JG ◊ i am woman, hear me roar.

La porte s’ouvrit brutalement, laissant entrer la lumière aveuglante du soleil dans la chambre de Jane. Cette dernière rabattit ses draps sur son visage maculé de maquillage et gueula d’une voix rauque « LIZZIE casse-toi bordel, laisse-moi dormir. » Loin de se laisser impressionner, la benjamine de la famille grimpa sur le lit et se mit à sautiller en chourinant « Mais Jaaaaane, tu m’avais promis qu’on irait acheter le cadeau d’anniversaire de ‘man ce matin. Lève-toi il est presque neuf heures ! » A ces mots, Jane se sentit défaillir. NEUF HEURES. Elle s’était couchée à peine deux heures et demi auparavant. Elle n’aurait pas du boire autant. Elle sortit de son chateau de couvertures, saisit sa sœur dans ses bras et lui cracha son haleine matinale dans le nez pour la convaincre de lui foutre la paix. Le plan marcha à merveille puisque la punaise s’enfuit sans demander son reste en appelant leur frère à l’aide. Jane grimaça, son mal de tête la réveillant pour de bon. Elle jura une nouvelle fois et se leva pour se trainer jusqu’à la salle de bain. Parfois, c’était épuisant d’être une grande sœur. Lorsqu’elle sortit de la douche, elle se sentait bien plus fraiche. Cotons en main, elle s’affaira à effacer les trainées de maquillage qui avaient coulé sur ses joues et qui s’étalaient autour de sa bouche tout en se rendant dans la cuisine. Lizzie boudait sur le canapé du salon, l’air buté. Jane prit un paquet de biscuits dans un placard, une bouteille d’eau et lança à sa cadette « Allez gamine, on y va. Oublie pas ton argent, c’est toi qui rince. » Le regard de Lizzie s’illumina « On y va avec ton scooter Janie ? » L’aînée roula des yeux, soupira à nouveau et dit « Ok, mais pas de bêtise. Et tu mets la table cette semaine. Deal ? » La petite blonde tapa dans la main de la grande en souriant. « Deal ! »

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Jane était appuyée contre le grand chêne du jardin de ses parents. Elle était rentrée de Ao Nang la veille pour une semaine de vacances bien méritées. Elle avait obtenu son diplôme l’été passé et avait décidé de s’accorder une année de césure pour voyager et s’adonner à l’humanitaire. Après six mois au Pérou durant lesquels elle avait participé à une mission d’écovolontariat dans la réserve naturelle Taricaya, elle avait mis le cap vers la Thailande où elle s’acharnait à nettoyer les plages paradisiaques polluées par les touristes. Elle y avait rencontré Coline, une jeune française diplômée en biologie et vivait avec elle une liaison ardente et passionnée. Elle n’en oubliait pas moins sa famille et était rentrée au bercail pour fêter la prise d’indépendance de Chris. Enfin, il s’installait avec Adrian. Lizzie boudait, comme à son habitude, mais ça finirait par passer. Jane était revenue des merveilles plein les poches, merveilles qui avaient tiré un sourire sincère à sa sœur. Christopher trempait ses pieds dans la piscine hors-sol à l’eau trop chlorée. Jane le rejoignit et dit « Alors, ça te fait quoi de t’envoler du nid ? » Il eut un petit rire. « Je reste à Londres moi, madame, je ne pars pas à l’autre bout du monde. » Elle joignit son rire au sien. « Certes, mais c’est déjà ça. Y a pas de petit progrès. » Ils fixèrent un instant la surface lisse de l’eau, puis elle reprit « Je suis contente pour toi Chris. Tu vas voir, ça change la vie. » Ils se rapprochèrent pour finir épaule contre épaule. « Et toi alors, comment ça se passe au Cambodge ? » Elle lui donna une tape sur la cuisse « Crétin, je suis en Thailande, pas au Cambodge. Elle est belle la famille. » Il haussa les épaules. « Ouais, peut être. C’est comment ? » « Différent. Mais c’est chouette. » Nouveau silence. « Ca te fait pas chier d’avoir fait cinq ans d’études pour rien ? » Elle fronça les sourcils. C’était donc pour ça qu'il avait l'air déçu et contrarié. Elle serra sa main dans la sienne. « Mais Chris, qu’est-ce que tu racontes ? Ce n’est pas pour rien que j’ai fait ces études ! J’ai toujours rêvé de bosser dans le cinéma, tu le sais. Seulement, si je m’étais lancée directement, je n’aurais jamais eu le temps de faire autre chose, on ne prend pas des vacances aussi facilement dans la vraie vie. Je voyage, je fais des choses bonnes et utiles, je m’amuse, et dans quatre mois… je rentre. Pour de bon. » Elle rit encore « Et si ça se trouve, on travaillera ensemble ! »

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« Tu es belle. Tu es forte. Tu es intelligente, talentueuse, drôle, irrésistible. Le monde t’appartiendra… » Tous les matins, Jane se répétait mentalement ces mots tandis qu’elle se brossait les dents. C’était son mantra. Ca lui donnait la confiance en elle que ses amis lui enviaient. Elle fixait son reflet droit dans les yeux et pensait en boucle toutes les bonnes choses qu’elle pensait d’elle-même. Ce jour-là avec plus de ferveur encore que d’habitude. Car c’était un jour spécial. Le premier en tant que chef opérateur du film de l’année. Elle avait été retenue après un entretien royalement mené et débutait son premier grand projet. Celui qui lui ouvrirait toutes les portes. Pour ne pas prendre de risque, elle s’était levé une heure plus tôt que nécessaire. Comme d’habitude, elle avait bu une tasse d’eau chaude avec du citron, avait fait vingt minutes de yoga, avait pris une douche froide suivie d’un copieux petit déjeuner et s’était habillée avec soin. Il s’agissait de faire bonne impression pour son premier jour. Avant de quitter son appartement, elle appela son frère et tomba directement sur la messagerie. « Hello Love, j’espère que t’est pas encore au lit parce que sinon je vais te mettre la raclée de ta vie. On se voit tout à l’heure, bisous. » Elle prit la direction des studios poussée par un enthousiasme débordant. Elle adorait Harry Potter et c’était une réelle chance de pouvoir travailler dessus pour son premier vrai film. Son imagination bouillonnait. Elle touchait son rêve du bout du doigt. Elle misait tout sur sa carrière. Elle avait quitté sa dernière petite amie quand elle avait appris qu’elle était engagée. Rien ne la ralentirait, elle voulait être la meilleure, et elle ferait tout pour le devenir.