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 Cause it's a beautiful night...

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MessageSujet: Cause it's a beautiful night...   Cause it's a beautiful night... Icon_minitimeDim 24 Avr - 17:27

J'observe ma robe rouge dans le large miroir de notre chambre, un rien dubitative. Pas qu'elle ne m'aille pas - j'ai l'air canon, en toute modestie - mais il y a comme quelque chose qui me chiffonne. Elle est plutôt longue, ce qui avec ma haute stature est toujours un rien déconcertant. Mes talons vertigineux compensent un peu ce triste état de fait, mais comme souvent quand je me pomponne, j'ai l'impression d'être une petite fille essayant les vêtements de sa maman. Au moins, la taille finement marquée et le buste étroit donne une illusion de formes à mon corps menu. Je passe un doigt sur mes cils parfaitement recourbés, constatant avec plaisir que j'ai tout de même réussi mon trait d'eye liner. It's the small things. Je lâche néanmoins un léger soupir. Comme souvent depuis quelques temps, je suis constamment lasse et un tantinet agacée. D'aucun pourrait arguer que c'est là mon état naturel, toujours un rien énervée et prête à sauter à la gorge du premier qui me raconte des conneries ou ne fait pas ce qu'il devrait. Preuve en est le défilé d'assistante qui sont passées depuis que Jenny m'a lâchement abandonnée pour un poste plus prestigieux. J'ai pris sur moi pour lui écrire une excellente lettre de recommandation, mais la remplacer relève du calvaire. Apparemment, elle était la seule récente diplômée d'école de communication et marketing avec un semblant de cerveau et d'autonomie. Mais ce soir, je ne suis pas sensée penser au travail. Je travaille trop, paraît-il. Et maintenant que toutes les grandes occasions sont passées, je n'ai pas vraiment d'excuses pour ne pas profiter du léger relâchement entre la St Valentin et les bals de promo. Et passer du temps avec mon petit ami, ma famille et mes amis. Profiter de la vie, de ma jeunesse, de ma richesse, de la vie londonienne si pleine d'aventures et de joie.

Je m'assois sur le bord du grand lit, laissant mon regard vide passer sur notre chambre si joliment décorée. Mojito est assise sur le bureau et a l'air de me juger. Ce chat juge tout le monde. Il me ressemble, paraît-il. Moi, je trouve qu'elle a l'air de s'ennuyer. Ou peut-être est-ce moi qui projette mon ressenti sur l'animal, pour changer. Il faut dire que je me fais royalement chier. C'est un peu brutal comme constatation, mais je ne peux pas nier l'évidence. A part quand je suis au boulot et qu'on tombe sur un client farfelu, un obstacle, des surprises. C'est le seul élément de ma vie où chaque jour n'a pas l'air de se ressembler. Et même là, parfois, c'est trop facile. On me paie grassement simplement parce que j'ai rapidement eu l'air de savoir ce que je faisais et que je sais plier la réalité pour qu'elle réponde à mes attentes. Mais, les cocktails avec les copines et même les parties de jambes en l'air avec mon amant sont devenus un seul et même souvenir confus. Je ne saurais vraiment distinguer un jour de l'autre, une conversation d'une autre. Ma vie est devenue un montage de comédie romantique, où l'on montre la vie parfaite de l'héroïne avant qu'elle ne perde soudainement tout. Ce que ne dit pas le film, c'est qu'elle n'est probablement pas si mécontente que quelque chose d'un peu nouveau, un peu excitant se passe enfin. J'ai 25 ans bordel. Je devrais être en pleine crise existentielle dans un appartement à l'hygiène douteuse dans un quartier bohème et jouer du banjo dans un girls band féministe. Or whatever it is millenials do these days. Mais ça n'a jamais été pour moi tout ça. Je ne fais pas dans le compromis, soit je suis dans une spirale d'auto-destruction de gosses de riches clichée, soit je me conforme à ce qui est attendu d'une fille de bonne famille. Cocaïne et coup d'un soir dans des toilettes sales du quartier nord d'Oxford ou appartement de luxe à Kensington avec job de rêve et petit ami Photoshopé. Pas que la première option me manque... Mais il y avait un peu plus de suspense quant au déroulement de mes soirées disons.

Ces temps-ci, je rentre, je raconte ma journée à Jason - quand il est là, ce qui n'est pas si courant, puisque gérer un bar requiert du travail de nuit conséquent - il me fait à manger ou nous commandons, on regarde le dernier drame britannique dont toute la critique parle et je m'endors dans le canapé, puis me réveille pelotonnée contre lui dans le lit. C'était agréable pendant un moment. Simple, sans complications. Ce que je voulais. Etais sensée vouloir. Ce qui m'ennuie à mourir. Ce soir est un peu différent, nous sortons. C'est la première fois depuis plus d'une semaine que nous allons nous voir plus qu'un quart d'heure dans la journée. Les employés du Carling ont apparemment tous décidés de jouer au petit con et ce qui devait être un client facile s'est transformé en monstre en jupons. Ce n'est pas rare qu'un dîner d'anniversaire prenne des proportions pharaoniques, mais cette chère Anne-Marie est clairement dans mon top trois de la connasse. Deux heures pour choisir entre deux serviettes beiges. Mais, tout s'est déroulé sans accroc et elle m'a même fait un chèque pour le traiteur, après avoir menacé de ne pas me donner un centime s'il y avait une once d'arachides dans le repas. Pas question d'annuler mon rendez-vous romantique donc. Pas que ça m'est traversé l'esprit. Ou alors, très brièvement.

Je sais que je dois faire des efforts, que c'est autant ma faute que la sienne. Peut-être plus, mais j'ai trop de mauvaise foi et d'ego pour pleinement l'admettre. Je fais dans l'insatisfaction chronique depuis toujours. Quand il est si facile d'obtenir ce que l'on veut, comment se satisfaire des plaisirs simples, prendre la vie comme elle vient ou je ne sais quel autre précepte hippie? Et Jason n'est pas devin. Evidemment, j'aimerai qu'il voit que je coupe rapidement court aux conversations, que j'initie et rejette nos ébats sans aucune cohérence, que je sors parfois seule dans les luxueux bars de Soho, connus pour être le fief des escorts et grands dealers du coin. Peut-être est-ce le cas, je n'en sais rien. La communication n'a jamais été notre fort. Et cette suggestion d'aller dîner dans l'un des plus beaux restaurants de la ville, son sourire lumineux, c'est un effort. Qui me touche, plus par son innocence et sa naïveté qu'autre chose. Mais je vais jouer le jeu. Je vais être présente, écouter, rire, profiter et me réjouir de simplement être avec l'home que j'aime. I'll try not to be such a huge arsehole. Le challenge de mon existence.

On frappe doucement à la porte et je me redresse brusquement. « J'arrive ! » Je retouche rapidement mon rouge à lèvres, enfile un manteau noir assorti à mes chaussures et attrape mon sac à main. J'embrasse doucement la joue de Jason en sortant de la chambre, passant une main appréciative sur son torse. « Don't you look dandy. » J'esquisse un sourire en coin et nous nous mettons en route, poussant le luxe et la fainéantise à prendre un taxi. Nous arrivons rapidement au Galvin at Windows et l'insupportable maître d - qui officie sur l'affreux programme de Channel Four où les gens vont à des premiers rendez-vous sous l'oeil des caméras - est heureusement absent. Je ne crois pas que j'aurais supporté sa ridicule barbe et son horripilant accent français. Je tolère ceux d'Andrea et Tristan uniquement par amitié et magnanimité. On nous installe à la table avec force de cérémonie et une fois le vin commandé et les menus ouverts, j'attrape la main de Jason à travers la table. « Merci pour... tout ça. Ca nous fera du bien, je pense. » Après tout, du vin, de l'excellente nourriture et pas d'autres choix que de discuter. Disons que ça ne peut pas faire de mal. Enfin, je l'espère en tout cas.
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MessageSujet: Re: Cause it's a beautiful night...   Cause it's a beautiful night... Icon_minitimeLun 9 Mai - 16:44

C'était le grand jour. Ou, plutôt, le grand soir. Non pas qu'il ait entouré ce jour-là d'un cercle rouge sur son calendrier, parce qu'après tout, il n'avait pas prévu de faire ça ce soir, précisément ‒ d'autant plus qu'il aurait été stupide de marquer ça, ne serait-ce que dans son agenda, Rose aurait pu tomber dessus. A vrai dire, il avait poussé la paranoïa jusqu'à cacher la bague entre les affaires de Figgins, histoire d'être sûr que Foster ne la trouverait pas par hasard.

Ah, right. La bague. Si on lui avait dit, quelques années plus tôt, qu'il finirait par perdre un après-midi dans une bijouterie pour une fille qui, à l'époque, peinait à se rappeler son prénom après trois mojitos, well, il aurait probablement ricané avant de rabattre la visière de son casque pour repartir à une nouvelle livraison de pizza. Seulement il n'était plus livreur pour Domino's et Rose Foster ne le considérait plus comme un simple booty call. Du moins l'espérait-il, puisqu'ils vivaient ensemble et qu'il avait l'intention de poser un genou à terre and all that jazz. Enfin, façon de parler. Il n'avait pas spécialement réfléchi à la manière de procéder. Il n'avait même pas réellement prévu de le faire à un moment précis, juste au bon moment ‒ ce qui amusait beaucoup Chandler d'ailleurs, toujours convaincu que Jason faisait là une erreur monumentale pour diverses raisons. Parce qu'ils étaient trop jeunes d'abord et qui diable se mariait à vingt-cinq ans maintenant ? Ce n'était peut-être pas très moderne, en effet, mais ce n'était pas ce qui arrêterait Jason. Les nerfs suffiraient peut-être à le faire, après tout.

Il s'était appliqué à ne pas sembler trop enthousiaste à la perspective de passer une soirée au restaurant, de peur que ça ne semble suspect. D'un autre côté, ils se voyaient si peu que ne pas réagir l'aurait probablement fait passer pour un parfait connard. Il s'était donc contenté de sourire béatement, notant mentalement qu'il faudrait qu'il récupère le sac de la bijouterie avant, idéalement lorsque Foster ne serait pas là. Elle s'étonnerait probablement de le voir récupérer un sac Boodles derrière le terreau destiné au terrarium de Figgins. Ce n'était pas le moment de gâcher la surprise.

Nerveux, donc, voire passablement anxieux, il avait eu bien du mal à nouer sa cravate en surveillant l'heure du coin de l’œil. Dieu merci, le dress code du Carling n'impliquait pas de débarquer en costume tous les jours ou en tout cas, pas pour lui, l'avantage de gérer l'endroit. Il regrettait vaguement l'époque où un pauvre jean et un blouson faisaient l'affaire pour aller bosser mais après tout, non, il n'était plus livreur de pizzas. Ce n'était pas une vocation, loin de là, mais il n'avait pas non plus imaginer devenir le gérant d'un bar après avoir passé des mois à jongler entre son emploi du temps chez Domino's et celui du Carling, à Oxford. Le changement était agréable, évidemment, surtout sur le plan financier mais il n'avait guère gagné en temps libre, bien au contraire. C'était la première fois depuis bien longtemps qu'il passerait un peu de temps avec Rose loin de leur canapé et des rediffusions de Real Housewives of Cheshire.

Il se décida finalement à sortir de la salle de bains après un dernier coup d’œil à la bague. L'étui refermé et installé au fond de sa poche, il inspira profondément et vint frapper à la porte de leur chambre. Rose ne tarda pas à apparaître et elle effleura sa joue d'un baiser, semblant de meilleure humeur qu'elle ne l'avait été lorsqu'il avait été question d'organiser cette sortie. Good, great even. « You don't look so bad yourself » plaisanta-t-il en souriant. Probablement pas la meilleure chose à dire pour préparer le terrain à la moindre demande en mariage mais après tout, Jason n'était pas un expert de la chose. Rose était sa première relation sérieuse, entre autres choses, et c'était déjà un miracle qu'il ait réussi à ne pas plonger la main dans sa poche en lâchant un embarrassant marry me, right there.

Le trajet en taxi lui sembla long, bien plus long qu'il ne l'était vraiment et il eut le plus grand mal à maîtriser les soubresauts de sa jambe droite, agitée par un tic nerveux tout à fait inhabituel ‒ but then again, c'était la première fois qu'il s'apprêtait à demander une fille en mariage. Et ce n'était pas n'importe quelle fille. Foster était, well, irritante, sarcastique et vaguement tyrannique. Il ne rigolait qu'à moitié lorsqu'il disait qu'elle l'effrayait parfois.

Il se laissa guider jusqu'à leur table sans un mot, conscient qu'il allait devoir faire un effort s'il ne voulait pas avoir tout du mec qui aurait donné cher pour ne pas être là. Parce qu'il avait envie d'être là, vraiment, même s'il n'était clairement pas dans son élément. Ceci dit, malgré toute la nostalgie qui entourait l'endroit, Rose n'aurait probablement pas apprécié qu'il l'emmène manger un burger chez McDo. And it was fine, they had memories here too, so. Il réalisa qu'il la fixait stupidement au lieu de se concentrer sur son menu et, s’éclaircissant la gorge, il baissa les yeux sur la liste des plats aux noms tous plus ridicules les uns que les autres ‒ au moins, chez McDo, il comprenait ce qu'il commandait. Il se redressa en sentant sa main sur la sienne et croisa son regard en souriant. « Je pense aussi, oui. Enfin, je n'ai rien contre une pizza avec toi devant la télé non plus, évidemment, mais on ne sort pas beaucoup, alors... » Il ignorait totalement où il comptait aller avec cette phrase et, par bonheur, son téléphone l'interrompit, vibrant contre sa cuisse. Jason baissa les yeux et lâcha la main de Rose pour l'éteindre. Il lut brièvement le nom de Chandler sur l'écran avant que celui-ci ne s'obscurcisse. Mieux valait ne pas lire ce que son meilleur pote avait à dire ce soir. Probablement une blague débile et des encouragements tout aussi idiots. Pas le moment de ricaner bêtement donc. « Désolé, je l'éteins. J'ai oublié de le faire en partant. C'est juste Chandler, c'est pas… pas important » Le monde n'allait pas s'écrouler s'il laissait son portable de côté pour une soirée. Et si par hasard le Carling s'effondrait, brûlait ou toute autre joyeuseté, well, il réglerait ça avec Faure et son assurance. « Voilà, I'm all yours » fit-il, reprenant sa main avec un peu trop d'empressement. Focus Jason, ce n'était pas le moment de tout faire foirer. « Tu as choisi ? » demanda-t-il ensuite, sentant le silence gênant poindre. Ce n'était pas comme s'il n'avait rien à lui dire, because he did. Il n'avait aucun mal à faire la conversation, surtout pas avec elle, mais ce soir, les choses semblaient un peu différentes. Un peu trop pour que ça n'instille pas un soupçon de malaise et c'était la dernière chose que Jason désirait.


Dernière édition par Jason M. Baker le Lun 20 Juin - 12:23, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Cause it's a beautiful night...   Cause it's a beautiful night... Icon_minitimeSam 11 Juin - 16:19

Quelque chose ne va pas. Comme quand on rentre chez soi et qu'il y a une petite odeur dans l'air et que l'on se rend compte avec effroi que le gaz est resté ouvert. Juste un peu, juste assez pour distiller un rien de toxicité dans son environnement. C'est exactement ce que je ressens en ce moment. J'ai envie d'ouvrir en grand la fenêtre, pour que le malaise s'évapore et respirer enfin correctement. Mais ma poitrine reste oppressée, l'atmosphère est toujours lourde et polluée. Et ce qui m'embête le plus, c'est que ce n'est pas juste moi, traînant mon spleen jusque dans notre rendez-vous en tête à tête, le premier depuis des semaines. Jason est nerveux. Je l'ai senti au moment de quitter la maison, devant son noeud de cravate légèrement de travers et le tremblement de sa jambe, qu'il a essayé de dissimuler tant bien que mal. Mais je le connais trop bien. Je sens qu'il y a quelque chose qui cloche. Et son bavardage creux, sans l'ombre d'une mauvaise blague ou d'un commentaire sur le luxe surfait des lieux, n'est pas pour me rassurer. Là, je lui ai tendu une perche pour qu'il se foute de moi et dise un truc mignon en même temps. Ce qu'il aurait normalement fait spontanément. Mais là, il bavasse, patauge dans une conversation bateau et superficielle qui ne lui ressemble pas. L'interruption de la vibration de son téléphone offre un changement de sujet bienvenue, qui n'atténue toutefois en rien l'ambiance tendue. Sa politesse guindée me met mal à l'aise à mon tour et je m'attends presque à ce qu'il passe une main derrière sa nuque et m'appelle par mon prénom. Les deux signes incontournables que les choses ont pris un tournant pour le pire.

Nous n'en sommes peut-être pas encore là, mais je ne suis tout de même pas rassurée. La lassitude - et légère culpabilité en découlant - que je ressentais jusqu'alors sont désormais remplacés par de l'appréhension, voire une certaine crainte. Est-ce qu'il a quelque chose à me dire? Est-il arrivé quelque chose? A Chandler? Il s'est peut-être disputé avec lui, vu la façon dont il a ignoré son message. Ca ne lui ressemble pas vraiment, ces deux là sont pire que cul et chemise. Non, si ça avait été ça, il me l'aurait dit dès le début, rouspétant et secouant son téléphone, en faisant les cent pas dans le salon. Il se serait remonté, je lui aurais dit qu'il s'emportait pour rien, qu'il fallait qu'ils parlent à tête reposée, de ne pas gâcher leurs années d'amitié. Et ça serait résolu tout seul. De manière générale, si ça avait un sujet grave, relatif à sa famille ou au travail, il ne me l'aurait pas annoncé autour d'un dîner romantique. Jason est un peu moins socialement handicapé que moi et a tendance à aller droit au but avec ses choses là. Il a le mérite d'être pragmatique, il m'aurait informé rapidement et nous aurions cherché une solution. Alors, pourquoi cette mine gênée dans ce contexte? Il y a clairement un truc qui m'échappe, qu'il ne me dit pas.

Je me contente toutefois de répondre par un sourire et fermer le menu sans vraiment l'avoir regardé « Je vais prendre le homard, je pense. Et toi? » Que de banalités. Je ne parviens pas à me défaire de cette terrible sensation que j'ai manqué un signe, qu'un truc gros comme une maison va me tomber sur le coin de la figure et que je n'aurais rien vu venir. Je déteste les surprises. J'aime être préparée, envisager toutes les éventualités. C'est ce qui me rend étonnamment douée dans mon métier, malgré mon manque apparent de qualifications. Je n'ai peut-être pas fait de business school, mais j'ai été une gosse de riches populaire à Oxford, que ce soit naviguer des toiles sociales complexes ou organiser la fête du siècle en trois jours, je peux tout faire. Parce que j'anticipe, je sais très bien lire les gens. Je sais d'entrée de jeu qui sera facile à vivre, qui sera insupportable et comment les convaincre de faire ce que je veux, en leur faisant croire que c'est leur idée depuis le début. C'est là tout le secret dans l'organisation d'événement, ce que j'ai véritablement compris il y a seulement quelques mois. Sourire, hocher la tête, suggérer, montrer mais ne jamais, ô grand jamais, donner de directives.

Tristement, ce talent pour plier les gens et la réalité à ma volonté ne s'applique absolument pas à ma vie personnelle. Que ce soit ma famille éclatée, mes amitiés loyales mais dispersées ou mon couple. Nous avons fait du chemin depuis l'époque où je refusais d'être vue en sa compagnie au Carling, mais il n'empêche qu'il est celui avec lequel je peux le moins prévoir, savoir. C'est ce qui m'a longtemps terrifiée, sans doute. One hell of a blind spot. A pretty one, but still. Même Calixte, l'insoumis, l'inconstant, n'est pas en mesure de me prendre de court comme le peu Jason. Alors, cet évident poids qui flotte dans l'air, ce non-dit qui prend des proportions éléphantesques, me remplit d'angoisse. Et mon cerveau tourne à mille à l'heure, essayant d'envisager plusieurs scénarios. Il se peut qu'il soit simplement un peu nerveux de notre premier vrai rendez-vous depuis belle lurette, que ce soit son petit côté romantique et attentionné qui s'inquiète que je passe une bonne soirée. Mais ce n'est pas vraiment mon genre de voir les choses sous un angle aussi positif.

Non, je vois dans ce dîner nostalgique, ce cérémonial, cette tension, l'annonce d'une rupture. Ou pire, d'une pause, ou tout autre euphémisme qui signifie "je ne peux plus être avec toi et je ne sais pas comment te le dire." Ce n'était qu'une question de temps après tout. Je suis exigeante, inaccessible, arrogante, réservée. En un mot - enfin, deux - particulièrement chiante. Et même s'il m'aime, ce que j'ai fini par plus ou moins accepter, ça ne fait pas tout. Il y a un monde entre aimer quelqu'un et vivre avec lui, accepter ses défauts au quotidien, passer outre les emplois du temps surchargés, la distance inexpliquée, les rapprochements soudains, le chaud et le froid. Je comprendrais que ce soit trop, que ce soit devenu insupportable. Je ne pourrais même pas lui reprocher de ne pas avoir essayé, il a tenu bon, le pauvre bougre. Le perdre me ferait plus de mal - aussi bien au coeur qu'à l'ego - que je ne serais jamais prête à l'admettre. Mais je m'en remettrai. Et cela m'autoriserait à m'enfoncer dans mon petit passage à vide, reprendre de mauvaises habitudes, me retirer dans mon inébranlable forteresse de solitude. J'en suis capable. Je survivrai. Je suis une Foster, après tout.

Je plaque donc un sourire sur mon visage, qui n'a rien à envier aux plus belles grimaces de ma grande soeur. Et si je veux bien me faire larguer en grandes pompes - il faut admettre qu'il y aura mis les formes, même s'il y a une certaine cruauté ou lâcheté à faire ça en public - je ne compte pas attendre le dessert. Nous commandons donc auprès du serveur bien trop courtois et je plante mes prunelles dans celles de mon petit ami. Prenons le taureau par les cornes. « Qu'est-ce qui se passe Jason? Tu as l'air nerveux depuis qu'on est partis, les gens de la table d'à côté doivent craindre un tremblement de terre vu tes tremblements. Alors dis-moi ce qu'il y a. » Ma voix est aussi neutre que possible, mais il y a une évidente urgence dans mon ton, ma gorge s'est resserrée et je n'en mène pas large, malgré mon beau discours. Mais quoi que ce soit, qu'on en finisse rapidement.
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MessageSujet: Re: Cause it's a beautiful night...   Cause it's a beautiful night... Icon_minitimeLun 20 Juin - 19:02

S'il existait un award de l'awkwardness during date night, Jason aurait probablement coiffé au poteau tous les amateurs de Tinder et autres victimes des rencards arrangés par un tiers. Il sentait bien que quelque chose n'allait pas et malgré toute la bonne volonté du monde, il ne parvenait pas à retrouver la facilité avec laquelle il se comportait d'ordinaire avec Rose. Avec la chance qu'il avait, elle avait probablement compris elle aussi qu'il n'était pas dans son état normal. Elle était suffisamment fine pour ça et, après tout, ils commençaient à se connaître plutôt bien. Du moins l'espérait-il. Puisqu'il s'apprêtait à lui demander sa main et tout ça. Oh god. Il faisait chaud dans ce stupide restaurant. Ou peut-être commençait-il à étouffer sous la nervosité, engoncé dans un costume qui lui semblait tout avoir du déguisement grotesque pour un type comme lui. Il était bien plus habitué aux cartons de pizza et aux rendez-vous galants chez McDo, qu'à un restaurant étoilé et ‒ que voulait-elle ? Du homard ? God. Il avait beau la fréquenter ‒ terme à utiliser avec précaution, évidemment ‒ depuis plusieurs années, Jason avait encore du mal à se faire à tout ça. C'était précisément ce genre d'occasions qui lui rappelait qu'ils ne venaient pas du tout du même monde. Et pourtant, il était allé chercher une bague, avait sauté dans une chemise immaculée et il se tenait là, à scruter le menu dans l'espoir d'y trouver l'inspiration pour lui expliquer ce qu'il avait sur le cœur. Ou dans la poche. Same difference, really. « Du bœuf, lâcha-t-il après un moment, réalisant que la question de Foster appelait une vraie réponse et non un murmure inintelligible d'assentiment. Oui, du boeuf, c'est très bien. Les fruits de mer, très peu pour moi » Il lui sembla entendre Chandler ricaner au loin, une vanne graveleuse au bord des lèvres, mais ce n'était décidément pas le moment de penser à son meilleur pote ni à son humour particulier pour lequel Jason avait d'ordinaire une certaine affection. Il referma le menu, un rien trop sèchement, et s'appliqua à sourire. Il suffisait de ne pas penser à l'écrin posé dans sa poche, voilà tout. Easier said than done, of fucking course.

Le serveur le sauva momentanément du silence gênant qui menaçait de s'installer durablement et, soulagé, Jason se laissa aller à regarder sa petite-amie un instant, oubliant presque de commander à son tour. Le type repartit, hélas, aussi vite qu'il était arrivé, non sans emporter les menus et cet instant de grâce au cours duquel Jason avait oublié pourquoi il était là et ce qu'il s'apprêtait à faire. Il aurait été bien plus simple d'oublier cette histoire, de remettre ses plans à plus tard, tant ses nerfs étaient mis à rude épreuve mais aussi stressé qu'il était, Jason avait envie de sortir cette stupide vague en mettant un genou sur un sol qui valait certainement deux ans de son salaire sous les yeux d'une bande d'inconnus en âge d'être ses parents. Il aurait pu le faire la semaine passée, quand Foster lui avait sèchement aboyé de faire moins de bruit lorsqu'il était rentré à presque quatre heures du matin. Ou même à Noël, lorsqu'il l'avait vue résister tant bien que mal à l'envie de fuir à toutes jambes devant l'ouragan qu'était sa mère ‒ l'idée n'avait pas encore tout à fait germé dans sa tête à ce moment-là mais not the point. Il aurait pu faire sa demander n'importe où, n'importe quand, mais Foster n'était pas le genre de filles à qui on demandait de l'épouser pendant la pause pub de Real Houseviwes of Cheshire. Elle méritait un peu plus de classe. Le Galvin, donc, où Jason était littéralement en train de crever d'angoisse. Quelle merveilleuse idée il avait eu là.

Aussitôt la commande passée, Rose reporta son attention sur lui et il eut soudain l'impression d'avoir été pris en flagrant délit d'un crime honteux. Instinctivement, il recula sous l'intensité de son regard, livide. Ses questions n'étaient pas pour le rassurer et, stupidement, il baissa les yeux sur son genou qui continuait de trembloter joyeusement, seule manifestation physique incontestable de son stress. Great, elle avait remarqué ça. Awesome. Vaguement contrit, il croisa les chevilles sous sa chaise, espérant que personne ne remarquerait que ses chaussettes étaient parfaitement dépareillées ‒ un complot de leur lave-linge qu'à vingt-cinq ans, il ne parvenait toujours pas à déjouer. « Je vais bien. Tout va bien. Très bien même » tenta-t-il, pourtant conscient que le ton de sa voix ne tromperait personne, surtout pas Rose Foster. Il n'avait jamais été très doué pour garder un secret anyway. « C'est la fatigue » fit-il ensuite et ça ressemblait bien plus à une question qu'à une réelle explication. Il n'irait nulle part avec ça, maintenant qu'elle avait attaqué le problème si frontalement. Même si, ok, il n'y avait aucun problème, excepté le stress grandissant qui agitait ses membres au point d'en faire presque trembler la table.

Jason inspira profondément, fuyant toujours le regard de Foster. C'était le moment, right there and then. Il s'éclaircit la gorge, priant presque pour que leur conversation n'attire pas l'attention des autres clients ‒ wishful thinking, probably, parce qu'à la seconde où il sortirait cette foutue bague, ils deviendraient probablement le centre de l'attention. « Rose » L'appeler par son prénom était tellement, tellement étrange. Un peu bizarre, peut-être, pour quelqu'un prêt à mettre un genou à terre mais après tout, ils n'avaient rien de très normal. Anyways. Back to the point. « Foster, répéta-t-il, la voix plus assurée cette fois. J'ai quelque chose à te dire et believe me, j'aurais préféré faire ça chez nous mais en même temps, ici, tu pourras difficilement essayer de m'assassiner discrètement, right ? » Il tenta de rire, ne parvenant qu'à laisser échapper un ricanement étranglé qui ressemblait vaguement à un aboiement plaintif. « Bref, mh. Ça fait un certain temps qu'on se connaît maintenant et, mh... » Était-il sensé être plus précis ? Il était définitivement sensé être plus précis. Peut-être aurait-il dû préparer ce petit speech à l'avance. « Et clairement, ça n'a pas été facile, still isn't, really. Tu n'es clairement pas la fille la plus facile à vivre et pourtant j'ai de l'entraînement. Tu as vu ma mère, tu connais mes sœurs, j'étais sensé être préparé à plus ou moins n'importe quoi. Ou n'importe qui. Sauf toi, apparemment » Et c'était loin d'être un euphémisme. « Et j'adore ça, je veux dire, je t'aime. Comme un dingue. Même si tu m'engueules quand je fais trop de bruit en rentrant du boulot et que tu n'apprécies toujours pas Figgins » Ce qui aurait été une raison suffisant pour rompre avec une autre fille, évidemment. « Alors peut-être que c'est trop rapide, je sais pas, je fais pas ça tous les jours en même temps mais- well, je pourrai le faire tous les jours si c'est ce que tu veux. I don't mind, as long as you're here to listen » And say yes, hopefully, mais mieux valait-il ne pas être trop optimiste. Question de malchance and all that. « Shit » grogna-t-il, peinant à extirper de sa poche la fameuse boîte. Il réprima tant bien que mal une quinte de toux nerveuse et, finalement, parvint à sortir la bague qu'il déposa sans plus de cérémonie sur la table entre eux. Ça semblait presque drôle à présent, qu'une si petite chose représente tant et fut si angoissante. Presque, keyword.
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