RPG ♦ I'd like to make myself believe that planet Earth turns slowly

« Redmund. Ton coude. » Je retiens un grognement boudeur, résistant à l'envie de m'étaler encore plus sur la table, alors que ma mère me lance un regard menaçant. Mais j'ai beau être un adolescent de dix-sept ans, je n'ai pas le courage de me disputer encore une fois avec elle. Vous me direz, ça ne serait que la cinquième fois aujourd'hui, mais je ne suis pas du genre à chercher les emmerdes, même avec elle, c'est juste que je ne peux pas l'empêcher, nous sommes incapable de nous entendre. Mais ça n'empêche que j'ai horreur de nous entendre hausser le ton. Je suis plutôt du genre discret, comme mec. Timide. Le genre qui rougit comme une tomate trop mûre quand une jolie fille lui sourit. Ça va, hein, pas la peine de vous moquer, je vous vois venir. C'est pas ma faute, ok? Les hormones et tout le délire. « Redmund! » Je lève la tête vers ma mère et lui lance un regard noire. « Quoi?! Mon coude est plus sur la table que je sache! » Elle serre les poings autour de ses couverts. Je serre le poing autour du morceau de pain que je tiens dans la main, et quelques miettes tombent dans mon assiette. « Peut-être pas, mais tu es complètement avachi! Tiens-toi correctement pour l'amour de Dieu! » Je n'en fais rien, et mon regard croise celui de mon père. « Red, s'il te plait. » me supplie t-il d'une voix calme. A l'entente de mon surnom, la seule façon dont j'accepte qu'on m'appelle – même si ma mère, bien évidemment, n'en a rien à faire – je me détend et me redresse. Le soulagement s'affiche sur son visage. Le pauvre se retrouve toujours pris entre deux feux, je peux comprendre qu'il en ai marre. Mais ce n'est pas ma faute si ma mère est un tyran, aussi. Et le fait qu'elle ai passé sa vie en pension n'est pas une excuse. Sa meilleure amie, Jane, est dans le même cas, ça ne l'empêche pas d'être quelqu'un de drôle et détendu. Sérieux, je ne comprends même pas comment un homme aussi calme et discret que mon père ai pu épouser une harpie pareille.
Bon, ok, j'y vais un peu fort, je l'avoue. J'aime ma mère, je ne dis pas le contraire. Mais c'est juste qu'elle est bien trop stricte, parfois. J'ai besoin d'air. Et c'est exactement ce que va me procurer la décision que j'ai prise. « Papa, maman... » Silence. Signe que je peux continuer. Je prends une grande inspiration, les mains moites, le cœur battant à la chamade. « J'ai... J'ai décidé de déménager en Angleterre, l'année prochaine. A... A Cambridge, plus précisément. Je... J'ai envie d'étudier la socio là-bas. J'ai demandé à mes professeurs... Ils sont certains que je serais accepté. Ce n'est... Ce n'est qu'une question d'argent. » je murmure d'une voix hésitante. Je fixe mon assiette, mal à l'aise, attendant un commentaire acerbe qui ne vient pas. Je relève la tête pour voir ma mère qui me sourit, une étincelle que je n'ai jamais vu avant dans son regard. « Je suis fière de toi, Red. » dit-elle finalement. Le fait qu'elle utilise mon surnom, encore plus que le fait qu'elle emploie le mot 'fière' en parlant de moi dans sa phrase, me fait ouvrir grand la bouche. « Qu... Quoi? Je veux dire... comment? » Mon père éclate de rire. « Tu as bien entendu! » Ma mère sourit un peu plus, et me fait un petit signe de la tête. « Cambridge est l'une des meilleures universités au monde. Le fait que tu décide par toi-même d'y aller, malgré le niveau et la distance, me rend plus que fière de toi. Et le fait que tu ai de grandes chances d'y être accepté me rend encore plus fière d'être ta mère, Red. » finit-elle par m'expliquer. « Sache néanmoins que même si tu n'es pas pris, nous sommes quand même fiers que tu sois notre fils. » ajoute mon père pour faire bonne mesure. Ma mère acquiesce d'un signe de la tête, toujours souriante. Je me détends brusquement. Pour la première fois depuis longtemps, nous sommes sur la même longueur d'onde.


« Alors? » Je relève la tête, croise son regard curieux et sens le rouge me monter aux joues. Tout en maudissant ma peau trop pâle, j'affiche l'air le plus innocent possible. « Alors quoi? » Un sourire narquois apparaît sur ses lèvres, un sourire que je connais bien et qui, je le sais, ne présage rien de bon. « Ne fais pas celui qui ne comprend pas. » Je hausse les épaules. Oh si, j'ai bien l'intention de faire celui qui ne comprend pas. Un grognement lui échappe, et je retiens un sourire. « Mon 'alors?' sous-entendait un 'toujours gay?' derrière, idiot! » finit-elle par me lancer en levant les yeux au ciel, l'air agacé, même si je vois bien qu'elle retient avec difficulté un sourire amusé. Je grimace et commence à jouer avec mon t-shirt, mal à l'aise. « Humf... oui... » je murmure en me mordant la lèvre, mort de honte. Ses yeux pétillent de malice. « Comment? Je n'ai pas bien entendu, tu peux répéter? » Je lui lance un regard furibond. « Oui! » je répète, plus fort cette fois. Elle éclate de rire et je lui lance un nouveau regard noir. « Ah, mon cher Redmund, dans quelles emmerdes tu t'es mis! » Je serre des dents et me retiens de lui balancer un oreiller sur la figure. « Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça. » je grommèle en appuyant fortement sur chaque syllabes, signe de mon agacement. « En, plus c'est entièrement ta faute! » je m'exclame en toute mauvaise foi. « C'est toi qui m'a conseillé de ne rien lui dire! C'est de ta faute si elle me croit gay! » C'est vrai. Bien évidemment, j'aurais du démentir dès le début, mais c'est elle qui m'a persuadé de continuer à prétendre aimer les hommes pour pouvoir me rapprocher d'elle. Soit-disant que toutes les femmes ont besoin d'un ami gay pour les soutenir. Pff. Bullshit. Maintenant, grâce à elle, je suis plongé dans mon mensonge jusqu'au cou et je n'ai aucun échappatoire possible. Quoi que je fasse, je la perdrais parce que je lui ai menti. Elle me haïra pour ça.
La situation n'est vraiment pas drôle, pas du tout, contrairement à ce que semble croire ma coloc qui se tient les côtes avec difficulté, partie dans un fou rire bruyant et interminable. Je lui en veux toujours affreusement, je vous le jure. Mais je ne peux pas rester fâché contre elle bien longtemps, et l'envie de la taquiner un peu est trop forte – ça sera ma vengeance. « T'as autant de grâce qu'un éléphant enrhumé quand tu ris, Ivy. » je lui lance avec un rire mauvais. Cela a le mérite de la stopper nette. Elle se redresse et me lance un regard meurtrier. Je me contente de lui sourire le plus innocemment du monde, même si intérieurement, je me délecte de la scène. « Qu'est ce que tu as dit?! » s'écrie t-elle, sa voix montant dans les aigus à cause de l'indignation. Un petit rire m'échappe. « Je crois que tu m'as parfaitement entendu. » je lui lance avec un sourire narquois. « Redmund Paul Geileis... murmure t-elle, l'agacement perceptible dans sa voix, tu vas me le payer! » s'exclame t-elle en attrapant un coussin et en commençant à me frapper avec. J'éclate de rire et attrape rapidement de quoi me défendre avant de contre-attaquer, mes problèmes de filles enfouis pour le moment au fin fond de mon esprit.

→ Ton heure de gloire est enfin arrivée, un producteur de cinéma vient de te remarquer dans la rue et te propose de devenir la star de son nouveau film. Que lui dis-tu ? Ouhlà non, ça n'arrivera pas. Je suis sans doute le pire acteur de la décennie, vous ne voulez vraiment pas me voir sur scène, ou devant la caméra. Croyez-moi.

→ Une pauvre fille en pleurs chante All by myself avec son cornet de glace à la vanille en plein de milieu de la rue retournant tous les regards sur son passage, y compris le tien. Ta réaction ? Je me contente de la dévisager avant de me rendre compte que ça ne se fait pas et de rougir comme une tomate, confus. Puis je m'enfuis. Littéralement.

→ Ton(ta) cousin(e) t'avoue sous l'emprise de l'alcool son attirance pour toi, et tente de t'embrasser. Premières impressions à chaud ? Réactions à froid ? A chaud, je le repousse. A froid, je l'évite comme la peste, je pense.

→ Ton idée du parfait samedi soir : une soirée arrosée au Carling à Oxford, une nuit de folie au Fez Club de Cambridge, une sortie au théâtre de Londres ou une soirée geek avec plat commandé et partie de jeux vidéos avec tes meilleurs potes ? Je sais pas trop... Ça dépend de mon humeur du jour, j'imagine.

→ T'es au confessionnal, tu peux avouer ta pire faute, ou encore un secret particulièrement pesant que tu n'aimerais pas voir révélé. Que dis-tu au père Patrick pour te soulager la conscience ? Que je prétend depuis des semaines être gay auprès de la fille la plus fabuleuse que j'ai jamais rencontré et dont je suis complètement et irrémédiablement amoureux, et que ça me tue parce qu'elle ne me pardonnera jamais de lui avoir mentit quand elle l'apprendra.

→ Le père Patrick était en fait un vrai sociopathe fan de Pretty Little Liars, et t'envoie un sms anonyme où il vous demande de choisir entre un secret révélé qui pourrait anéantir ta réputation ou briser ta famille, et de voler la bague de fiançailles Cartier d'un de vos amis. Après mûre réflexion, qu'est-ce que tu choisis ? Je choisi de voler la bague. La famille avant tout.

→ C'est le mec (la fille) de tes rêves, tu en es persuadé(e) et pourtant, celui(celle)-ci est en couple avec quelqu'un d'autre. Tu te la joues résigné(e), stratégique, ou éploré(e) ? On veut les détails ! Résigné. Je ne suis pas le genre de gars qui cherche les ennuies, et si elle est heureuse, alors je n'ai pas à venir déranger son couple. De toute façon, je serais probablement trop timide pour l'aborder, donc...

→ Dans dix ans, je me vois bien ouvrir un resto spécialité moules frites avec Camille Jules Martin, marié, six gosses et à l'origine d'une toute nouvelle sauce roquefort-épinards et toi, des projets pour l'avenir ? Probablement finir mes études, trouver un boulot. Si possible retourner en Irlande et faire ma vie là-bas, mais on verra bien ce que l'avenir me réserve!

→ Et enfin, honnêtement, entre truth ou dare, qu'est-ce que tu préfères ? (oui ça rime !) Truth

→ En pleine soirée baby-sitting, l'adorable petite fille aux cheveux blonds que vous gardez s'installe sur vos genoux et vous demande, d'un air suppliant : « Moi plus tard, je veux être la Reine d'Angleterre. Papa m'a dit que pour pouvoir le faire, il fallait aller à l'université. Mais il a dit aussi qu'il fallait choisir entre Oxford et Cambridge, parce que ce sont elles les meilleures d'Angleterre. A ton avis, il vaut mieux apprendre à devenir Reine à Oxford, ou à Cambridge ? » Cambridge! C'est sans hésiter la meilleure université d'Angleterre. C'est pour ça que j'ai choisi de quitter mon pays pour y étudier, d'ailleurs!

→ Après avoir écouté votre argumentaire, elle s'interrompt une seconde et fronce étrangement le nez. « Mais, au fait, qu'est-ce que c'est, le Judging Club Cambridge ? » C'est un groupe de personne qui vise la perfection. Pour cela, ils jugent chaque élèves de Cambridge et établissent une sorte de classement qui montre quels élèves répondent à leurs critères, très exigeants, et quels élèves sont à la ramasse, risquant ainsi la réputation de l'université.

→ « Aaaah, d'accord. Je comprends mieux. Et les TroubleMakers, alors ? C'est la même chose ?» Ouhlala non, pas du tout! C'est au contraire tout l'inverse! Les TM prennent un malin plaisir à mettre le bordel à Oxford. Personne n'est épargné là-bas, pas même les profs!

→ « C'est bien compliqué tout ça. Mais alors, si je choisis Cambridge et que finalement je préfère Oxford, j'ai le droit de changer en cours de route ? » J'imagine que oui... Certaines personnes le font en tout cas. Après, je ne vois pas pourquoi tu voudrais quitter Cambridge mais bon...

→ « Hm... Bon. Ca m'avance pas beaucoup. Mais en même temps, j'ai le temps. »