lança un grand sourire, les yeux pétillants, comme son client attrapait sa main pour la guider le long de son ventre. A nouveau, il le laissait faire, tout en n’étant pas non plus particulièrement passif. Tant mieux. Laissant ses doigts chatouiller son bas-ventre de quelques caresses, Connor traça un sillon humide sur son torse, s’amusant à goûter sa peau. Il s’attarda sur quelques endroits qu’il savait particulièrement sensibles, les mordillant doucement, avant de continuer son chemin. Sa main gauche vint saisir son entrejambe, avant de laisser son pouce y faire des caresses plus prononcées. Puis sa bouche vient rejoindre ses doigts, y déposant plusieurs baisers. Sa langue vint goûter son intimité, appréciant les tressaillements de son corps. Ainsi positionné entre ses jambes, Connor s’amusa à le torturer le plus longtemps possible, prenant bien soin d’ajuster son rythme en fonction de ses réactions. A chaque fois qu’il sentait les spasmes annonçant qu’il était proche d’atteindre ce point de non retour, il arrêtait, tout simplement, déposant de multiples doux baisers aux alentours. Puis, d’humeur plus charitable, il accéléra le rythme, le laissant enfin atteindre le firmament. Toujours souriant, il se releva un peu, remontant pour venir l’embrasser tendrement, sa main tenant toujours virilité, comme son pouce continuait sa douce torture. Il lui mordilla doucement la lèvre en s’éloignant, avant de forcer un peu le barrage de ses lèvres pour caresser sa langue de la sienne. « Encore ? » proposa-t-il mutin, dans un souffle, contre ses lèvres, comme ses doigts continuaient encore de le cajoler.