[flashback] oh boy, i'm in trouble | lyannor

Lyall était tellement atterré par les mots de Connor, qu’il en avait presque oublié la rév… erm, la chose qui avait violemment tenté de prendre toute la place dans son cerveau. Il était, tout simplement, abasourdi. Il avait affaire à un gosse. A un fichu gosse de cinq ans, qui parlait de sexe comme on parlait de son dernier jouet en date, ou du popcorn que papa et maman avaient bien voulu nous offrir en allant au cinéma. Et c’était… juste… pas croyable. Pas. Croyable. La preuve, c’est que Lyall, qui croyait être devenu insensible au cirque permanent de son meilleur ami, se voyait de nouveau dégringoler dans un puit sans fin de consternation et d’ahurissement. Il avait réussi à reprendre contrôle de lui-même, à afficher une façade mi-amusée, mi-blasée, tout cela pour voir Connor la réduire en lambeau à nouveau. Parce que l’autre adolescent en rajoutait une couche, bien entendu. Pourquoi Lyall avait-il pensé qu’il en serait autrement, vraiment ? Il connaissait son meilleur ami par cœur. Cela ne l’empêchait pas de tomber dans le panneau à chaque fois, et de se retrouver empêtré dans un embarras profond. Le fait qu’il ne rougissait pas – ou tout du moins, que cela ne se voyait pas, du fait de sa complexion – était véritablement un cadeau des cieux. Parce que si Connor avait été capable de voir, clairement, sans aucun doute possible, à quel point ses paroles le mettaient mal à l’aise… Brr, Lyall préférait ne pas y penser. Il ne verrait jamais la fin de ses taquineries à ce sujet. Parce que s’il avait eu la même couleur de peau que son meilleur ami, Lyall était certain qu’à présent, il aurait été rouge comme une tomate trop mure. Connor était tout bonnement intenable. Non seulement il agissait comme si tout était normal, plus amusé par la situation qu’autre chose, cet imbécile heureux – ce que ces yeux pétillants de malice pouvaient être exaspérants, parfois – mais en plus il revenait à la charge. Il était comme une lionne qui se battait pour sa part de viande : il n’en démordait pas. Il voulait savoir qui intéressait Lyall – mais il n’y a personne, non, il n’y a personne, lui souffla son cerveau – et était déterminé à obtenir des réponses à ses questions. Mais outre cela, il ne laissait pas tomber l’idée que, comme il le disait si bien, cela serait "cool" qu’ils partagent cette expérience. Ugh. Le pauvre Lyall avait juste envie de creuser un trou et de s’y enterrer trèèèèèèèèès profondément. Ou de se taper la tête contre un mur, ça marchait aussi. Son visage le brulait tellement à présent, qu’il se demandait comment ça se faisait qu’il n’était pas en feu. « Oh, dear Lord » murmura-t-il, se cachant le visage dans les mains, mort de honte. « T’es vraiment obligé de comparer ça à… à la petite souris ? C’est pas possible. Sérieusement, c’est pas possible. » Il secouait la tête en disant ces mots, tellement consterné qu’il ne pouvait même plus réfléchir correctement. « Tu sais, t’es mon meilleur pote et tout ça, je t’adore, vraiment, même si t’es un vrai pain in the ass la plupart du temps, mais sérieusement, Connor, parfois je me dis que ça serait mieux que tu crois au Paradis et à l’Enfer, parce qu’au moins ça te donnerait un peu de retenue. » Ce n’était pas un reproche, non. Lyall prononça ces mots avec douceur, avec tendresse. Il ne le disait pas clairement, mais il aimait ça, chez Connor. Il aimait qu’il soit tant… lui. Et c’était sa façon détournée de le lui dire. Et de ne pas répondre à ses questions, bien sûr.

Lyall ne pensait pas sérieusement que Connor allait finir en Enfer, bien sûr. Il y avait une immense différence entre être sans-gêne et être foncièrement mauvais. Connor n'avait pas une mauvaise personnalité. Il n'était pas cruel, méchant, violent. Il n'était pas le poison que certaines personnes pouvaient être. Lydia, la mère de Lyall, lui avait inculpé un certain nombre de principes, dont l'un d'eux était le pardon et la compréhension. Une mauvaise action n'était pas l'équivalent d'une mauvaise personne, c'était loin d'être aussi simple, et ce n'était pas son rôle de juger les hommes. C'était à Dieu de le faire. Le jeune garçon faisait tout pour garder ça en mémoire, et appliquer ce principe tant qu'il pouvait, même si parfois, il le trouvait particulièrement dur à suivre. Certaines choses ne pouvaient pas être pardonnées. Ne devaient pas être pardonnées. Le pardon n'était pas nécessairement la meilleure option. Il voulait croire sa mère, voulait croire que même les pires monstres pouvaient être pardonnés en attente du jugement divin, parce que qui était-il pour juger, mais il n'y arrivait tout simplement pas. Trop tôt, il avait compris que le mal était encré en certaines personnes. Ce n'était pas le cas de Connor. Il avait des petits défauts, pouvait parler de choses complètement inappropriées sans sourciller, mais cela ne faisait en rien de lui quelqu'un de mauvais. Oui, c'est vrai, il parlait du Paradis et de "prendre du plaisir dans les vestiaires" (Lyall ne put s'empêcher de grimacer à ce rappel) mais ce n'était pas comme si lui croyait au Paradis et à l'Enfer, de toute façon. Parfois, Lyall se demandait si cela ne concernait que les croyants. Y avait-il autant de paradis et d'enfers qu'il y avait de religions ? Ceux qui n'y croyaient pas avaient-ils tout de même la possibilité d'y aller ? Or l'accès leur était-il interdit ? Dans ce cas, où allaient-ils ? C'était le genre de questions que Lyall, qui acceptait toutes les formes de croyance et de religion du moment qu'elles n'étaient pas imposées aux gens, se posait de temps en temps. Il n'avait pas encore trouvé moyen d'y répondre. « En quoi est-ce différent ? » Lyall se fit pensif à ces mots. Connor n'avait pas tort. Il ne l'admettrait jamais explicitement, mais il comprenait son point de vue, et pourquoi pour lui, le sexe était quelque chose de normal, d'humain, comme les paroles qu'il prononça ensuite le précisèrent. « Tout le monde ne perd pas forcément sa virginité » fut la première chose qu'il trouva à répondre, ce qui était vraiment une réponse à deux francs six sous, mais bon. « Et je ne sais pas... J'imagine que le sexe... Bah, tu sais... C'est juste... Tabou. Je ne dis pas que ça devrait l'être, mais la plupart des gens ont appris à le considérer de la sorte. Et peut-être que pour toi c'est très facile de s'échapper de cette manière de penser l'acte sexuel, mais pour la plupart des gens, c'est beaucoup plus compliqué » finit-il par dire, haussant les épaules. « Et puis, il y a des manières de dire les choses plus... polies, espèce de bourrin » plaisanta-t-il en s'allongeant à nouveau.

En vérité, la sexualité n’était pas quelque chose qui gênait particulièrement Lyall, ce qui faisait qu’il comprenait tout à fait où Connor voulait en venir. L’acte sexuel en lui-même n’était pas quelque chose qui le dégoutait, qui le repoussait. Mais il y avait quelque chose… d’embarrassant, dans le fait d’en parler, et encore plus avec lui. Lyall ne s’expliquait pas pourquoi. Connor était son meilleur et plus proche ami. Ils se confiaient tout, depuis toujours. Alors pourquoi l’entendre parler d’avoir des relations sexuelles avec d’autres garçons le perturbait autant ? Pourquoi ressentait-il cette espèce de gêne, d’inconfort ? Pourquoi avait-il envie de lui dire d’arrêter ? De ne pas le faire ? Ça n’avait pas de sens. Connor avait tout à fait le droit de faire ce genre de chose, s’il en avait envie, et il n’avait pas le droit de l’en empêcher. Lyall était peut-être catholique, il croyait certes profondément en Dieu, mais cela n’empêchait pas qu’il était très ouvert d’esprit. Justement, parce que pour lui, il y avait un plus haut pouvoir, divin, qui les avaient tous créés, aucun être humain n’aurait dû avoir plus de pouvoir qu’un autre, lui dicter comment il devrait vivre. L’important était d’être bon avec les autres. La manière dont on vivait sa vie personnelle ne devait concerner personne d’autre que nous et Dieu. Si parfois, il était en désaccord avec Connor, il acceptait néanmoins que lui préfère vivre d’une certaine façon. Pourtant, à présent, ce n’était pas le cas. Lyall… n’acceptait pas que Connor ait eu une relation avec un garçon. Pas parce que ça le dégoutait, bien sûr que non ! Mais parce que… parce que… Il retint un grognement de frustration. Il avait envie de hurler. Il ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait. Il n’arrivait pas à mettre de l’ordre dans ses pensées. Et Connor ne l’aidait pas du tout. Il continuait à lui demander qui l’intéressait. Lyall ne voulait pas y penser. Ne savait pas quoi répondre. Il était perdu, confus. « Quelqu’un que t’as envie d’embrasser … De toucher, aussi. » Un frisson traversa le corps de Lyall. Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine. Il déglutit avec difficulté, et tourna la tête vers Connor, contemplant son profil. Son regard s’attarda longuement sur les lèvres de son meilleur ami. Il n’y avait jamais réellement prêté attention, avant. Mais soudain, elles devenaient la seule chose qu’il pouvait voir. Et il repensait à ses mots, à ses explications. Cœur qui bas… Frissonner… Embrasser… Il commença à tendre la main, ressentant soudain le besoin de le caresser. Toucher… Un sentiment de peur s’empara brusquement de lui. Il écarquilla les yeux, soudain effrayé. Sa main, qui allait, sans son accord, faire quelque chose des plus étranges, vint se poser sur ses cheveux, et il lui frotta le sommet du crâne, laissant échapper un rire complètement faux. « T’es une vraie petite fouine hein ? » plaisanta-t-il, ignorant ses propres pensées. « Et je sais pas, honnêtement… j’aime bien Jenna ? » mentit-il. « Mais je ne pourrai pas faire ça avec elle comme ça… il faut qu’on aille à des rendez-vous d’abord et tout, tu sais ! Qu’on se mette ensemble ! »