harry & tamsin ◆ hey there, so happy to see you [FLASHBACK]

C’était d’une humeur particulièrement joyeuse que je me rendais vers l’appartement de mon petit-ami. Après avoir eu mon réalisateur au téléphone, j’avais appris qu’un ami à lui allait bientôt tourner un film, et j’avais immédiatement placé quelques mots à propos de Will. Oh, il n’aimerait probablement pas ça, mais là n’était pas la question. Il était tant qu’il arrête avec ses publicités débiles et qu’il exploite son potentiel. Parce qu’il était un bon acteur. Et que, sérieusement, il suffirait juste qu’il y mette un peu plus du sien et il serait en tête d’affiche. Alors nous pourrions être le couple le plus célèbre et adulé de la Grande Bretagne, et nous vivrions heureux jusqu’à la fin des temps. Mais non, monsieur n’acceptait pas mon aide, et je devais donc faire ces choses-là derrière son dos. Je claquai ma langue contre mon palais, me demandant comment j’allais pouvoir annoncer cette nouvelle. Il ne fallait absolument pas que je dise que cela venait de moi. Ni que je mentionne le fait que mon réalisateur allait parler à son ami de Will. Non. Peut-être que je pourrais simplement lui dire que l’on m’avait parlé d’une audition pour un film, et que ce rôle était fait pour lui. Oui, juste lui en parler brièvement, peut-être même avec une certaine nonchalance. Oui, la nonchalance était une bonne idée. Le manipuler juste suffisamment pour que l’idée rentre dans sa tête, tout en lui faisant croire qu’elle venait de lui. Je m’arrêtai chez un caviste, signait rapidement un autographe au vendeur, avant de partir, une bouteille de vin à la main. Oui, boire une bonne bouteille nous ferait du bien. Et puis, l’idée de passer une soirée en amoureux, juste tous les deux, me remplissait d’avance de joie. J’espérais juste que l’autre ne serait pas là. Peut-être qu’il pourrait enfin se trouver une vie sociale, histoire de nous ficher un peu la paix.

Je montai donc l’escalier et arrivai rapidement devant son appartement, avant de frapper à la porte. J'eus immédiatement un immense sourire qui vint éclairer mon visage, comme il apparaît sur le pas. Sourire qui se figea, alors que je plissai un peu des yeux et fronçai des sourcils. Ce n'était pas Will. Cette coupe de cheveux n'était pas Will. Ce visage pâle et terne n'était pas Will. Non, clairement, il ne s'agissait pas de mon petit-ami, mais probablement de son frère jumeau. Ceci expliquait donc pourquoi l'homme qui venait de m'ouvrir était irrémédiablement moche et sans aucun aura. Oui, je m'étais déjà demandé comment je pouvais trouver Will magnifique et radieux, tout en étant totalement révulsée par son frère jumeau. Apres tout, jumeaux voulait dire qu'ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau, pourtant. Normalement, en tout cas. Car je n'en démordrai pas : Harry, en plus d'être un homme particulièrement exécrable, atteint d'une sociopathie probablement conséquente, ne ressemblait en rien à son frère. Je soupirai, comme il parlait, de sa voix hypocrite et doucereuse. Bon sang que j’avais envie de lui en coller une. Mais, apparemment, Monsieur était un être sensible et pourrait bien faire des siennes, si je le faisais. Et autant dire que le voir s’accaparer mon petit-ami en se plaignant encore et encore, m’irritait d’avance. Je lui lançai mon sourire le plus faux, avant de poser ma main sur son épaule pour le faire se décaler. Ce qui était bien, c’était qu’il ne pouvait pas vraiment y mettre une quelconque résistance – il fallait bien avoir un espèce d’avantage à avoir un infirme geignard comme futur beau-frère – et que je pouvais entrer dans le salon, ignorant de toute ma superbe les mots qu’il venait de me sortir. « J’ai vais te laisser un choix, okay ? » souriais-je faussement, avant de me laisser tomber dans le canapé. « Je peux soit l’attendre ici, ce qui m’éviterait de refaire le trajet en sens inverse … » Je marquai une courte pause, faisant mine de réfléchir. « Ou je peux rentrer chez moi, me mettre dans mon plus beau déshabillé, prendre une jolie photo, et la lui envoyer avec les mots je t’attends en commentaire. » Je lui lançais un grand sourire, tout en me demandant si, finalement, je ne ferais pas mieux de faire exactement cela.

Harry Hardy avait un don. Celui de simplement réussir à me mettre de mauvaise humeur, par sa seule présence. Celui de réussir à gâcher un moment heureux et plaisant. Parce que si je m’étais rendue ici, c’était pour une bonne nouvelle. C’était aussi pour passer une soirée en amoureux, tranquille, avec mon petit-ami, certes. Mais c’était tout de même parce que j’avais eu une bonne nouvelle pour sa carrière. Je lui jetais un regard, mêlé à de la pitié et du dépit. Est-ce qu’il s’entendait parler ? Est-ce qu’il réalisait à quel point il avait un sérieux problème et qu’il devrait vraiment aller se faire soigner ? Sa place était vraiment dans un hôpital psychiatrique, ma parole. J’avais toujours un peu mon regard rond, un peu interloqué, alors que je secouai doucement de la tête. « Ouah, la décence, c’est certainement pas ton fort. Tu culpabilises même pas un peu d’utiliser une maladie imaginaire pour garder ton frère chez toi ? Attention, je parle pas de ta vraie maladie. Celle qui fait que Will s’occupe de toi, ce qui est tout à son honneur. Non, je te parle d’utiliser cette maladie, d’utiliser ça comme un mensonge simplement parce que … parce que quoi, au juste ? Parce que t’as une dent contre moi ? » Oui, pour tout dire, j’étais un peu sidérée. Je le savais capable d’utiliser une bassesse sans nom, mais pas à ce point. Pas au point de mentir à son frère simplement quand ça l’arrangeait. « Tu sais que, dans ce bas monde, y’a des gens véritablement malades, hein ? » Je me passai une main dans les cheveux, avant de hausser une épaule nonchalante. « Non pas que j’en ai quelque chose à faire. Sauf si ce sont mes fans. Là ça m’intéresse. Mais bref. Toi, tu devrais peut-être te sentir un poil plus concerné, non ? Du fait qu’il y ait des gens qui souffrent véritablement ? » Je marquai une courte pause, avant de rouler des yeux. « Après tout … A moins que tu mentes à chaque fois que tu dis être incapable de bouger de ton lit … Et que tout ne soit que pure comédie pour attirer l’attention sur toi … » Peut-être que c’était le cas. Après tout, j’avais toujours eu un doute quant à la véracité de ses souffrances. Je trouvais qu’elles arrivaient, comme de par hasard, de manière bien trop inopinées et opportunes. Alors ça ne m’étonnerait même pas qu’il ne fasse que semblant, simplement pour garder Will auprès de lui. Il avait vraiment un grain, ce mec. Je sortais mon téléphone, puis soupirai en regardant l’heure. Oh, je ne comptais pas bouger d’ici. Je ne lui ferai pas cette joie-là. Je préférais encore le supporter plutôt que de lui laisser la victoire. Me disant que William aurait probablement faim en rentrant, je finis par composer le numéro de mon traiteur chinois préféré, avant de commander de quoi manger – pour deux, bien entendu ; et j’avais beau avoir commandé pour un régiment, le jumeau maléfique n’avait pas intérêt à y toucher.

Je roulai des yeux à son monologue plus qu’ennuyeux, avant de finalement me concentrer sur mon téléphone. J’avais faim, et j’étais bien décidée à me commander de quoi manger. S’il avait été plus sympa avec moi, ou tout simplement s’il était un être humain comme un autre, peut-être que je lui aurais demandé s’il souhaitait quelque chose, lui aussi. Mais autant dire qu’il en était hors de question. Déjà qu’encore une fois il ruinait ma soirée avec Will, il ne fallait pas abuser non plus. Alors je l’ignorai, ne lui répondant même pas, et passant ma commande auprès de mon restaurant en livraison préféré. Raccrochant le téléphone, je lâchai un long soupir pour me calmer. Je ne comptais pas partir, alors il valait mieux juste se taire et attendre l’arrivée de Will dans son appartement. Oui, voilà qui était une bonne idée. Tout simplement l’ignorer, et ne pas parler. Ne pas répondre à ce qu’il disait. Faire comme si l’insecte n’existait tout simplement pas. Comme si le petit bruit qui parvenait à mes oreilles était si insignifiant qu’il ne valait pas mon attention. Voilà ce que je devrais faire, certainement. Etre la plus mature des deux. Etre la plus adulte. Mais lorsque le mot égoïste atteignit mes oreilles, je ne pus que rouler des yeux une nouvelle fois. Je basculais brièvement la tête en arrière, agacée. « Je suis égoïste ? C’est tellement l’hôpital qui se fout de la charité, ici … Tu ne le laisses même pas vivre, ton frère. Tu ne lui laisses même pas la possibilité d’être heureux. » répondis-je d’une voix lasse et éreintée. « Tu ne le veux que pour toi. Tout est toujours à propos de toi, toi, toi. Et c’est moi l’égoïste ? Ouah … » Pour tout dire, cela ne m’atteignait même pas, finalement. Rien de ce qu’il pouvait dire ne m’atteignait. « Pendant que toi, M. Altruiste, tu le veux comme infirmier personnel … Sache que moi, l’égoïste, la personne non décente, je lui ai peut-être trouvé un rôle dans un film. » Je soupirai, secouant la tête lassement. « Je ne dis pas que je sais ce que tu vis … Je dis juste que, merde, si ton frère voulait être infirmier, il aurait fait des études pour le devenir … Mais non, il a été à la LSOA, et il veut être acteur. » Mais c’était probablement trop difficile pour lui de comprendre que son frère valait bien plus que ce qu’il ne le faisait. « Ton frère est un bon acteur. Ton frère vaut plus que les publicités débiles qu’il fait. Sauf que tu veux tellement le garder pour toi, tu veux tellement qu’il reste avec toi, que tu lui laisses même pas le temps et l’opportunité de le prouver. »